Quiconque te touchera, passera par moi. L.

« Vous ne m'avez pas répondu. »

Ma voix se répercuta en écho dans la pièce. Les murs étaient blancs, seul l'un d'entre eux formait une gigantesque vitrine sans que je ne puisse bien voir de l'autre côté puisqu'il n'y avait rien d'autre que l'obscurité. Mes yeux la fixaient justement. Jusqu'à ce que je le sente se rapprocher de moi. Me tournant doucement sur le lit, restant dans cette position allongée, je le vis s'avancer jusqu'à moi d'un pas lent et calculé. Il ne voulait surement pas me brusquer, ni même m'offenser, du moins pas plus que ce qu'il n'en avait fait en me prenant en vidéo et me touchant de cette manière...

« Je te l'ai dis, c'est un ami. Enfin, ça l'était.

--Je ne vous demande pas quelle relation vous aviez eu avant qu'il ne meurt de ce cancer foudroyant, je vous demande comment est-ce que vous l'aviez connu ? »

Glissant lentement mon regard de bas en haut sur son corps, je finis par rencontrer ses pupilles verdâtres qui me détaillaient, il semblerait, avec minutie. Je connaissais cette lueur dans ses yeux, ce fut, à une période, la même qui avait étincelé dans le regard de Liam jusqu'à ce qu'il puisse m'avoir à ses côtés. C'était comme me l'avait dit Anastasia il y a quelques jours : lorsqu'un homme vous dévorait de cette manière, cela ne voulait dire qu'une seule chose, qu'aucune femme ne hantait ses rêves érotiques autre que celle qu'il regarde ainsi. Fermant alors mes paupières, mal à l'aise, je fis rouler mon corps sur le côté et plaçai mes mains en-dessous de ma tête tandis que je repliai mes jambes.

Si je me fiais à mon raisonnement logique, nous étions le lendemain du soir où ce connard de commercial ou de détective m'avait kidnappée. Pendant les dernières heures que j'avais passé ici, à chercher en vain une issue, je m'étais résignée à me tenir à ce rôle de la jeune femme docile le temps que mes observations finissent par m'apporter des renseignements avantageux sur ma situation. Et pendant cette longue période, à somnoler et à supporter la douleur qui frappait mes muscles, Vandell était venu me rendre visite plusieurs fois afin de savoir si je voulais bien coopérer avec lui ou s'il fallait qu'il réponde à mes besoins : comme la pause pipi ou bien celle casse-croute fait sur un plateau garni. La preuve, il y en avait un au pied de mon lit que je n'avais pas touché même si mon ventre en mourrait d'envie.

J'étais certaine qu'il pensait que je connaissais les plans de Liam, et de son organisation criminelle. J'avais déjà eu assez de mal comme ça à supporter le fait que monsieur avait un passé sombre, j'avais même fait en sorte de laisser passer ce détail sur le fait que Liam Vaskov était un type dangereux avec des affaires louches mais de là à laisser passer le fait que monsieur l'infidèle fait partie de la mafia...Ah, nom de dieu, ma situation me désespérait totalement.

Je sentis un poids sur le matelas, au bord du lit, et l'ombre de sa silhouette venir se mettre devant les lueurs de la lampe de la pièce. Son souffle fit voler quelques mèches retombant sur mon visage, il était tout près, juste à quelques centimètres de mon visage, mais je savais qu'avec la carrure qu'il avait, je ne serais pas de taille à me battre contre lui pour fuir.

Grâce à ma demande sur le fait que j'avais besoin de faire ma petite commission, j'étais sortie de la pièce, non sans être menottée, néanmoins tout ce dont j'ai pu voir à ma sortie ce fut un long couloir blanc menant à une salle de bain, la seule porte que j'avais pu rencontré, fut celle à ma droite après avoir fait vingtaine de pas depuis ma sortie. Et pour l'ouvrir, il fallait un code. Après mon retour, j'avais décidé de piquer un somme. Et il m'avait retirée le lien qui me liait à la poutre du lit. Vraisemblablement, lui et sa blonde ne me voulaient aucuns mal, sinon, je pense qu'ils l'auraient fait depuis longtemps à commencer par toucher à mes proches ou bien me torturer à la fois physiquement et psychologiquement. En échange, j'eus comme cadeau la visite d'un médecin qui ne resta que quelques minutes afin de savoir si j'allais bien depuis l'accident orchestré par Vandell et son équipe.

« Kyle Patterson était journaliste.

--Heureusement qu'il était mon fiancé et que cette information ne m'avait pas été dissimulée.

--Ce que je veux dire, c'est que puisqu'il était journaliste, ton fiancé a certainement enquêté sur des sujets plus ou moins diverses, notamment sur les trafics illégaux de la mafia russe.

Me tournant brusquement, je le repoussai doucement puis m'étais redressée afin d'appuyer mon dos contre le dossier du lit.

--Vous dites qu'il a fouiné dans les affaires de la mafia ? repris-je dans un souffle en le regardant droit dans les yeux.

--Tout a commencé sur la biographie d'un avocat venant du cabinet William's & Co. Kyle rédigeait sa biographie et de ce fait, il fut obligé de mettre en lien des éléments le liant à son cabinet. Lorsque ses recherches ont abouti à une certaine fraude fiscale, sa curiosité a pris le dessus et Kyle a cherché à voir les revenus du cabinet jusqu'à ce qu'il observe qu'en plus de cette fraude, des investissements viennent en grande partie du parrain de la mafia russe.

--En résumé, vous dites que la famille Vaskov a investi dans le cabinet ?

--L'argent investi est illégal, Rebecca. C'est-à-dire que le cabinet trempe dans des affaires illégales. De plus, il paraitrait que les employés touchent des pots de vins.

--S'il l'avait pu, Kyle aurait rédigé l'article du siècle. Des avocats aux réputations irréprochables touchant des pots de vins par des mafieux européens. C'est de la corruption, et les gens comprendront bien pourquoi les criminels s'en sortent indemnes lorsqu'ils ont pour avocats de tels énergumènes. Cela ne m'étonnerait pas que les juges soient aussi corrompues, reprit Vandell en se massant la nuque tout en regardant le mur face à lui. »

Mes pensées se mélangeaient toutes entre elles, mes idées et mes souvenirs. Je ne me rappelais pas que Kyle ait enquêté sur ce genre d'affaires, il écrivait sur des entreprises, avait un franc succès à l'époque, mais tout ce qui touchait à ce genre d'affaires...Il faisait en sorte de s'en éloigner, c'était du moins ce qu'il m'en avait laissé paraître. A chaque fois que je lui en avais parlé, il s'était mis en colère et m'avais priée de ne pas me mêler de ce genre de choses, que c'était son travail et pas le mien et que je n'avais pas à fourrer mon nez dedans à mes risques et périls. Une fois, avant que je ne sache pour sa maladie, il s'était mis dans une colère noire mais je n'aurais jamais pu penser que cela avait été en lien avec cette affaire.

« Kyle a découvert que la mafia russe faisait de la corruption et du blanchiment d'argent. Et quelques temps après ces découvertes, Kyle meurt. Mais Kyle est mort d'un cancer ce qui les a soulagé, n'est-ce pas ? La mafia n'avait pas besoin de l'éliminer. Alors pourquoi est-ce que je suis touchée ? Est-ce que c'est seulement parce que je suis la copine de Liam ? Ou parce que l'on pense que je suis dans le coup ?

Vandell en rit un peu, se moquant délibérément de moi ce qui me heurta.

--La mafia savait déjà ce que faisait Kyle, elle l'a laissé faire jusqu'à ce qu'elle touche à une corde sensible...C'est-à-dire, toi. Mais elle n'avait pas l'intention de faire quoique ce soit, du moins jusqu'à ce qu'elle apprenne que Kyle avait un contact au sein du gouvernement.

--Et lier le gouvernement américain à ça, ce ne serait pas une bonne idée pour la mafia russe, n'est-ce pas ?

--Pas du tout même. Les russes ne sont pas nos alliés, pas plus que les chinois. La mafia a pensé durant une période que tu avais eu vents d'importantes informations que Kyle t'aurait transmises, et ils t'ont suivi. Puis tu as rencontré Liam. Et les hommes de Vaskov t'ont encore plus soupçonné au moment où tu t'es rapproché de lui, d'ailleurs la noyade dans la baignoire, c'était seulement pour t'avertir-...

--Mais puisque je n'étais au courant de rien, le coup de la baignoire était seulement une sorte d'avertissement pour Liam, c'est ce dont j'en avais pensé du moins.

--Aujourd'hui que tu es aux côtés de Liam, tu es la carte maîtresse des deux camps. Celle qui nous mènera aux gros bonnets de la mafia, ou celle qui les mènera aux informations de Kyle qui ne doivent en aucun cas être divulgué à moins que cela ne crée de fortes tensions politiques. Chose que l'on doit éviter. »

Ce fut à moi d'en rire moqueusement, m'enfin mon fou rire était nerveux, mais il s'était rapidement transformé en un ricanement moqueur. J'avais vraiment l'impression d'être dans un film américain, d'avoir été embarquée dans une chose qui me dépassait totalement. Et moi qui pensais que ce genre de choses n'arrivait qu'aux autres.

«Et qu'est-ce que je suis censée faire ?

--Attendre que Liam vienne te chercher.

--Ah, en gros je suis la princesse qui attend que son prince charmant vienne la sauver sur le dos de son cheval blanc ?

--Pourquoi Liam jouerait le prince charmant ? C'est moi qui t'aie aidé à t'éloigner de lui.

--Ah oui, et m'éloigner de lui consistait à m'enfermer dans cette pièce ? »

Je le vis se gratter l'arrière du crâne, me fixer pendant un moment en se disant surement que la manière dont il avait organisé ce plan ressemblait plus à ceux des mafieux, que des gentils du gouvernement.

Ah oui, gros malin !

A ce moment-là, j'en ris un peu, plus détendue. J'étais censée me sortir de là, sans plonger Liam dans tout cela, sans qu'il ne risque la taule et tout le procès derrière, pourtant rien ne me disait que laisser Liam me chercher serait préférable.

« Je peux vous poser une question ?

--Lorsque tu arrêteras de me vouvoyer pour commencer. »

Levant les yeux au ciel, je m'étais ratatinée sur moi-même et l'avais regardé. Il ne me laissait voir que son profil droit et je pouvais admirer le nez droit et fin qu'il possédait. Il avait les mêmes traits que Liam, mais en plus durs, et sa mâchoire n'était pas carrée ce qui me changeait du visage du mec avec lequel je couchais dernièrement. Ma poitrine se serra en me rappelant des expressions qu'il m'avait laissée voir en m'annonçant qu'il était effrayé que je le fuis en sachant qui il était vraiment.

« La femme qui était à vos côtés hier soir, était-ce un agent ?

--Non. Elle était simplement une civile qui participait à mes opérations. Pourquoi, êtes-vous jalouse ?

--Pourquoi est-ce que je le serais ? lui avais-je demandé calmement en haussant un sourcil, interrogateur. »

J'admets l'avoir été lorsqu'elle s'était collée à Liam, mais pourquoi est-ce que je le serais pour lui ? Ah, les hommes. Toujours à vouloir flatter leur égo de mâle dominant.

« Peut-être parce que vous savez qu'une attirance nous lie mutuellement.

Après lui avoir ri une nouvelle fois au nez, je lui avais lancé le seul coussin qu'il avait eu la gentillesse de me donner, en pleine face au moment où son visage se tourna complètement vers moi.

--Mon dieu, la petite blonde de coéquipière ne peut pas vous aider à assouvir vos besoins ?

--La petite blonde ne m'aime pas vraiment, et c'est plutôt le genre...froide au lit. »

Écarquillant des yeux en l'entendant, je le vis rire à son tour et plonger son regard dans le mien. A nouveau, il y avait cette lueur. Celle qui me rappela immédiatement Liam et qui fit soulever ma poitrine pendant une fraction de seconde avant qu'elle ne s'abaisse et ne pèse. Comme si l'on avait rajouté un poids. J'avais l'impression de mener Liam à sa perte en restant là. De vouloir le mettre en difficultés en discutant avec Vandell. De participer à sa déchéance et je n'aimais pas ça...

« Rebecca ?

Mes pupilles le suivirent lentement se lever avant qu'il ne pivote sur lui-même et me regarde.

--Je suis le contact de Kyle. Et je suis le fautif dans toute cette histoire. Si je ne l'avais pas poussé à faire ses recherches...

--Kyle est mort d'une cause naturelle, d'un cancer certes, mais pas à cause de toi. Et si j'en suis à là aujourd'hui, c'est parce que j'ai décidé de côtoyer un mafieux.

--Est-ce que tu regrettes ton choix alors ?

--Je...J'ai peur, sans doute, de son monde. Mais Liam Vaskov ne me fait pas peur. »

Des commentaires ? Avis ? Votes ? N'hésitez pas, je veux tout savoir ! x)