VI.Anna

Je la vois refermer cette porte avec hésitation, comme une incertitude de me laisser ici, après un rapide et court adieu. Elle doute, elle a peur, elle baisse le regard au sol puis finalement la claque et court vers la sortie. Je l'entends à ses reniflements, à son manque de voix, j'étais sûre qu'elle allait pleurer à la seconde où elle serait hors de la chambre... Ne pas se laisser aller, ne rien montrer devant moi, tout en cachette, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie et encore moins me mettre en pleurs davantage que je ne vais l'être. Pour moi-même, ce moment est difficile à subir, à encaisser... je m'effondre directement après son départ.

Je réalise seulement maintenant qu'entrer dans sa vie ne consiste qu'à lui faire du mal. Je me rends compte qu'on est les meilleures amies du monde, mais comme Roméo et Juliette, nous sommes destinées à nous séparer. À peine retrouvées, le sourire aux lèvres, on doit se quitter pour éviter la mascarade de ses parents, les grondements, le tonnerre qui pourrait s'abattre sur sa famille à cause de moi. Je m'en veux d'être venue comme cela dans sa vie, de ne pas avoir prévenu bien plus tôt, de m'être imposée comme une fleur empoisonnée, je regrette d'avoir bouleversé son petit confort, je me mords les doigts de tout, mais surtout... qu'elle ait fait ma connaissance. J'aimerais tant ne jamais avoir eu la faiblesse d'être revenue vers elle, mais mon manque de courage pour affronter la réalité, ma vie, mes proches, toutes mes actions et inactions habituelles, tout cet ensemble d'événements que je traverse m'y ont poussée.

Depuis le début on a une multitude de merveilleux moments, des fous rires à n'en plus finir, des discutions tardives qui se révèlent très émouvantes, du soutien lors de nos difficultés parfois minimes, finalement et ironiquement, de ce tout qui nous a réunies malgré les désaccords, les interdictions. Dès le premier instant où l'on s'est liées on s'est soudées au point que nous sommes devenues un cadenas et sa clé, l'un sans l'autre ne fonctionne pas. Aujourd'hui, devoir la laisser partir une fois de plus me détruit au plus profond de moi-même, j'ai l'impression de perdre encore un morceau, un bout qui me correspond, une partie importante de mon être.

Je savais que ce jour allait se produire : se revoir, pour mieux s'anéantir.

Je connaissais les conséquences de ma venue, et pourtant je n'en ai fait qu'à ma tête. Je n'ai qu'une envie, m'en mettre encore et encore pour ne pas avoir tenu un jour de plus chez moi, je me maudis de plus en plus de lui infliger mon sort, mon poison, ma personne. Elle est repartie les larmes aux yeux, courant le plus vite possible vers la sortie en fuyant mon regard, comme une infinie tristesse prête à exploser d'un seul coup. Elle s'est échappée de ce monde, de mon monde rempli de pleurs, d'amertume...

Julie est partie le cœur lourd de chagrin, le corps empli d'accablement, les yeux imbibés de sang, elle est partie abattue de l'hôpital, pour retrouver un enfer chez elle, toujours et encore par ma faute... Autant physiquement que moralement... à cet instant.

Jamais je ne me le pardonnerai, jamais je n'aurais dû venir. Cela m'a fait énormément de bien de la voir, de la serrer fort dans mes bras, de savoir qu'elle a pris tous ces risques pour moi, mais cette déchirure qu'on vient de s'infliger est la pire de toutes. La plus blessante, la plus destructrice que j'aie connue... Et j'en ai vécu des événements moralement douloureux.

Mon cœur est en train d'exploser en un millier de morceaux, qui eux-mêmes se consument graduellement. Je souffre intérieurement, je suffoque, je m'affaiblis, je perds toutes les forces qu'il me restait, mon moral est usé, détérioré, dépité. Je comprends désormais que son sourire, ses messages, nos délires, nos pseudos, n'existeront plus. Je me laisse aller, mes larmes coulent à flots sur mon visage, elles dégoulinent sur mes joues, telle une course olympique d'athlétisme, peut-être que la première à s'écraser sur ma poitrine gagnera un prix... le prix de la plus pressée de s'écraser indignement contre cette vie... le prix du sentiment le plus incontrôlable et pathétique qu'un humain ait pu ressentir...

Je pleure davantage, j'ai mal... J'AI MAL PUTAIN ! On vient de m'arracher le cœur d'une force inouïe, je hurle du plus profond de mon être, je gémis de douleur, je crie de plus en plus fort cette souffrance qu'on m'inflige chaque jour, mes poumons sont en feu !
Mes gémissements s'affaiblissent soudainement, j'éprouve tant de martyre que je deviens incapable de poursuivre mes cris, tout reste bloqué en moi, comme une bombe amorcée en silence, faisant un jour pas mal de dégâts.

La blessure la plus dure pour moi s'encaisse en me tuant doucement, le moral à sec, les membres dans l'incapacité de bouger, les émotions stoppées net, je suis inapte et trop faible pour supporter un moment pareil...

Les infirmières courent vers moi et m'injectent un produit, mais il est trop tard, mes cris ont déjà cessé, ils se sont trouvés coincés en moi, comme un être vivant se réfugiant quelque part à l'abri le temps de reprendre des forces. Mon cœur reste légèrement affolé, mais mon corps, lui, s'éteint petit à petit.

Je ne craque plus qu'intérieurement.

Extérieurement, on vient de me désactiver.





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Un chapitre un peu plus court cette fois-ci, mais les émotions sont fortes.

N'oubliez pas de voter, cela fait toujours plaisir !

Bonne journée, 

Lauwern

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