Chapitre 8. Maman
Miles titubait dans les rues de Manhattan, son visage saignait par endroit. Il se sentait à bout de force, jamais un ennemi ne l'avait malmené ainsi. Mais qui était cet homme et pourquoi avait-il cessé de s'en prendre aux élèves du lycée dès qu'il avait aperçu Miles, le visait-il lui en particulier ? Connaissait-il son secret ?
Les New Yorkais regardaient Miles d'un mauvais œil alors qu'il se faufilait dans les petites ruelles furtivement. Le garçon se dirigeait vers Soho, là où il obtiendrait la seule aide disponible. Il allait encore devoir causer des problèmes à Aaron. Il poussa la porte de l'entrepôt dans lequel survivaient les réfugiés d'Arkandia. Tous le regardèrent avec des yeux effarés. Cette fois il n'était plus dans un beau costume de Spider-Man, avec un air fier. Non, cette fois, il était dans un état bien pire que le leur. En le voyant peiner à marcher, le visage en sang, il se rendirent compte que Miles n'était pas qu'un effronté en costume qui se pavanait en sautant de grattes ciel en grattes ciel, c'était aussi un garçon prenant des risques pour sauver les autres. Les anciens habitants du village caché s'avancèrent vers lui pour l'aider à marcher. Du sang coula sur leurs habits. Le garçon regarda, stupéfait, les personnes qui le méprisaient jusqu'à maintenant, l'aider à marcher. Aaron accourut aussi vite que possible vers Miles et se mit à examiner son visage.
"Phil ! appela-t-il. On fait comme d'habitude, quand tu es prêt, rejoins-nous dans la salle blanche".
Soudain, un homme s'écarta de la foule et se mit à trifouiller dans un sac. Aaron conduisit Miles dans la salle blanche, une pièce de l'entrepôt où étaient disposés plusieurs lits d'hôpitaux. Miles connaissait bien cet endroit, il y avait été plusieurs fois depuis qu'il avait enfilé le costume de Spider-Man à Manhattan. Depuis, il avait appris à rafistoler ses égratignures tout seul, mais cette fois, ses blessures nécessitaient plus de coutures. Phil, l'ancien médecin du village d'Arkandia, entra dans la pièce avec plusieurs outils, et l'opération commença. Les poings américains du tueur avaient atteint le crâne de garçon et le sang coulait, plusieurs de ses dents avaient failli être expulsées de ses gencives et sa jambe était mal en point, et sa main...
Durant, l'opération, le démon Némésis tenta de percer les défenses de Miles, ce qui ne facilitait pas l'affaire.
"Tu aurais sûrement dû y rester, disait le monstre. C'est vrai quoi, tu fais tout ça pour la ville et voilà comment on te remercie, des tueurs viennent te chasser. Qu'est ce que tu vas bien pouvoir dire à tous ces gens, à ta mère, au lycée, hein ? Ça aurait été plus simple que tu y reste."
Némésis tenta de faire flancher la volonté de Miles pendant plusieurs heures mais le garçon résista. Une fois l'opération terminée, il s'endormit. Mais même dans ses rêves, le monstre était toujours là.
"Ne t'endors pas Miles Sora, vociférait-il. A l'heure qu'il est, le lycée ou même la police a déjà dû appeler ta mère. Il ne s'est pas présenté à l'appel après une attaque terroriste. Très grave, oui, très grave... Tu veux vraiment que ta mère se fasse un sang d'encre pour toi ? Juste parce que tu veux piquer un petit roupillon dans un lit bien douillet..."
Miles ouvrit aussitôt les yeux. Il décrocha sa poche de sang, sous les yeux ébahis d'Aaron.
"Qu'est ce que tu fais ? cria-t-il. Retourne t'allonger immédiatement !
-Non je peux pas, répondit Miles en tenant péniblement de se relever. Il faut que j'aille voir ma mère, tout de suite.
-Tu peux pas y aller dans cet état, dit-Aaron en rattrapant Miles, tu as perdu du sang.
-Je dois y aller ! Elle va déjà assez mal comme ça. Il faut que je lui dise que je vais bien.
-Mais tu ne vas pas bien.
Miles se demanda s'il parlait de son état physique ou de son état mental.
"C'est pas grave, elle ne le saura pas. Vous m'avez bien recousu."
Miles chercha de l'approbation auprès de Phil, et celui-ci acquiesça.
"Très bien, mais je veux que tu reviennes demain, dit-Aaron, c'est compris ?".
Miles sortit de la salle blanche après seulement quelques heures. Il boitait encore mais son visage ne saignait plus. Il avait seulement des oeils au beurre noir et quelque bosses. Il portait un bandage à la main, la partie du corps du garçon qui avait nécessité le plus de soin. Le couteau sale du tueur l'ayant transpercé. De petits éclats s'y étaient logés. Miles n'avait même pas pris le temps de parler à Aaron de ce qu'il s'était réellement passé et à quel point cet homme s'était acharné sur lui au point de le poursuivre à travers la ville.
Il sortit de l'entrepôt et se mis en marche, il avait laissé son sac de cours avec toutes ses affaires au lycée. Il ne pouvait donc pas prendre le métro, ni payer un taxi. Il allait devoir marcher jusqu'au Queens à pied. Il pressa le pas. À l'heure qu'il est, sa mère devait être en train de l'appeler sur son téléphone mais il ne pouvait bien évidemment pas lui répondre.
Après une deux heures de marche effréné, il parvint enfin sur le pas de la porte de son appartement. L'intérieur semblait calme mais il n'en était rien. Miles entra chez lui, il découvrit avec horreur le sol de son appartement recouvert d'éclats de verre et de papiers déchirés. Ces feuilles volantes n'étaient autres que des photos d'Alby Sora, le père de Miles. Le verre cassé quant à lui provenait de cadres qui semblaient avoir été fracassés avec force contre le sol. Miles n'avait aucune idée de l'existence de tous ces cadres, il pensait avoir laissé toutes les photos de son père à la maison abandonnée de Buc. Sa mère avait donc fait en sorte de récupérer toutes ces photos, mais dans quel but ? Après tout, Alby l'avait laissée toute seule. Miles entendit tout à coup de petits gémissements provenant de la salle de bain. Il s'y précipita et chercha sa mère dans la pièce sombre. Elle se trouvait là allongée, en pleurs face aux toilettes. Miles vit un pot de médicaments rouler vers lui, il était totalement vide. Avant qu'il ne puisse avancer vers sa mère, celle-ci se mit à gémir de plus belle.
"Tu m'as abandonnée ! cria-t-elle.
-Maman ? dit Miles perplexe, croyant qu'elle s'adressait à lui, même si en réalité elle ne l'avait même pas entendu entrer.
-Tu nous as laissés tout seul. Et maintenant qu'est ce que tu veux que je fasse, hein ? Il a besoin de toi, pas de moi."
Miles comprit que sa mère, Marie, s'adressait en fait à Alby. Il l'avait laissée si seule qu'elle en souffrait, et de toute évidence, se droguait pour ne pas y penser.
"Miles, il, continua-t-elle, il est toujours tout seul dans sa chambre. Je ne le vois plus, on ne fait plus rien ensemble, on ne se dit rien. Il a aucun ami et je sais pas comment l'aider, il a besoin de toi je sais pas comment faire... Je ne sais même pas où il est en ce moment, je ne sais plus rien de lui. Tu nous as abandonnés, j'y arriverais pas toute seule...TU M'AS ABANDONNÉE !"
Soudain, Marie se mit à vomir dans les toilettes et s'effondra sur le sol. Miles se précipita vers elle, et la mit en position latérale de sécurité, celle qu'on lui avait apprise à maîtriser au lycée. Du liquide jaunâtre sortait toujours de sa bouche. Le garçon, en pleine panique, attrapa le téléphone fixe et composa le numéro d'urgence.
Des infirmiers s'empressèrent de transporter la mère de Miles dans l'hôpital le plus proche, elle venait de faire une overdose aux médicaments. Des comprimés qu'elle avait elle-même volé dans l'hôpital où elle travaillait la nuit. Miles resta dans la salle d'attente durant plusieurs heures, il était terriblement fatigué. Ses membres encore engourdis par l'attaque terroriste, le forcèrent à fermer les yeux le temps de l'opération. Les autres personnes constatèrent stupéfait les marques de sutures sur son visage de jeune garçon.
Qu'avait-il bien pu affronter pour qu'il ressorte si balafré ? se disaient-il. Quoi qu'ils aient bien pu imaginer, ils étaient très probablement bien loin de la vérité, Miles lui-même n'était pas sûr de savoir ce qu'il s'était réellement passé.
De l'autre côté de la ville, dans un vieil appartement de Brooklyn, un homme sombre et puant retirait son horrible masque de fer, sur lequel des bouts de peau pourris s'étaient collés. Ce masque, il détestait le retirer, il le gardait la plupart du temps, pour cacher le visage qu'il exécrait au plus haut point. Le visage qui était le sien, un visage calciné, dont quelques parcelles de peau étaient renouvelées par de petites fibres encore vivantes. Ce visage qui n'était plus que le reflet malsain de celui qu'il avait été autrefois. L'idée même de voir ce visage le rendait fou de rage. Il s'assit sur son lit, dont les parasites avaient dévoré le matelas, retira son pantalon et posa ses mains sur ses jambes. Ce simple geste le fit gémir de douleur. Durant sa chasse d'aujourd'hui, son exosquelette avait rongé sa peau et, par endroit, avait tendu ses muscles avec tant de force que ceux-ci s'étaient déchirés. Par chance, ses poings américains avaient protégé ses phalanges meurtries par les années. C'est donc avec cette partie du corps qu'il devra marteler sa proie lors de sa prochaine chasse. Il s'allongea sur son lit sans oreiller et songea aux différents moyens de tuer sa cible, car désormais, il savait que ce garçon n'était pas comme les autres. Il avait résisté à ses coups et comme maintes fois auparavant, le chasseur devra mettre plus de moyen en œuvre pour mener à bien sa mission.
***
Miles entra dans la chambre d'hôpital, il y vit sa mère, plongée dans un sommeil profond. Le garçon s'assit sur le siège à côté d'elle et observa l'électrocardiogramme. Ses constantes semblaient calmes. Il faisait nuit noire dehors, les lumières de la ville se reflétaient sur la façade des grandes tours de Manhattan.
Spider-Man ne sera pas de sortie ce soir, se dit Miles. Le garçon posa ses yeux sur le visage de sa mère. Elle semblait paisible, voyageant dans le monde des rêves. Son expression était celle qu'elle affichait tous les jours devant son fils. Pourtant elle cachait tant de douleur, enfouie derrière son sourire. Depuis deux ans, elle n'avait cessé de cacher ses véritables émotions. Une extrême solitude et une incompréhension toujours présente, même après tout ce temps, vis à vis du départ de son mari. Elle n'était pas parvenue à tourner la page. Miles pensait qu'avec ce changement d'environnement, ces histoires resteraient en France, enterrées avec le collège, et Tommy, mais Marie les avait toutes emportées avec elles. Elle tentait de les oublier, en se droguant, Miles allait bien finir par le découvrir.
"Je suis désolé, Maman, dit doucement Miles à voix haute. J'aurais dû voir que tu allais mal." Des larmes coulèrent de ses yeux, Marie demeurait toujours plongée dans un profond sommeil.
"La vérité, c'est que je ne sais pas comment te parler. Si j'arrive pas à me faire des amis, c'est parce que je crois que j'ai peur. Je suis un peu timide c'est sûr, mais il y a plus que ça. Je crois que j'ai peur de perdre d'autres amis, à nouveau. Après Tommy... Papa...
J'ai pas envie de reperdre quelqu'un. Et j'ai pas envie de te perdre toi non plus. Alors même si tu crois que je n'ai pas besoin de toi, bah tu te trompes. Tu sais, j'ai 17 ans, j'ai encore besoin de ma mère, et j'aurais toujours besoin de toi. Je n'ai pas encore trouvé le moyen de te parler de tout ça, mais je suis sûr qu'à nous deux on y arrivera. Et tu arrêteras de te cacher derrière tes sourires, parce que maintenant ça marche plus, d'accord Maman ? On va trouver, mais pour ça, il faut que tu restes avec moi."
Miles posa sa main sur le bras de sa mère et lui sourit. Il ne le sut jamais, mais Marie avait tout entendu.
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