Liam
Je t'aime. R.
Lorsque mes pieds avaient dépassé le seuil de la porte, en découvrant Jeff me regarder depuis l'entrée du salon et jeter un rapide coup d'œil à l'étage, je m'étais précipité pour aller la voir. Est-ce qu'elle allait bien ? Était-elle blessée ? L'avait-il blessé ? Je ne voulais pas encore découvrir son regard apeuré. Je voulais mettre fin à tout cela. Lui dire que je n'accepterais pas cette position et que si jamais il initiait Jonathan, alors peut-être qu'il finirait par être son héritier...Mais en atterrissant dans le couloir, Jeff m'avait saisi par le poignet pour me souffler :
« Ivankov ne la relâchera que si tu lui obéis. »
Ma main droite passant sur mon visage, creusé par l'inquiétude et tiré par la colère, je m'étais résigné à le suivre jusqu'en bas des escaliers pour qu'il finisse par m'indiquer qu'Ivan m'attendait dans le salon. J'avais l'impression d'être revenu en arrière, à l'époque où je revenais de mes missions pour lui faire mon rapport sur la situation et pour le rassurer que tout était rentré en ordre.
J'avais lâché l'affaire quand j'avais vu cette fille sangloter dans son coin, les ongles arrachant la chair de sa peau le long de ses jambes et hurler qu'elle ne les sentait plus. Que c'était foutu. Qu'on avait détruit sa vie, qu'on lui avait privée de ses plus beaux atouts. Un mannequin qui avait réussi, adolescente, à sortir de la misère mais endettée à cause d'hommes comme nous. Manipulée par un homme comme moi, d'ailleurs, ça avait été de ma faute si elle avait perdu l'usage de ses jambes.
J'avais eu un déclic...Pourtant, autrefois, je ne l'avais jamais eu. Détruisant la vie de ceux qui nous faisaient obstacles, je n'avais jamais autant culpabilisé que lorsque j'avais vu cette lueur danser dans les yeux de cette jeune femme. Une lueur qui s'était éteinte quand cet accident eut lieu.
Arrivant dans le salon, mon grand-père me fit signe de son menton d'aller récupérer une petite boite en métal posée à l'intérieur de l'armoire en bois, réparties en quatre étages. Elle était sur le deuxième. De plus, il n'y avait que cet objet à l'intérieur de ce mobilier. En la lui ramenant, je la lui tendis sans pour autant la lâcher lorsque ses doigts agrippèrent cet objet rectangulaire.
« Tu étais sur sa piste, commença-t-il en me parlant Russe.
--Tu aurais pu éviter de la mêler à tout ça. Tu as utilisé papa pour te rapprocher d'elle, n'est-ce pas ? Tu l'as utilisé mais tu as su bien après qu'elle était la seule chose que je désirais.
--Tu avais Jessica, m'informa-t-il innocement. »
Ma mâchoire se contracta. Il savait bien évidemment que Jessica ne correspondait pas à Liam Vaskov et qu'elle aurait fini par mettre un terme à notre relation si jamais j'aurais cessé de jouer le rôle de cet abruti de PDG qui se nommait Liam Greyson. Et ça, je l'avais lu dans son regard pénétrant, et le sourire qui s'incurva sur ses lèvres sèches me le confirma.
« Jonathan est capable d'être l'homme que tu cherches.
--Il n'est pas sérieux.
--Dis seulement qu'il n'est pas l'enfant du fils parfait que tu avais !
--Vladimir...Vladimir est tombé dans cette chose ridicule que vous appelez l'amour...à cause de cette femme, sa perfection s'est envolée, rajouta le vieillard pour finir par placer son index au niveau de sa tempe et la tapoter de son doigt en continuant, ses sentiments ont contrôlé son esprit, il est devenu aussi faible que tu l'es aujourd'hui.
--Tu as forgé un gamin en un homme, tu lui as appris à ne ressentir plus rien...tu m'as laissé crever dans une fosse pour m'apprendre à me débrouiller seul, j'ai fait tout ce que tu m'avais demandé, je l'ai fait en pensant que je te rendrais fière, que je pourrais protéger la famille que j'avais...
Il m'arracha violemment la boite et commença par tousser avant de lâcher un grognement sourd pour m'interrompre dans mon récit.
--Tu veux un homme faible à la tête de ton organisation ? Bien. Je le saurais. De ton vivant, tu verras le contrôle des Vaskov périr comme tu péris. »
Il garda le silence, mais c'était seulement parce qu'il avait entendu Rebecca descendre les escaliers pour nous rejoindre dans le salon. Quand sa voix résonna dans la pièce, que je l'entendis crier mon nom, mon cœur s'était brutalement arrêté, puis serré. En pivotant sur moi-même, je l'avais regardé...D'une façon que je n'aurais jamais voulue lui montrer, mais afficher mes sentiments sur mon visage face à Ivan, lui déclarerait que j'étais comme mon défunt père. Bien que je l'étais. Amoureux.
D'une faiblesse...
Pour ce vieillard, elle était la mienne.
« Relâche-là, exigeai-je.
--Elle doit signer.
--Quoi ?
Il me rit au nez et quand mon regard se posa sur un bloc de papier que je n'avais pas pris la peine de regarder à mon entrée, je finis par me tendre brusquement.
--Tu ne peux pas lui faire ça.
--Elle a le choix. »
Alors qu'elle me regardait avec ses yeux emplis d'espoir. Ce fut à ce moment-là que je sus que cette femme méritait bien mieux que tout ça. Je le savais, et au fond d'elle, Rebecca le savait aussi. Néanmoins, je ne pouvais accepter de la tenir éloigner de moi. Je l'aimais...Plus qu'elle ne le savait, plus que ce que j'admettais réellement, je savais que si je n'avais pas contenu ma rage, ma peur, ma folie, je n'aurais jamais pu la voir saine et sauve et devant moi aujourd'hui même.
« Raconte-lui ton premier meurtre. »
La voix du vieillard se répéta dans mon esprit, en un écho qui s'éteignit bien trop rapidement à mon goût. En l'entendant, je n'avais pas réagi, je m'étais juste assis, je l'avais regardé droit dans les yeux et...
Je n'avais pas le choix. Je devais la laisser s'en aller, auquel cas, je ne pourrais plus jamais revenir à ses côtés...Mais le pourrais-je toujours ?
Ivankov voulait qu'elle ait peur de moi. De son point de vue, j'étais une arnaque pour ses femmes.
Un tueur qui s'amuse à jouer l'innocent.
Si je n'avais fais que blesser avec mes balles ou mes poings, autrefois j'avais simplement tué. Et je n'avais eu aucuns remords à le faire. Quand à une époque, cela devient une habitude, que les morts ne viennent plus gâcher vos nuits et que vous avez endurci votre état mental, vous ne ressentez plus rien lorsque vous appuyez sur la détente. Et c'est une chose que l'on m'a privé afin de survivre. Mais les yeux qu'elle posait sur moi maintenant...
Un rire nerveux s'échappa de ma bouche. Je n'avais jamais eu le choix. Fuir n'avait servi à rien. L'on ne choisissait pas sa famille, en tout cas, je n'avais pas eu de choix à faire de mon côté. Il y avait la femme que j'aimais d'un côté...Et de l'autre, ma famille et ses soucis. Et je savais déjà que ce n'était pas moi qui devait choisir mais ma femme en sachant qu'elle devrait s'intégrer à ce monde. Rebecca ne le connaissait pas. Je ne voulais pas qu'elle le connaisse. Elle m'avait promis de rester à mes côtés, de ne jamais me fuir, mais c'était justement parce qu'elle ne m'avait jamais vu tirer sur une personne de sang-froid. Et jusqu'à cet instant, tout allait bien. Mais je n'avais pas eu le choix de lui révéler cela...Grand-père l'aurait fait à ma place, et je ne voulais pas qu'il intègre des détails sanglants à ce récit.
Passant mes mains dans ma chevelure, je l'avais empoigné entre mes doigts et avais fermé mes paupières. Contractant ma mâchoire tout en serrant mes dents, je finis par relâcher ma masse capillaire afin de faire passer mes mains devant mon visage.
Le silence avait régné dans la pièce. Et depuis que j'y étais rentré, je me rappelais de tout. De l'expression de son visage à mon arrivée jusqu'à celui de ma révélation sur mon premier meurtre, il s'était contorsionné en une grimace abasourdie, et des lueurs avaient dansé dans ses yeux. J'y avais ensuite lu sa terreur.
Est-ce que je la répugnais ? L'effrayais ? Je pouvais la comprendre...Je pouvais, mais je n'arriverais sans doute pas à l'accepter. Sans prendre le temps de savoir ce que j'étais en train de faire, je m'étais lentement redressé pour m'approcher d'elle mais elle se leva brusquement pour aller faire les cents pas dans la pièce. Mes jambes s'étaient enracinées...Je n'arrivais plus à bouger. En la voyant dans cet état, je m'en voulais.
Elle se rassit ensuite. Après avoir essayé d'encaisser le coup que je venais de lui asséner en plein cœur. Je la regardais, immobile, paralysé sur mon siège, feuilleter le contrat qui était bien évidemment vide ce qui ne m'étonna guère contrairement à elle.
Puis brusquement, mon cœur s'était lentement craquelé.
Avec lenteur, je m'étais redressé tout en la fixant dans les yeux. Tout était fini...Son rire, sa voix, ses étranges mimiques, sa drôle de personnalité...Cette fille qui se cachait derrière une barrière, cette femme qui montrait sa force tant bien que mal, je l'avais perdu. Je le savais. Je ne la méritais pas.
« Liam, souffla-t-elle en se levant à son tour. »
Je secouai négativement de la tête, les dents serrées. Je ne pouvais pas rester là à l'entendre m'expliquer que tout ceci, c'était trop pour elle, je le savais déjà, ça ne ferait que m'enfoncer. En tournant vivement les talons pour m'éloigner d'elle, quelque chose m'arrêta net devant la sortie du salon. Mes yeux s'agrandirent et, comme si tout se passait étrangement avec une lenteur démesurée, je m'étais retourné.
Pour la découvrir au sol.
Elle émit une sorte de grognement douloureux qui poussa à accourir jusqu'à elle. En entourant son corps de mes bras, je la serrais contre moi, je m'agrippais à elle sans savoir quoi faire... Elle s'accrochait à moi tant bien que mal, retenant sa respiration dans un sifflement aigue. Ses ongles griffaient ma peau, elle tentait de s'accrocher à quelque chose mais...Quand mes pupilles se baissèrent doucement, j'aperçus un cercle de sang s'agrandir au niveau de sa poitrine et teintant ses vêtements.
« BECCA !!! hurlai-je brusquement. »
Mes yeux se placèrent ensuite sur son visage, je la voyais regarder le plafond en souffrant silencieusement. J'entendis derrière moi la voix de mon grand-père, ou plutôt son rire moqueur se répercuter contre mon dos. Je surpris mes mains trembler au-dessus de son corps, sous le choque. Ma respiration fut haletante. Elle me tendait sa main que je ne pus prendre de moi-même si ça n'avait été elle qui me l'avait prise.
« Huh...Uh... »
Sa respiration était courte. Rapide. Elle essayait de s'accrocher à la vie. Elle essayait tant bien que mal à gonfler ses poumons d'airs mais je la voyais respirer avec difficulté. Tandis que je restais silencieux et impuissant. Tremblant et incapable de faire quoique ce soit d'autre que de la regarder s'épuiser.
« C'est rien..., me fit-elle dans un murmure tandis que ses yeux se fermaient.
Rien ? Le fait qu'elle perdait la vie devant mes yeux, ce n'était...rien ?!
--...Liam...
--Becca, répondis-je d'une voix rauque et enrouée.
J'avais une boule à la gorge qui m'empêchait de parler, un poids sur mon corps qui m'empêchait d'agir...Une charge sur mon coeur qui l'empêchait de battre à un rythme à intervalle régulier.
--C'est toi...Huh... »
Sa respiration sifflante m'était insupportable. Et lorsque je la sentis me lâcher tout doucement la main, je la repris immédiatement, effrayé de la perdre sous mes yeux.
L'entrainer dans mon monde. C'était ce que j'avais fais. En avouant avoir trouvé quelque chose auquel je tenais sur Terre, je leur avais montré ma faiblesse. Si Jessica et moi avions continué...Si je n'avais pas décidé de suivre mes pulsions. Si j'avais tout simplement donné raison à ma raison !
« Liam. Laisse-là partir.
--FERME TA PUTAIN DE GUEULE OU JE TE BUTE ! hurlai-je en m'adressant à Ivankov, les larmes aux yeux. »
Mes yeux se tournèrent vers son garde du corps, qui, parfaitement calme, se tenait à ses côtés pourtant les poings serrés. Quand est-ce que Jeff était venu ? Qui avait tiré ? Aucuns des deux n'avaient une arme sur eux...
QUI ?!
Il dut y lire dans mon regard, une tristesse dont je n'avais aucunement l'habitude de montrer. Une tristesse qui me rendait incapable de faire le moindre mouvement jusqu'au téléphone pour appeler, je tremblais tellement...
« Elle en savait trop. »
Jeff serra des dents et évita de placer son visage sur le mien. Je l'avais supplié du regard de m'aider mais il l'avait lâchement détourné le sien. Je regrettais à ce moment-là d'avoir détourné mon regard du visage de Rebecca...Elle était plus pâle que jamais, et je n'entendais plus sa respiration sifflante. La marre de sang dans lequel elle baignait m'horrifiait.
« Bec...ca...Becca...
Je ne l'entendais pas, ne la voyais pas bouger.
--Becca.
Lâchant sa main, je soulevais brusquement son corps pour la ramener près de moi.
--Becca, ne me quittes pas. Ne me fais pas...Becca...Becca...
--...
--Becca...Je suis là...Becca. »
L'allongeant subitement sur mes genoux avec une douceur incommensurable, je commençais à caresser ses cheveux à l'aide de mes mains tachées de sang. De son sang. Elles continuaient de trembler. Mon esprit n'était pas clair du tout. Je ne savais quoi faire. Patienter n'avait jamais été mon fort. Mais prendre conscience que plus les minutes passaient plus elle perdait du sang me rendait fou à l'intérieur. Il n'y avait aucuns téléphones autour de moi, la pièce était vide et Jeff m'avait retiré le mien avant de rentrer.
« ...qui... »
De longues minutes passèrent ainsi. Moi, tentant de chercher du regard un téléphone dans la pièce, faisant ramper son corps et le mien près du canapé en tentant de chercher quelque chose...Je ne savais pas quoi, je voulais simplement arrêter l'hémorragie...simplement arrêter de la voir se vider de son sang.
Jusqu'à ce que je découvre une arme près du fauteuil d'Ivankov. Pourquoi est-ce ça ne me choquait pas ? Pourquoi est-ce que...je ne trouvais pas cela impardonnable de sa part ? Peut-être parce que s'il l'avait voulu, il aurait fait bien plus pire que de la tuer sur le coup...
Avant même de comprendre les autres mots qui sortaient d'entre ses lèvres, je vis débouler des ambulanciers avec leurs équipements. Ils sortirent d'abord une civière à ses côtés, deux d'entre eux me demandèrent de me décaler mais je les défiai de me pousser à le faire.
« Si nous ne la transportons pas sur la civière jusqu'à l'ambulance, elle ne survivra pas. »
Je baissai immédiatement mon regard sur elle, avant de doucement la resserrer dans mes bras, apeuré.
« Lâche-là Liam, s'exclama une voix qui m'était familière.
Quand mes yeux se levèrent dans la direction d'où provenait cette voix, mes bras étaient retombés le long de mon corps pour m'apercevoir mon frère se tenir avec Zakone près de la porte...M'avaient-ils suivis ? Que...Comment ?
Je ne sus ce que l'un d'eux me dit, mais tout ce que j'eus d'eux fut la vision de trois ambulanciers, dont deux poussant le brancard sur laquelle elle était, qui quittait le salon.
Mes lèvres sèches que je n'eus pas la force d'y passer ma langue dessus, s'entrouvrirent. A chaque clignement d'yeux, ma vision devenait pénible. Tout était flou.... Lorsque j'abaissai mon regard sur le sol, la flaque de sang me fit agrandir les yeux, et me relevant avec lenteur, je me dirigeai vers la sortie pour rejoindre l'ambulance cependant Jeff se mit devant moi. Il secoua négativement de la tête et me regarda droit dans les yeux.
« Rebecca...Je dois...Pousse-toi...,n'eus-je la force que de lui dire. »
J'avais l'impression que mes mouvements étaient lents. Que je me perdais. Que la douleur s'intensifiait tellement que mon esprit n'arrivait plus à réfléchir correctement. Sans avoir le temps de remarquer ce que j'étais en train de faire, je m'étais mis à courir afin de rejoindre l'ambulance avant qu'elle ne parte... Dans cet énorme chaos émotionnel qui me faisait perdre pied, Jonathan s'approcha de lui et le regarda droit dans les yeux pour lui commander avec une autorité que je ne lui connaissais pas :
« Dégage. »
Et si c'était la dernière fois que je la voyais. Et si elle ne survivait pas ?
« Rebecca...soufflais-je sans le savoir. »
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