Chapitre 4

Aspen était encore accablé par la douleur et la perte de son meilleur ami, Mark. Le café où il s'était réfugié après la confrontation de l'entrepôt était un refuge temporaire contre la cruauté du monde extérieur. Le café était modeste, l'odeur des croissants et du café flottant dans l'air, mais pour Aspen, rien ne semblait pouvoir alléger le poids sur ses épaules.

Il était assis, la tête entre les mains, cherchant à calmer l'orage de sentiments qui l'habitait. Le bruit de la clochette à l'entrée du café attira son attention, et il leva les yeux pour voir Jena entrer. Elle n'était plus recouverte de sang comme lors de leur affrontement avec les vampires ennemis. Elle avait pris le temps de se changer, portant une tenue noire élégante, et ses cheveux étaient tirés en arrière, révélant un visage impassible. Tout en elle respirait le contrôle et la froideur.

Aspen se leva d'un bond, la colère refaisant surface. « Alors, tu es revenue après t'être changée, comme si de rien n'était, » lança-t-il, sa voix tremblant sous l'émotion. « Tu as eu le temps de te faire toute propre alors que tu as tué de sang froid et que Mark est mort. Pourquoi ne pas être intervenue plus tôt ? Pourquoi ne pas avoir fait quelque chose pour le sauver ? »

Jena resta silencieuse un moment, son regard froid planté dans celui d'Aspen. Puis, calmement, elle s'assit en face de lui, posant son sac sur la table comme si tout était parfaitement normal. « La violence est notre seule arme, Aspen. Mon clan ne peut survivre que par la force. Si je suis intervenue si tard, c'est parce que c'est ainsi que fonctionne notre monde. Nous imposons notre pouvoir par la peur et la domination. C'est la seule façon de maintenir l'ordre et de protéger notre territoire. »

Aspen serra les poings, sa colère s'intensifiant à mesure qu'elle parlait. « Protéger votre territoire ? À quel prix, Jena ? Tu laisses des gens mourir pour prouver ta force, et tu appelles ça de la protection ? »

Jena le fixa de son regard glacial, ses yeux perçants dénués d'émotion. « Ce n'est pas par choix, Aspen. Tu le sais peut être mais nous sommes quatre clans, chacun dirigé par un chef, chacun aidé par un bras droit, comme moi, et cinq conseillers. Notre existence est une rébellion contre le roi des vampires. Nous refusons de vivre enfermés dans son monde. Pour survivre parmi les humains, nous devons rester cachés, mais aussi montrer que nous sommes prêts à tout pour protéger notre secret et notre territoire. »

Aspen fronça les sourcils, perplexe. « Quatre clans ? Qu'est-ce que tu racontes ? Pourquoi me dis-tu tout ça ? »

Jena sembla hésiter un instant, comme si elle réalisait qu'elle en disait trop. « Je ne sais pas pourquoi je te le dis, Aspen. Peut-être que je veux que tu comprennes. Ou peut-être que je veux que tu saches à quel point notre monde est impitoyable. Les quatre clans - les Ravenwood, les Blackthorn, les Nightshade, et les Vexwood - lutte pour leur propre survie et leur propre pouvoir. Nous sommes ennemis parce que c'est la seule manière de résister au roi. Nous ne pouvons pas nous permettre de montrer la moindre faiblesse. »

Aspen resta silencieux, réfléchissant à ses paroles. « Et où cela te mène-t-il, Jena ? À tuer sans raison ? À vivre dans la peur constante des autres clans et de ce roi dont tu parles ? »

Jena hocha la tête, l'ombre d'un sourire cruel apparaissant sur son visage. « C'est la réalité de notre existence. Chaque mouvement, chaque décision est un jeu de pouvoir. Nous ne pouvons pas nous permettre de faiblir. Si je n'avais pas réagi comme je l'ai fait, les Blackthorn auraient vu cela comme un signe de faiblesse. Et la faiblesse dans notre monde signifie la mort. »

Aspen baissa les yeux, la douleur se mêlant à la colère. « Alors tu n'es qu'un pion dans ce jeu de pouvoir, obligé de suivre les règles sans poser de questions. »

« Non, » répliqua Jena avec une froideur mordante, « Je suis bien plus qu'un pion. Je suis le bras droit de mon frère, Darius, chef des Ravenwood. Mais je suis aussi soumise à lui. Mon rôle est de maintenir notre clan en sécurité et de nous assurer que personne n'ose nous défier. Mais tout cela, je le fais sous ses ordres. Darius est impitoyable, et dans notre clan, la règle est simple : tuer ou être tué. Si je faiblis, c'est ma tête qui tombera. »

Aspen la fixa, une lueur de désillusion dans les yeux. « Tu parles de survie, mais tout ce que je vois, c'est de la cruauté. Tu aurais pu intervenir avant, sauver Mark. Mais tu as choisi de rester en retrait, de les laisser nous attaquer. Pour prouver quoi, Jena ? Que vous êtes les plus forts ? »

Jena resta de marbre, ses yeux impassibles. « C'est la loi du plus fort, Aspen. Si je montre la moindre faiblesse, c'est mon frère qui paiera les conséquences, et par extension, tout mon clan. Nous ne sommes pas ici pour protéger les chasseurs. Nous ne protégeons que nous-mêmes. »

Aspen se redressa, son visage exprimant le dégoût. « Tu as massacré ces vampires avec une cruauté sans nom. Tu leur as arraché le cœur, les mains couvertes de sang. Et tu veux me faire croire que tout ça, c'est pour protéger ton clan ? Que c'est par pure loyauté?»

Jena haussa les épaules, indifférente. « C'est exactement ce que je veux que tu comprennes. Dans ce monde, c'est tuer ou être tué. Et si tu n'es pas prêt à faire le nécessaire, alors tu n'as aucune chance de survivre. »

Le silence retomba entre eux, aussi lourd et oppressant que la réalité qu'ils venaient d'évoquer. Aspen laissa échapper un soupir, las et désabusé. « Je ne sais pas si je pourrai jamais comprendre ton monde, Jena. Mais je sais une chose : je ne suis pas comme toi. Je ne peux pas vivre avec autant de sang sur les mains. »

Jena le regarda partir sans un mot, son expression toujours aussi impénétrable. Peut-être qu'elle avait voulu lui montrer la réalité de son monde, ou peut-être qu'elle avait simplement cherché à justifier ses actes. Quoi qu'il en soit, Aspen était maintenant confronté à une vérité qu'il ne pouvait plus ignorer.

Jena, cependant, n'avait pas fini. Ses yeux, plus durs que jamais, se posèrent sur la porte par laquelle Aspen venait de sortir. « Je suis soumise à mon frère, » murmura-t-elle pour elle-même, une pointe d'amertume dans la voix. « Darius est impitoyable, et je dois suivre ses ordres, ou bien je serai la prochaine à tomber. Tuer ou être tué, c'est la règle d'or des Ravenwood. »

Elle regarda un instant par la fenêtre, le visage impassible. La violence était la seule langue que son monde connaissait, et malgré tout, une partie d'elle se demandait pourquoi elle avait ressenti le besoin de dire tout cela à Aspen. Elle secoua la tête, se reprenant. Ce moment de vulnérabilité ne pouvait pas durer.

Elle avait des responsabilités, un clan à protéger, et un frère qui ne tolérerait jamais la faiblesse, même chez sa propre sœur. Surtout chez sa propre sœur.

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