Rebecca



Trop tard. C'est fait, c'est foutu. L.


Fixant un point vide, allongée sur mon lit, je mordillais le bout de mon pouce totalement dans l'obscurité de ma chambre. Je n'aimais pas ça. Je n'aimais pas ça du tout...Je ne l'aimais pas. Il me sortait par les yeux. J'avais envie de l'étriper jusqu'à ce qu'il soit de toutes les couleurs. Jaune, vert, violet...

Eh oh, ça va tes pulsions meurtrières ?!

Me tournant de l'autre côté de mon lit, fixant à présent le paysage extérieur depuis la fenêtre de ma chambre, je me redressais sur un coude et finis par mordiller l'autre pouce de ma main. Pourquoi est-ce que je m'étais sentie plus en danger dans ses bras qu'à deux mille kilomètres de lui ? Pourquoi est-ce que lorsque je l'avais entendu parler de l'annulation de son mariage, j'avais été si terrorisé par le fait qu'il soit à présent célibataire ? Et merde, il était une heure et demie du matin et je n'arrivais toujours pas à gagner le sommeil.

A cause de qui ?

Du Boss sexy pour qui je travaille et qui m'a tellement bien baisée que même après des jours, je ressentais encore ses caresses. Me redressant avec lenteur, m'adossant contre le dossier de mon lit tout en fermant mes yeux, je finis par taper mon crâne contre le mur derrière moi en me demandant ce qui n'allait pas chez moi. C'est vrai, ce n'était pas moi le problème, c'était lui. Devrais-je démissionner ?

Putain Becca si tu le fais, dis adios pour trouver un autre travail aussi bien que lui. Et puis tu diras quoi pendant les entretiens quand ils te poseront la question ?

« Bonjour, et bien j'ai démissionné parce que mon Boss et moi on a baisé. »

Non, ils ne me poseront jamais une telle question. Mais ce sera difficile de trouver un travail qui ne me discriminerait pas à cause de mon sexe. Surtout dans les entreprises où la concurrence faisait rage. Ici, j'avais montré mes capacités et j'avais grimpé les échelons seule. Sans aucune aides et l'on avait jugé que j'étais expérimentée. Cela faisait six ans que je travaillais pour cette boite alors oui, ce sera difficile de m'imposer dans une autre en sachant combien l'inégalité persistait.

Dis ça parce que t'as envie de rester à ses côtés oui !

Je crois.

M'arrêtant, je rouvris mes paupières et regardai le plafond tout en me rappelant de ses paroles concernant Kyle. Il n'avait même pas eu l'amabilité de s'excuser.

Connard.

Un connard auquel je n'arrêtais pas de penser jour et nuit et qui me bouffait mes heures de sommeil. Je n'allais surement pas ramper pour aller au boulot de toute manière. Et sa fiancée...Et sa fiancée, bordel, il avait rompu avec sa fiancée.

C'est elle qui a rompu, nuance.

A cause de moi. C'était de ma faute. Il avait du lui dire la vérité. Ou elle avait du deviner. Je ne savais pas si c'était bien de la culpabilité que je ressentais, ou bien de la frayeur, ou même de la colère qui m'empêchait de roupiller correctement, mais je savais que ces trois sentiments étaient mélangés et qu'il fallait que je fasse quelque chose pour me détendre. Ce mec me bouffait de l'intérieur. Un jour j'arrivais à le comprendre, un autre...

C'est un casse-tête chinois.

Et c'était quoi ce "Empêches-moi de m'approcher de toi, Rebecca Johnson."? Comment devais-je le prendre ? Qu'aurais-je du dire ? Comment aurai-je du réagir ? Ce type n'était pas net. Fallait juste se noyer dans une baignoire de luxe pour savoir que tout ce qui l'entourait ne l'était pas. D'ailleurs, je trouvais ça étrange que je ne sois pas aussi effrayée. On avait failli me tuer, pourtant je ne me sentais pas en danger. Peut-être que je ne prenais pas encore conscience des faits ? Ou peut-être que j'avais juste une case en moins...Non, sinon on me l'aurait dit, ou on m'aurait déjà fui depuis belles lurettes.

Me glissant au bord de mon lit, je me levai avec une lenteur calculée, légèrement déboussolée, et partis en direction de ma cuisine en baillant. En lançant un petit regard à mon canapé, je n'aperçus pas Bad dessus. Alors où était-il passé ? Ma chambre ? C'est vrai que je n'avais pris le temps de m'occuper de lui lorsque j'étais rentrée. J'avais été chamboulée par notre discussion. Me servant un verre d'eau, je finis par errer dans mon salon en buvant quelques gorgées tout en essayant d'inspecter tous les recoins de mon salon.

Dans le noir ? Pas très fute-fute Becca.

Oui, sur ce coup, je me décevais beaucoup. Me dirigeant jusqu'à l'interrupteur, je sentis une touffe de poil caresser ma jambe en couinant. Appuyant dessus, je m'étais accroupie en posant mon verre sur le côté avant de caresser les oreilles de mon husky qui fut enthousiasmé par l'amour que je lui portai. Tellement enchanté même qu'il commença à me lécher le visage...

« Huh-...Bad...Oh non, avais-je dis en détournant ma tête sur les côtés avant de me redresser. »

Reprenant mon verre, j'étais partie en direction de la salle de bain pour me laver le visage avant de revenir dans la cuisine. Habituellement, si je n'arrivais pas à m'endormir parce qu'il faisait trop chaud ou pour une autre raison, je regardais la télévision avec Bad à mes côtés après nous avoir confectionné ma recette secrète. Étant donné que j'étais partie faire les courses avec Day dimanche au supermarché d'à côté, j'avais fais en sorte de prendre de la mascarpone avec moi et même du caramel. Les sortant du réfrigérateur, avec un œuf en plus dont je séparerais le blanc du jaune afin de le battre en neige, je les mis sur la table et commençai ma petite préparation. Bad tournait autour du comptoir comme à son habitude lorsque je cuisinais, au troisième tour, il s'en allait et se dirigeait dans son endroit préféré : le salon.

Que vas-tu faire Becca ? Changer d'emploi ? Est-ce la seule solution... ?

Maman me tombera dessus si je le fais. A vingt-sept ans, je n'étais pas encore mariée et n'aurais plus de salaires pour payer mon loyer.

Quand t'as pas de relations Becca, et que tu cherches un poste dans une grande boite...Cherches pas, tu trouveras pas.

Oui, parce que les seules personnes que j'avais en contact était les partenaires de la boite et les clients. Quoique les partenaires pourraient me prendre à mon avis...

Il fallait jouer sur les deux tableaux, être stratégique Becca. Allez réfléchis !

Cherchant la télécommande à mon avis, qu'il ne trouva pas, puisqu'il revint et se mit à aboyer avant d'accourir jusqu'au salon, puis il commença à faires des allers-retours incessants tout en aboyant ce qui commençait à m'agacer. En finissant au bout de cinq minute, après que j'eus finis de préparer mon dessert, je m'étais lavée les mains et étais partie dans le salon en lui disant :

« La patience n'est vraiment pas ton fort hein ? »

Au lieu de faire le tour du canapé comme je le fis afin de regarder où se trouvait la télécommande, Bad partit près de la baie vitrée et commença à se mettre sur ses deux pattes arrière avant de commencer à taper à l'aide de ses deux pattes avant la vitrine. Il se remit à quatre pattes et commençait à grogner anormalement ce qui me fit froncer des sourcils.

« Qu'est-ce qu'il y a Bad ? »

Je sentais bondir dans ma poitrine mon cœur à vive allure, je le sentais revenir puis repartir de plus belle, tandis que je m'approchais lentement de mon chien, en regardant par la baie vitrée tous les recoins du jardin avant de déglutir péniblement. Brusquement, l'on mit à taper contre la porte, ce qui accentua ma nervosité. Je pris un certain temps avant d'y aller, Bad sur mes talons qui grognait. Collant mon oreille contre ma porte après m'y être approché avec Bad qui avait enfin décidé de taire ses aboiements ainsi que ses grognements, en pensant que j'entendrais sans doute quelque chose, j'attendis patiemment que des bruits de pas s'annoncent. Sachant qu'à ce moment-là, l'individu serait parti et je pourrais enfin pousser un soupir de soulagement. Toutefois, l'on tapa une fois de plus à ma porte ce qui me fit reculer de deux pas.

Me précipitant jusqu'à ma cuisine, je commençai à tirer le tiroir des ustensiles, puis me saisi d'un couteau à beurre, refermant mon tiroir, je commençai à me diriger jusqu'à ma porte avant de m'apercevoir que j'avais investi dans un bloc à couteaux où ils étaient trois fois plus gros que celui que je tenais en main. Abaissant mon regard sur mon vulgaire couteau à beurre, qui ne servira qu'à faire perdre ma dignité en le brandissant devant mon meurtrier, je le balançais sur le comptoir avant de me saisir du plus gros couteau de mon bloc en bois. Revenant sur mes pas, je m'étais arrêtée devant la porte en prenant un temps. Bad juste à mes côtés qui me regardait silencieusement, je lui avais jeté un coup d'œil avant de compter jusqu'à trois et de déverrouiller ensuite ma porte. Le faisant reculer d'un petit coup de pied, il commença à grogner tandis que je serrais le manche de mon couteau le cœur battant. Ouvrant entièrement la porte d'un geste vif, j'écarquillai des yeux en voyant devant moi un homme en costume, se tenir aussi droit qu'un piquet devant le seuil de ma porte.

« Jaden ?

Il semblait surpris que je connaisse son prénom. Mais entre nous deux, qui devrait être le plus surpris hein ?

--Que faites-vous là ? repris-je avant de regarder dehors s'il n'y avait pas son Boss dans les parages.

--Il n'est pas ici. Est-ce que tout va bien ? »

Je fus muette durant de longues minutes, ne comprenant pas pourquoi le garde du corps de mon Boss débarquait à l'improviste, de plus à cette heure-ci de la nuit, en me sortant un « est-ce que tout va bien ? » que l'on ne retrouve que dans les films.

« Euh... »

Mon regard s'abaissa sur mes pieds, mais je ne retrouvais Bad près de moi. Il était en train de sentir Jaden et celui-ci ne trouvait pas ça gênant ou dérangeant. En fait, il restait aussi immobile que depuis le début et me regardait droit dans les yeux en attendant que je lui réponde. Il jeta un petit coup d'œil à la lame que j'avais entre mes mains puis me regarda une nouvelle fois. Ce type était louche.

Tu trouves tout le monde louche.

Euh...Objection ? Qu'importe.

« Que faites-vous là ? répétai-je en fronçant petit à petit mes sourcils.

--Je vérifiais simplement que vous soyez hors d'état de nuire.

--A une heure et quart du mat...Vous rigolez ?

--Je suis désolé pour le dérangement, je pensais que vous étiez en danger, finit-il par dire, gêné et désignant en même temps ma main tenant l'objet dangereusement coupant.

--Vous avez été engagés pour protéger Liam, pas moi, lui répondis-je en le cachant derrière mon dos avec un léger sourire. Avez-vous été engagés pour me protéger aussi ? enchainai-je rapidement, en roulant ensuite des yeux.

--Ce sera tout mademoiselle Johnson. Veuillez m'excuser pour le dérangem-...

--Je suis vraiment dans de beaux draps hein ? soufflai-je ensuite en passant une main sur mon front, de manière anxieuse.

--Je doute que monsieur Greyson vous laisse sans protection après ce que vous avez subi.

--Je vois...

--Je vais donc vous laisser. Je suis désolé d'avoir interrompu votre sommeil, m'annonça-t-il avant de s'abaisser afin de caresser le crâne de mon chien. »

L'ayant laissé faire, je le vis s'en aller en le suivant de mes yeux avant de refermer ma porte et celle-ci à double-tour. Plaquant mon dos ci-contre, je finis par prendre une grande inspiration avant d'expirer longuement.

Dans quel bordel j'étais...Je commençai petit à petit à prendre conscience des faits. Si Jaden m'avait été envoyée pour me protéger, c'était que je devais être prudente à l'avenir. Je commençais à flipper. Mais comme je ne voulais pas devenir paranoïaque, j'essaierais surement de faire comme si tout allait bien se passer.

Espérons-le...

M'avançant jusqu'au comptoir, me saisissant de mes deux pots de mes spéciales dessert sucrés, j'étais partie devant ma télévision. Posant les deux bols sur la table basse, je défiai du regard à mon chien de commencer à manger tant que je n'aurais pas retrouvé la télécommande. Fouillant sur mon canapé, entre les creux, je finis par m'allonger au sol et la repéra en-dessous. Je dus coller mon front contre le bord de mon fauteuil tout en passant ma main en-dessous avant de me saisir de la télécommande. Roulant brusquement sur le côté, ma hanche tapa le bord de la table et je dus réprimer mon cri en un grognement de douleur sourd avant de me relever avec quelques difficultés.

M'installant confortablement, Bad à mes pieds, et après avoir repris un bol, j'allumai la télévision. A la première cuillère dans ma bouche, je m'étais brusquement figée avant de baisser mon regard sur le sol. Pourquoi est-ce qu'il fallait qu'il m'arrive quelque chose ? Je revoyais cette scène encore et encore, tentant de me dire que ce n'était rien, mais s'il prenait des médicaments, ce n'était pas pour rien. Mon regard se posa subitement sur ma table au loin, celle près de ma baie vitrée, où était posé dessus mon pc-portable. En posant mon bol sur ma table basse, laissant Bad se régaler tout en regardant la télévision, je m'étais précipitée jusqu'à lui et l'ouvris. Tapotant de mon index, ma souris sans fil, j'attendis que la page google s'ouvre. Ce que j'appréciais chez lui, c'était qu'il ne mettait pas trois plombs à s'allumer contrairement à celui que j'avais acheté il y a quelques années.

Une fois sur la page, je pris un temps avant de me mettre à taper sur mon clavier :

"Réaction excessives, traitement"

Environ 500 000 résultats trouvés, mes yeux s'écarquillèrent sur le coup, mais je décidais ensuite de focaliser ma recherche en écrivant :

"Colère excessive, prise de médicaments."

Le premier résultat de la recherche fut : le TEI, le trouble explosif intermittent. Même si c'était wikipédia qui en était la source, ma curiosité avait pris le dessus. J'avais ouvert d'autres onglets et avait tapé ce cas dans les autres barres de recherches pour en apprendre plus et avoir d'autres sources à qui me fier. Je ne m'étais pas rendue compte que mes recherches avaient pris beaucoup d'ampleur, les premières lueurs du soleil apparaissaient déjà et j'étais claquée. Encore un peu et je m'endormais sur mon clavier, et dire que j'avais une journée de boulot assez chargée.

Fermant mon pc, après avoir vu qu'il était cinq heures et quart du matin, je finis par m'étirer en faisant craquer ma nuque et mon dos, ainsi qu'en roulant des épaules. Puis me dirigeais dans la salle de bain. Si jamais j'allais me coucher pour une heure de sommeil, je me réveillerais avec un mal de crâne atroce.

Mais au moins j'avais les réponses à mes questions. Si Liam Greyson prétendait être un homme tout à fait calme et sérieux, souvent sympathique, il cachait seulement sa maladie. Prendre des médicaments à chaque fois qu'il réduisait en miette des mobiliers, ou qu'il se mettait légèrement à trembler, ce n'était certainement pas pour attirer l'attention des gens. Vu ce qu'il s'était passé à New York, je doutais même qu'il veuille parler de cela avec moi. Il avait vu qu'à sa réaction excessive, j'avais été terrorisée...

Liam Greyson était atteint de trouble explosif intermittent. Et pour en avoir le cœur net, il fallait que je le lui demande directement.

****

Puisque j'étais partie assez tôt dans la matinée pour être sur de trouver une place de parking, j'étais arrivée en avance. Même Leslie, l'homme de la sécurité se postant toujours devant les grandes portes du bâtiment, avait été surpris de me voir venir aussi tôt pour travailler. En fait je m'étais rapidement préparée afin de pouvoir venir en avance et repartir plus tôt. Je devais me rattraper à ce rendez-vous et je devais sortir le grand-jeu, chose difficile car ça faisait depuis la mort de Kyle que je n'avais été à un véritable rendez-vous. Je ne savais même pas quoi mettre, et l'adresse du restaurant s'avérait être dans les beaux quartiers de L.A. Donc je devais me mettre sur mon trente-et-un.

Mon téléphone vibra sur mon bureau, sortant mon nez du dossier sur lequel je travaillais, je m'aperçus que c'était un numéro que je n'avais pas enregistré et qui m'avait envoyé la lettre C. Étrange, mais je n'en tins pas rigueur. Ma matinée se termina après que j'eus rangé le cahier des charges en fonction du déroulement de notre projet. A la pause déjeuner, tout le monde était parti manger mais j'étais restée afin d'avoir un peu de tranquillité. D'ailleurs, je n'avais pas faim du tout. Plaçant mes jambes sur mon bureau, je fourrai l'un de mes stylos dans ma chevelure en l'accrochant ensuite sur mon oreille, par la suite, j'ouvris un classeur comportant les nombreux clients potentiels qui pourrait être intéressé par notre projet afin d'établir quelques stratégies de négociations.

Il vibra une seconde fois, ce qui me fit pousser un petit soupir avant de lire sur mon écran :

"Je t'attends dans mon bureau. L."

Je fronçai des sourcils. Farfouillant dans ma caboche, je n'avais pas le souvenir de lui avoir donné mon numéro, il l'avait sans doute pris après avoir lu mon dossier. Sandra me l'avait fait savoir en me disant que je n'avais surement rien à craindre. Oui, parfois Barbie pouvait être sympathique avec les autres. En fait, elle avait toujours besoin d'une cible, et puisqu'avant c'était moi étant donné qu'elle trouvait que j'avais une sacrée répartie, actuellement, c'est la stagiaire qui lui ressemble franchement beaucoup !

J'attendis quelques minutes, relisant encore et encore son message en voulant deviner de quoi il pouvait s'agir, mais tout compte fait, il serait préférable que j'y aille et ne le fasse pas attendre. Glissant mes jambes au sol, j'avais posé mes dossiers sur mon bureau, devant le clavier de mon ordinateur, puis pris mon téléphone dans ma main droite. Quittant mon bureau, je marchai rapidement jusqu'à son bureau en me mordillant la lèvre inférieure. Je m'énumérais pendant le long du chemin les sujets de conversation qu'il viendrait à discuter avec moi. Poussant la porte de son bureau en cachant ma nervosité, je balayai d'un regard la pièce en m'avançant lentement à l'intérieur. Il n'y avait personne...Tournant sur moi-même en étant à présent au milieu de la pièce, j'avais plissé mon genou droit et m'étais tenue totalement droite en croisant mes bras devant ma poitrine. Je m'étais mise à observer avec minutie la pièce avant que mon regard ne se porte sur son bureau.

Il avait pris ses médicaments hier, il les avait pris, oui. Je l'avais vu boire un verre d'eau après avoir porté l'une de ses mains à ses lèvres. Jetant un rapide coup d'œil à la porte d'entrée, je m'étais précipitée jusqu'à son bureau et l'avais contourné en ayant dans l'intention de confirmer mes doutes. M'accroupissant derrière, je commençai à tirer le premier tiroir en partant par le bas. Nope, que des dossiers...La curiosité était un vilain défaut, je sais, et je n'aimerais pas non plus qu'on fouille dans mon bureau mais j'étais certaine que si jamais je lui parlais de cela, il ferait en sorte de changer subtilement de sujet sans que je ne m'en aperçoive.

Ou bien, il dirait la vérité.

Oui, enfin, vu comme ça c'est vrai que si je ne lui ai pas posé la question, je ne saurais pas s'il me l'avouerait ou pas. Glissant ma main au-dessus, je tirais le second tiroir, celui-ci était vide ce qui me fit hausser des sourcils avant que je ne le referme brusquement et passe au premier. Le tirant, je tombai inopinément sur la boite orange de gélules, en la tournant dans ma paume, j'y lus : NUX VOMICA CH 30.

Je n'étais pas médecin, encore moins pharmacienne, mais à en voir par les indications que je pus lire dessus, un adulte devait prendre trois fois par jour cinq granules de ce truc sous prescription du médecin avec un suivi psychologique...Sortant mon téléphone, je finis par faire une capture d'écran avant de rapidement remettre la boite à sa place et de me remettre debout.

Surprise, surprise Becca, regarde qui voilà !

Affichant un sourire nerveux, je m'étais reculée de quelques pas jusqu'à ce que ma jambe fléchisse sur le moment...et le pire dans tout cela, c'était qu'au lieu de me rattraper, il m'avait laissée tomber au sol sur mes deux genoux. Il se pencha devant moi en me regarda dans les yeux avant de regarder le tiroir ouvert que je n'avais pas eu le temps de fermer. Je pense que j'avais été tellement concentrée sur ce que je faisais que je ne l'avais pas entendu entrer.

« Que dois-je en conclure ? me demanda-t-il d'une voix grave.

--Je...Euh...

Et merde, Becca, invente un truc, allez !

Honnêtement, mis à part lui dire la vérité, je ne savais pas quoi lui dire d'autre.

--Est-ce que tu as au moins obtenu les réponses à tes questions ? continua-t-il sur un ton plus ferme. »

Visiblement, il n'était pas si en colère que ce que je ne l'aurais pensé. Mais il restait tout de même effrayant. Le sourire froid qui se dessina sur son visage me fit détourner mon regard. Ma bouche s'ouvrit sur le moment afin de lui répondre, mais je sentis brusquement son pouce y faire le contour afin d'atterrir au milieu de ma lèvre inférieure. Il la tira légèrement en bas et plongea ses yeux dans les miens. Mon coeur manqua un bond, puis bondit douloureusement au fond de ma poitrine, accélérant continuellement à chacun de ses vas-et-viens irréguliers.

« C'est vrai, Becca...me murmura-t-il en s'approchant de mon visage.

Son sourire s'étira malhonnêtement sur son visage, ce qui eut un drôle d'effet sur moi. Ma respiration se coupa brutalement. Et il finit par me souffler en collant sa bouche contre mon oreille :

--Je suis dangereux. »

Mes mains se plaquèrent sur son torse afin de le repousser tandis que j'avais eu du mal à reprendre ma respiration. Après que je l'eus obligé à reculer, je m'étais redressée avec une lenteur calculée, troublée d'autant plus par son expression faciale que par ses paroles.

« Je voulais simplement connaître la raison qui vous oblige, à certains moments, de prendre vos médicaments, monsieur. »

Sa gorge vibra sous le rire moqueur qu'il m'infligea. Apercevant même une lueur victorieuse au fond de ses pupilles noires, qui s'effaça très vite, je me rendais compte que monsieur se sentait pousser des ailes depuis qu'il avait attisé ma curiosité.

« J'ai un problème de gestion de mes émotions, me confit-il en se tenant devant moi, les mains dans les poches de son pantalon gris. »

J'avais l'impression qu'il portait un poids énorme sur ses épaules lorsqu'il me le déclara de cette manière. Pourtant rien ne traversa son visage, aucune expression, il était juste inexpressif...presque indifférent à son problème. J'en déduisis qu'il l'avait bien accepté, qu'il avait même trouvé une solution à son problème et que cela ne changeait rien à sa vie.

« Avez-vous le TEI ?

Il resta un moment à me regarder dans les yeux avant de me répondre :

--Oui.

--Est-ce que ça vous-...

--Non.

--Je n'ai même pas fini ma phrase...

--Est-ce que ça vous arrive fréquemment ? De perdre le contrôle de vous-même à cause d'un excès de colère ? Non. Autrefois, oui, ça l'était. Aujourd'hui, je vis très bien avec.

Je me mis subitement à culpabiliser. J'avais l'impression de le forcer à en parler, pourtant, il discutait de cela avec une telle aisance !

--Je suis partie en Allemagne pour suivre une thérapie. J'étais suivi par un spécialiste pendant quatre ans. Il m'a ensuite conseillée de prendre des médicaments étant donné que son suivi médical avait montré des résultats positifs au niveau de mon comportement.

--Quand est-ce que cela vous arrive ? Enfin, est-ce tout le temps lorsque vous êtes en colère ?

--Tu devrais arrêter de me vouvoyer pour commencer.

Je roulais des yeux en ne m'étant pas attendue à cela mais n'avais rien dis de plus. J'attendais simplement ses réponses.

--Je suis quelqu'un qui garde généralement son sang-froid à chaque situation. J'ai appris à le faire afin de ne pas dégénérer plus que je ne le fais déjà. Lorsque ma colère prend le dessus, je tremble et explose. Il me faut alors soit une bonne dose de morphine à m'injecter, soit mes médicaments. Sinon...

Je déglutis à son "sinon" en voyant le regard qu'il posa sur moi. Froid, vide, sans émotion. Aucune lueur ne traversait son regard, c'en était presque effrayant.

--Je suis désolée.

--De ?

--En temps normal, je n'aurais pas fais ça. Je ne fouille pas dans le bureau des gens, je ne le fais pas parce que je ne le supporterais pas de mon côté, mais j'ai eu peur que tu te braques.

--Et si je l'avais fais, qu'est-ce qui aurait changé ?

--Tout.

Il fronça dès lors des sourcils et je fus soulagé en voyant son visage. Il s'appuya contre le bord de son bureau, tandis que je me tenais entre celui-ci et son fauteuil en cuir, debout, près de lui.

--C'est-à-dire ?

--Je...Rien, je ne sais même pas de quoi je parle.

En fait si, je savais clairement de quoi je voulais qu'on parle, mais je ne voulais pas être blessé. Je ne voulais pas non plus donner d'importance à ses paroles et encore moins à ses actions.

--Jaden est devenu mon garde-du-corps ?

C'était plus une affirmation qu'une question, mais je voulais changer de sujet et c'était la seule chose qui m'avait traversé l'esprit.

--Je ne veux pas avoir ta mort sur ma conscience.

Ouch.

Je réprimais un rire nerveux avant de continuer par un "je vois" que je n'avais eu la force que de souffler.

--Comment le sais-tu ? s'enquit-il brusquement.

--Je l'ai vu.

--Quand ça ?

--Ce matin. Enfin, à une heure du mat. »

Il haussa un sourcil, interrogateur, ne comprenant pas comment j'avais pu l'apercevoir. C'est vrai, j'ai même été surprise qu'il me révèle le fait qu'il s'occupait de me protéger 24H/24, j'ai cru que Liam le savait...Mais visiblement que non. Mon Boss se redressa du bord, appuya sur un bouton sur le téléphone et quelques minutes plus tard, Jaden apparut sur le seuil de la porte. Il nous regarda à tour de rôle avant de s'avancer jusqu'au bureau pour s'y mettre à une certaine distance devant celui-ci.

« A une heure du mat Jaden ? Vraiment ? lâcha Liam en le regardant, tout en sortant ses mains de ses poches.

--Il y a eu des mouvements suspects autour de son logement, monsieur.

J'ouvris ma bouche, surprise avant de la refermer bêtement.

--Tu aurais du patienter pour être sur de tes hypothèses.

--Le chien a aboyé et j'ai pensé, en voyant la lumière s'allumer, qu'elle serait en danger. Ou qu'elle l'était déjà.

--Bah...J'ai dressé Bad pour qu'il soit un chien de garde accompli alors...

--Bad ? entendis-je brusquement à l'unisson.

Je les regardais tous les deux ne sachant pas pourquoi ils me regardaient de cette façon. Vous savez, le genre de regard qui vous dit : à quoi t'as pensé quand tu l'as appelé de cette manière ?

C'est vrai, qu'en y repensant...

--Eh oh, on parle des gens qui veulent me tuer, pas de mon chien.

Jaden réprima un petit sourire, drôlement amusé par mes dires. Subitement, il se retint aussi droitement que possible en entendant Liam dire :

--Au moins, tu es sur que mes paroles ne sont pas faites en l'air.

--C'est toi qui es censé me protéger pas Jaden, je te rappelle. M'enfin, vu tes problèmes...

Il roula des yeux, cligna plusieurs fois des paupières avant de regarder Jaden. Celui-ci leva ses yeux en l'air et fit tourner sa langue dans sa bouche, essayant vainement de ne pas sourire.

--Si tu veux à ce point ma protection, je t'invite à cohabiter chez moi.

Ma bouche s'ouvrit en grand.

Et puis quoi encore ?

--Jaden est plus apte à me protéger que toi, je pense avoir fait mon choix.

--Alors ne te plains pas ma belle.

--Je ne me plains pas ! Je suis juste surprise que tu colles des boulots aux autres, voilà tout, avais-je fini par dire, étonnamment soit-il, à voix basse.

Me raclant la gorge, je décidai de contourner le bureau et de mettre fin à cette conversation, mais il m'en empêcha en me lançant :

--Quoique tu aies ce soir, annule, j'ai besoin de toi.

--Je ne peux pas.

--Pourquoi ?

--Parce que, lui répondis-je du tac-au-tac.

A cet instant, je m'étais tournée vers lui, tandis que je m'étais retrouvée près de Jaden, c'est-à-dire devant le bureau.

--Un peu plus détaillé et ta réponse sera parfaite. Pourquoi ? »

J'étais assez mal à l'aise. Je ne voulais pas étaler ma vie comme ça, oui parce que lui dire que j'avais un rendez-vous, pour moi, ça l'était. Et d'un autre côté, je détestais le fait qu'il puisse m'ordonner de modifier mon planning sans que je n'aie rien à y redire dessus. Ce que Jaden remarqua aussitôt puisqu'il me regarda avec insistance, me demandant clairement de faire ce que Liam voulait que je fasse.

« J'ai quelque chose que je ne peux pas manquer.

--Et qu'est-ce donc ?

--Dans le contrat stipulant que je suis ton employé, je ne savais pas qu'il y avait une close qui indiquait le fait que je dois te faire un rapport de tout ce qu'il se passe dans ma vie.

--Lorsque je dis que j'ai besoin de toi Rebecca, ce n'est pas à prendre au second degré.

--Je ne peux pas annuler.

--Est-ce vraiment important ? »

Si je veux faire la paix avec Cupidon, oui.

Je regardais une nouvelle fois Jaden, puis posai mon regard sur Liam. Il avait ce regard bestial et cette aura menaçante qui planait au-dessus de sa tête. Et autour de lui, il se dégageait une sorte de dangerosité qui ne me prédisait rien de bon. Étais-je la première à lui tenir tête ? Je ne pense pas. Mais je ne comprenais vraiment pas pourquoi il réagissait ainsi. Alors qu'il aurait du être ainsi lorsqu'il m'a prise sur le fait en train de fouiner dans ses tiroirs.

« Je dois y aller, désolée. »

Il me considéra d'une étrange manière ce qui me fit froncer des sourcils. Je ne décidais pas de lui tenir tête, non, loin de là cette idée...Il était mon Boss et je tenais un tant soi peu à mon job, mais ce ton qu'il prenait avec moi, cette voix autoritaire qui faisait trembler sa gorge et ce regard qu'il posait sur ma personne, me sortaient par les yeux.

« N'y vas pas, Becca. C'est un conseil.

Et maintenant, il devenait menaçant. Pour qui se prenait-il ?

--Tu peux te le mettre où je pense ton conseil, Liam Greyson. »

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