Le harem

Passant une main dans ses cheveux de nouveau courts, Aiden sortit de sa voiture et regarda le manoir en face de lui. Il était situé à trente minutes à peine de la capitale, et pourtant, il n'y avait que très peu de maisons aux alentours. Il soupira et réajusta sa veste de costume grise au col noir, assortie à son pantalon gris ainsi qu'à la chemise blanche et le veston noir en-dessous, puis avança vers la porte d'entrée. Il ne pensait pas revenir à cet endroit, en tout cas, pas aussi rapidement. Il toqua sur le pan en bois qui s'ouvrit sur un jeune blond aux yeux gris, assez petit et frêle. Il portait un simple kimono légèrement transparent qui tombait sur son épaule. Il révélait ainsi la même marque que le brun, un "P" gravé dans sa peau au fer rouge.

— Bonsoir, monsieur. Le Maître m'a prévenu de votre arrivée. Je suis Simon. Il est absent, pour aujourd'hui, mais...

— S'il est absent, appelle-moi Aiden, le coupa le brun dans un chuchotement, tu es son favori, non, si tu peux te balader ici sans être nu ?

— Oui, mo-Aiden. Veuillez me suivre, je vais vous montrer les... rebelles.

Aiden esquissa une grimace et suivit Simon dans l'escalier qui menait à l'étage, n'osant pas lui dire qu'il connaissait déjà le chemin du harem. Ils arrivèrent devant une discrète porte en bois que le jeune soumis s'empressa d'ouvrir à l'aide d'une clé accrochée à la ceinture de son kimono. Il laissa le brun entrer devant lui sans remarquer que ce dernier avait eu un léger temps d'arrêt.

Aiden détailla cette pièce qui n'avait pas changée. Construite dans un style typiquement oriental, elle se composait d'une pièce centrale où pouvaient se réunir les soumis et qui donnait sur plusieurs portes menant à des chambres, sept au total. L'ameublement, lui, s'harmonisait à la perfection avec les murs et colonnes blancs ornés de dorures, puisqu'il s'agissait d'oreillers et de couvertures colorés, de tables en fer doré finement ciselées dans ce même style oriental. L'ancien manager soupira et ses yeux sombres se posèrent sur les quatre hommes rassemblés au centre de la pièce, en train de manger des petits biscuits en buvant du thé. Ils lancèrent un regard mélangeant hostilité et pitié à Simon, ce qui était une réaction typique lorsqu'ils voyaient le favori du maître, Aiden le savait mieux que quiconque, avant de le saluer respectueusement. Un jeune garçon aux cheveux ocres se leva et s'approcha de lui avec quelques biscuits, détournant soigneusement ses magnifiques yeux turquoises pour ne pas croiser son regard.

— Tenez, monsieur, c'est pour vous.

— Merci, sourit le brun en prenant le petit gâteau.

Il s'attarda un peu plus sur les hommes, tous nus comme des vers à l'exception de la cage de chasteté emprisonnant leur sexe, à la recherche de visages connus. Il n'en vit aucun, à l'exception d'un, et son cœur se serra douloureusement. Malgré tout, le soulagement de connaître l'un d'eau l'emporta il s'exclama avec joie :

— Mike ! Tu es encore là !

— Tout le monde n'a pas la chance de filer comme toi, veinard, lui répondit le dénommé Mike en se levant pour venir l'enlacer.

— Tu sais très bien que je vous aurais amenés, si j'avais pu, chuchota-t-il en répondant à l'étreinte de la seule montagne de muscle de la pièce, que sont devenus les autres ?

— ... Disparus, pas longtemps après ton départ. Même son favori... les magazines ?

— Non... Ce que Karim nous a dit était vrai, alors, souffla-t-il tristement.

Mike passa la main dans les cheveux du brun qui reprit rapidement contenance et demanda à son ami de lui présenter les nouveaux venus. Simon ne manqua pas d'intervenir, faisant remarquer au trentenaire qu'ils n'étaient pas censés parler, mais Aiden lui fit comprendre d'un simple regard que son avis importait peu, puisqu'il s'agissait d'un ordre. Le blondinet baissa les yeux et se tut, honteux. Aiden put donc écouter la présentation des différents membres du harem. Il apprit que celui qui lui avait donné un biscuit s'appelait Joshua et que les deux autres se nommaient Alexandre et Julien. Ils avaient respectivement vingt-trois, vingt et vingt-huit ans. Un rapide coup d'œil lui permit de remarquer que les quatre nouveaux avaient un physique assez proche même si les couleur de cheveux et d'yeux changeaient. Une fois les présentations terminées, le brun suivit Simon, qui s'impatientait derrière lui, vers la seule porte qui ne donnait pas sur une chambre et qu'il reconnut aisément pour y avoir passé plusieurs nuits. Le soumis lui ouvrit et le laissa entrer, referment rapidement derrière lui. Il l'entendit partir crier après les autres soumis mais préféra ne pas intervenir. Il se dirigea vers le cage se situant dans un coin de la pièce pleine d'accessoires, s'accroupissant juste devant.

— Alors c'est vous deux, les fameux rebelles ?

— Ouah, t'entends ça, Armin, on a une super réputation, ricana un des deux pauvres garçons aux cheveux teints en blancs et aux iris noirs en se tournant vers son compagnon de cellule.

— Je veux sortir, Sam, murmura le-dit Armin qui paraissait sur le point de pleurer.

— Si vous faîtes ce que je vous dis, vous sortirez de là. Mais d'abord on va faire un peu connaissance. Je suis Aiden, j'ai vingt-six ans et je...

— Pourquoi on t'écouterait, hein, le coupa celui que le petit avait appelé Sam.

— Et si tu me laissais terminer ? J'étais à votre place il y a quatre ans. Maintenant, je m'en suis sorti, même s'il a encore du pouvoir sur moi, c'est mieux que rien. Alors expliquez-moi comment vous êtes arrivé là ?

Sam s'apprêtait à lui lancer une nouvelle remarque acerbe mais son ami le retint par le bras, lui soufflant quelque chose qui sembla le calmer. Aiden le remercia du regard, le détaillant rapidement au passage. Il était maigre, pas très musclé, de longs cheveux noirs et de magnifiques yeux ambrés, mais le tout formait une harmonieuse fragilité qui donnait envie de le protéger. C'était d'ailleurs ce que semblait faire corps et âme son ami. Il se mit à parler en premier, avec une voix douce et légèrement tremblante :

— Je... je m'appelle Armin et lui c'est... Samuel, mais il préfère Sam. O-On a tous les deux dix-neuf ans...

— Armin !

— Je lui fais confiance, Sam, il a l'air gentil... On peut bien lui dire non ?

— Fais comme tu veux, grogna le plus grand des deux, arrachant un sourire au brun.

— On est sortis en boîte, tous les deux, et... il est venu... Il nous a dit qu'on était mignon, et qu'il voulait essayer des trucs avec nous... Sammy et moi, on a toujours voulu essayer à trois... Et... Le BDSM aussi... Il nous a fait signer un contrat sans préciser que... On se retrouverait là...

— Votre contrat avait une durée limitée ?

— Oui, répondit Samuel, deux semaines.

— Vous avez de la chance, alors, il ne vous marquera pas. Dès que le contrat prend fin, partez, mais en attendant, par pitié, soyez obéissant. De toute manière, Simon est son favori, alors il ne viendra pas souvent au harem.

— C'est quoi, cette histoire de marque et de harem, demanda le décoloré avec hargne.

— Vous savez ce que c'est un harem, non ?

— Ouais.

Il aime la polygamie, ça veut dire qu'il a plusieurs soumis en même temps, de l'autre côté de cette porte. Évidemment, il ne couche pas avec tout le monde... Quand on se lie à lui par un autre contrat, un contrat à vie, il nous laisse sa marque. Vous, vous pourrez partir à la fin du contrat.

— Si... si je comprend bien... on n'a qu'à obéir et prendre la poudre d'escampette ?

— Oui, c'est exactement ça, Armin, si jamais il vous propose un nouveau contrat, refusez-le.

Samuel sembla s'adoucir un peu en entendant tout ce que disait le brun et se mordit la lèvre. Le plus petit se mit contre lui en lui murmurant que ce n'était pas de sa faute, et il le serra délicatement, comme s'il avait peur de le briser. Aiden sourit de nouveau. Ils étaient vraiment adorables. Leur amour était si évident. Il se fit la promesse de tout faire pour éviter qu'il ne leur fasse plus de mal qu'il n'en avait déjà fait en les enfermant ici.

— Comment as-tu atterri ici, toi, demanda timidement Armin, le sortant de ses pensées.

— Je... Parce que j'ai été stupide. Faîtes ce que je vous dis. Et si jamais l'envie de tester le BDSM vous reprend, ce dont je doute, venez plutôt au Guardian club. Là-bas, ce sont de bons Doms.

Il se leva et partit sans écouter leur réponse. En revenant dans la pièce centrale, il vit Simon se jeter sur la porte pour la refermer, les mains tremblantes. Ce geste le fit soupirer. Il comprenait ce que c'était, il était passé par tous ces endroits, par toutes ces émotions, mais il avait juste envie de lui crier d'arrêter de se voiler la face, de prendre ses précieuses clés et de fuir le plus loin possible avec les autres soumis. Comme lui aurait dû le faire quand il en avait eu l'occasion. Cela aurait sûrement pu sauver Karim... mais aussi Antoine, François, Quentin, Robin et Mike. Mais il avait fait comme Simon. Il avait refusé d'écouter les avertissements de Karim, ce sage Karim, qui avait vu une flopée de soumis arriver puis disparaître.

Il soupira de tristesse et sursauta en sentant une main se poser sur ses épaules, sortant de ses pensées. Son ami aux cheveux châtains foncés coupés à ras lui adressa un mince sourire auquel il répondit de la même manière, avant de se faire entraîner par le jeune blond vers la sortie.
Quand il se retrouva devant sa voiture, Aiden tourna la tête vers le manoir, et son cœur se serra. Si jamais il apprenait ce que Jean lui avait fait, il s'en prendrait sûrement à eux. Même s'il n'avait fait que l'attacher pour le retenir, même s'il n'était pas d'accord avec ça. Pour lui, ce serait suffisant. Il s'était laissé soumettre, il avait brisé sa promesse. Il avait peur de ce qui pourrait arriver. Pour lui, mais aussi pour Jean. Aussi étrange que cela puisse paraître, parce qu'il voulait lui faire du mal, il avait peur de ce qu'il pourrait lui faire. Il tenta de se convaincre que c'était uniquement parce qu'il voulait exercer sa vengeance lui-même et absolument pas parce qu'il savait à quel point il pouvait être monstrueux.

Sur cette pensée, il s'engouffra dans le véhicule et démarra, regagnant l'ivresse de la capitale, loin de ce lieu si lugubre qu'il détestait au plus haut point. Alors qu'il arrivait en centre-ville, il partit au club, bien décidé à rendre visite à son meilleur ami et aussi reprendre sa carte de membre, avec option magazine. Cependant, alors qu'il se présentait devant le vigile pour entrer, ce dernier le stoppa d'un mouvement de bras. Le brun s'apprêtait à protester mais au même moment, Alexei sortit, l'air furieux. Il ne s'attarda pas plus sur le bulldog devant lui et partit rattraper son meilleur ami, saisissant doucement son bras. Ce dernier sursauta et se tourna vers lui, la bouche ouverte pour crier sur celui qui osait le toucher, se stoppant en reconnaissant son ancien manager.

— Aiden ? Qu'est-ce que...

— Ouais, je me suis refait une beauté. Je me préfère comme ça. Et toi, qu'est-ce que tu fais dehors avec juste une chemise et un caleçon, lui demanda le brun tout en retirant sa veste pour la déposer sur ses épaules.

— Si ça te dérange pas, on en parle chez toi ? Christian va pas tarder à...

— Alexei !

— Merde ! Aiden, s'il te plaît !

Surpris par la détresse dans la voix de son ami et la colère dans celle de son dominant qui sortait du club, Aiden fut un peu lent à réagir. Il attrapa finalement le bras du blond et l'entraîna vers sa voiture. Il le fit monter à l'intérieur et démarra avant que le châtain n'arrive à leur niveau. Après quelques minutes de route, le mannequin soupira :

— Merci, mec...

— J'ai le droit de savoir ce qui s'est passé ?

— Mm... on vient de se disputer... parce qu'un dominant du club m'a un peu trop approché... et que j'ai pas réussi à le repousser poliment...

— Huh ? C'est pas ta faute, ça...

— Oh, non... mais tu me connais... je me suis énervé contre le mec. Il est allé se plaindre à Christian, en ne lui racontant pas tout le début de l'histoire...

— Mm... ceci explique cela. Il a pas voulu entendre ta version ?

Alexei haussa les épaules en soupirant, signe qu'il n'avait pas vraiment attendu que son dominant lui pose des questions pour s'enfuir, et serra la veste de son meilleur ami contre lui. Ils terminèrent le trajet en silence et regagnèrent finalement l'appartement de Aiden au bout d'une dizaine de minutes. En entrant, le mannequin laissa son regard traîner sur la console réservée à Marc, soupirant tristement, alors que Aiden partait lui chercher des vêtements. Il sursauta en entendant le portable de son ami vibrer dans la poche de la veste et le sortit.

— Aidichou ? C'est qui, "P" ?

— Répond pas, cria Aiden en revenant vers lui, attrapant l'appareil pour décrocher, allô ?

Le blond regarda son ami s'éloigner vers sa chambre en faisant la moue, entendant seulement quelques bribes de conversation se résumant par des "Oui, monsieur" et des "Merci, monsieur". Il fronça les sourcils mais n'osa pas poser de question en voyant la tête crispée de son aîné lorsqu'il revint. Son téléphone sonna de nouveau, le faisant grogner, et il décrocha.

— Oui, Christian ?

Alexei est chez toi ?

— Oui, il est avec moi.

Tu peux me le passer ?

— Non, répondit-il en regardant son meilleur ami secouer les bras dans tous les sens.
Il ne veut pas ? Rah...

— T'allais écouter sa version de l'histoire, hein ?

Quoi ? Bien sûr, je le connais assez pour savoir qu'il ne réagirait pas comme ça sans une bonne raison.

— Le mec l'a fait chier, il s'est défendu.

— Aiden ! Chut ! Tais-toi, couina Alexei.

Colle-lui l'appareil à l'oreille.

Aiden soupira et fit ce qu'on lui demandait. Il colla le téléphone à l'oreille de son meilleur ami en le maintenant contre son torse, bien que ce dernier se débatte tant bien que mal pour se défaire de son étreinte.

Alexei ? Désolé d'avoir crié. Je n'allais pas te punir, surtout pas de la manière dont il le demandait. Je sais que tu n'as pas fait ça sans raison. Tu n'aurais jamais fait ça sans raison. Je... Je t'aime...

— T'es un idiot !

Tu devrais le savoir... non ?

— Ouais, soupira le mannequin en cessant de gigoter, s'apaisant légèrement.

Tu rentres à la maison ?

— J'ai... quelqu'un à retrouver. Je peux profiter du fait d'être avec lui ?

Oui, vas-y. Je viendrai te chercher demain. Je t'aime.

— Moi aussi...

Le mannequin raccrocha et se tourna vers son meilleur ami, un énorme sourire sur les lèvres.

— Une soirée pyjama, comme avant ?

— Une soirée pyjama, comme avant.

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