Tornade

Aimer quelqu'un qui ne vous aime pas, c'est comme hurler dans le vide, m'avait dit un jour Dana, d'un air triste. Je me souviens que j'avais détourné le regard, méditant ses paroles.
Ouais. Hurler dans le vide.

Tout aussi insensé et désespéré, effectivement.

Je me souviens que durant tout la période où je pensais que Dana été amoureuse de son voisin de chimie, j'avais l'impression de hurler, hurler sans cesse.

Je voyais son sourire éclatant, je hurlais. Sa main glissait dans ses cheveux, je hurlais. Ses yeux brillaient de joie, je hurlais. Je hurlais à ne plus en pouvoir, jusqu'à en souffrir réellement.

Je l'aimais tellement que ça me faisait mal.

Je suis incapable de dire à quel moment je me suis mise à l'aimer. Peut-être est-ce la première fois que je l'ai vue ?

C'est comme si ça avait toujours été le cas, je n'avais pas réalisé, obnubilée par mes problèmes, mais à partie du moment où je l'ai réalisé, je n'ai plus pu me défaire de cette idée. Je l'aime, je l'aime, je l'aime.

Assise sur mon lit, je ne bouge plus. Je d'être les doigts sur le carnet entre mes doigts. Je suis figée. Relire ces souvenirs est trop dur.

Soudain, un fracas. Je sursaute.
Riad rentre, avec nonchalance.

– Il y a ta meuf à l'entrée, lance-t-il. Elle veut te voir.

Je soupire bruyamment.

Il ricane :

– Y'a embrouilles ? demande-t-il.

- Ouais, disons ça, oui. Y'a embrouilles.

Il hausse un sourcil et grommelle :

– Tu m'étonnes. Y'a toujours embrouilles avec les meufs.

Je ne prend pas la peine de relever cette généralisation et me contente de le regarder de travers.

Il s'appuie contre la porte un instant.

- Héloïse... ?

- Ouais ?

- T'as vraiment pas l'air bien. Je veux dire... T'as dormi ces derniers temps ?

- Riad...C'est une manière de me dire que j'ai une sale tête ?

Il lève les mains et ricane avant de sortir de ma chambre :

- C'est pas moi qui l'a dit.

Je m'assied sur mon lit et je planque le carnet jaune sous mon coussin. Je tripote la couverture. Le stress me gagne.

Je tend l'oreille. Dana parle avec mon frère et son ami.

Son pote rajoute une remarque comme quoi, wow, aucune de nous a l'air d'être lesbienne, wow, c'est fou. Je n'ai même pas besoin d'être dans la pièce d'à côté pour savoir que Dana lève les yeux au ciel. Comme si notre sexualité était écrite sur notre visage, répond-t-elle.
Je n'entend pas leur réponse.

Je contemple le sol, en silence et au bout d'un moment, Dana, la belle Dana, rentre dans ma chambre.

- Hey, Héloïse, ça va mieux ? me demande-t-elle.

- Pas trop...

- Je t'ai apporté tes affaires.

Elle s'asseye sur mon lit.

- T'as pas l'air bien en ce moment, qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-elle.

Je la fixe. Elle semble inquiète. Je la regarde. Comment font les gens ? Comment font les gens pour dire des choses si difficiles ? Comment font les gens pour regarder droit dans les yeux ce qu'ils aiment le plus au monde avant de le faire exploser ? Imploser ? Eclater ? Disparaître ? Avant de le réduire à néant ?
- Dana...T'as déjà fait quelque chose que tu regrettais à en crever ?

Elle semble perturbée. Elle lève les yeux vers le plafond. Elle fait toujours ça quand elle réfléchit. Et je la regarde réfléchir. Je regarde ses yeux tournés vers la droite, ses longs cils qui forment des ombres chinoises sur ses joues, ses lèvres rosées, ses cheveux dans un chignon brouillon qui forment un nuage au dessus de sa tête. Je la dévore du regard, je la mange, je prend tout ce que je peux, car je le sens, je ne la verrai plus jamais comme ça, non, elle ne sera plus posée sur mon lit, à réfléchir, les yeux levés au plafond.

- Non, répond-t-elle au bout d'un moment.

- T'as jamais rien fait de répréhensible ou t'as jamais rien regretté ?

Elle sourit. Son sourire, aussi, je le dévore. Ses dents blanches, ses fossettes, ses yeux qui se plissent.

- J'ai jamais rien regretté. Enfin...Jamais. Je sais plus. Mais tu sais très bien que j'ai pas toujours bien agis, Hélo.

- T'as jamais blessé qui que ce soit.

Elle souffle :

- Peut-être pas délibérément, ouais... T'as fait quoi, Hélo ? Qu'est ce qui peut te rendre malade comme ça ?

- Tu te souviens, quand on s'est embrassé pour la première fois ?

- Oui, bien sûr. C'était sous la pluie, se souvient-elle dans un sourire. C'était tellement cliché, dans un sens... Mais c'était bien.

Je souris amèrement.

- Cliché, oui. Il pleuvait, on était là, à se fixer. Les yeux dans les yeux. On s'était disputée. Tu t'es mise à crier. La femme à côté nous regardait de travers parce qu'on faisait trop de bruits. Et ensuite, alors que tu hurlais...

- Je hurlais pas, rit-elle doucement, d'un air désapprobateur.

- Si, si, souris-je bêtement.

Je peux pas m'en empêcher, je souris, parce qu'elle est là, un peu boudeuse, un peu revêche.
Et puis tu as arrêté de crier. Tu m'as regardé.
- Et je sais pas pourquoi, je me suis dit que tu hurlais parce que tu m'aimais plus que ce que je croyais. Ça avait du sens, tu vois ?

- Oui, je comprend, murmure-t-elle.

- Et là, je sais pas pourquoi, j'ai jamais compris pourquoi, d'ailleurs, tu m'as giflé.

Elle sourit :

- C'est vrai. J'essayais de te faire réagir. Tu restes tellement placide, parfois Hélo'. Il y a rien de pire que les gens qui restes calme alors que tu es hors de toi.

Sur le moment, j'ai juste pensé « ça y est, elle est complètement possédée par les romans du dix-huitième siècle qu'elle lit, dans deux minutes, elle va me demander un duel »

Elle éclate de rire :

- Il aurait fallu que je te jette mon gant pour ça ! Quand j'ai réalisé que je t'avais giflé, j'étais mortifiée, je te promet.

- J'ai vu. Tu m'as fixé. Tu as fixé ta main encore en l'air. Puis tu m'as encore regardé.

- Cet instant a duré très longtemps et en même temps très vite.

- Ouais. Et après, tu m'as embrassé.

- Et ! Tu m'as embrassé, me taquine-t-elle.

- J'ai peut-être un peu avancé, avoue-je, amusée. Un peu.

- T'as carrément avancé.

- C'est la gifle. On me gifle pas tout les jours et je voulais éviter un duel.

Elle rit. Son rire résonne un moment dans la pièce. Le son de son rire, je le mange, je le dévore.

Je souris un petit moment avant de secouer la tête, lentement. J'en aurais presque oublié ce que je voulais dire.

- Et puis, la dame à côté a fait un commentaire...

- Ouais, un truc bien homophobe, se souvient-elle.

- Mais sur le moment j'ai pas percuté.

- Moi non plus. Enfin, j'ai entendu mais je m'en foutais.

- Moi aussi, je m'en foutais. Honnêtement, n'importe qui aurait pu passer, me critiquer, je m'en foutais. J'étais juste heureuse. Avec toi. Et je t'aimais.

Elle me jette un regard incertain.

- Je t'aime. C'est ça le point de tout ça. Quoi que je dise, oublis pas ça, okay ? Je sais qu'on dirait que je mens, mais je...Je, c'est la vérité. Plus que jamais en fait. Je sais pas comment j'ai fait pour pas le réaliser et...je. Merde.

J'ai une larme qui roule le long de ma joue. Je l'essuie d'un geste vif.

– Je suis pas toujours placide, balbutie-je en guise d'explication.

Elle se fige et penche la tête :

- Qu'est-que t'a fait ?

Je plisse les yeux :

- Hum... Tu vois Fly ?

- Le blond, là ?

- Oui...

-Quoi, Fly ?

Sa question est presque douloureuse.
Elle le sait, je l'entend dans sa voix. Elle veut que je dise. Dans ses yeux, je vois déjà la colère danser. Je prend mon inspiration.

- Je...Cet été, il était là... On a couché ensemble.

Elle ouvre la bouche.
La referme.
- Je vais partir, Héloïse, murmure-t-elle.

Elle attrape son sac et s'échappe avant que j'ai pu faire un mouvement.

Elle n'a pas crié.

Mais moi, moi je crie.

Les yeux fixés dans le vide, je la revois hurler, sous la pluie, essayant d'attirer mon attention.

Et moi aussi, je hurle.

Oui, je hurle.

Hello ! Je suis désolée pour le retard du chapitre mais j'ai connu une page blanche énorme et incroyable. et puis il y a deux jours, je sais pas, je me suis assise à mon bureau et la scène m'est apparu très clairement. Donc voila, je tiens à vous remercier pour vos vues, vos commentaires et vos votes... cette histoire me tient vraiment à coeur car je suis très investie à l'intérieur (malgré mes retards de publication) et donc chaque petit signe de lecture me fait infiniment plaisir ❤️
J'espère que ce chapitre vous a plu !

Comment pensez vous que Dana va réagir ? Que feriez vous à la place de Dana ? Ou d'Heloise ? Vous trouvez qu'elle a eu raison d'en parler à Dana ? Dites moi tout ahah, ça m'intéresse !

Beaucoup de love

BlueCalifornie

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