CHAPITRE LXII
Louis William Tomlinson
Je fixe Zayn pendant au moins cinq minutes, sans doute en espérant trouver le détail qui me fera comprendre qu'il plaisante, et sans réfléchir je lâche un rire plus sarcastique que nerveux.
- Quoi ? Comment ça partit ?
Leurs regards se posent sur moi et je comprends vite qu'à leurs expressions graves, ce n'est pas vraiment une plaisanterie. Et là, je suis bien content d'être assis parce que mes jambes se sont mises à trembler. Je les regarde et je me sens tomber. De haut. De très haut. Je ne comprends plus rien à ce qu'il se passe. La situation m'échappe totalement et ça depuis cet accident à la con. Pourquoi est-ce qu'Harry serait parti ? Parce que je l'ai largué ? Parce que cette relation l'aurait étouffé ? J'émets des dizaines d'hypothèses dans ma tête mais au final la seule chose que je réussis à articuler c'est :
- Partit où ?
Je les regarde, ils me regardent. Sans rien dire. Puis comme tout à l'heure, c'est Alfa qui prend la parole en première.
- Il a rien dit. Il est juste parti.
C'est de nouveau l'incompréhension.
- Mais pourquoi ? C'est ridicule...
- Dis-lui.
Je tourne la tête vers Dan qui regarde Liam. Il souffle avant de me regarder.
- Il voulait pas d'un handicapé.
Zayn le regarde d'un drôle d'air et Dan lui donne un coup de coude. Il souffle de nouveau et reprend la parole.
- Harry était dans ta chambre quand tu es sorti de l'opération, quand je suis passé devant il y avait aussi ton père et ils se sont disputés... Il l'a giflé en lui disant de dégager.
Je fixe Liam un long moment sans rien dire, premièrement parce que c'est la première fois qu'il s'adresse directement à moi puis deuxièmement parce qu'il vient de me balancer trop d'informations d'un coup. Je cligne des yeux avant de me tourner vers Niall.
- Ton père est au courant Louis, Harry lui a tout dit. Et...
- Au courant de quoi ? Pour notre relation ?
- Non... Non...
Alfa secoue vivement la tête et sur le moment j'ai cru qu'elle allait pleurer, mais Dan prend à son tour la parole.
- Il a vu tes cicatrices au poignet, Harry lui a dit d'où elles venaient, il lui a dit pour la tentative de suicide...
Elle ne me laisse pas le temps d'assimiler que Zayn poursuit.
- Et...
Il fait une pause pour regarder tout le monde avant de me fixer.
- Il croit que ton accident était une nouvelle tentative à cause de ce qu'il a fait avec ton journal.
Là, à part rire nerveusement, je n'ai pas su pas comment réagir.
- Attendez, vous voulez dire que mon père sait que vous m'avez fait la misère, que j'ai voulu me suicider et qu'après ça il a fait dégager Harry ? Et qu'en plus il est parti en pensant que j'ai voulu me suicider encore une fois et à cause de lui ?
Ils hochent la tête tant bien que mal et là je comprends à quel point ils sont dans la merde et moi aussi visiblement.
- Vous m'avez menti depuis le début, alors que je suppose que tout le monde sait que c'était réellement un accident et que personne n'a pensé à lui dire.
- Parce qu'on ne sait pas où il est. On a aucun moyen de le joindre. On ne sait pas s'il va bien ou...
Et là je me sens abandonné. Abandonné par Harry, par mon père, par tout le monde. Harry qui n'a pas osé affronter mon père, Harry qui est je ne sais où en pensant que j'ai voulu mourir à cause de lui, Harry qui est beaucoup trop instable et qui serait capable de vouloir tirer un trait sur ce qu'on a vécu pour éviter de se sentir coupable ou pire. Je lance un regard à Liam et bizarrement je comprends que lui aussi n'est par rassuré de n'avoir aucune nouvelle. Je sais qu'il est le seul à savoir pour Harry et je sais aussi que quand on a touché à certaines choses il est difficile de résister aux envies.
Je reste silencieux un moment, puis je me lève.
- Tu vas où ?
- J'ai des trucs à régler.
Ils ne disent rien de plus et moi je pars pour rentrer chez moi, mettre les points sur les i avec mon père. Parce que, qu'Harry pense que c'est un suicide à cause de lui c'est une chose, mais que ce soit mon père qui l'ait fait fuir, alors là...
Point de vue, Externe
Les cinq autres se regardèrent perplexe.
- T'es trop con Liam.
- Pardon ?
- Le coup de l'handicapé c'était pas nécessaire.
- C'était pour le préparer à ce qu'on allait lui dire.
- Bah c'était con.
Niall leva les yeux au ciel et Alfa se tourna vers Zayn.
- Vous avez trouvé quoi alors ?
- Rien.
Le basané fronça les sourcils en regardant Liam avant de répondre.
- Non pas rien. On pense qu'il est peut-être chez sa grand-mère maternelle.
- Celle où son père ne voulait jamais qu'il aille ?
- Oui.
- Et elle habite où cette charmante dame ?
- La dernière fois qu'Harry nous en a parlé, c'était en Ecosse.
- Et vous avez téléphoné ?
- On a laissé un message.
Dan lança un regard en coin à Liam.
- Pourquoi vous n'avez rien dit à Louis ?
- Parce qu'on n'est pas sûr.
Une nouvelle attente commençait de leur côté. Tandis que Louis arrivait chez lui, trouvant son père et sa mère dans le canapé.
Louis William Tomlinson
Je reste devant la porte d'entrée quelques minutes en réfléchissant à ce que j'allais bien pouvoir dire à mon père, surtout devant ma mère. À moins qu'il lui ait parlé dès qu'il a su. Ça me prend la tête parce que je n'ai jamais eu l'habitude de m'engueuler avec mon père, enfin pas à propos de ça. À vrai dire, c'était mieux quand il était dans l'ignorance... Mais d'un autre côté, si Harry ne l'avait pas fait, moi j'en aurais jamais eu le courage.
Je respire un grand coup puis je franchis la porte. Je pose ma veste sur l'une des chaises et avant de pouvoir dire quoique ce soit, ma mère tourne la tête vers moi.
- Oh Louis, tu es déjà là ?
Je me déteste intérieurement de devoir faire une scène maintenant et devant elle. À peine elle est de retour avec nous qu'on se prend déjà la tête. Je souffle et je m'approche du canapé.
- Papa.
Il tourne la tête vers moi.
- Tu n'aurais pas quelque chose à me dire par hasard ?
Son visage se décompose et il comprend ce à quoi je fais allusion. Il fait un signe de tête discret en direction de ma mère.
- Plus tard, tu veux ?
Et là, sans que je sache d'où me vient cette adrénaline, je lui réponds du tac-o-tac.
- Non. Non je veux pas. C'est maintenant que je veux qu'on en parle. Ça pose un problème ?
Je comprends à son regard qu'il ne voit pas exactement où je veux en venir. Il se lève pour venir se placer devant moi.
- Louis.
- Tu peux me dire ce qui t'a prit de gifler Harry ?
Mal à l'aise, je vois bien sur son visage que c'est son état d'esprit actuel et à voir la tête de ma mère derrière, il a visiblement omis ce détail.
- Mark ? Tu as giflé le copain de Louis ?
Le mot 'copain' sonne tellement naturellement dans sa bouche que j'ai envie de pleurer en pensant au fait qu'il n'est pas là et que c'est le sujet principal de la conversation. Mon père semble agacé par sa réflexion et il se tourne vers elle.
- Ce n'est pas son copain. Plus maintenant et sûrement pas après tout ce qu'il a fait.
- Ce qu'il a fait ?
Je ne peux m'empêcher de contenir un rire nerveux.
- Comment tu as pu nous cacher ça Louis ? Comment tu as pu te laisser te faire frapper, insulter, humilier par ces pauvres gars ?
- C'est mon problème.
- Il est bien mieux où il est.
- Tu réalises ce que tu dis ? Ce que tu as fais ?
Il fronce les sourcils.
- Tu l'as giflé ! Pour quelque chose dont tu es autant coupable que lui !
C'est sortit tout seul.
- Pardon ? Tu sous-entends que c'est de ma faute ?
- Je ne le sous-entends pas. Je l'affirme. Oui, ils m'ont fait souffrir. Oui Harry a été un sacré connard et il le sera toujours un peu. Mais lui il a su voir quand ça n'allait plus. Lui il m'a empêché de mourir. Lui il m'a donné envie de vivre. Lui il a été là. Pas toi.
- Tu n'as pas le droit de me dire ça Louis. Tu ne peux pas me reprocher d'avoir était absent alors que tu ne m'as jamais rien dit et que tu m'as toujours caché ce qui n'allait pas !
Ma mère nous regarde un à un et je vois bien qu'elle se retient d'intervenir. Mais c'est mon règlement de compte. C'est à moi de tenir tête à mon père et de lui dire ce que je pense.
- J'espère que tu plaisantes.
- Il est parti maintenant. Tu vas pouvoir aller mieux, on va être là pour toi, Alfa aussi. Je vais interdire aux autres de venir te voir, on peut déposer une main courante au commissariat.
Et là, je ne peux pas me retenir. Il va trop loin. Trop loin comme dans ces films ou ces séries où les parents veulent faire les justiciers et s'occuper de leurs enfants quand c'est trop tard. Et à ce moment-là, c'était exactement ça. Trop tard.
- Ne dis rien de plus parce qu'il y a déjà trop de merde qui sort de ta bouche.
Je me choque moi-même de ce que je viens de dire parce que jamais d'habitude j'aurais parlé comme ça à mon père. Mais là, je commençais à saturer. Si Harry est parti c'est entièrement de sa faute. Il n'est plus là et en plus il est parti en pensant que j'ai voulu mourir à cause de lui.
- Une main courante mais tu t'entends parler comme un flic ? Quand tu franchis cette porte, t'es plus un flic papa. T'es un mari et un père. Tu ne m'interdiras pas de voir Niall ou Zayn ou n'importe qui sous prétexte qu'ils ne te plaisent pas à cause de ce qu'il s'est passé. C'était mon problème. Je voulais me tailler les veines, je le faisais. Je voulais mourir, je l'ai fais. Harry a été là. Tout le monde a été là. Même maman. Mais pas toi. Certes je t'ai rien dit de ce qu'il m'arrivait, mais au fond je pense que j'en avais pas envie. Parce que t'aurais réagi comme un flic et pas comme un père. Et j'avais pas besoin de ta morale parce que t'as jamais su gérer les situations compliquées. Ça n'allait plus dans ton ancien commissariat ? T'as démissionné. Ça n'allait plus avec maman ? T'as voulu divorcer. Alors quoi ? T'aurais fait quoi avec moi ? Tu m'aurais envoyé à l'hôpital ? Avec toi c'est toujours la simplicité.
- C'est faux.
- Non. Et la preuve encore avec Harry. T'as pas essayé de le comprendre. T'as pas essayé de l'écouter. Tu l'as giflé et tu l'as fait fuir. Tu l'as fait fuir et tu me l'a pris. Je l'ai perdu à cause de toi alors que ça allait enfin aller mieux pour moi. T'étais pas là quand j'étais au bord du gouffre, alors n'essaie pas de te rattraper. J'aime Harry. Je suis amoureux de lui. C'est compliqué et ça le sera toujours parce que je ne suis pas idiot, je suis conscient de ce qu'il m'a fait et il en est conscient aussi. Je suis même sûr qu'il s'en veut plus que moi je lui en veux. Alors arrête de penser que tu peux tout arranger parce que t'es mon père. J'ai le droit de prendre mes décisions. Et si Harry en fait partie c'est comme ça. Et si tu ne veux pas le comprendre, je m'en fous. J'allais mal, j'ai tenté de mourir, j'ai pas réussi. J'ai essayé d'aller mieux, j'ai commencé à y arriver mais entre temps je suis mort et je suis revenu, et toi t'as juste tout gâché. Alors oui, j'ai été dans la merde, mais c'est trop tard pour le remarquer.
Puis je suis monté dans ma chambre sans lui laisser le temps de répondre parce qu'honnêtement il pouvait bien dire ce qu'il voulait, je m'en foutais. J'ai entendu ma mère lui faire des réflexions mais j'ai préféré fermer ma porte.
Après avoir tourné en rond, je m'assois sur mon lit et je mets ma tête dans mes mains. Je sens mon portable vibrer dans ma poche mais ça aussi je m'en fous. Tout ce que je voulais à cet instant, c'est faire une pause. Une pause dans ma vie. M'évader. Oublier qu'Harry n'est pas là. Oublier que mon père a merdé. Oublier que les autres m'ont menti. Oublier que je suis mort. Oublier.
- Louis ?
Ça toque à ma porte et je sais que c'est ma mère avec sa voix fluette alors je ne réponds rien et elle entre tant bien que mal avec son fauteuil.
- C'est papa qui t'envoie ?
- Tu me connais mieux que ça non ?
Elle s'approche et voir ses yeux posés sur moi, en train de me regarder réellement, pas dans le vide, me donne envie de pleurer.
- Hey...
Sa main frôle ma joue et visiblement, j'ai commencé à pleurer sans m'en rendre réellement compte.
- Pourquoi ?
- Ton père n'a pas pensé à mal. Sur le coup il a dû être surpris.
- Je m'en fous. Il n'avait pas à réagir comme ça. Parce qu'il a jamais rien vu et que c'est pas maintenant qu'il pourra y changer quoique ce soit.
- Je sais Louis.
- Il est partit.
- Il va revenir.
J'avais envie d'y croire mais même dans la voix de ma mère ça sonnait faux.
- Il pense que j'ai voulu mourir à cause de lui. Tu penses vraiment qu'il va revenir ?
- Louis ? Je peux te poser une question ?
J'hésite à lui dire qu'elle vient de le faire mais ça aurait un peu gâché la scène alors je me contente d'hocher la tête.
- Il est amoureux de toi ?
- Autant que je le suis de lui. Je suppose.
Et j'ai envie d'y croire. De tout mon être. J'ai envie d'aimer Harry de toutes mes entrailles. J'ai envie qu'il m'aime aussi de tout son être. Mais plus de deux semaines sans nouvelles...
- Mais si l'amour c'est pas une raison valable. Si c'est pas assez pour se battre ?
- Louis...
- On est tellement différents. Harry n'est pas le genre de personne à chercher une raison de faire quelque chose. Si ça va tant mieux, si ça va pas il passe au-dessus. Et moi. Je suis tellement compliqué. Compliqué comme... Une énigme du père Fourras dans le jeu télé. Si je ne suis pas une raison valable pour qu'il veuille se battre ? S'il n'a pas envie de vivre dans la peur que je peux vouloir me suicider demain ou que je sois de mauvaise humeur ?
- Tu te poses trop de questions Louis. Tu réfléchis beaucoup trop et tu ne vois pas à quel point la vie peut être simple. Tu n'es pas obligé d'être de mauvaise humeur si tu décides le contraire. Il y aura toujours des moments un peu plus mauvais que les autres. Mais l'essentiel c'est de profiter de ce qu'on te donne. Tu le dis toi-même, Harry vit au jour le jour. Si tu étais une énigme trop difficile, il serait parti depuis longtemps. Tu es une raison valable de se battre.
Je la regarde et je n'ai pas besoin de lui demander pour comprendre qu'il a dû venir lui parler quand j'avais le dos tourné et qu'elle était encore malade.
- Et s'il revient pas ?
- Arrête de réfléchir.
Malgré tout je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il ne reviendra pas. Pas parce que je suis pessimiste mais parce qu'au fond je le sens. Je n'y crois plus. Et je n'ai plus non plus cette envie de me battre que j'avais retrouvé avec lui.
- Où tu vas ?
J'attrape mon sac de sport enfoncé sous mon lit et je souris à ma mère. Réellement, pas dans le vide.
- Arrêter de réfléchir.
Je descends les escaliers quatre à quatre, j'embarque ma veste et je quitte la maison pour retourner prendre le bus.
☽
Quand je descends du bus et que je lève les yeux vers le bâtiment, je me rends compte que ça fait un bout de temps que je ne suis pas venu. Mais je n'ai pas réfléchi longtemps avant d'entrer à l'intérieur. Et ça m'a fait la même sensation que la première fois où j'en ai franchi les portes. La même ambiance un peu froide qui donne envie de partir en courant, mais aussi l'ambiance qui donne envie de repousser ses limites. Et oser monter sur le ring c'est ça, le cran. Enfin ça c'est la définition du...
- Coach ?
Je vois sa silhouette baraquée dans le coin de la salle. Il sourit et il s'approche de moi.
- Le miraculé.
Je fronce les sourcils.
- Ton père est passé me voir. Tu crois que je vais te laisser faire quoi que ce soit dans ton état ?
- Je vais bien. Et si je ne peux pas trouver ce que je cherche ici, je m'en vais.
Il secoue la tête.
- Tête de mule. Viens.
Je le suis jusqu'au ring, je balance mon sac par-dessus et malgré ma jambe en carton je réussi à monter dessus. Il me fait un signe de tête et je m'allonge au milieu du ring pendant qu'il s'installe sur son tabouret.
- Alors, qu'est-ce qui t'amène à cette heure-ci ?
Je regarde le plafond. Il me fait toujours faire ça quand il sent que je ne vais pas être au maximum de mes capacités à cause de ce qu'il se passe dans ma tête.
- Est-ce qu'il y a quelque chose qui vaut la peine de se battre ?
- Qu'est-ce que t'en penses ?
- Pour une fois je préférerais une vraie réponse.
- Il n'y a pas de vraie réponse. Il y a que toi qui peut en apporter une. Chaque personne a sa propre réponse.
- Je ne pense pas être réellement prêt à apporter une réponse.
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle m'effraie.
Il laisse un silence planer.
- J'aime un garçon.
- C'est un problème ?
- Ça le sera pour certaines personnes.
- Mais pour celles qui comptent, est-ce que s'en est un ?
- Non.
Nouveau silence.
- Je l'ai frappé une fois.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il l'avait cherché.
- Tu le regrettes ?
- Pas du tout.
- Où il est ?
- J'en sais rien.
Silence. Stressant cette fois.
- Et toi ?
- Moi ?
- Où tu es ?
- Pas ici. Pas avec lui. Nulle part. J'en sais rien.
- Tu veux être où ?
- Loin.
Il part chercher quelque chose dans son bureau avant de revenir s'asseoir.
- Tu sais Louis, j'enseigne la boxe pour apporter aux gens une échappatoire, des valeurs, des réponses. Tu es quelqu'un de différent. Tu n'es jamais venu là dans l'espoir de devenir le prochain Balboa ou pour te servir de ce que t'apprends à l'extérieur.
- Je suis venu pour avoir envie de vivre.
- Tu as eu peur pour ton premier combat ?
- Oui.
- Et au deuxième ?
- Non.
Je le regarde rapidement avant de réfléchir.
- J'ai pas eu peur de frapper ce garçon. Mais j'ai eu peur de l'aimer.
- Et l'inverse ?
Je ferme les yeux. Et je réfléchis. Je pense que c'est qu'il cherchait à faire parce que je l'entends se lever, partir et revenir. J'ouvre les yeux et il me lâche un trousseau de clés sur le ventre.
- Ferme derrière toi en partant.
- Merci.
- Et évite de te faire du mal, je suis responsable de toi ici.
Je ne réponds rien et j'attends que le bruit métallique de la porte qui se ferme se fasse entendre avant de me relever. Il a raison. Il a toujours raison. Et si je n'avais pas peur d'aimer Harry parce qu'au fond je n'ai rien à perdre ?
Je regarde la bouteille d'eau posée près du tabouret et sans hésiter j'enfile mes gants et dégage le sac derrière moi. Je tire légèrement le sac de frappe vers moi et je frappe longtemps. Longtemps malgré la douleur qui nait dans mon épaule. Longtemps pour éviter d'entendre mon téléphone. Longtemps pour ne pas penser aux mensonges des autres. Longtemps parce qu'au moins ce n'est pas mon père. Longtemps parce qu'Harry est quelque part sans doute dans un sale état. Longtemps parce que je n'ai aucun moyen de me bouger le cul pour le trouver. Longtemps parce que je ne veux pas accepter l'idée qu'il m'abandonne. Longtemps parce que j'ai mal. Longtemps.
☽
Quand j'ouvre les yeux je mets un moment à capter que je suis allongé au milieu du ring, les gants de boxe toujours autour de mes mains. Je me relève rapidement, sûrement trop vu le vertige qui me force à me rattraper aux cordes, et je vais chercher mon portable dans mon sac. 11h30. Je n'avais pas prévu m'endormir ici, encore moins jusqu'à cette heure, mais c'est peut-être pas plus mal. Au moins j'ai pu me vider la tête et je n'ai pas passé ma soirée à penser à toutes les merdes qui se sont accumulées autour de moi. Je retire mes gants et au moment où je descends du ring, le coach fait son apparition à l'entrée.
- Louis ?
- Coach.
Il sourit en s'approchant de moi et examine ma figure.
- T'as dormi ici ?
- Je crois. Mais je vais y aller.
- Tu comptes aller où ?
- Pas chez moi en tout cas. Sûrement en ville, je crois que je commence à avoir faim.
Et comme si mon ventre avait décidé de soutenir mes paroles, il fait un bruit pas possible qui me met mal à l'aise. Le coach se met à rire et me tend un sac.
- Mange ça et viens avec moi.
J'ouvre le sachet et je prends un pain au lait, puis un deuxième avant d'aller vers la remise.
- Vous avez besoin d'aide ?
- Je ne vais pas te laisser traîner dans la rue après que tu aies failli mourir.
- J'ai pas failli, je suis mort. Huit minutes.
- Et t'es revenu.
Je hausse les épaules.
- Je ne pouvais pas être lâche toute ma vie.
- Prends les punching-ball et installe-les dans la salle.
- Vous avez des élèves le dimanche ?
- Je fais une porte ouverte cet après-midi pour prendre les inscriptions de l'année prochaine.
- Je peux rester ?
Il me fait un clin d'oeil et je suis chaque instructions à la lettre. On finit d'installer le matériel vers 13h30 et le coach a même mis des banderoles pour donner envie aux enfants, ce qui fait un sacré contraste avec sa personnalité.
☽
- Merci Louis.
Je lui serre la main et je prends mon sac.
- Et n'oublie pas, si tu penses que quelque chose vaut la peine qu'on se batte pour, alors fais-le.
Je souris et je sors du club pour aller prendre un bus, bien déterminé à ne plus me laisser faire. Il est 18h00, j'ai passé mon après-midi à enfiler des gants, j'ai pris une douche et j'ai aussi pris la décision de me bouger pour retrouver Harry. Je sais que les gars sont chez Liam parce qu'ils m'ont envoyé une dizaine de messages depuis que je suis partis hier. Je prends donc le premier bus que je vois et je descends au bout de la rue, mon sac sur l'épaule, bien décidé à ce qu'on arrête de me mentir.
Devant la maison je regarde de loin par la fenêtre du salon et je les vois installés autour de la table. J'avance et j'entre en claquant légèrement la porte avant de me pointer à l'entrée du salon en lâchant mon sac à mes pieds. Leurs regards se braquent sur moi et Alfa se lève pour s'approcher de moi.
- Bon sang Louis ! Ça ne va pas de partir comme ça !
- Ouais ! On s'inquiétait, t'aurais pu répondre aux messages.
- Ta mère m'a appelé, t'es pas rentré de la nuit.
Je les laisse parler tous en même temps jusqu'à ce que Liam vienne encore lâcher une vanne.
- On a cru que t'étais mort ! Ah non, c'est déjà arrivé ça, pardon.
Il fait son sourire en coin avant de replonger sa tête dans ses fiches comme si de rien n'était, mais là étant légèrement sur les nerfs, ce n'était pas le moment de m'énerver davantage.
- Si c'est pour rien dire d'intéressant, vaut mieux que tu la fermes Liam.
Tout le monde a de nouveau braqué les yeux sur moi comme si je venais de me transformer et j'avoue que je me suis moi-même surpris par le ton que je viens d'employer et le prénom de Liam qui est sorti tout seul. Je ne laisse pas le temps à Alfa d'ajouter quoi que ce soit pour reprendre la parole, parce que j'ai assez perdu de temps.
- Maintenant dites-moi où il est.
Mon ton de nouveau imposant, je vois Niall se raidir d'un coup. Alfa fait son geste de cheveux et fait comme si elle parlait à Dan. Niall et Zayn ont échangé un regard et j'ai senti que je n'allais pas avoir ma réponse.
- Ne t'inquiètes pas Louis. Il va revenir...
Sa phrase a sonné aussi fausse que moi quand je disais aller bien. Et ça m'agace qu'ils continuent de me mentir alors je pose de nouveau la question et j'ai l'impression que la scène de la veille se répète.
- Où il est ?
Je vois que Zayn est lui aussi agacé parce qu'il souffle.
- Louis...
Et au moment où j'allais insister une nouvelle fois, la réponse est tombée.
- En Ecosse.
Tout le monde se tourne vers Liam qui fait comme si de rien n'était avant de relever le nez de ses fiches pour nous regarder. Je vois bien le regard que Zayn lui lance mais il ne dit rien parce que Liam reprend la paroles en jetant ses fiches sur la table.
- Bah quoi ? Là au moins il va aller le chercher !
- Mais on n'est même pas sûr qu'il soit là-bas bordel ! Harry est imprévisible.
Il se lève et s'approche de Zayn.
- Et alors ? Tu veux quoi ? Qu'il recommence ses conneries de suicidaire là ?
Il me pointe du doigt et personne n'ose l'interrompre.
- Désolé, mais moi je ne suis pas Harry. Je veux pas passer mon temps à le surveiller, toi non plus Zayn tu veux pas ça. Personne le veut ! Alors qu'il aille en Ecosse, qu'il se bouge lui-même, après tout, c'est lui qui a tort dans cette histoire. Donc merde, moi je suis pas assistante sociale et je...
- Rassure-toi Liam, tu n'auras pas besoin de laisser ton costume de tête de con pour celui de gentil.
Je me fige sur place, Liam s'arrête de parler et tourne la tête vers l'entrée en même temps que tout le monde. Alfa passe de moi à derrière moi, Niall échange de nouveau un regard avec Zayn et je mets quelques minutes avant d'oser me tourner parce que j'ai senti les larmes me monter aux yeux. Je le regarde un long moment, pour être sûr qu'il est bien là, que je ne rêve pas et qu'il ne va pas disparaître l'instant d'après. Mais je ne dis rien. J'attrape mon sac de sport, je regarde Zayn et Niall puis je quitte la pièce en prenant soin de ne pas le toucher.
L'air extérieur me frappe de plein fouet et je prends la plus grande inspiration de ma vie. J'ai besoin d'air, j'ai besoin de respirer pour assimiler le fait qu'il est là mais que malgré tout, je me sens toujours abandonné. Je renifle et au même moment j'entends la porte se refermer derrière moi.
- Louis...
Je sens sa main attraper mon poignet pour me mettre face à lui. Je me tourne à contre-coeur, les yeux rivés sur mes chaussures.
- T'avais pas le droit de partir. Pas comme ça. Pas à cause de mon père. Pas après que je sois mort bordel.
- Louis je... Tu ne peux pas savoir à quel point je me suis senti con. J'ai passé ma soirée à penser que c'était de ma faute, on m'a dit que tu étais mort et qu'au final non et je n'ai pas su gérer ton père. Je n'avais pas envie de lui mentir parce qu'il aurait bien fallu qu'il le sache un jour et j'ai pensé que...
- Justement, tu as pensé. Tu devrais arrêter de penser tout seul, et penser aussi pour moi. Parce qu'on est deux et pfff... J'en sais rien, t'es parti sans rien dire à personne, t'as indirectement forcé les autres à me mentir tous les jours. Tu m'as laissé et t'as laissé tes amis. C'était égoïste.
- Et toi tu es mort, c'est pas égoïste ça ?
Je remarque les têtes des autres cachées derrière le rideau qui scrutent la scène et ça m'agace encore plus.
- Tu sais quoi ? J'ai pas envie de me disputer avec toi. J'ai besoin de respirer.
- Alors viens.
Il n'insiste pas sur le fait qu'il soit parti, il me tire seulement par le poignet mais je ne bouge pas alors il part vers sa voiture et il monte. J'attends qu'il baisse la vitre passagère pour me regarder. Il fait son air du gars impatient et il m'énerve. Sauf qu'il m'énerve différemment. Il m'énerve d'être revenu comme une fleur au bout de deux semaines mais d'être toujours égal à lui-même. Il m'énerve et ça m'énerve qu'il m'énerve mais sans réfléchir je lâche le signe que Zayn m'a appris. Il me regarde surpris avant de froncer les sourcils.
- Ça veut dire quoi ?
Je le regarde en marchant vers sa voiture. Je mets mon sac à l'arrière avant de monter devant.
- Que t'es un gros con.
☽
Le trajet s'est passé en silence. Je pensais qu'il allait me ramener chez moi puis j'ai réfléchis au fait que c'était idiot vu qu'il ne voulait sans doute pas une nouvelle gifle de la part de mon père. Il a conduit jusque chez lui en chantonnant les chansons qui passaient à la radio.
Quand il se gare dans l'allée je suis bien content de voir que son père est absent, je n'avais vraiment pas envie de le croiser et encore moins qu'il se montre dégradant envers Harry devant moi. Je descends de la voiture, je récupère mon sac et je suis Harry jusqu'à sa chambre. Je remarque son journal ouvert sur son bureau et un sac d'affaires en vrac dans un coin. Il me regarde et il va s'asseoir à son bureau. Je retire mon sweat et mon jean et je me couche parce qu'au moins si l'envie d'avoir une conversation le prenait, je pourrais toujours faire semblant de dormir pour y échapper. Je le regarde écrire du coin de l'oeil puis au bout d'une dizaine de minutes, il vient me rejoindre. Je le laisse m'approcher de son torse et sans avoir de contact avec ses yeux, j'ose lui parler.
- Pourquoi t'es parti ?
Ma voix est plus tremblante que je l'aurais voulu, mais c'est rien à côté de la façon dont il se crispe. Je sens son pouls s'accélérer légèrement.
- J'ai pris conscience que je t'avais détruit et... j'ai pensé que ton accident était de ma faute.
- Pourquoi ?
La question peut paraître stupide mais c'est vrai qu'elle m'intrigue parce qu'après tout c'est moi qui venait de lui faire du mal ce soir-là. Bien plus que lui m'en avait fait...
- On venait de se disputer...
- Ma mère est guérie.
Il me recule pour me regarder.
- Hein ?
Son regard me transperce et je commence à jouer avec mes doigts.
- C'est ce que je venais te dire ce soir-là... Et m'excuser aussi.
- Oh Louis...
Il ferme les yeux et je pense un instant qu'il va pleurer mais bon, ça reste Harry... Je passe mon pouce sur sa joue.
- C'est pas de ta faute Harry.
Je le sens se détendre comme s'il attendait que je lui dise de vive voix pour y croire. Il sourit et il m'embrasse dans le cou et sur le visage avant de reprendre son air sérieux.
- Je suis content pour ta mère, tu as passé des années à t'occuper d'elle, tu vas pouvoir t'occuper de toi maintenant.
- Oui.
- Je vais pouvoir la rencontrer.
Il joint à sa réflexion un sourire aguicheur qui, je suis sûr, a dû lui servir pour draguer les filles et les convaincre de faire ce qu'il voulait. Je lui donne un léger coup dans les cotes.
- C'est ma mère Harry, retire le sourire que t'as en ce moment !
Il rit avant de m'embrasser rapidement.
- Louis, je m'en fous de ta mère, c'est de toi que je suis amoureux.
Et je ne peux pas m'empêcher de sourire. J'hésite entre pleurer et sourire mais au final je souris juste, comme un idiot.
- Louis ?
Il me regarde perplexe comme s'il n'avait pas saisi ses paroles.
- Tu l'as dit.
- De ?
- Que tu es amoureux de moi.
Il fronce les sourcils avant de s'enfoncer dans l'oreiller.
- Non.
- Si tu l'as dit.
J'attends qu'il me regarde de nouveau.
- Ça me fout la trouille.
Je souris parce que ça me fait tout drôle qu'il se confie comme ça, surtout sur ses craintes parce que je pensais que j'étais le seul à trop réfléchir.
- Moi aussi.
- Et si on s'engueule ?
- On s'engueulera.
- T'as pas peur que le passé nous rattrape ?
- Il faut arrêter de trop réfléchir, sans oublier, mais avancer.
Il sourit et il se met sur le dos.
- Par contre on est bien d'accord que je ne suis pas gay.
- Pourtant je sais ce que j'ai entre les jambes.
Je ris et il m'ébouriffe les cheveux.
- T'es con. Je voulais dire que je ne suis pas gay des garçons, juste gay de toi.
Et ça me fait encore plus rire parce que je vois bien qu'il essaie de me faire comprendre qu'il n'y aurait que moi mais j'ai envie de le faire galérer un peu plus.
- Gay de moi ?
Il fait mine de réfléchir.
- Ouais, si on me demande, je suis gay de Louis Tomlinson.
- Ah ouais, tu réfléchis trop des fois, attention ça va te donner mal à la tête.
Il rit et ça me fait bizarre parce que je ne me rappelle pas l'avoir déjà vu rire comme ça.
- Moi aussi alors, je suis gay de toi ?
- Si tu en as envie.
- C'est une promesse ?
Ses yeux se posent sur moi et il prend un air sérieux.
- Oui.
- Alors oui, je suis juste gay de Harry Styles, mais juste entre guillemets pour l'instant.
Il me sourit avant de froncer les sourcils.
- Je suis désolé Louis. Pour ce que je t'ai fait endurer, et aussi d'avoir lu ton journal, d'être partit...
Je m'approche de lui pour me caler contre son torse.
- L'important c'est que tu sois là.
- Je ne partirai plus.
Je me relève pour me pencher au-dessus de lui.
- T'es pas un gros con.
- Quoi ?
- Ce que je t'ai fait comme signe tout à l'heure, ça veut pas vraiment dire que t'es un gros con.
- Ça veut dire quoi alors ?
Je le regarde avant de me remettre sur le dos et de fixer les phrases phosphorescentes écrites au mur. Il suit mon regard et il me regarde en refaisant le signe. Et je le trouve encore plus beau que d'habitude, l'atmosphère aussi est plus belle que d'habitude et les constellations projetées au plafond aussi elles sont plus belles. Harry est beau et il l'est encore plus sans son t-shirt. J'ai compris à son regard que lui aussi il avait peur, mais c'était pas grave, on était deux, on avait peur à deux mais on s'aimait à deux et on pouvait ne faire qu'un aussi...
☽
Après ça, je l'ai écouté me parler d'astrologie pendant au moins une heure, puis me raconter ce qu'il avait fait en Ecosse. Il m'a raconté des tas de choses et je l'ai trouvé encore plus beau. Quand il a remarqué que je le fixais depuis un moment il s'est arrêté de parler.
- T'es heureux Louis ?
J'ai fermé les yeux. J'ai repensé à cette année scolaire, au début, au milieu jusqu'à aujourd'hui. À tout ce que j'ai vécu seul ou avec lui, ou avec eux. J'ai retrouvé Niall, j'ai retrouvé ma mère. J'ai voulu mourir, j'ai échoué une fois et j'ai réussi une fois. J'ai réussi à trouver un espoir, une lueur, quelqu'un pour avancer avec moi. J'ai trouvé et compris beaucoup de choses sur la vie. Je vais apprendre à vivre au jour le jour, à profiter de ce que j'ai maintenant et de ne pas me prendre la tête. J'ai des amis, je vais passer mes examens vivant, j'ai un copain entre guillemets qui est seulement gay de moi et j'ai envie de vivre. J'ai conscience qu'une relation avec Harry ça peut paraître mort d'avance aux yeux des gens. Et j'ai conscience que ça va être compliqué mais il faut la construire, à deux et je pense qu'avec de la volonté, rien n'est impossible. Sa question m'a pris au dépourvu, mais ma réponse a été naturelle. J'ai ouvert les yeux pour le regarder.
- Maintenant oui.
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