Chapitre 2
"- Allô ?
- Bonsoir Angie. Comment vas-tu?
- Bien, mais je peux savoir à qui je parle ?
- Arrête de faire des blagues, c'est pas drôle ! C'est moi, Max !"
Quoi ? Maxime ? Mais qu'est-ce qu'il me veut celui-là ?
"- Ecoute, je m'en veux pour l'autre jour. J'aurai pas dû te parler comme je l'ai fait, et puis tes problèmes avec tes parents ne me regardent pas. Je sais bien que j'ai été mauvais, mais je te demande de me pardonner."
Alors là... Je ne sais même pas quoi lui dire. Max était un ami proche, jusqu'au mois dernier. J'avais fui de chez moi suite à une dispute avec mon père et ce crétin n'a fait que me hurler dessus par rapport à mon comportement odieux envers mes parents. Je le déteste depuis ce jour. C'est sûr que pour lui, la vie est facile : fils de riches, il a la maison de ses parents pour lui vu qu'ils sont sans cesse en déplacement, aucun problème d'argent... Il fait partie de cette "élite" que j'ai beaucoup de mal à supporter.
"- Que ce soit bien clair dans ta tête de sale bourgeois, je ne te pardonnerai jamais. Tu t'es permis de me juger alors que tu ne sais même pas ce que c'est de souffrir de problèmes parentaux vu que tu ne vois jamais les tiens ! Donc maintenant, tu vas aller te faire foutre et effacer mon numéro !"
Et je lui raccroche au nez. Non mais je rêve ! Quel idiot celui-là.
Tiens, la bouilloire vient de s'éteindre. Je finis la préparation de mes nouilles puis m'installe dans le canapé avec mon ordinateur et un plaid pour regarder un film. Je choisis "nos étoiles contraires". Je l'ai déjà vu des dizaines de fois mais je le trouve tout simplement magnifique, même s'il est moins bien que le livre de John Green.
Ça raconte l'histoire d'une jeune fille atteinte d'un cancer des poumons et qui rencontre un garçon durant un groupe de parole. Ils vont tomber amoureux l'un de l'autre mais la santé du jeune homme va se dégrader et celle de la jeune fille n'est pas stable. Une phrase qu'elle dit me paraît tellement familière: "Je suis une grenade. Un jour je vais exploser et je finirai par tout anéantir sur mon chemin et je pense que c'est ma responsabilité de minimiser le nombre de victimes".
J'en étais au moment où ils partent à Amsterdam lorsque j'entends la porte d'entrée claquer. Mon père apparaît dans le vestibule, il est en costard cravate, avec sa sacoche en cuir contenant son ordinateur et sûrement un ou deux actes de vente qu'il va étudier quand il verra que ma mère s'est endormie, bercée par le flot de l'alcool et les vibrations de son sex-toy. Cette routine, ces habitudes, je trouve ça tellement fade. C'est sans goût de vivre, sans aucune vie familiale que je survis dans cette maison de l'ennui.
L'homme qui me sert de géniteur se dirige vers la cuisine mais quand il va voir qu'il n'y a rien de prêt, il va directement monter dans sa chambre et commander des sushis. Comme d'habitude, c'est moi qui vais payer puisque dans cette famille, les adultes sont radins. Je vais bientôt devoir trouver un travail si je veux pouvoir continuer à subvenir un minimum à mes besoins.
Le livreur de nourriture japonaise arrive environ dix, quinze minutes après. Je monte les sushis dans la chambre parentale et décide d'aller me coucher car il est déjà vingt-trois heures et que demain je dois me lever à six heures si je veux pouvoir prendre mon bus à sept heures.
Je vais dans la salle de bain, prends une douche rapide, me brosse les dents avant de mettre mon kigurumi pikachu. Je m'allonge dans mon lit, pose mon téléphone sur ma table de nuit et éteint ma lampe de chevet.
Seulement, je n'arrive pas à m'endormir. Mon cerveau se remet à réfléchir sur les événements d'aujourd'hui. Je sens au plus profond de moi, que quelque chose va mal tourner. Je ne sais pas encore quoi, mais en général, mes sensations ne me trompent pas.
Après deux heures à me tourner et me retourner, je vais m'installer à mon bureau et sors une feuille blanche et un crayon à papier. Je laisse ma main libre de ses mouvements et ce qui me semble quelques minutes plus tard, je me rends compte que j'ai dessiné le portrait de Quentin. Celui-ci est collé à un bras, lorsque je lève les yeux pour voir à qui appartient ce dernier, les larmes me montent aux yeux. Marine apparaît, aux côtés de mon meilleur ami, avec un sourire immense.
Je ressens un pincement se créer au niveau de mon cœur. Elle s'est bel et bien servie de moi pour avoir mon acolyte.
Je me retourne vers mon réveil et vois qu'il est trois heures du matin. Quoi, déjà ? J'ai l'impression que je me suis levée de mon lit il y a seulement quelques minutes. Il faut absolument que je dorme, dans trois heures je suis censée me lever. Je retourne dans mon lit et regarde mon téléphone pour voir si je n'ai pas reçu de message. Je relis plusieurs fois celui qui apparaît sur l'écran.
Numéro masqué:
" Tu m'as dit d'effacer ton numéro. Mais je ne peux pas, je m'excuse. Je n'aurai jamais dû te parler comme je l'ai fait mais j'étais dans une mauvaise passe avec ma famille. Comme quoi même si je suis riche, que mes parents ne sont jamais là, nous avons quand même des disputes familiales. Ma soeur a fait une connerie qui nous a tous touchés. Elle s'est mise à fréquenter des personnes dangereuses et a plongé dans la drogue. Alors, oui certes, je ne pouvais pas comprendre pourquoi tu as fuis chez toi et je n'aurai jamais dû te parler comme je l'ai fait mais je n'étais déjà pas dans mon assiette et te voir à ce moment là a été la goutte qui a fait déborder le vase. Je t'en supplie, accepte mes excuses et pardonne moi..."
Ça doit être Max. Alors là ! Je n'ai jamais vu Max s'excuser... Pourquoi ne m'a-t-il pas parlé de sa soeur et de son addiction aux drogues ? Il n'avait peut-être pas confiance en moi... Pourtant je pensais avoir mérité celle-ci. Mais si je n'avais pas la sienne, cela veut-il dire que je n'avais pas non plus celle de Quentin ?
Il est à présent cinq heures du matin. Quoi ! Ça fait deux heures que je ressasse ces pensées... Je crois que ce n'est pas la peine de me recoucher. Je descends dans la cuisine pour me préparer un café, il va m'en falloir pour tenir la journée, accompagné d'un bol de céréales. Je finis le dernier paquet. Je m'assois sur une chaise face à la porte et entends des pas dans les escaliers. Je regarde l'heure, cinq heures et quart. Ce doit être ma mère qui se lève pour aller au boulot. Arrivée à l'encadrement de la porte, celle-ci s'arrête en voyant la lumière et tourne sa tête vers moi.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Me demande-t-elle d'un air hautain.
- Bonjour, qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu ne te préoccupes jamais de moi habituellement, lui réponds-je au bord de l'énervement.
- Oh, mademoiselle va se calmer ! De un, je suis ta mère donc tu ne me parles pas comme ça. De deux, parle moins fort, tu vas réveiller ton père. Et de trois, ne m'agresse pas de cette façon avant mon café... Et voilà je suis de mauvaise humeur par ta faute. Tu as du culot de faire ça à ta mère. Vocifère-t-elle comme une harpie.
Je me retiens de lui balancer que ce n'est pas ma mère et qu'elle ne le sera jamais vu son comportement. Mais cela ne ferait qu'empirer les choses donc je ne dis rien et finis mon café ainsi que mes céréales avant de passer à côté de ma génitrice et de monter dans la salle de bain. Une bonne douche bien chaude m'aidera peut-être à détendre mes muscles endoloris par mon manque de sommeil et mon énervement.
Je me déshabille et vais sous le jet d'eau. Quelques minutes après, je sors de la salle de bain avec seulement une serviette sur les cheveux et autour de mon corps. Je frissonne, il fait vraiment froid dans cette maison. Mes parents ont encore dû oublier de payer les factures de chauffage. Il va vraiment falloir que je me trouve un petit travail si je veux pouvoir survivre dans cette maison.
Après avoir trouvé des vêtements, je m'habille en vitesse et vais me sécher les cheveux. Je rassemble mes affaires dans mon sac de cours et descends les escaliers pour aller m'installer sur le canapé, m'envelopper dans mon plaid et finir mon film d'hier. Lorsqu'il se finit, je vois qu'il est six heures quarante-cinq. Il faut vite que je sorte de la maison et aille à l'arrêt de bus ou je vais rater celui-ci.
Je mets rapidement mes chaussures et mon manteau avant de claquer la porte de la maison et de courir jusqu'à cet arrêt. Le bus arrive au bout de quelques minutes. Je monte dans celui-ci et me place à l'avant, contre la fenêtre. J'enfile mes écouteurs et met en route la musique. Je zappe les chansons les unes après les autres jusqu'à en trouver une qui correspond à mon humeur.
Après une heure de route environ, le véhicule s'arrête et je descends. Je me dirige directement vers mon casier. Je n'ai pas l'envie d'attendre Quentin et Marine dehors. Je range mes livres et cahiers dans ma case et garde seulement ceux qui me seront utiles ce matin. M'approchant de ma salle de français, je me heurte à quelqu'un et j'en fais tomber mes affaires.
Je m'accroupis pour les récupérer et une main apparaît dans mon champ de vision. Je relève la tête et me rends compte qu'il s'agit de Madame Mastre. Celle-ci m'aide à ramasser ce que j'ai lâché plus tôt et me retient par l'épaule :
- Tu n'as pas l'air en forme aujourd'hui Angeliqua. Tout va bien ?
- Oui oui madame, je n'ai juste pas très bien dormi, ce n'est rien. Lui répond-je avec un sourire forcé et un bâillement réprimé.
Elle ne cherche pas plus d'explication et entre dans la salle des professeurs. J'entre pour ma part dans cette salle où je vais passer la plupart de ma journée. Je m'installe donc au fond de la classe près de la fenêtre. Je pose mon cahier et mon manuel sur mon bureau et mets ma tête dans mes mains posées sur celui-ci. Je suis crevée ! Je remets mes écouteurs et ferme les yeux pour reposer ceux-ci. Lorsque j'entends la chaise voisine de la mienne racler le sol, je décide de lever la tête et de couper ma musique.
- Salut, me lance la fille qui s'installe au bureau voisin du mien.
Je ne lui répond même pas et me concentre sur un point invisible en face de moi. C'est à peine si j'entends la professeur arriver et s'installer à son bureau. Pendant toute l'heure, je ne quitte pas ce que je fixe. Mon cerveau, même s'il est fatigué, ne peut s'empêcher de tourner à vive allure pour essayer de contenir ces pensées. Je peux presque entendre les rouages fatigués s'activer. Mon dessin de cette nuit me revient en tête, tout comme le message de Max. Jamais je n'aurai pu imaginer que j'allais me retrouver un jour dans une situation pareille.
La journée entière est passée très lentement. Je n'ai vu ni Quentin, ni Marine. Max a essayé de m'appeler une dizaine de fois au déjeuner mais je l'ai ignoré et il a fini par abandonner. A la sortie du lycée, je me dirige vers le bus mais je ne vais pas jusqu'à la maison, je m'arrête au centre-ville. Il faut que je trouve un travail. Pendant la pause du midi, je suis allée à la bibliothèque pour imprimer des CV et lettres de motivation. Je fais le tour de la totalité des commerces, et tous me disent qu'ils me rappelleront si besoin. Seulement, j'ai très peu d'espoir. Ils n'avaient pas l'air intéressés par ma candidature spontanée.
Après ce petit tour, je me décide à rentrer à la maison. Je n'ai eu aucune nouvelle de Quentin depuis hier et cela commence à m'inquiéter, surtout que je ne l'ai pas croisé au lycée aujourd'hui. Je décide de l'appeler et tombe directement sur sa messagerie, cinq fois d'affilée. J'essaie alors d'appeler Marine, ils étaient censés passer la soirée ensembles.
" - Tiens, salut Angie. Qu'est-ce que tu veux ?
- Je n'arrive pas à joindre Quentin. Il est avec toi ?
- Non, il est parti tôt ce matin. Après la nuit qu'on a passé, il voulait repasser chez lui pour prendre une douche avant d'aller en cours, mais je n'ai pas de nouvelles depuis qu'il est sorti de ma chambre." Bizarre.
Alors là, je n'arrive pas à le croire ! Marine vient-elle de me dire qu'il avait passé la nuit tous les deux dans sa chambre ? Et est-ce qu'elle avait réellement sous-entendu qu'ils n'avaient pas fait que jouer aux cartes ?
Bon, reprend toi Angie ! Il faut que tu lui répondes ! Ne lui montre pas qu'elle t'as touchée, ça ne lui ferait que trop plaisir.
"- D'accord, si t'as des nouvelles tiens-moi au courant s'il te plaît. Son portable est coupé, je vais essayer de passer chez lui.
- Ça marche, toi aussi tiens-moi informée si t'as de ses nouvelles."
Je me mets à marcher. Quentin n'habite pas très loin du centre ville, je n'ai qu'un kilomètre à faire pour aller chez lui. Après environ dix minutes, je me retrouve devant une immense maison rose pâle au jardin parfait. Je ne suis allée chez lui que quelque fois. Avant, il habitait plus près de chez moi et je passais mes soirées chez lui.
Je m'approche du portail pour sonner. Une voix retentit après quelques secondes d'attente.
- Bonjour, que puis-je pour vous ?
- Bonjour Madame Devrard, c'est Angie, je viens voir Quentin.
- Ah Angie ! Cela fait longtemps qu'on ne t'a pas vue ! Malheureusement, mon fils n'est pas à la maison.
- Ah bon ? Tant pis. Pourriez-vous lui dire de m'appeler quand il rentrera ?
- Oui bien sûr ma belle. Bonne soirée à toi !
- A vous aussi.
Ça c'est bizarre... Il n'est pas venu en cours et là il n'est pas chez lui... Je commence à me demander si Marine m'a dit la vérité.
Et s'ils étaient encore ensembles ? Mais non voyons, pourquoi ils me le cacheraient ? Ça n'a aucun sens. Il faut vraiment que j'arrête me faire des films ! J'ai cette idée, cette vision d'eux, en train de passer la nuit dans les bras l'un de l'autre et ça me donne la nausée. Si c'est vraiment le cas, je sais pas comment je m'en remettrai.
J'ai beau dire que je m'en moque, je sais au fond de moi que ça me blesserait de les savoir en couple, parce que je verrai ça comme une trahison des plus horribles. Depuis des années je connais Quentin, il est la personne qui m'est la plus proche, il sait tout de moi, y compris ce que je ressens pour lui. Il m'a dit tellement de choses, comme le fait qu'il ressentait un truc plus fort que de l'amitié pour moi... Et Marine, cette Madame Pouf, elle vaudrait plus que moi pour lui ?
Il m'a pourtant dit qu'il détestait les nanas superficielles et à mes yeux, elle en fait partie. Elle sait pertinemment que j'aime Quentin, pourquoi me faire ça ? Quel est l'intérêt pour elle de vouloir me le prendre ? Elle aime les hommes mûrs, riches, qui peuvent répondre à tous ses désirs matériels (et non pas sentimentaux, parce que comme elle a su me le répéter environ quelques milliers de fois : "Les sentiments ne mènent pas à la gloire, ni au pouvoir.") et ce n'est pas le cas de mon meilleur ami. Il vient d'une famille modeste, mais il n'est certainement pas riche ni mûr. J'arrive pas à comprendre comment ils pourraient vivre une histoire d'amour alors qu'aucun d'eux ne correspond aux critères de choix de l'autre. Pour moi, c'est inconcevable.
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