Chapitre 16

La chambre de Jena était plongée dans l'obscurité totale. Seule une mince ligne de lumière orangée perçait à travers les rideaux épais, illuminant faiblement le sol de bois sombre. Jena était assise sur le rebord de son lit, les mains crispées sur ses genoux. Ses pensées tourbillonnaient dans son esprit, lourdes de confusion et de colère.

Depuis qu'elle était revenue au manoir, Darius n'avait cessé de tester sa loyauté, poussant toujours plus loin les limites de ce qu'elle était prête à faire. Elle sentait qu'il la soupçonnait, qu'il doutait de son engagement envers leur famille et leur clan. Pour lui prouver le contraire, elle avait dû enfouir ses scrupules au plus profond d'elle-même, laissant place à une cruauté qu'elle ne se reconnaissait pas.

Elle se leva et se dirigea vers la porte, le visage impassible. Les couloirs du manoir étaient silencieux, à peine éclairés par quelques chandelles. Chaque pas résonnait dans le couloir vide, son ombre s'étirant sur les murs. À chaque tournant, elle sentait les regards méfiants des autres vampires sur elle. Depuis qu'elle avait commencé à obéir aveuglément aux ordres de Darius, elle n'était plus perçue comme la même. Ils la regardaient désormais avec crainte, voire respect, comme si elle était devenue l'image parfaite d'une Makovitch impitoyable.

Devant la porte du bureau de Darius, elle prit une profonde inspiration. Elle devait rester calme, impassible. Elle frappa doucement à la porte, puis entra.

Darius se tenait debout derrière son bureau imposant, ses yeux perçants fixés sur elle. Il sourit, un sourire froid et calculateur qui ne présageait rien de bon.

« Jena, » dit-il avec une satisfaction à peine dissimulée. « Entre. Nous avons du travail ce soir. »

Elle s'avança, son expression toujours figée. « Que dois-je faire ? » demanda-t-elle d'une voix calme, maîtrisée.

« Un humain, » répondit-il, se penchant en avant, les mains croisées devant lui. « Il sait quelque chose que je veux savoir. Fais-le parler. Montre-moi que tu es toujours la digne vampire de notre clan. »

Jena sentit un frisson parcourir son échine, mais elle ne laissa rien paraître. Elle acquiesça d'un léger signe de tête, s'engageant une fois de plus dans un acte qu'elle savait être contre sa nature. Elle n'avait pas le choix. Pas tant que Darius doutait d'elle, pas tant qu'il la surveillait si étroitement.

Ils descendirent ensemble vers la salle de détention, une pièce froide et sombre au sous-sol du manoir. L'air était chargé de l'odeur métallique du sang séché, des cris d'agonie semblant résonner encore dans les murs. Un humain était attaché à une chaise en bois au centre de la pièce, ses poignets et ses chevilles enchaînés. Son visage était pâle, ses yeux écarquillés de terreur.

Darius s'arrêta à l'entrée et laissa Jena entrer seule, son regard rivé sur elle, évaluant chaque mouvement. « N'oublie pas, Jena, » murmura-t-il avec une douceur glaciale. « Montre-moi que tu n'es pas faible, que tu es prête à tout pour protéger notre clan. »

Elle hocha la tête et s'approcha de l'homme, ses pas mesurés et silencieux. Le cœur de l'humain battait la chamade, résonnant dans ses oreilles comme un tambour assourdissant. Chaque battement semblait amplifier la tension dans l'air, l'odeur de la peur et du sang emplissant ses narines.

Elle s'arrêta devant lui, le scrutant avec une froide indifférence. « Dis-moi ce que tu sais, » dit-elle doucement, mais avec une autorité impitoyable.

L'homme trembla, secouant la tête désespérément. « Je ne sais rien, je vous en supplie... je ne sais rien ! »

Elle inspira profondément, le regard fixé sur l'humain. Elle savait qu'il mentait, mais elle savait aussi que la peur l'empêchait de parler. Elle se baissa légèrement, ses yeux à la hauteur des siens, cherchant à capter chaque émotion qui passait sur son visage.

Elle leva une main, lentement, comme pour le réconforter, mais au dernier moment, elle frappa brutalement son visage avec une force surnaturelle, sa main s'écrasant contre sa joue. L'impact fut si puissant que la chaise vacilla, le son sec du bois qui craquait résonnant dans la pièce. L'homme poussa un cri de douleur, et du sang commença à couler de sa lèvre fendue.

Elle s'accroupit à côté de lui, ses yeux perçants fixés sur les siens. « Ce n'est que le début, » murmura-t-elle d'une voix presque douce, mais pleine de menace. « Parle, et cela s'arrêtera. »

L'homme hoqueta de terreur, ses yeux cherchant désespérément un quelconque signe de compassion dans son regard, mais il n'y trouva que de la froideur. « Je vous en prie... je ne sais vraiment rien... »

Jena ressentit une pointe de pitié, mais elle l'étouffa aussitôt. Elle savait ce que Darius attendait d'elle. Elle se redressa lentement et se dirigea vers une petite table couverte d'instruments de torture : des pinces, des couteaux, et d'autres objets bien plus sinistres. Elle hésita un instant, ses doigts effleurant les outils avant de se saisir d'un couteau fin, presque chirurgical.

Elle revint vers l'homme et, d'un geste précis, trancha la peau de son bras, juste assez pour faire couler le sang. L'homme hurla, son corps se convulsant sous la douleur. Jena se pencha sur lui, approchant ses lèvres de son oreille.

« Je peux continuer aussi longtemps que nécessaire, » susurra-t-elle. « Je suis patiente. Mais toi, combien de temps crois-tu pouvoir tenir ? »

Elle planta de nouveau le couteau, plus profondément cette fois, arrachant un cri plus aigu de la part de l'humain. Sa main tremblait légèrement, une minuscule vibration qu'elle réprima immédiatement. Elle devait rester forte. Pour Darius, pour le clan... et peut-être pour elle-même.

Chaque mouvement de la lame, chaque coupure qu'elle infligeait devenait une épreuve pour elle autant que pour sa victime. Son esprit se brouillait entre la réalité de l'horreur qu'elle commettait et la nécessité de prouver sa loyauté. Elle sentait la peur et la douleur de l'homme s'infiltrer en elle, ébranlant son masque d'indifférence.

Darius, adossé contre le mur, observait avec un sourire de satisfaction. « C'est bien, Jena, » dit-il enfin, brisant le silence oppressant de la pièce. « Tu montres enfin que tu es digne de ton nom. Continue. »

Elle hocha la tête, ne laissant rien transparaître de sa véritable douleur intérieure. Elle devait continuer, prouver qu'elle était toujours la Jena qu'il voulait qu'elle soit. Elle serra les dents, s'efforçant d'ignorer les hurlements et les supplications, de ne pas penser à l'atrocité de ses actions.

Finalement, Darius leva la main. « Assez, » ordonna-t-il d'une voix ferme. « Emmenez-le. »

Deux gardes entrèrent rapidement, détachant l'homme désormais à moitié conscient et le traînant hors de la pièce, son corps mou laissant une traînée de sang. Jena resta immobile, les yeux fixés sur le sol, tâché de sang. Ses mains tremblaient, couvertes du liquide rouge et poisseux qui s'accrochait à ses doigts comme un rappel permanent de ce qu'elle avait fait. Elle sentait le regard perçant de Darius sur elle, mais elle ne leva pas les yeux. Elle savait que s'il voyait le moindre signe de faiblesse, tout serait perdu. Elle devait rester impassible, montrer qu'elle était forte, une véritable Makovitch.

Darius s'approcha lentement, chacun de ses pas résonnant lourdement dans le silence de la salle. Il s'arrêta juste derrière elle, posant une main sur son épaule. Son toucher était froid, presque glacial, mais Jena ne frissonna pas. Elle devait rester stoïque, ne rien laisser paraître.

« Tu as bien fait, Jena, » murmura-t-il d'une voix douce, presque chaleureuse, mais avec cette froideur tranchante qu'elle connaissait trop bien. « Tu prouves que tu es encore une vraie Makovitch. »

Elle hocha simplement la tête, ne trouvant rien à dire. Elle se sentait vidée, épuisée par la lutte intérieure qu'elle menait contre elle-même. Elle avait fait ce qu'on attendait d'elle.

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Jena était assise sur le bord de son lit, les mains tremblantes alors qu'elle essayait de calmer les battements affolés de son cœur. Elle avait lavé le sang de ses mains, mais le goût métallique persistait, comme un rappel cruel de ce qu'elle venait de faire. Ses pensées tourbillonnaient dans un tourbillon d'angoisse et de désespoir.

Soudain, la porte s'ouvrit doucement et Alexeï entra dans la chambre. Il était le garde du clan et un ami d'enfance, mais elle ne l'avait pas remarqué dans la salle de détention. Il la regarda avec une intensité pleine de préoccupation. Son visage marqué par les années de service loyal et de secrets partagés, il avait un regard empreint d'une gravité qu'elle connaissait bien.

« Jena, » dit-il doucement, fermant la porte derrière lui. « Je t'ai vue aujourd'hui. Je sais ce que tu viens de faire. »

Elle leva les yeux vers lui, ses yeux chargés de douleur. « Alexeï, » murmura-t-elle, sa voix tremblante. « Tu ne sais pas tout. Je... je suis perdue. »

Il s'approcha d'elle, posant une main réconfortante sur son épaule. « Raconte-moi ce qui se passe. Peut-être que je peux aider. »

Jena inspira profondément, ses émotions débordant comme une rivière en crue. « Il y a quelqu'un, » commença-t-elle, sa voix se brisant. « Un humain avec qui j'ai développé un lien très fort. Son nom est Aspen. C'est un chasseur de vampires. Nous avons fait un marché : il m'a aidée dans une mission en échange de quelque chose. Nous nous sommes rapprochés, et des sentiments plus profonds se sont développés entre nous. »

Alexeï écoutait attentivement, ses yeux empreints d'une compassion sincère.

« Un jour, » continua-t-elle, « je suis devenue gravement blessée et il a sauvé ma vie en me donnant de son sang. Depuis, il y a un lien très fort entre nous. Darius parlait d'un lien prédestiné. Je ressens son absence chaque jour, et cela me torture. Darius suspecte qu'il y a quelque chose entre un humain et moi. Il a vu que je perdais le contrôle de ma soif de sang quand je suis rentré faire mon rapport, et je crois qu'il a vécu quelque chose de similaire avec une autre humaine. Il pourrait vouloir le tuer s'il découvre qu'il est lié à moi. »

Les sourcils d'Alexeï se froncèrent, une expression de préoccupation se dessinant sur son visage. « C'est une situation dangereuse, Jena. Non seulement parce que Darius pourrait vouloir éliminer Aspen, mais aussi à cause des risques que cela comporte pour vous deux. Aspen est un chasseur de vampires. Même s'il t'aime, il y a toujours le danger qu'il réagisse violemment. »

Jena hocha la tête, les larmes aux yeux. « Je sais. Mais je suis incapable de l'oublier, et la douleur de son absence est insupportable. Je ne peux pas faire autrement que de me battre pour protéger ce que nous avons, même si cela signifie risquer ma propre vie. »

Alexeï posa une main réconfortante sur son épaule, son regard empreint de compréhension. « Je comprends ton amour pour lui. Et si cela peut t'aider à tenir, alors c'est bien. Moi-même, je m'accroche à ma femme pour ne pas céder à la détresse que je vois chaque jour dans la prison. Nous avons tous besoin de quelque chose pour nous tenir. »

Il marqua une pause, puis continua d'une voix plus ferme. « Si jamais tu as besoin de quelque chose, si tu te sens au bord de craquer, viens me voir. Tu sais où me trouver, à la prison. Je ferai ce que je peux pour t'aider, même si cela signifie te soutenir en secret. »

Jena sentit une vague de soulagement se déverser en elle. Les paroles d'Alexeï étaient un baume sur ses blessures. « Merci, Alexeï, » murmura-t-elle, les yeux brillants. « Ça signifie beaucoup pour moi. Je me sens si perdue en ce moment. »

Alexeï lui offrit un sourire réconfortant. « Tu n'es pas seule, Jena. Je suis là pour toi. Et peu importe les dangers ou les difficultés, n'oublie pas que tu as des amis prêts à t'aider. »

Ils restèrent un moment dans le silence, Alexeï offrant sa présence apaisante à Jena. Finalement, il se leva pour partir, lui offrant un dernier regard empreint de compassion.

« N'oublie pas, » dit-il avant de quitter la chambre, « peu importe ce que Darius pense ou fait, tu es plus forte que tu ne le crois. Et je crois en toi. »

Jena le regarda s'éloigner, se sentant à la fois plus légère et plus déterminée. Alexeï avait ravivé une étincelle d'espoir en elle, et elle savait qu'elle devait continuer à se battre, à garder espoir pour elle-même et pour Aspen.

Seule dans la chambre, elle se tourna vers la fenêtre, observant le ciel nocturne parsemé d'étoiles. Chaque étoile semblait lui offrir un petit espoir, un répit dans son tourbillon intérieur. Elle avait encore un long chemin à parcourir, mais pour Aspen, pour l'amour qu'elle ressentait et pour la promesse de jours meilleurs, elle continuerait à avancer, quelles que soient les épreuves.

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