CHAPITRE I
— Bah alors Tomlinson, tu boites ? Si tu t'es fait trop prendre ce week-end, pense à consulter.
Le bouclé ponctua sa remarque d'un ricanement et passa devant le châtain avec sa bande.
— Le laisse pas t'atteindre Louis, il n'en vaut pas la peine...
La blonde referma brutalement son casier et attrapa son ami par le bras pour l'accompagner jusqu'à sa salle de classe. Harry Styles venait une nouvelle fois de l'insulter et elle ne le supportait pas.
Ces gars-là s'en prenaient toujours à un nouvel élève qu'ils désignaient en début d'année scolaire. Et durant celle-ci, c'était Louis la nouvelle victime. D'abord victime d'une rumeur comme quoi il était gay, que la bande s'était fait un malin plaisir à lancer, Louis subissait depuis ce jour-là toutes sortes de moqueries et d'humiliations sans pour autant se défendre. C'est ce manque de réaction qui agaçait Alfa, sa meilleure amie, au plus haut point.
— Je ne comprends pas pourquoi tu les laisses te rabaisser à longueur de temps. Défends-toi Louis. Parles-en.
Alfa Walcott était une jeune fille blonde et pleine de vie. Elle était de la même taille que Louis et avait été la première à aller vers lui en début d'année. Louis était un nouvel élève, il était seul et la jeune fille savait ce que c'était. Elle avait, elle aussi, été l'une des victimes de cette bande pendant un an. N'ayant jamais su pourquoi, elle avait tout de même pris son courage pour aller en parler avant que ça n'aille trop loin. Après ça, Alfa avait petit à petit retrouvé confiance en elle et cette période l'avait rendue plus forte. Si on ne la connaissait pas, rien n'indiquait qu'elle avait été victime de harcèlement.
Voir son ami subir tout ça sachant ce que cela représentait, elle ne le supportait pas. Alfa avait bien vu qu'en cinq mois, Louis n'était plus le même qu'au début de l'année. Il avait maigri, s'était renfermé sur lui-même, souriait de moins en moins et cela la rendait mal. Très mal parce qu'elle avait l'impression que ses paroles de soutien tombaient dans le vide.
— Tu crois que ça changerait quelque chose ? Je ne suis rien, je n'en vaux pas la peine.
— Ça ne m'amuse pas, je ne veux pas que tu vives ce que j'ai enduré pendant un an.
Le châtain lui lança un regard lourd de sous-entendus et baissa la tête pour entrer en classe. Après tout, ce n'était qu'une insulte de plus. Au bout de cinq mois, on commençait à s'y habituer. Louis savait déjà que l'heure d'Histoire qui arrivait serait encore un calvaire. Il était dans la même classe que Styles, sans son amie, sans personne.
Arrivé près de sa table visiblement déjà occupée, Louis prit son courage à deux mains pour prendre la parole.
— Pardon mais... tu es à ma place.
Le regard noir du bouclé le transperça de l'intérieur et sa réponse ne fit qu'empirer son malaise.
— Il y a ton nom peut-être ? Non. Alors dégage.
Louis souffla et encore une fois ne répondit rien. Il partit dans le fond de la classe pour s'asseoir seul à une table près de la fenêtre. Il avait hâte que cette journée se termine pour pouvoir enfin rentrer chez lui, même si une fois là-bas il devrait faire comme si tout allait bien.
Louis William Tomlinson
Encore une fois Styles essaie de me pousser à bout. Et ça marche. Cinq mois que cette situation a commencé et plus le temps passe, plus elle empire. Je ne comprends pas pourquoi c'est tombé sur moi. Parce que j'étais le nouvel élève et que cela rendait les choses plus faciles ? Choisir quelqu'un de vulnérable et qui reste passif face à tout ça...
Je sais ce que pense Alfa. Je devrais me défendre. J'y ai pensé mais je m'y suis résolu. Au bout de cinq mois j'ai eu le temps de voir Styles et ce qu'il était capable de me faire. Si j'avais pris le risque de répondre, ça n'aurait fait qu'empirer. Alors oui, on peut partir du point de vue que je suis faible, mais j'ai bien assez de problèmes. Ma vie est un problème, je suis un problème. C'est comme ça.
☽
Le cours a débuté depuis un bon quart d'heure quand, sans prendre la peine de frapper ni de s'excuser auprès du prof, l'un des potes de Styles arrive en retard et va s'installer directement à côté de lui. Ses parents ont dû oublier de lui fournir une éducation visiblement.
— Monsieur Payne. Vous excuser vous arracherait la gueule ?
Toute la classe se tourne vers Liam Payne. Ça au moins, ça a le mérite d'être clair. Je crois que notre professeur d'Histoire est le seul qui ose tenir tête aux élèves comme eux, même si évidemment ça n'a, la plupart du temps, aucun effet.
— Ouais. Surtout pour vous.
La preuve. Le professeur soupire en voyant que ça ne sert à rien d'insister et il reprend son cours que je suivais sans vraiment y prêter attention. J'adore l'Histoire et j'aime les cours en général. Mais avec Styles dans ma classe, j'en ai été vite dégoûté. J'évite d'avoir de trop bonnes notes et je fais le minimum. Être trop bon élève m'apporterait encore plus de problèmes et des raisons de plus pour que Styles s'en prenne à moi. Si lancer une rumeur sur mon orientation sexuelle était une banalité, dire que je fais le lèche-cul auprès des profs n'en aurait été qu'une de plus.
Quand j'y réfléchis, je ne comprends toujours pas l'origine de cette rumeur. Certes je n'ai pas de petite amie et j'en ai jamais vraiment eu. C'est loin d'être ma première préoccupation contrairement à Styles vu les filles défilent dans son pieu. Mais être célibataire ne rend pas une personne gay pour autant et je n'ai pas l'impression d'avoir eu un quelconque comportement louche auprès d'un gars.
— Tomlinson !
Je sursaute et relève la tête de mon cahier où je gribouillais un dessin sans intérêt. La classe entière a les yeux rivés sur moi et je me sens rapidement mal à l'aise. Être le centre d'attention, très peu pour moi.
— Vous ne savez pas Tomlinson ?
Je ne prends même pas la peine de réfléchir ou de demander à ce que l'on me repose la question.
— Non.
Le prof me lance un regard désolé. Certaines personnes lâchent des ricanements et Styles murmure un crétin dans ses moustaches alors qu'il n'a même pas pris la peine de relever la tête de son cahier. Ce mec est insupportable à un point... Il mériterait des baffes à la pelle.
Après avoir jeté un regard à ma montre, un bref soulagement se fait ressentir : plus que cinq petites minutes avant la fin de l'enfer.
— Bon il ne reste pas assez de temps pour le faire maintenant mais sachez que demain je vous donnerai un exposé à faire par deux.
Génial, je vais devoir travailler avec une personne que je ne connais pas et qui avec un peu de chance me laissera me démerder.
— Sur quoi ?
— Vous le saurez demain, je ferai les binômes à la fin de l'heure.
Styles et son pote se regardent d'un air entendu et se tapent dans la main. Je vais éviter de le dire à haute voix et le garder pour moi vu que je tiens à mon visage, mais ce genre de petits gestes entre eux me fait retenir un ricanement. Rien ne dit que ce ne sont pas eux les gays au final.
— Payne et Styles c'est pas la peine de fantasmer. Vous ne serez pas ensemble.
— Putain vous êtes sérieux là ?
— Je vous conseille de baisser d'un ton Styles.
Le concerné n'a pas le temps de répondre que la sonnerie se fait entendre. Tous les élèves se dirigent vers la sortie et mon sac sur l'épaule, je fais de même. Entendant Styles et Payne sur mes talons, je fais mine de chercher mon téléphone dans mon sac en arrivant près de la porte. Je préfère les laisser passer avant qu'ils aient la merveilleuse idée de me faire une balayette. J'ai été assez humilié pour la journée.
— T'es galant depuis quand Tomlinson ?
— T'as remarqué qu'on était pas des filles ?
— Liam tu sais bien que ce ne sont pas les filles qui lui plaisent.
Même si je l'avais voulu, je n'aurais pas eu le temps de répondre parce qu'ils s'éloignent en riant sans se retourner.
— Tout va comme vous voulez Tomlinson ?
Je ne prends pas la peine de relever la tête vers mon professeur pour répondre du tac-o-tac.
— Ouais, ouais, je vis une vie de rêve vous inquiétez pas.
Et sans attendre de réponse, je pars rejoindre Alfa près de mon casier. C'est la première fois que je réponds à un prof, mais je crois qu'au fond j'en ai rien à foutre. Je n'ai plus rien à perdre et j'ai déjà une sale réputation alors, un truc de plus quelle importance ?
— Alors ?
Alors ? cette question je l'entends tous les jours dès que je sors de cours. Alfa sait que c'est difficile pour moi, elle a même demandé à changer de classe. Mais je n'ai pas besoin d'elle. Je n'ai besoin de personne. Puis de toute façon, Styles ne fait rien devant les professeurs, il ne prendrait pas le risque d'abimer sa réputation de bon élève. Alfa s'imagine toujours des tas de trucs alors je la rassure en lui répétant de ne pas s'inquiéter. Après elle reste une fille, elle ne peut pas s'en empêcher.
Point de vue , Externe
— Rien. Ça va c'est bon.
— Je t'ai vu avec eux avant que tu sortes de la salle.
— Et il ne s'est rien passé, ça va.
— Parles-en Lou...
Louis se crispa à l'entente du surnom employé par son amie.
— Ne m'appelle pas comme ça...
— Désolé.
La jeune fille baissa la tête en grimaçant. Pendant un court instant elle avait oublié que Louis était quelqu'un de très timide, réservé et que les surnoms affectifs ce n'était pas pour lui.
— Je vais aux toilettes.
— Ok. On se retrouve devant la grille.
Alfa s'éloigna vers les toilettes, son téléphone à la main. Louis ouvrit son casier et vit une boulette de papier en tomber. Il s'abaissa et la ramassa avant de la déplier. L'écriture de Payne le fit soupirer :
« je t'aime louis tomlinson, j'ai très envie que tu me prennes par derrière. on fait ça chez toi ? xx »
Décidément Styles était incorrigible, il passait même par ses potes pour lui faire des crasses. Louis chiffonna de nouveau le papier et le glissa dans sa poche. Gay ou pas gay, à la longue ça commençait légèrement à l'atteindre. Dans ces moments-là, Louis se mettait à la place des personnes qui n'étaient pas forcément hétéros et il comprenait le sens et l'impact que ces propos pouvaient avoir sur eux. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place et finit de ranger ses bouquins dans son casier avant de se diriger vers la sortie. Louis partit se poster devant la grille, les mains dans les poches et la tête baissée. Le temps était maussade, il ne faisait que pleuvoir depuis le début du week-end et ce n'était pas ce mardi que ça allait changer. Le temps reflétait l'humeur de Louis, le temps était sombre, Louis aussi. Il attendait son amie pour enfin pouvoir rentrer chez lui et sortir un peu de cette ambiance pesante.
La scène qui suivit se déroula très vite. Louis entendit un bruyant coup de klaxon. À peine avait-il relevé la tête qu'un Range Rover noir passa tout près de lui en prenant bien soin de rouler dans une flaque de boue pour l'éclabousser. Louis serra les poings en retenant les larmes qui lui montaient aux yeux et la boule qui se formait dans sa gorge. Évidemment il n'avait pas besoin de se demander qui avait fait ça et pourquoi. Il n'y avait personne autour de lui. Personne pour le défendre. Il était à présent seul et la première chose qu'il fit fut de partir en courant en direction de chez lui. C'est seulement après avoir couru quelques minutes qu'il s'arrêta et sortit son téléphone de sa poche. Deux appels manqués et cinq nouveaux messages. Tous d'Alfa évidemment. Il ne prit pas la peine de les lire et écrivit une réponse brève.
à Alfa - désolé. je n'ai pas pu t'attendre. il y avait une urgence.
Louis William Tomlinson
Le message envoyé, je remets mon portable dans la poche de ma veste trempée. Il ne reste plus que deux rues à traverser avant de me retrouver dans mon quartier. Un quartier tout simple, modeste. Juste à côté d'un quartier plus luxueux, aisé. Juste à côté du quartier de Styles tant qu'à faire. Il arrive même à me faire chier sans le vouloir. J'ignore s'il sait que j'habite le quartier d'à côté et sincèrement j'espère qu'il ne le sait pas.
Je continue de marcher et je suis obligé de passer devant son quartier. La boule qui s'était nichée dans ma gorge ne met pas longtemps à se reformer quand j'aperçois le Range Rover garé devant chez lui. Comment peut-on s'en prendre à des gens à ce point ? Au point de les pousser à bout et de les détruire. Je me demande ce qu'il ressentirait si je mettais fin à mes jours à cause de lui ? Sûrement rien. Pour lui ce serait sans doute une victoire. Il aurait gagné. Il m'aurait eu. Il m'aurait battu.
À hauteur de ma maison, j'ai l'impression de me sentir dévisagé et quand je tourne le regard vers la maison voisine : je le vois en train de me fixer. Après que nos regards se soient croisés, il commence à descendre les marches de son perron pour se diriger vers moi. Décidément c'est bien une journée de merde.
— Tu veux quoi ?
— Louis je...
Il n'a pas le temps de finir sa phrase car un moteur se fait entendre et une voiture s'arrête à notre hauteur. Le passager baisse la vitre.
— Tu fous quoi Niall ?
— Monte on va manger une pizza.
Mon voisin me regarde rapidement avant de tourner la tête vers son interlocuteur.
— Je venais faire chier notre ami Tomlinson.
Il s'approche de moi et sans que je m'y attende, il me donne un coup dans l'épaule. Quel connard lui aussi. Je me retiens de dire quoique ce soit et reste à le dévisager sans comprendre. Quel jeu il joue ? Il cherche quoi en faisant ça ? Le silence fut brisé par la voix du mec typé à l'arrière de la voiture qui venait également de baisser sa vitre.
— C'est bien mais j'ai faim alors monte.
Niall acquiesce.
— J'arrive Zayn.
Ils remontent leurs vitres tintées et le déverrouillage automatique des portières se fait entendre. Niall met ses mains dans ses poches et passe à côté de moi.
— Je suis désolé...
— Mais bien sûr.
Il ne relève pas la tête vers moi après avoir parlé et fait le tour de la voiture pour monter à l'intérieur. Elle redémarre et après l'avoir regardé s'éloigner, je sors mes clés de mon sac en montant les marches jusqu'à la porte. La clé dans la serrure, j'ouvre la porte et m'engouffre à l'intérieur en la refermant derrière moi pour me coller à elle. Fin de l'enfer pour aujourd'hui.
Mon père n'est visiblement pas rentré et a laissé un mot comme quoi il rentrerait vers 21h avec des pizzas. Je monte jusque dans ma chambre pour poser mon sac et m'assois sur mon lit en regardant autour de moi jusqu'à m'arrêter sur mon journal. Je le ramasse et l'ouvre jusqu'à une page vierge. Je sors la boulette de papier de ma poche et la défroisse soigneusement. Elle est encore humide mais peu importe, je la scotche et écris seulement quatre mots :
« Styles, va en enfer. »
Je referme mon journal et le mets sous mon oreiller. J'essaie de me remettre les idées en place, de ne plus penser à cette journée de merde et mon alarme se met à sonner pour me rappeler que c'est l'heure. Je me lève prêt à redescendre mais en passant devant mon miroir, je fais demi-tour pour me changer. J'enfile un short et un t-shirt propre avec un sweat. Je passe me rincer le visage dans ma salle de bain pour enlever les traces de boue sèche et en m'essuyant, mes yeux s'arrêtent sur les compresses pleines de sang. Je déglutis et sans réfléchir je les mets dans la poubelle. Je finis par descendre en bas et me dirige vers la cuisine. Je prends un verre d'eau, le remplis au robinet avant de fouiller dans un placard. Je remonte les escaliers et parcours le couloir doucement. Je m'arrête devant la porte et essaie tant bien que mal de me forcer à sourire. Il faut que j'aille bien.
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