Maudit karma !
Dehors, il pleut toujours autant. Bon, cette fois ce n'est pas une petite averse passagère. Malgré cela, je quitte la salle de sport et je regagne ma chambre, en me trompant au moins quatre ou cinq fois sur le trajet. Je découvre sur mon smartphone plusieurs messages de mon assistante. L'agence reçoit un nombre incalculable d'appels de parents inquiets pour leurs filles, de journalistes en quête de scandales et de clients désireux de savoir si mes mannequins ne sont pas anorexiques.
Elle me rassure en m'assurant qu'elle gère tout et que je dois continuer à profiter de mes vacances.
Je soupire et m'écroule sur mon lit.
Evidemment, avant que je ne parte, nous n'avions jamais envisagé la possibilité qu'un tel drame survienne.
En vérité, cela fait plus de trois ans que je ne m'occupe plus personnellement des filles qui signent chez moi. Je suis plus souvent en visite chez de potentiels clients, je surveille les comptes Instagram de mes mannequins et je gère leur planning et leur communication. J'exige de valider avant toute parution les photos issues d'un shooting mais je ne m'occupe plus du recrutement. Ce sont mes adjointes qui passent du temps avec les filles, pas moi.
Et je me rends compte que je ne sais absolument rien d'elles. Je n'ai pas connaissance du moindre problème, je ne sais pas si certaines s'astreignent à des régimes draconiens ou si elles ont des tendances suicidaires.
Je devrais peut-être m'en assurer et vérifier qu'aucune mauvaise publicité ne soit faite au sujet de mon agence. J'envoie un message à mon assistante en exigeant qu'aucune fille ne fasse la moindre communication ou interview. Il ne manquerait plus que l'une d'entre elles soit dépressive et qu'elle en informe les magazines people. Dans ce cas, ma carrière serait fichue.
Je décide de m'octroyer une pause détente au spa. Il est gratuit, ce serait dommage de s'en priver. De plus j'adore faire une séance de sauna ou de hammam après une longue journée de boulot. Cela me détend et me permet de bien dormir.
Comme le reste de l'hôtel, le spa est luxueux avec une décoration simple mais soignée. Rien de tape à l'œil. Je suis happée par la musique relaxante qui résonne dans le bâtiment et je sens que je vais apprécier ma visite. Une employée me fait découvrir les lieux puis, elle me laisse dans l'un des deux vestiaires. Il y en a un pour les femmes, l'autre pour les hommes. Il est très petit mais comme je suis seule, je n'ai pas à m'en plaindre. Avant de me rendre au sauna, je me dirige vers une petite table où sont posés des verres, des bouteilles d'eau, un pichet contenant une infusion à base de fruits et une coupelle remplie d'amandes. J'en grignote quelques-unes, boit un grand verre d'eau avant de me diriger vers le sauna.
Il est déjà occupé par un homme. Comme il est allongé sur la banquette supérieur, je ne vois pas sa tête. J'essaie de ne pas faire de bruit en rentrant mais la porte ne veut pas se fermer correctement, je dois donc insister. Le grincement fait sursauter le client qui se redresse avec lenteur.
Je ne peux éviter une grimace en le reconnaissant.
Dylan me fait un grand sourire et m'invite à prendre place à ses côtés. Je refuse, prétextant que j'aurais trop chaud et que je préfère rester près de la sortie, au cas où.
Moi qui comptais passer un moment de pure relaxation, c'est foutu !
Oui parce que Monsieur semble avoir oublié que le silence est de rigueur. Et, à peine assise sur ma serviette, il entame la conversation.
— J'espère que vos vacances se passent bien.
— Oui, merci.
— Je dois dire que de mon côté, ma mission est quelque peu perturbée : ma sœur, Mila, vient de me tenir plus d'une heure au téléphone. Elle est mannequin et en ce moment en France, c'est le bordel apparemment. Y a une fille qui s'est suicidé à Londres et dans le milieu ça panique grave.
Ah mais non c'est pas possible ! Ce n'est plus de la poisse à ce niveau-là ! Pourquoi fallait-il que LUI me parle aussi de ce tragique fait divers ? Manquerait plus que la sœur de Dylan fasse partie de mes filles ! Dieu merci, j'apprends qu'elle est sous contrat chez l'un de mes concurrents. Mais, puisque mon karma a décidé de me jouer de vilains tours, mon vis-à-vis termine notre conversation, non, son monologue en soupirant :
— Je hais le jour où cette femme a abordé Mila dans la rue. Elle lui a mis en tête d'improbables rêves de gloire et depuis, c'est une véritable catastrophe. Ma sœur a été hospitalisée à plusieurs reprises pour déshydratation mais aussi anorexie. Et elle vient à peine d'avoir dix-huit ans. Combien de fois ne lui ai-je pas répété qu'elle n'était pas grosse ! Mais elle ne m'écoute pas. Son agence lui fout une pression de malade. Ça devrait être interdit d'ouvrir un commerce pareil ! En plus, en quoi c'est représentatif de la société hein ? Enfin bref...veuillez m'excusez. Nous sommes ici pour nous détendre, pas pour nous prendre la tête.
Sans doute gêné d'avoir joué les trouble-fêtes, Dylan sort du sauna, me laissant confuse. J'essaie de me rappeler la réaction de mes parents, de mon frère et de mes sœurs lorsque je leur avais annoncé la création de mon entreprise. Aucun d'entre eux n'avait émis de critiques.
Quoi qu'il en soit, mon moment de bien-être est définitivement fichu. Mais, lorsque je sors du sauna et que je constate que je suis seule, je décide de rester et de profiter de l'endroit. Je choisis donc, après une douche bien froide, de me rendre au hammam.
Cette fois, personne ne se trouve dans la pièce. J'y vois à peine à cause de la vapeur d'eau et je manque de me casser la figure à cause du carrelage glissant.
Au plafond, de petites lumières éclairent le lieu mais ce qui me marque surtout c'est une puissante odeur d'égout.
Moins de deux minutes plus tard, je sors du hammam très déçue.
Avant de refaire une séance de sauna, que j'espère bien plus tranquille, je teste le jacuzzi.
Si l'eau est bien chaude comme je l'aime, dès que j'appuie sur le bouton pour lancer le bain bouillonnant, un vacarme digne des moteurs d'un avion en phase de démarrage retentit dans la pièce.
Soit je suis poursuivie par la malchance, soit l'entretien laisse à désirer.
Je suis incapable de me détente avec un tel boucan. Je sors du jacuzzi, dépitée, et je retourne au sauna.
Oui mais...la gentille dame qui m'a fait visité les lieux tout à l'heure a oublié de préciser un point essentiel : quand il est allumé le jacuzzi fonctionne un très très très long moment.
Enfermée dans le sauna, il m'est impossible de l'ignorer.
Ma patience ayant des limites, je prends la direction du vestiaire. Trop c'est trop !
Je décide de prendre une douche. Je prends soin de fermer la porte à clé et je savoure enfin un vrai moment de détente. Je me sèche puis, je déverrouille la porte et j'appuie sur la poignée.
Impossible de sortir. Je vérifie, oui j'ai bien tourné le verrou. Donc cette fichue porte devrait s'ouvrir ! Je tire de toute mes forces, en pure perte. Je suis coincée, enfermée dans cette maudite douche !
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