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  Novembre

- Ludivine dépêche putain ! On va être à la bourre.

- J'arrive.

Levant les yeux au ciel, la jeune femme passa dans ses cheveux un ultime coup de brosse avant de saisir son sac besace et de claquer la porte de sa chambre.

- J'espère que tu as verrouillé ta porte ma Ludivine. Sinon, je vais aller faire un tour dans tes petites culottes.

- Même pas en rêve Bastien !

- Si tu savais ce que j'imagine quand je rêve de toi.

- Non, je ne tiens pas à le savoir.

- Merde Ludivine ! Sois tu t'actives, soit tu prends le tram.

La jolie étudiante fila sans demander son reste. La vie en collocation avait ses avantages : Ludivine adorait le groupe avec lequel elle partageait le grand appartement. Chloé, Bastien, Arthur et Sasha étaient des perles. 

Chloé était la discrète de la colocation : un petit mètre soixante, blonde aux reflets roux, des yeux clairs, elle étudiait les lettres classiques. Elle compensait sa timidité par un sens de l'humour totalement décalé et un talent réel pour la pâtisserie.

Arthur, grand brun aux cheveux ras, poursuivait un cursus en droit international. Quand il avait entendu le nom de famille de Ludivine pour la première fois, il avait failli tourner de l'oeil. C'était un garçon doux et serviable. La jolie brune ne le voyait pas tenir le choc dans un tribunal face à une plaidoirie un peu agressive.

Son seul souci se nommait Bastien. Étudiant en sport, grand blond type surfeur, il collectionnait les conquêtes comme un gamin l'aurait fait d'images Panini.
Quand il jetait son dévolu sur une femme, il se vantait de toujours finir par l'allonger. Et Ludivine avait vite compris qu'elle lui plaisait.

– Sérieux, couche avec et qu'on n'en parle plus, lui suggéra Sasha en bouclant sa ceinture. Il est canon et au lit, il assure.

La rouquine avait essayé le surfeur plus d'une fois.

– Non merci, je te le laisse, répondit Ludivine. 

– T'es lesbienne ou quoi ? 

– Pas que je sache.

– Ce n'est pas Quasimodo non plus.

– Ouais, il est mignon. Mais...

– Mais quoi ?

– Je ne suis pas branchée coup d'un soir. Pas plus que d'être un nom de plus à son tableau de chasse.

– Tu sais ce que j'en pense : il n'y a pas de mal à se faire du bien.

Ludivine ne releva pas et se replongea dans ses notes. 

– En plus, pour une fois que tu tombes sur un mec qui se fout de tes fringues.

Et c'était reparti pour un tour ! Sasha se revendiquait d'être la fille spirituelle de Christina Cordula. De fait, elle avait tant bien que mal tenté de relooker Ludivine.

– Ma chérie ! s'amusait-elle à hurler avec un mauvais accent brésilien. Tu as un corps magnifaïk ! Pourquoi tu t'habilles comme un sac ?

Ludivine se contentait de sourire poliment : s'émanciper de la tutelle parentale lui permettait de lâcher du lest aussi par rapport à ses vêtements.
À Bordeaux, sa mère n'était jamais exempte de critique à ce sujet. Et quand Ludivine soupirait un peu trop fort, elle aimait lui rappeler qu'elle avait été deuxième dauphine de Miss France... concours où elle avait rencontré son père.

– J'ai grandi dans une famille où le seul pantalon que je pouvais porter, c'était celui pour l'équitation.... aujourd'hui, je revendique haut et fort le droit d'être en jeans et en baskets.

– OK, concéda Sasha. Fais un effort : achète au moins des Stan Smith.

Les deux copines mirent un temps infini à trouver une place de parking non loin de la place Masséna. Quand ce fut fait, elles s'extirpèrent en vitesse.

– Parties à l'heure, on va être en retard le jour de la première masterclasses, rouspéta Sasha.

– Être à l'heure en cours est rarement dans tes préoccupations, ironisa Ludivine.

– Certes, mais tu sais qui est notre conférencier ce matin.

– Jean de..... il a un nom à coucher dehors.

– Non, lui c'est en décembre. Là c'est Arnaud de Ferrand.

La belle brune réfléchit une seconde : ce patronyme lui était familier. Mais oui ! L'année de son bac, elle avait fait un dossier sur l'entreprise de ce monsieur. Un précurseur dans le domaine du commerce équitable. À l'époque, elle avait été passionnée par les convictions de cet homme pour le respect du travail local et la protection de la planète.

– C'est vrai que d'un point de vue économique, il a des partis pris intéressants.

– Sans doute.... mais c'est surtout un jeune quadra ultra séduisant !

– J'aurais dû m'en douter.

Sasha ne perdait jamais le nord très longtemps. Originaire du Territoire de Belfort, elle expliquait avec beaucoup d'humour qu'elle n'avait pas quitté le nid familial, qu'elle l'avait fui ! Rousse aux formes généreuses, cette amatrice de burlesque ne se cachait pas d'être une mangeuse d'hommes.

Dès le premier jour, elle avait pris Ludivine sous son aile. Au désespoir parfois de la bordelaise. Mais l'expansivité naturelle de Sasha la rendait attachante. Et on pouvait toujours compter sur elle.

Les deux copines retrouvèrent d'autres étudiants de leur promotion devant la porte de l'amphithéâtre avant de s'engouffrer dans la salle déjà bondée.

***

– Encore une fois, merci d'avoir accepté Arnaud.

– Si je peux essayer de motiver certains jeunes esprits, c'est un plaisir Jean-François.

– Je t'accompagne jusqu'à la salle de cours. Au moins auras-tu le silence... les cinq premières minutes.... enfin j'espère.

Arnaud remercia le recteur de l'université d'un signe de tête poli. Intérieurement, il se maudissait.
Parler à son conseil d'administration, il savait. Faire des réunions internationales avec d'autres PDG, il maîtrisait. Donner des ordres faisait partie de lui.
Parler à des jeunes plus intéressés par leurs filtres Snapchat que par de la macro-économie n'était pas dans ses cordes.

Ce fut donc avec une certaine appréhension qu'il franchit l'entrée de la salle de cours. Le verbiage ambiant lui fit jeter un regard réprobateur sur l'assemblée quand, sans trop savoir pourquoi, ses yeux furent attirés par un groupe d'étudiants qui s'installait en babillant au milieu de l'amphithéâtre.
L'homme d'affaires prit conscience qu'une fille en particulier captait son attention.

Brune, les cheveux raides et noir corbeau lui tombant sous les épaules. Elle semblait plutôt grande, avoir de belles fesses et une poitrine généreuse. Enfin, il serait plus simple d'en juger si elle n'était pas si mal fagotée !

Arnaud de Ferrand ne put réprimer un vague sentiment de colère : comment une femme si gâtée physiquement pouvait-elle à ce point se dénaturer ?

- Si elle était à moi, je la punirais de me faire subir un tel affront ! songea-t-il. 

L'espace d'une seconde, Arnaud s'imagina cette jolie brune couchée sur ses genoux, son cul exposé à ses mains. Quelle jouissance de la sentir se tortiller à chaque coup reçu, excitée encore un peu plus par le jouet qu'elle aurait entre les cuisses, des boules de Geïsha de préférence.

Il secoua la tête pour chasser cette rêverie qui faisait se tendre son pantalon. Il allait intervenir dans quelques minutes devant ce parterre, il n'avait pas besoin de finir sur YouTube avec une érection.

– Alors, il n'est pas super canon pour un presque vieux ? 

– Oui, il est bien conservé, commenta Ludivine en sortant un cahier et un stylo.

– Je ne sais vraiment pas ce qu'il te faut, soupira Sasha en se laissant tomber auprès de son amie.

La belle brune observa à la dérobée leur futur conférencier qui pour l'heure se tenait aux côtés de Jean-François Caméri. Sa copine avait raison : Arnaud de Ferrand portait bien son âge, et il émanait de lui une autorité naturelle qui la fit frissonner.

Ce qu'elle trouva ridicule : elle ne s'était jamais sentie attirée par les hommes d'âge mûr.

– Mesdemoiselles, messieurs, un peu de silence, je vous prie.

Tous obtempèrent à l'ordre du doyen de la faculté.

– Laissez-moi vous présenter monsieur Arnaud de Ferrand, PDG du groupe Amaterra. En dépit de son emploi du temps chargé, Monsieur de Ferrand a accepté de venir vous dispenser une conférence sur le commerce équitable et sa  place dans l'économie mondiale. Puissiez-vous profiter pleinement de ses conseils.

Son discours fut suivi d'applaudissements polis. Arnaud n'en avait pas écouté un traître mot. Prétextant la lecture d'un mail urgent, il en avait tenté de faire un cliché, qu'il espérait pas trop flou, de cette jolie brune au corps parfait.

– Arnaud, je te les laisse.

Les dernières paroles de Jean-François ramenèrent le PDG dans la réalité de l'amphithéâtre. Remerciant son ami d'une poignée de main, il se tourna vers son auditoire.

– Bien jeunes gens, commença-t-il d'une voix ferme. Parlons un peu de commerce à l'échelle mondiale.

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