Chapitre 5. Voix

Miles entra dans sa chambre, s'allongea sur le lit et se mit à pleurer. Des larmes coulaient à flots sur ses joues. Un chagrin qui ne provenait en réalité pas de lui mais de l'afflux d'horribles émotions qu'il était en train d'encaisser. Pourquoi devait-il garder une telle créature en lui. Pourquoi était-ce à lui qu'incombait cette tâche ? Sa vie était déjà assez compliquée comme ça. Les yeux jaunes qu'il avait tant redoutés ces deux dernières années étaient revenus le hanter. Il n'allaient donc plus pouvoir penser tranquillement jusqu'à la fin de sa vie, entendant sans cesse le monstre râler depuis les tréfonds de son antre maléfique. Miles se rendit alors compte de la chance qu'il avait eu de ne pas avoir à entendre l'insupportable voix de Némésis ces deux dernières années. Par ailleurs, cette dernière avait quelque peu changée. Elle semblait beaucoup moins grave qu'auparavant. Et le monstre, reprenant peu à peu ses esprits, remarqua lui aussi ce brusque changement.

"Pourquoi es-tu là ? demanda enfin Miles à voix haute. Pourquoi es-tu revenu ?

-Cette vieille âme perdue m'a éveillé en s'introduisant dans ma pierre, répondit Némésis avec une voix plus claire que lorsqu'il marmonnait quelques secondes plus tôt. J'étais de toute évidence plongé dans un sommeil provoqué par toi. Malgré toi. Oui je me souviens."

Sa voix devenait de plus en plus aiguë et se rapprochait de plus en plus de celle d'un humain.

"Lorsque tu as perdu Tommy... oui, reprit Némésis. J'étais à deux doigts de prendre le contrôle car tes émotions n'avaient jamais été aussi affaiblies. Je tentais une percée pour sortir de ma prison mais c'est là que ton esprit m'a fait tomber plus profondément encore dans l'abîme. Je me suis alors endormi, je ne sais pourquoi. Je n'ai jamais été exposé aussi longtemps à un autre esprit. Nos deux âmes se ressemblent un peu plus semble-t-il.

-Mais comment...

-Je ne le sais pas plus que toi, petit, répondit Némésis qui connaissait déjà la suite de sa question. Cet homme semblait connecté à des forces en lien avec l'énergie de ma pierre. C'est comme cela qu'il a réussi à entrer. Oui je le sens, j'ai changé, ma voix a changé. Toi aussi tu a changé, petit. Ce phénomène se produit dans les deux sens.

-Qu'est ce que tu veux dire, je n'ai pas changé ?

-Tu viens pourtant de fuir en laissant derrière toi un homme mort par ta faute, ça, tu le tiens sûrement de moi, dit Némésis en ricanant."

Miles se prit alors la tête dans les bras et se hurla dans son esprit : "Tais-toi" à plusieurs reprises. Soudain, la présence de Némésis sembla rétrécir.

"Oh, qu'es ce que c'est que ça ? dit-il semblant impressionné. On dirait que tu as appris tout seul à te défendre contre les voix qui te parlent. Tu n'as pas eu besoin de moi pour ça... Oui je le vois. Tu n'as fait que te rabaisser sans cesse. Tu te sens coupable pour Tommy... oui. Oh, mais tu n'es pas le centre du monde petit. Ce gamin serait mort quoi qu'il arrive, que tu sois venu pour le sauver ou non.

-TAIS-TOI ! hurla Miles de plus belle.

-Oui, il a appris à se défendre. Mais pas contre moi, oh non, il était tout seul, si seul. Il a appris à se défendre contre lui-même."

Némésis se replongea dans ses propres pensées retrouvant son antre démoniaque où Miles ne pouvait plus l'entendre. Ce dernier pleurait toujours à chaudes larmes mais plus pour les mêmes raisons, et des voix recommencèrent à violemment l'attaquer. Chaque phrase résonnait de plus en plus fort, et les voix se faisaient de plus en plus insistantes. Portant des coups de couteaux à son cœur endolori. Il faillit tomber sous les coups et le monstre se pencha soudain vers lui, repérant une occasion de sortir de sa cage. Il se mit à rire et à hurler des paroles horribles à ce pauvre garçon, en chœur avec les autres voix qui n'étaient autres que celles de Miles s'infligeant à lui-même ces coups. Mais il ne se laissa pas faire, dans un dernier élan d'énergie, il attrapa d'une main son masque. Le masque de Spider-Man, le héros costumé de New York. Il l'agrippa de toutes ses forces et le mit sur son visage humide. De ce geste, il fit taire toutes les voix. Il respira à grandes inspirations pendant plusieurs secondes et ouvrit les yeux. De nouveau dans le monde réel, il enfila le reste de son costume et sauta par dessus la fenêtre. 

Spider-Man se balança silencieusement entre les immeubles en regardant autour de lui, guettant quelques sirènes de polices ou quelques cris de citoyens en danger. Mais Manhattan était calme ce soir-là, hormis le brouhaha habituel des embouteillages et des différentes animations de la ville. Contrairement aux autres soirs, Miles se dirigeait vers un endroit particulier cette fois-ci, un endroit qu'il avait découvert le jour même et où il savait que des activités criminelles se déroulaient. Un peu de boulot pour Spider-Man. Il avait apporté avec lui un petit appareil photo jetable qu'il avait acheté dans une boutique où il était désormais considéré comme un habitué. Chaque fois qu'il allait avait besoin de prendre des photos compromettantes, il s'y rendait et les vendeurs étaient ravis de le retrouver. L'appareil d'aujourd'hui était de couleur orange fluo, pas très discret. Sans doute était-ce une blague du vendeur, Jimmy, qui mettait toujours un appareil de côté au cas où Spider-Man en aurait besoin.

Alors qu'il voltigeait, Miles sentait que ses bras étaient anormalement engourdis, il entendait par ailleurs Némésis dans un coin de son esprit fredonner un air étrange. Il distingua les toits de Harlem et, comme toujours, réduisit sa vitesse en fonction de la hauteur des bâtiments autour de lui. Bientôt, il cessa complètement de projeter des toiles car les bâtiments sur lequel il essayait de s'accrocher étaient bien trop petits. Il courut alors sur le toit des immeubles et sauta entre ceux-ci. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, des tagueurs vidaient leurs bombes, des enceintes projetaient des morceaux de rap, des jeunes entraient dans des boîtes. Personne ne vit le garçon costumé sauter au-dessus de leurs têtes.

Miles ralentit soudainement en apercevant la ruelle qui débouchait sur la Taverne. Finalement, il n'avait même pas pu y entrer, il s'était soumis au test de l'ermite, mais avait échoué en quelque sorte. Penché sur le toit de l'immeuble, il aperçut le tabouret sur lequel était assis Francis quand il avait tenté de percer à jour l'âme de Miles. Une ambulance l'avait récupéré plutôt dans la soirée. Miles se sentit coupable d'avoir produit un choc si violent dans l'esprit de cet homme. Mais sûrement que sa mort avait été causée par d'autres facteurs.

Il se pencha alors sur la bordure du bâtiment et posa ses doigts sur le mur. Il amorça alors sa descente de l'immeuble à la verticale. Seul le rez - de -chaussée était allumé. D'après Antoine, c'était ici que les ventes de drogues se déroulaient. Miles espérait donc pouvoir prendre en photos l'une de ces transactions pour arrêter un dealer de plus dans la ville. Il avait déjà eu affaire à des dealeurs, que cela soit dans la rue ou à des points de rendez-vous bien définis. Parfois, le héros costumé entrait en contact avec ces dealeurs pour les livrer à la police, mais dans des cas comme celui-ci, où le commerce était établi sur un point de rendez-vous, il se contentait de prendre des photos du crime pour les envoyer à un commissariat. Ainsi les dealeurs étaient toujours arrêtés en bonne et due forme. Néanmoins il arrive parfois que Miles se confronte à des criminels de plus grande renommée, dans ces cas là, le jeune héros se retrouve obligé de se battre, parfois contre des sbires armés, soit contre le gros bonnet en lui-même. Miles gérait désormais assez facilement les combats à mains nues, il parvenait à retenir sa force surhumaine juste assez pour assommer un homme de forte carrure. Il s'amusait même en se battant contre ces criminels et sautant pour esquiver les coups et en les entoilant pour les immobiliser. Il était toujours joyeux au moment de la confrontation et rigolait souvent avec lui-même en jetant des blagues en plein combat. Son sixième sens l'avertissant de tous les coups à venir, il ne se faisait jamais surprendre par derrière. Il avait acquis au sein du milieu criminel, une réputation "d'emmerdeur", pire qu'un flic, car on ne l'entend pas arriver. Ce gamin qui jouait les héros costumé et qui battait tout le monde même les plus armés.

Miles n'était jamais ressorti d'une confrontation très amoché. Il avait plusieurs fois reçu des coups de couteaux bien placés, mais il parvenait facilement à cacher ses blessures aux yeux de sa mère.

 Ainsi, le jeune garçon avait établi une bien étrange relation avec les services de police de New York qui recevaient parfois des criminels entoilés à l'arrière de leurs commissariats. Ils voyaient parfois pendre des appareils photos jetables près de leurs fenêtres, et ils savaient qu'il n'y avait qu'une personne capable de faire de telles âneries. Seulement, à chaque fois, une affaire était classée et un criminel était arrêté.

Miles atteignit la fenêtre du rez-de chaussée et aperçut un barman qui rangeait ses bouteilles sur le comptoirs. Il y avait plusieurs clients dans le bar, et de la fumée malodorante s'échappait de l'établissement. Miles sortit son appareil photo jetable et guetta le moindre mouvement suspect. Au bout de quelques minutes, un client se leva et vint demander une autre tournée au barman. Et quelques secondes plus tard, ce dernier sortit 4 sacs remplis d'une broussaille verte. Miles appuya sur le bouton et le cliché fut pris. En deux temps trois mouvements il rangea son appareil et tira sur sa toile pour remonter sur le toit. Il prit alors un bout de papier qu'il avait préparé et sur lequel était inscrit "La Taverne, Harlem" ainsi que l'adresse précise du lieu et une signature de Spider-Man. Il colla le papier sur l'appareil photo à l'aide d'une toile et se mit en chemin. Au loin, les grattes ciels scintillaient et il se rappela le jour où il était arrivé sur le sol New Yorkais.

Il accrocha l'appareil photo à l'une des fenêtres encore allumées du commissariat et tissa une toile sur le bâtiment en brique d'à côté pour s'envoler.

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