Chapitre 9. Une bonne excuse

Soudain, le sixième sens de Miles s'activa et fit frémir tout son corps. Quelque chose arrivait, au loin, un son de grands pas résonnait. Une, ou plusieurs personnes marchaient dans l'hôpital, empruntaient l'ascenseur et se rapprochaient de plus en plus de la chambre de Marie. Le garçon essuya ses larmes et se réfugia dans un coin de la pièce se préparant à ce que quelqu'un entre. Et tout à coup, la porte s'ouvrit, laissant entrer trois hommes en uniforme bleu. Miles se redressa et afficha un regard à demi étonné aux trois policiers.

"Miles Sora ? demanda l'un d'entre eux d'une voix froide. On aimerait te poser quelques questions.

-D'accord, répondit calmement. Mais je peux savoir pourquoi ?

-T'as pas une petite idée ? dit l'un des officiers avec un regard narquois."

Pendant un instant, Miles se demanda si les officiers avaient découvert son identité secrète, mais c'était impossible, ils l'auraient déjà arrêté.

"Je me suis enfui du lycée tout à l'heure... dit Miles en adoptant une posture innocente. Oui, je suis désolé, j'ai pris peur...

-Attends, l'interrompit l'officier qui fit un signe de tête en direction de sa mère, allons discuter de ça ailleurs."

Les policiers laissèrent passer Miles qui franchit le pas de la porte, à son grand étonnement, aucun autre officier ne l'attendait dehors. Ces messieurs étaient donc véritablement venus discuter avec lui. Miles se croyait pourtant suspecté de terrorisme. Némésis avait eu raison sur ce point ; quitter le lycée en pleine attaque alors que la procédure vigipirate était mise en place, c'était grave, très grave même.

Le garçon entouré des trois officiers, s'assit dans la salle d'attente de l'hôpital. Le policier qui se trouvait devant lui sortit un petit micro qu'il posa sur la table et l'on commença à l'interroger.

"Confirmes-tu ton identité, Miles. G. Sora, fils de Marie et Alby Sora, dix-sept ans, habitant du Queens, dans l'État de New York ?

-Oui, Monsieur, répondit Miles comme s'il s'adressait à un militaire."

Cette soudaine intonation fit grogner le plus nerveux des trois policiers.

Celui qui se trouvait devant Miles était bien plus âgé et scrutait ses moindres faits et gestes.

"Donc, reprit l'officier chargé de l'interrogatoire, tu nous as dit connaître la raison pour laquelle nous t'interrogeons. Quelle est-elle d'après toi ?

-J'imagine que vous vous demandez pourquoi je me suis enfui de mon lycée.

-C'est exact.

-Eh bien je me suis enfui parce que j'ai pris peur.

-Pourquoi as-tu pris peur ?

-Bah, il y avait un terroriste qui tirait dans tous les sens.

-Mais tu étais en sécurité dans ta salle.

-Vous en êtes sur ? Et j'étais en sécurité dans mon lycée aussi ? Comment ce type a fait pour entrer ?

-A toi de nous le dire", intervint l'officier qui semblait nerveux, il regardait le garçon avec des yeux accusateurs. L'officier plus âgé, celui qui interrogeait Miles fit signe à son collègue de se taire, néanmoins, il attendait tout de même une réponse du garçon.

"Vous pensez que c'est moi qui l'ai fait entrer. Mais pourquoi j'aurais fait ça ?"

Les policiers restèrent de marbre.

"Non, je ne l'ai pas fait entrer, reprit Miles d'une voix haletante. Ecoutez, j'ai juste eu peur...

-Pourquoi es-tu sorti de ta salle ?

-Parce que j'avais peur, je ne me sentais pas en sécurité là bas. J'ai paniqué c'est tout. J'ai vu tout le monde qui criait, et...

-Et tu t'es donc dit qu'il valait mieux t'enfuir tout seul en laissant tes amis derrière toi, dit l'officier à sa droite. Pas très héroïque.

-La ferme Jordan, brailla le vieux policier." Ce dernier se retourna vers Miles et scruta son regard. Il semblait cacher quelque chose.

-Qu'est il arrivé à ton visage ? demanda-t-il.

-Euh, je suis tombé, mentit Miles, quand je me suis mis à courir, et, dans les escaliers."

De toute évidence, Miles cachait bien quelque chose, mais le vieux policier avait déjà la version officielle, il n'attendait plus que le témoignage du garçon.

-Très bien gamin, dit-il de sa voix rauque.

-Quoi, vous me croyez maintenant ?

-Le proviseur de ton lycée, nous a montré les images des caméras de surveillance, on t'y voit en train de courir seul dans les couloirs.

Miles ne répondit pas.

"Tu as mis en danger ta vie et celle des autres adolescents qui se trouvaient dans ta salle, reprit le vieil officier. La porte de votre classe est restée ouverte près d'une minute après que tu en sois sorti, le tueur aurait facilement pu y entrer et faire un massacre ! J'espère que tu mesures les conséquences que cela aurait pu avoir.

-Oui, Monsieur, répondit Miles la tête baissée.

-Heureusement pour tes amis, le tueur ne s'est attaqué qu'à une seule partie du couloir, ils ont eu une chance incroyable.

-Oui...

-As -tu quelque chose à déclarer avant que je ne coupe cet enregistrement ?

-Non, monsieur."

Miles aurait voulu leur dire que la survie de sa classe n'était pas due à la chance mais à son intervention. S' ils étaient en vie, c'est parce qu'il s'était interposé, il les avait sauvé. Mais, il ne pouvait bien entendu pas leur dire. Il allait devoir maintenir la version du lâche idiot, devant eux, et devant tout son lycée, qui a coup sûr avait déjà dû entendre parlé de sa fuite. Mais comment se faisait-il que les policiers ne l'aient pas arrêté ? Ils avaient pourtant dit avoir eu accès aux enregistrements des caméras de surveillances du lycée. Celles-ci avaient dû filmer Miles en train de se battre avec le terroriste, et non pas en train de fuir. Il scruta les agents de police repartir calmement. Un médecin vint lui annoncer que sa mère ne se réveillerait pas avant le lendemain et qu'ils ne pouvaient plus le garder ici plus longtemps. 

Miles rentra donc chez lui, en se demandant toujours par quel miracle avait-il échappé à un véritable interrogatoire. Une fois dans son lit, il s'écroula, de fatigue. Il avait subi l'attaque terroriste, l'opération dans l'entrepôt d'Aaron et l'hôpital. Une bonne nuit de sommeil était la bienvenue. Seulement, il n'eut pas cette chance, car le jour se leva seulement deux heures après que le garçon soit rentré chez lui et le lycée l'attendait désormais. Ce fut la première fois que Miles eut véritablement envie de rater les cours du matin. Sa mère n'étant pas là, qu'avait-il à perdre ? On lui poserait sûrement tout un tas de questions harassantes toute la journée, à propos de sa soi- disant fuite pendant l'attaque. Mais après réflexion, il se rendit compte que la probabilité que le lycée soit ouvert après une intrusion terroriste était minime, et il avait raison. Il écrasa donc le bouton de son réveil matin et se rendormit.

En plein milieu de l'après-midi, Miles reçut un appel, lui disant que sa mère était réveillée et qu'elle allait sortir de l'hôpital sous peu. Le garçon ronchonna et partit se doucher. Le soleil perçait avec force les nuages quand Miles sortit de son immeuble. Il ressenti néanmoins un étrange frisson. En regardant autour de lui, il n'aperçut que des passants vacants à leurs occupations, pourtant il se sentait oppressé par un regard fourbe, tapi dans l'ombre. Marie sortit de l'hôpital et vit son fils l'attendre avec un sac plein de barre de céréales. En le voyant, elle fronça les sourcils.

"Pourquoi n'es-tu pas au lycée ? demanda-t-elle avec autorité.

-Maman, soupira Miles, sérieusement ? Tu sors de l'hôpital alors je suis là.

-Non, je ne suis pas d'accord. Allez file en cours, je vais très bien, tu vois bien.

-Maman, arrête. Et puis de toute façon, il n'y a même pas école.

-Quoi ? demanda Marie, véritablement étonnée. Et pourquoi ça ?

-Eh ben, il y a eu une intrusion hier dans le lycée.

-Quoi, une intrusion ?

-Oui, et c'est assez grave.

-Mais tu vas bien ? Qu'est ce qu'il s'est passé ?"

Elle remarqua les plaies de Miles au visage et ouvrit de grands yeux inquiets.

"En fait, répondit Miles, un terroriste est entré dans le lycée et a fait feu dans certaines classes."

Marie recula de quelques pas en entendant cela, des larmes lui montèrent au yeux.

"Un terroriste tu dis... Mais alors il y a des morts ?

-Je ne suis pas sûr...

-Et toi, il a tiré dans ta salle ?

-Non, on a eu de la chance.

-Mais alors, où es ce que tu t'es fait ces bleus ?

-Euh, en fait, je me suis enfui.

-Quoi ? Tu t'es enfui ?

-Euh, oui...

-Mais qu'est ce qui t'as pris ! cria Marie avec colère.

-Désolé, répondit Miles en tentant de se dédouaner. J'ai eu peur, alors j'ai couru dans les escaliers et je suis tombé.

-Il aurait pu te rattraper, te faire je ne sais quoi. Pourquoi tu n'es pas resté dans ta salle comme on te l'a appris ?

-Je ne me suis pas senti en sécurité dans la salle Maman. S' il a réussi à entrer dans Midtown High, quelque portes, ça n'allait pas l'arrêter. Alors j'ai préféré partir.

-Enfin... tu es complètement fou !

-Maman, je vais bien, regarde, je suis là.

-Oui mais tu aurais pu mourir...

-Mais je suis là.

-Et dire que moi, j'étais en train de... Tu avais besoin de moi."

Marie se cacha le visage avec ses mains, et se remit à pleurer. Miles la prit dans ses bras.

"Allez viens, dit Miles. On rentre.

-C'est horrible qu'une telle chose se soit reproduite.... Tu a dû avoir tellement peur."

Une brève image du corps de Tommy ensanglanté au sol traversa l'esprit de Miles.

"Oui, répondit simplement Miles."

Marie, qui repensa à ce qu'avait dit Miles durant son sommeil, s'arrêta de pleurer et scruta le visage assombri de son fils, tourné vers le sol. Ce n'était pas à elle de pleurer mais à lui. Malgré tout, il se contrôla. Tous deux arrivèrent à l'appartement du Queens. Une fois à l'intérieur, Miles se précipita furtivement dans sa chambre pour broyer du noir mais Marie l'interrompit avant qu'il n'ait pu franchir la porte.

"Je suis désolé Miles, dit-elle timidement."

Mile se retourna, étonné qu'elle le stoppe ainsi dans sa course.

"Pourquoi tu t'excuses Maman ?

-Parce que... Je me suis faite virer. Pour avoir volé des médicaments. Je n'ai plus de travail.

-Oh...

-Je suis désolé, reprit-elle sanglotante, de m'être droguée. Je suis désolé que tu m'ai vue dans cet état.

-Ce n'est pas grave Maman...

-Si c'est grave. C'est grave parce que... Je veux être une bonne mère, et que je ne le suis pas.

-Si, tu l'es maman, tu vas mal c'est tout.

-Non, c'est toi qui vas mal. Et je, je sais pas comment t'aider."

Miles brusqué, se prépara à nier mais aucun mot ne sortit de sa bouche.

"Tu es toujours seul, reprit Marie, et j'aimerais qu'on partage plus de choses ensemble, tu vois. Depuis que ton père est parti, j'ai l'impression qu'on s'est éloignés. Tu ne me parle plus de toi et moi aussi, j'ai besoin de te parler un peu de moi. Tu comprends ?

-Oui.

-Ton père est parti et ça me rend toujours triste, mais il faut qu'on surmonte ça et qu'on apprenne à vivre sans lui."

Marie hésita à aborder le sujet de la mort de Tommy mais préféra s'abstenir. Sans doute était-il trop tôt pour mentionner cet événement sans que Miles ne se renferme sur lui-même.

"Je comprends, dit enfin Miles avec un sourire. Mais je vais t'aider, je vais trouver du travail moi aussi.

-Non, tu es fou ? déclara sévèrement Marie. Toi, tu te concentres sur tes études, c'est compris ?

-Mais maman, si tu as du mal à retrouver du travail...

-Je vais me débrouiller, mais n'y pense même pas."

Mils finit par céder à contrecœur.

"Mais par contre maman, si tu veux qu'on apprenne à vivre sans papa, il faut qu'on se débarrasse de toutes ces photos, dit Miles en pointant du doigt les cadres brisés aux sol.

-Oui, tu as raison... répondit Marie honteuse.

-Et maman.

-Oui ?

-J'ai aussi besoin que tu restes en vie. Alors plus de drogues ?

-Oui Miles, répondit Marie avec un sourire."

Suite à cela, Miles et sa mère dînèrent ensemble et parlèrent durant des heures comme ils ne l'avaient pas fait depuis longtemps.

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