Le loup et son maître
— Ne pars pas !
Aiden sursauta en entendant le murmure de Jean. Il était à moitié debout, ses lèvres encore à quelques millimètres des siennes. Il se laissa retomber sur le fauteuil et reprit la main du châtain dans les siennes. Il avait l'impression d'avoir rêvé. Jean avait bien dit quelque chose mais il ne s'était pas réveillé. C'était comme s'il avait parlé dans son sommeil. Il scruta le visage carré du châtain à la recherche du moindre signe de vie mais il semblait de nouveau loin. Il serra les dents pour ne pas pleurer à nouveau quand un léger mouvement de sourcil lui redonna espoir. Le blessé venait de grimacer. Comme s'il luttait pour sortir de son coma. Il serra doucement sa main entre les siennes. Il devait l'aider. Sa voix, devenue faible et rocailleuse par les tortures qu'il avait dû endurer et par ses jours de silence, s'éleva dans le silence de la pièce :
— Jean... Jean, je sais que tu m'entends... je sais que tu es là. Reviens-moi... je t'en prie. J'ai besoin de toi pour oublier... les cauchemars qui me hantent dès que je ferme les yeux... Reviens. Je t'en supplie...
Jean serra sa main en retour. Comme pour lui faire comprendre qu'il l'entendait et qu'il le sentait, laissant l'espoir allumer un véritable feu de joie dans son cœur. Il continua à lui parler, déposant parfois des baisers sur ses doigts. Il était vivant. Et actuellement, c'était tout ce qui comptait pour lui.
Il ne sut pas combien de temps il passa dans la petite chambre d'hôpital, mais il la qualifierait d'éternité. Jean ne se réveillait pas, pourtant il continuait de le supplier de revenir. Il voulait y croire. Soudain, un cri de soulagement le fit sursauter et il se retourna vers son auteur, un pauvre Alexei affolé lorsqu'il avait découvert que son meilleur ami avait disparu de sa chambre.
— Qu'est-ce que tu fais là, Aiden ?! Et pourquoi tu n'as prévenu personne ?! Merde, espèce d'idiot, je me suis inquiété pour toi, s'exclama-t-il en le rejoignant pour le prendre dans ses bras, tu vas bien ?
— Il a bougé, Alex', souffla le brun en glissant la tête dans son cou, il a bougé.
— Tu es sûr ?
Aiden hocha vivement la tête. Il n'avait pas lâché la main de Jean. Il avait trop peur qu'il ne puisse plus revenir s'il le lâchait. Il avait besoin qu'il revienne, et vite. Parce qu'il le lui avait promis. Il lui avait dit qu'il le protégerait. Et il avait besoin de lui. Il avait besoin de cet imbécile.
Il reporta son attention sur son visage, se décollant de Alexei. Ce dernier resta à ses côtés, posant une main sur son épaule pour le soutenir. Il était un peu peiné de le voir ainsi, bien que rassuré de l'avoir entendu parler pendant trois jours. Ils fixaient tous les deux le visage de Jean, attendant un signe quelconque de réveil.
Et alors, le miracle se produisit. Jean papillonna des yeux. C'était comme s'il luttait pour se réveiller. Aiden s'accrocha un peu plus fermement à sa main, pressant ses lèvres dessus. Et quand enfin, il ouvrit les yeux, des larmes de soulagement roulèrent le long de ses joues pour s'écraser sur le lit. Alexei retint un cri en plaquant ses mains sur sa bouche. Il ne pouvait pas y croire. La voix rauque de Jean s'éleva, comme pour lui prouver le contraire.
— Tu... es là...
— Jean, souffla Aiden en essuyant tant bien que mal ses larmes, c'est à toi que je devrais dire ça...
— T-tout va bien ?
— Je vais sûrement beaucoup mieux que toi, idiot...
Un léger sourire apparut sur les lèvres de Jean. Il posa son regard sur Alexei, lui demandant silencieusement de quitter la chambre pour qu'il puisse s'entretenir avec le brun. Le mannequin hocha la tête, reniflant le plus discrètement possible, et s'éclipsa après avoir pressé l'épaule de son meilleur ami en signe de soutien. À peine eut-il passé la porte que le châtain tapota doucement la tête de Aiden, demandant en fronçant les sourcils :
— Tout va bien, ici ?
— C'est... c'est plus dur... je... dès que je ferme les yeux je les vois en train de me... de me... et... quand je me regarde... je repense aux coups... ce... ça me hante... c'est horrible...
— Je vais t'aider. Tu es d'accord pour ça, hein ?
Les larmes de Aiden redoublèrent alors qu'il acquiesçait. Bien sûr qu'il voulait qu'il l'aide. Plus que tout, il en avait besoin. Jean ne put s'empêcher de lâcher un petit rire, même si ce dernier se transforma bien vite en quinte de toux. Le brun passa la main dans ses cheveux pour le calmer. C'était apaisant de le retrouver, de l'entendre. Jean attrapa sa main, l'amena à ses lèvres et l'embrassa tendrement. Ils se sourirent tous les deux faiblement, épuisés par tout ce qui venait de leur arriver, et profitèrent de ce petit moment de calme avant que le personnel soignant n'arrive pour s'occuper du revenant.
~~~
Jean fermait tranquillement sa valise, aidé par Aiden qui était resté près de lui durant toute la semaine de son rétablissement. Ils avaient beaucoup parlé de ce qui se passerait une fois que le châtain serait sorti. Mais aussi de ce qui était arrivé à l'Oasis. Cependant, ils avaient soigneusement éviter de parler d'un contrat ou de quoi que ce soit qui s'en rapprochait. Ce n'était ni le lieu, ni le moment, avaient-ils semblé penser.
Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la pièce, Jean retint le brun par le bras. Il le vit se tendre légèrement, prendre une inspiration paniquée, puis se relaxer un peu en posant son regard sur lui. Aiden était discret dans la manière dont il refusait le contact des autres, alors il avait mis un peu de temps à le remarquer, mais il en était certain maintenant. Il avait peur du contact. Il lui sourit gentiment, fit comme s'il n'avait rien remarqué, et demanda la première chose qu'il lui vint à l'esprit pour ne pas paraître bizarre.
— Aiden, je pense que tu ferais mieux de venir habiter chez moi.
— Je... j'ai encore mon loyer je ne sais pas si je peu...
— Ce sera plus simple. Ne t'inquiètes pas pour les formalités, je m'en occuperais...
Le plus jeune n'hésita pas longtemps. Il hocha la tête pour donner son accord. Il avait besoin de la présence de Jean. Elle était rassurante et il n'y avait qu'en sa compagnie que ses cauchemars s'atténuaient voir même disparaissaient certaines nuits pour enfin le laisser sommeiller en paix. Il avait passé toutes ses journées et nuits à l'hôpital dans la chambre de son aîné mis à part quand les infirmiers ou infirmières devaient lui prodiguer ses soins. C'était d'ailleurs un des seuls dont le contact ne lui donnait pas envie de hurler. Et puis, pour tout avouer, il avait aussi très peur de se retrouver seul dans son appartement, mais il n'aurait jamais osé demander à Jean de l'accueillir, donc sa proposition l'arrangeait énormément.
— Tu es prêt ?
— Oui, on peut y aller...
— On passera à ton appart plus tard, Aiden. Il y a plein de choses dont on doit parler avant.
— Pas de problème.
Les deux hommes sortirent de la pièce et allèrent à l'accueil remplir les dernières formalités afin de quitter l'établissement et retrouver la voiture qui les attendait à l'extérieur, Basile au volant de cette dernière. Le chauffeur les ramena à l'appartement de Jean, qui vivait dans le même immeuble que son cousin et son mari. Ces derniers les aidèrent d'ailleurs à descendre et ranger leurs bagages avant de les laisser enfin seuls, regagnant leur appartement à l'étage supérieur.
Le châtain invita Aiden à s'asseoir sur un des tabourets de son îlot central et, tandis qu'il s'installait, il prépara deux grandes tasses de café. Il en posa une devant Aiden, lui demandant de patienter quelques instants, puis disparut dans le couloir. Il en revint avec un paquet de feuilles qu'il tendit au plus jeune. Il le survola du regard, sachant d'avance ce qu'il contenait pour en avoir fait signer plusieurs. Pourtant, Jean lui précisa :
— Deux mois de contrat pas de marques définitives et j'attends ton signal pour tout ce qui a pu t'être infligé à l'Oasis. Est-ce que ça te convient ?
— Pourquoi penses-tu qu'un contrat m'aidera ?
— Parce que c'est ce que j'ai de mieux à t'offrir. Je t'ai promis de te protéger, non ? C'est le meilleur moyen.
— Et pourtant je n'ai pas su protéger Marc.
— Aiden... c'était... un contexte particulier...
Le brun soupira. Il savait que c'était idiot de remettre la mort de Marc sur la table, mais il avait peur. Le dernier contrat qu'il avait conclu en tant que soumis avait eu des conséquences désastreuses. Jean caressa doucement sa joue, joua avec une mèche brune qui avait glissé sur son front pour capter son attention. Quand il croisa son regard charbon, il expliqua posément :
— Je sais ce que tu as vécu, je ne te force à rien. Tu peux juste rester ici et faire ce que tu veux. Mais je pense que... le BDSM peut t'aider. Je ne te ferais rien que tu ne veux pas, Aiden, jamais.
— Deux mois, c'est court, non ? Tu penses pouvoir me guérir dans ce laps de temps ?
— Je ne sais pas. Je sais juste que deux mois, c'est assez long pour voir si ça peut marcher. Je ne veux pas que... tu te sentes obligé de rester avec moi.
Jean serra les dents. Ces mots lui déchiraient le cœur. Évidemment qu'il voudrait que Aiden reste avec lui pour toujours, parce qu'il l'aimait tellement. Mais ce n'était pas réciproque. Alors il se disait que deux mois, ce serait toujours mieux que rien.
Aiden réfléchit de longues minutes à la proposition de son aîné. Il avait peur de recommencer une relation BDSM. Pourtant, il faisait confiance à Jean. Il promettait de l'aider, de respecter ses désirs et ses besoins. Il inspira profondément. Il avait besoin de pouvoir se reposer sur quelqu'un. C'était que lui proposait Jean s'il devenait son dominant. Il termina son café pour se laisser le temps de bien choisir ses mots avant d'annoncer sa décision :
— C'est d'accord. Deux mois, pas de marques définitives et tu attends mon signal pour tout... ce qui c'est passé.
— Tu... tu es vraiment...
— Je viens... je viens te dire oui, idiot, bredouilla Aiden en rougissant légèrement, n'ai pas l'air aussi heureux...
Jean rigola légèrement, incapable de contenir sa joie. Ce n'était pas de sa faute. L'homme qu'il aimait depuis si longtemps venait d'accepter de passer un contrat avec lui. Que pouvait-il demander de mieux ? Il embrassa la main de Aiden, les yeux brillants de bonheur, avant de reprendre.
— J'ai une question à te poser.
— Quoi donc ?
— Je veux te donner un surnom. Loup me semble parfait pour toi...
— Loup ? Ce n'est pas un animal soumis...
— Je ne veux pas faire de toi un animal soumis, Aiden. Ce n'est pas ce que tu es. On le sait tous les deux. Je veux réveiller la véritable bête qui sommeille en toi, je veux être le seul à qui tu acceptes de révéler ton véritable visage, Loup.
Un agréable frisson parcourut l'échine du brun quand il entendit le mot sortir de la bouche de Jean avec cette voix rauque et basse dont lui seul avait le secret, et il murmura :
— Loup, ça me va... et vous, comment préférez-vous que je vous appelle ?
— Je m'en fiche. Tu n'es même pas obligé de me vouvoyer. De toute façon, je trouve que ça ne te va pas de faire ça. Choisis tes mots de sécurité maintenant...
— Nutella, si tout va bien, Marc, pour mettre le jeu en pause et Oasis pour l'arrêter.
D'un simple hochement de tête, Jean fit comprendre à Aiden que cela lui convenait et qu'il n'avait pas besoin d'expliquer ses choix. Il n'y avait rien à ajouter. Et avec la signature de ce contrat, ils étaient unis. Le loup sauvage trop longtemps martyrisé et son nouveau maître étaient enfin unis.
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