Chapitre 6

- J'accepte, mais à une condition. Lui dis-je.

- Laquelle ? Me répond-il étonné.

- Je ne resterai pas trop longtemps et je participerai aux frais.

- Mais bien sûr, j'allais te le dire ! Tu payes rien du tout, tu es mon invitée.

- Invitée imposée...

- Ne dis pas n'importe quoi, tu es toujours la bienvenue ici. Jamais tu ne seras une invitée imposée.

- Si tu le dis... Enfin bref. J'ai un service à te demander.

- Je t'écoute.

- Demain, je vais aller au lycée récupérer les affaires que j'ai laissées dans mon casier, tu pourrais m'y emmener et nous ramener ici ensuite ?

- Oui, bien sûr. Tu veux y aller à quelle heure ?

- Huit heures, dès l'ouverture. Et puis... Comme ça, je ne croiserai pas Quentin et Marine vu qu'ils arrivent toujours vers huit heures quinze.

- Ca marche, je t'emmène.

- Merci beaucoup.

- De rien, c'est normal.

Je finis mon café et vais prendre une douche rapide. Je redescends et m'aperçois que Max s'est endormi sur le canapé. Je le couvre avec le plaid, éteins la télé, ferme les stores et monte dans la chambre d'ami. Je prends mes écouteurs et lance ma playlist Youtube. Je décide de jeter un oeil plus approfondi sur les documents que Max m'a imprimé au sujet de l'émancipation.

Les conditions sont claires, le formulaire de demande aussi. Je me mets à réfléchir à propos de ce que je ferai si je suis émancipée. Je partirai probablement très loin d'ici et je referai ma vie. Une nouvelle vie, l'idée me plaît terriblement. Mais avant ça, il me faut de l'argent pour partir. Je vais donc devoir trouver un travail temporaire et économiser. Je vais aussi devoir planifier mon départ et trouver où aller. Ca va être long, mais je suis sûre que monsieur muscles m'aidera. Il m'a toujours aidée. Bon, revenons aux conditions de l'émancipation.

Décision judiciaire, problèmes familiaux, bla bla bla... J'espère que la demande sera acceptée. Maintenant, c'est le moment de lister tout ce que je vais avoir à faire. Trouver un emploi à plein temps, peut-être même deux. Je vais lâcher le lycée, rien ne m'empêchera de reprendre mes études plus tard. Au moins, je ne verrai plus Marine ni Quentin. Enfin une bonne chose. Il va falloir que j'explique ça à mes parents, donc avant de démissionner du lycée, je dois impérativement trouver un emploi stable.

Je me mets à regarder les offres d'emploi près de chez moi, et bingo, il y a une offre de serveuse dans un restaurant près de Concarneau. Elle a été postée il y a seulement quelques heures. Je prends un CV, rédige rapidement une lettre de motivation, descends en laissant un mot à Max pour lui dire que je suis sortie pour aller postuler à un boulot et pars en direction de l'arrêt de bus. Celui-ci arrive au bout de vingt minutes d'attente. Je me mets à l'avant du bus en attendant patiemment l'arrêt où je dois descendre.

Le voilà enfin. Je sors et regarde sur Google Maps où se trouve le restaurant. Je suis l'itinéraire et arrive devant le Régent. J'entre et demande à l'un des employés à parler à un responsable concernant l'offre d'emploi postée ce matin. Une jeune femme, la trentaine, brune, élégante, arrive près du comptoir et me demande de la suivre dans son bureau.

- Asseyez-vous.

- Merci.

- Je suis Isabelle Morales, la directrice de ce restaurant. Le manager m'a dit que vous êtes ici pour l'annonce postée ce matin.

- Oui, c'est exact.

- Bien, dans ce cas je vous laisse vous présenter.

- Je m'appelle Angeliqua Varest, je suis âgée de seize ans.

- Sans vouloir vous vexer, vous faîtes plus. Vous avez un CV ?

- Oui, tenez.

Je lui remets mon CV qu'elle parcourt minutieusement. Ca me change des recruteurs qui ne jettent qu'un rapide coup d'oeil avant de lâcher un "on vous rappellera". Au bout de quelques minutes, elle relève la tête.

- Je vois que vous avez travaillé dans la restauration l'été dernier, c'était un poste en salle ou en cuisine ?

- Pour tout vous dire, c'était un poste polyvalent. J'ai fait du service en salle, en terrasse, j'ai également été commise de cuisine et agente d'entretien des salles de réception.

- Intéressant. Vous êtes disponible pour une soirée d'essai ? Bien entendu, si vous faîtes vos preuves, elles seront comptées sur votre fiche de paye.

- Oui, je suis libre. Quand voudriez-vous me voir à l'essai ?

- Ce soir, service de dix-neuf heures à une heure du matin. Service en salle.

Alors là, pour du prématuré... Reprends tes esprits Angie.

- Je serai là.

- Parfait. Venez avec moi, je vais vous montrer rapidement les vestiaires, comme ça vous saurez où aller en arrivant.

- D'accord.

Je la suis tout en écoutant ses explications sur les locaux du bâtiment. Elle me montre les vestiaires et me raccompagne à l'entrée.

- Bien, je compte sur vous, à ce soir mademoiselle Varest.

- Vous pouvez. A ce soir !

Elle me serre la main et je sors du restaurant. J'y crois pas ! C'est la première fois que j'ai un entretien qui se passe aussi bien ! Je prends mon portable et vois un texto de Max.

"Re, je suis réveillé. Appelle-moi quand tu verras ce message pour me dire comment s'est passé ta candidature. Bisous"

Je l'appelle immédiatement.

- Allô ?

- C'est moi, je sors juste du resto !

- Quel enthousiasme dis-donc. Raconte !

- J'ai eu directement un entretien avec la directrice, et j'ai un essai ce soir de dix-neuf heures à une heure du matin. Elle m'a dit que si je suis prise, l'essai sera compté dans ma paie. C'est génial, je suis tellement contente !

- Tu m'étonne ! Félicitations, t'as géré ! Tu veux que je passe te récupérer ?

- J'avoue que ça m'arrangerait beaucoup, le prochain bus est dans quarante minutes.

- D'accord, j'arrive !

Je raccroche et relance ma playlist le temps que Max arrive. Je suis tellement contente pour le boulot. C'est un premier pas vers ma nouvelle vie. Je me perds un peu dans mes pensées jusqu'à ce que le klaxon de la voiture de monsieur muscles me sorte de ma torpeur. Je monte dans le véhicule, ferme la portière et m'attache.

- Tu veux que je te conduise à ton essai ce soir ? Me demande Max.

- Si ça ne te dérange pas, je veux bien oui, merci.

- Crois bien que si ça me dérangeait, je ne te proposerai pas. Je peux te poser une question ?

- Oui, bien sûr.

- J'ai fait un tour dans la chambre d'ami quand je me suis réveillé, j'ai vu les papiers concernant l'émancipation sur le lit. Tu y as jeté un oeil ?

- Oui. Et j'ai pris ma décision.

- Qui est ?

- J'ai réfléchi et si je veux faire la demande d'émancipation, c'est dans le but de refaire ma vie, de préférence loin d'ici. Qui dit loin, dit déplacement et qui dit déplacement, dit frais. Par conséquent, je vais devoir me trouver un boulot pour économiser pendant quelques mois et ensuite établir mon plan de départ. Par cela, j'entends trouver où aller, sachant que l'idéal serait un secteur propice à l'emploi sans nécessité d'avoir le permis. Ca réduit considérablement les possibilités, ce qui fait que je partirai sûrement dans une grande ville comme Marseille, Toulouse ou encore Bordeaux. Pour le moment, je me focalise sur l'emploi et l'épargne. Ensuite, seulement une fois que j'aurai amassé assez d'argent pour pouvoir partir, je réfléchirai au lieu et à la logistique pour le transport, le déménagement et l'aménagement.

- C'est très bien réfléchi, mais tes études dans tout ça ?

- Ecoute, je n'ai que seize ans. Je vais quitter le lycée, trouver un travail à temps plein et pourquoi pas des extras, puis quand je serai partie et de nouveau posée, je verrai pour peut-être reprendre mes études. Pour l'instant, je n'en fais pas une priorité. Au pire des cas, si je ne retourne pas en cours, je pourrai toujours avoir recours à une VAE qui servira de faire valoir auprès des entreprises.

- Une VAE ?

- Validation des Acquis de l'Expérience. En gros, t'es noté sur tes compétences et tes aptitudes à exercer correctement ou non un métier. Ca nécessite au minimum six mois dans la même entreprise et la VAE équivaut à un diplôme niveau CAP.

- T'es super bien renseignée. Ca marchera, j'en suis convaincu. Tu as toutes les cartes en main pour réussir, tu t'en sortiras. N'oublie quand même pas que si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là.

- Merci, c'est gentil, mais tu fais déjà beaucoup pour moi. Bon, assez parlé de mes plans d'avenir. Tu as pu te reposer ?

- Une petite heure oui, ça fera l'affaire pour cette après-midi.

- Tu as quelque chose de prévu ?

- Non, on a quelque chose de prévu !

- Ah oui ? Et quoi donc ?

- Tu verras en arrivant !

- Bon, d'accord !

Je ne sais pas ce qu'il a prévu, je crains le pire. Il est le roi des surprises d'envergures ! Cette année, pour mon anniversaire, il s'est concerté avec tous les invités pour m'organiser une fête à Disney pendant tout un week end. Il m'avait fait croire qu'il devait se rendre à la capitale pour du travail et m'avait demandé de l'accompagner pour qu'il se sente moins anxieux. J'avais volontiers accepté et une fois arrivés devant le parc, il m'a tendu une entrée VIP pour le parc.

J'avais pu faire toutes les attractions et dormir à l'hôtel Disney, c'était exceptionnel ! On arrive devant la maison, Max gare la voiture et ouvre la véranda, puis la porte d'entrée. J'entre et me dirige vers la cuisine pour me faire un café quand j'entends du bruit. Je m'approche doucement et là, je me mets à hurler de joie. Jessicka est là ! Je me mets à pleurer et me rue vers elle pour la prendre dans mes bras. Ca me fait tellement plaisir de la voir !

- Comment ça se fait que tu sois ici ? Lui demandé-je entre deux sanglots.

- Eh bien... Ton ami Max a pris mon numéro dans ton portable cette nuit et il m'a appelée ce matin en me disant qu'il voulait organiser des retrouvailles en bonne et dûe forme. Il est venu me chercher ce matin, juste avant de te récupérer. J'ai eu le temps de discuter avec lui, il tient énormément à toi.

- Oh ça va, n'en rajoute pas Jess ! Ronchonne Max en nous rejoignant dans la cuisine.

- Vous me fatiguez les enfants ! Jess, je suis tellement heureuse de te voir, t'as l'air d'aller beaucoup mieux qu'hier !

- Oui, je vais mieux. Les médecins m'ont dit que si j'arrivais à maintenir une alimentation stable, je ne devrais pas retourner à l'hôpital de si tôt.

On va tous les trois s'asseoir dans le canapé. Je fais plus ample connaissance avec ma jumelle, tandis que Max balance quelques anecdotes à mon sujet. Jess m'explique son parcours, ses différentes familles d'accueil, ses études dirigées vers la science et la chimie, elle me raconte aussi plein de petites histoires sur elle et sa vie en famille d'accueil.

Les heures passent, on s'entend vraiment bien ! J'ai l'impression de la connaître depuis toujours, c'est merveilleux. Vient dix-sept heures, Max va prendre une douche et à peine a-t-il quitté la pièce que je demande à ma soeur ce qu'elle sait de nos parents.

- Pour tout te dire, je sais juste qu'ils m'ont abandonnée. Je ne les ai jamais vus, pas même en photo. Je ne sais pas à quoi ils ressemblent, ni où ils vivent. Je suis dans l'ignorance complète. Tu m'as dit que tu vis avec eux, ils sont comment ?

- Je vais être honnête avec toi. Je ne vais plus vivre avec eux pendant très longtemps. Je compte demander mon émancipation et partir refaire ma vie loin d'ici. Nos parents sont des hardworkers nymphomanes avec quelques penchants alcooliques. Vivre avec eux, c'est l'Enfer. Ils n'ont aucun esprit de famille, je me demande même s'ils connaissent ce mot. Je me dis qu'au moins, ils ne sont pas violents. C'est déjà ça.

- Je vois... Moi qui voulais les rencontrer, je n'en ai plus tellement envie maintenant.

- Ecoute, si tu veux, demain je dois aller chercher quelques affaires de rechange. Viens avec moi, tu pourras te faire ta propre opinion sur eux comme ça.

- Je veux bien. Il faut juste que j'en informe Pascal.

- Oui, bien sûr.

Pascal est l'assistant familial de Jessika. C'est lui qui l'a prise en charge depuis ses sept ans. A la façon dont elle me l'a décrit, ça a l'air d'être quelqu'un d'exceptionnel et de très gentil, toujours à l'écoute. J'aimerai le rencontrer, ne serait-ce que pour le remercier d'avoir pris soin de ma soeur depuis qu'il l'a accueillie.

- D'ailleurs, Pascal ne t'a rien dit par rapport au fait que Max vienne te chercher ?

- Non, je lui ai dit que j'allais te voir. Il aimerait te rencontrer, par curiosité.

- Pourquoi pas, ça serait sympa que je puisse le gratifier d'avoir pris soin de toi.

- Tu veux que je fixe ça pour demain matin ? Comme ça, on peut aller chercher tes affaires demain après-midi.

- Si tu veux, mais si ça ne te dérange pas j'aimerai attendre que Max rentre pour lui demander s'il peut nous amener. En plus, demain matin je vais au lycée chercher mes affaires, je ne compte pas y retourner.

- Pourquoi ça ?

Je lui raconte toute l'histoire concernant Marine et Quentin, je lui parle aussi du travail. Max sort de la douche et me dit de ne pas trop traîner et d'aller me préparer pour mon essai le temps qu'il ramène Jess chez elle. Je fais un gros câlin à ma soeur et lui dis qu'on se revoit très vite. Je file à la douche, me coiffe et me maquille simplement, puis attends le retour de mon ami. Dès son retour, il me dit que ma jumelle lui a expliqué notre programme pour demain et qu'il nous amènera avec plaisir.

Il est déjà dix-huit heures trente, il est temps de partir ! Je sors de la maison et monte dans la voiture. Max me dépose devant le restaurant et me dit de lui envoyer un message quinze minutes avant de débaucher si c'est possible, pour éviter que je ne l'attende seule dans le froid et la nuit. J'acquiesce et me dirige vers l'entrée du restaurant. La patronne est à la caisse, en train de discuter avec le manager. J'attends qu'elle ait fini sa conversation avant de lui signaler ma présence.

- Bonsoir Madame Morales, je suis Angeliqua Varest, nous nous sommes vues ce matin.

- Oui bien sûr, bonsoir Angeliqua. Je peux vous appeler Angie ?

- Si vous voulez oui.

- Parfait. J'ai un service à vous demander.

- Je vous écoute.

- L'un de nos commis de cuisine arrivera en retard, il vient de nous prévenir. Tu penses pouvoir assumer sa place le temps qu'il arrive ? Dès qu'il arrivera tu iras en salle pour le service.

- Sans problème. Je vais aux vestiaires poser mes affaires et je me rends de suite en cuisine.

-Très bien. Quand tu y seras, demande à parler à Marc et donne lui ton prénom, il te fournira tout l'équipement d'hygiène et te briefera sur le fonctionnement de nos appareils.

- D'accord.

Je me dirige vers les vestiaires, dépose mon sac dans un casier et vais directement en cuisine. Je m'annonce auprès du chef qui me donne une charlotte, des gants et un tablier tout en m'expliquant comment va se dérouler le travail. Je l'écoute attentivement et une fois ses explications terminées, je me mets directement au travail. La première commande arrive, j'exécute les ordres du chef.

Au bout de deux heures, le second de cuisine retardataire arrive. Je lui remets le tablier et file aux vestiaires pour me remaquiller rapidement, me recoiffer et repartir en salle. La directrice arrive et me dit d'aller prendre ma pause de quinze minutes avant d'entamer le service. Je sors par la porte de l'arrière cuisine et prends mon portable pour envoyer un texto à Max.

"Je suis en pause, je sors de cuisine. Je crois que je m'en suis pas trop mal tirée, à un moment le chef m'a même dit de ralentir un peu la cadence. La directrice est super sympa, normalement j'aurai pas dû avoir de pause avant 23h. Je croise les doigts pour le service !"

Il me répond de ne pas m'inquiéter et que je vais gérer. Ma pause se termine et je retourne en salle.

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