Jour blanc

Chapitre 5 :

Les remords, c'est comme des petits serpents. Ils ne te lâchent pas. Ils restent là dans l'ombre et te mordent jusqu'à t'achever.

Je me suis réveillée avec le jour. Fly dormait encore. Il avait passé ses bras autour de moi.
On aurait formé un couple mignon, s'il n'y avait pas tout ces serpents qui m'encerclaient.

J'ai poussé un long soupir.

Alors, j'ai fait ce que tout les lâches font quand ils voient un serpent.

Je suis partie en courant.

J'ai couru jusqu'à chez moi et une fois dans ma chambre, je me suis rendormie dans mon lit.

A mon réveil, ils étaient encore là, les petits serpents. J'ai levé les yeux sur une photo de Dana et moi. J'ai fermé les paupières.

Je suis restée quelques instants ainsi puis je me suis traînée dans la cuisine.

Il y avait mon frère.

– Elle est où Chacha ? ai-je lancé.

Il a haussé les épaules. Je l'ai fixé d'un oeil morne. Il avait une coupure sous l'oeil droit.

– Riad... Qu'est-ce que tu t'es fait?

Il a maugréé des mots incompréhensibles et s'est replongé dans la contemplation de la boîte de Chocapic.

– Tu t'es battu ? ai-je demandé d'un ton accusateur.

Il a pas répondu. L'amour des mots, c'était de famille. Il s'est levé et a commencé à ranger ses affaires.

– Tu sors, aujourd'hui ?

– Nan. J'suis puni.

– Ah, ai-je commenté placidement. A cause de la bagarre ?

Il a pas répondu. Je me suis raclée la gorge. La gêne m'a envahie face à ce frère mutique.

– Et où est Rayane ?

Comme pour me répondre, la porte de l'entrée a claqué.

– On est de retour ! a clamé la voix de ma tante.

Ma soeur a débarqué dans la cuisine, un grand sourire aux lèvres. Instantanément un sourire s'est glissé sur les miennes. Si Riad avait le don de me mettre hors de moi, Rayane était un véritable rayon de soleil. Avec ses cheveux emmêlés, ses grands yeux noirs et sa bonne humeur constante, on aurait presque pu croire qu'elle venait d'une autre famille.

– Hélo ! s'est elle exclamée.

Je me suis approchée d'elle pour la prendre dans mes bras.

– Coucou Rayane, ai-je souri.

Je lui ai fait faire un petit tour avant de la reposer.

Ma tante nous a regardé un instant. Elle semblait fatiguée.

– Héloïse, je t'ai pas entendue rentrer.

– J'ai raté le dernier bus. J'ai dû prendre le premier du matin, ai-je menti.

Mon frère a étouffé un son bizarre et je lui ai lancé un regard noir.

– Tu veux bien faire le couscous ? J'ai pas eu le temps de préparer à manger, j'ai dû amener ta soeur chez le médecin.

– Il m'a fait une piqure qui piqûre, s'est-elle exclamée. Regarde, j'ai sapadra.

– Sparadrap, l'a corrigé mon Riad.

– Riaaad, pourquoi tu as une coupure qui coupe sous l'oeil ? Tu veux un sapadra ? A continué ma petite soeur.

Il a secoué la tête, impassible.

– Riad. Aide ta soeur, mets l'eau à bouillir.

– C'est pas ma soeur, a-t-il marmonné.

Chacha, ma tante n'a pas entendu. Ou alors elle n'a pas voulu entendre. Mais moi, oui.
Si à la pensée de Fly, j'ai l'impression de me faire mordre par un serpent, ses mots m'ont attrapés comme mille cobras pour m'étouffer.
J'ai fait mine de rien. Comme d'habitude. La voix de ma tante s'est élevée.

– Riad, le proviseur a appelé. Tu as rendez-vous dans son bureau à la rentrée.

Il a pas répondu et s'est contenté de sortir assiettes et verres pour mettre la table. Elle a continué :

– Je suis en colère, Riad.

Entre nous, elle n'avait pas l'air en colère. Elle semblait lasse et fatiguée.

– Je sais, a-t-il répliqué simplement en lui tournant le dos.

J'ai sorti les tomates pour les couper. Elle a levé la voix.

– Riad, regarde-moi maintenant !

Il s'est tourné. Je l'ai observé du coin de l'oeil. Son visage était vidé de toute émotion. Cela m'a fait mal au coeur. Il mettait tant d'énergie à paraître dur, insaisissable, fermé. A quel moment avait-il à ce point changé ?

– Je me démène à vous élever, tu réalises ça ? s'est emportée Chacha. Et tu n'es même pas capable d'aller en cours ?

Les épaules de Riad se sont imperceptiblement affaissées.

– C'est inadmissible !

Elle a frappé sur la table. On a tous sursauté. Rayane s'est approchée de moi et je l'ai prise dans mes bras. Chacha a continué.

– On dirait que tu fais exprès de me compliquer la vie, à aller te mettre dans je-ne-sais-quelle-situation dangereuse ou à ne rien écouter en cours !

Silence.

– Regarde Héloïse ! Elle met toute son énergie à m'aider ! Elle a proposé spontanément de m'aider à payer le loyer et elle travaille dur pour ça.

Je l'ai observée. Je me suis toujours demandée si elle avait réalisé que je dealais. Cela faisait maintenant trois ans que je rapportais de grandes sommes à la maison, affirmant avoir plein d'élèves à qui je donnais des cours particuliers. Elle ne pouvait pas ignorer qu'aucun parent ne payait cent euros pour un cours de math, si ?

– Quelle ange, cette Héloïse, a soufflé Riad.

Riad savait. Il savait beaucoup de choses à propos de moi. Beaucoup trop de choses, d'ailleurs. Mais nous en avions jamais parlé ensemble. A vrai dire, on ne s'adressait plus vraiment la parole depuis quelques années. Sa tristesse face au départ de maman s'était mue en une longue haine pour moi. Coupable. C'est comme ça qu'il me voyait.

– Maintenant, il faut que tu changes Riad.

Il a grommelé des choses incompréhensibles. Je l'ai fixé. Chacha est sortie de la cuisine, d'un pas rageur. Au bout d'un moment, il a dû sentir sentir mon regard. Il s'est tourné vers moi et ses yeux se sont vrillés dans les miens.
Il me regardait avec tant de haine que ça faisait mal. J'ai lentement secoué la tête.
Je lui avais tellement ressemblé. Révoltée contre tous. Contre Chacha, contre mes frères et soeurs, contre l'école, contre ma mère, contre la planète entière.

– Chacha a raison, Riad, ai-je soufflé.

– Tais-toi, a-t-il glapi comme un animal blessé.

– Personne ne t'aidera quand tu seras allé trop loin, ai-je continué d'une voix douce. Personne n'aura pitié de toi parce que maman est partie, parce qu'on est fauché ou parce que t'es qu'un pauvre gamin perdu. Personne ne te sauvera, tu comprends, ça ?

Il a secoué la tête, insensible à ce que je disais. Je me suis demandée s'il m'entendait vraiment. Rayane avait enfoncé son visage dans mon cou.

– L'école c'est pas juste le lieu où tu peux te ramener quand tu as envie. Tu n'as pas le choix. Tu n'as jamais eu le choix. C'est la seule porte de sortie.

Je savais que ce n'était pas tout à fait vrai. Ce n'était pas la seule porte de sortie. Mais vu comme Riad était parti depuis quelques temps, la seule porte qu'il risquait de voir, c'était celle de la prison.

– Non.

– Non ?

– Tais-toi, a-t-il répété. Tu n'as rien à me dire. Tu n'es pas de la famille.

J'ai soupiré bruyamment.

– C'est pas vrai, est intervenue Rayane. Hélo' c'est notre soeur. La meilleure des soeurs.

Riad a eu un soupir dépité.

– Rayane, c'est compliqué, a-t-il dit d'une voix douce. Hélo' n'a pas le même papa que nous.

– Mais maman c'est sa maman, a objecté Rayane.

– Oui, mais maman est plus là, c'est pour ça que Riad est fâché, ai-je expliqué à Rayane.

– Non ! s'est-il écrié avant de se raviser, oui, non. Je sais pas.

Je lui ai jeté un regard dédaigneux.

– Apprend à te connaître, Riad, ai-je craché.

Voilà pour ce nouveau chapitre ! J'espère qu'il vous plaît ! N'hésitez pas à laisser un petit commentaire ou un vote !
Que pensez vous d'Héloïse ? Et de Fly ?
En tout cas, merci à tous pour vos votes et vos commentaires sur les chapitres précédents, c'est très encourageant ! Sincèrement, vous ne réalisez pas à quel point je saute au plafond quand je vois une notif"'pour cette histoire car j'y tiens beaucoup.
Bref, prenez soin de vous <3
BlueCalifornie

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