Chapitre 2. Masques

Pendant le trajet, Miles observa son nouvel emploi du temps et remarqua que ses journées avaient considérablement été alourdies cette année. Il terminait chaque jour à dix sept heures au minimum. Son nouveau loisir allait donc être malheureusement impacté. En effet, Miles avait l'habitude de mener ses activités de super héros en plein jour, une fois les cours de la journée terminés. De cette façon, il pouvait faire croire à sa mère qu'il passait ses après-midi avec des amis, ou bien au cinéma. Mais dès lors, il allait devoir inventer des excuses plus adaptées à l'horaire du soir. Il sortit en trombe du métro et attendit le bus en direction du Queens. Il se sentait comme forcé à se hâter vers sa maison. Comme si Eva était encore derrière lui à l'observer. Cet arrêt de bus était chargé d'histoires pour Miles qui avait à plusieurs reprises attendu sous la pluie le bus bondé du Queens. Il avait mangé des dizaines de fois au fast-food qui se trouvait devant et saluait tous les soirs une vieille dame. Mais aujourd'hui, l'endroit était désert.

Arrivé chez lui, Miles jeta rapidement son costume derrière son armoire, dans un petit coin envahi de poussière. Une bouteille de poudre pour bébé y était posée, elle servait à Miles à nettoyer son costume sans éveiller les soupçons de sa mère. Il mit en ordre sa chambre et dit enfin, "Je suis rentré" à vive voix. Sa mère qui semblait émerger d'un long sommeil entra dans sa chambre. Elle portait encore sa tenue d'infirmière. Après l'emménagement à New York de la réduite famille Sora, Marie avait rapidement dû trouver un travail. Elle s'était portée volontaire à l'hôpital Mount Sinai du Queens et grâce aux études qu'elle avait suivi durant sa jeunesse dans le domaine de la biologie, elle fut embauchée pour travailler de nuit. Cela fait donc deux ans que Marie Sora passe ses journées à dormir dans son lit et à sortir de nuit pour s'adonner à son travail. Son salaire permettait tout juste de payer le loyer du petit appartement du Queens dans lequel elle logeait avec Miles ainsi que les petites dépenses alimentaires et scolaires de son garçon. Ce nouveau mode de vie changeait donc de celui de la famille habitante d'une grande maison en résidence de Buc mais cela leur convenait malgré tout.

"Alors tu t'es fait des amis ? demanda-t-elle toute curieuse.

-Non maman, c'est que le premier jour, répondit Miles."

Et il s'ensuivit une longue discussion qui ressemblait plus à un interrogatoire pour Miles qu'à une vraie discussion car ce dernier répondait à toutes les questions par un oui ou par un non, ou par des réponses brèves vides d'enthousiasme à l'égard de sa nouvelle classe. Il se garda en revanche de parler de la petite discussion qu'il avait eue avec Eva Grant un peu après sa sortie de classe.

"Quand j'avais ton âge, on se précipitait sur les garçons dès le premier jour comme tu dis, je me rappellerais toujours de ce garçon, Evan qui restait toujours dans son coin, j'avais envie de lui parler mais il était si fermé et si distant avec tout le monde. Mais qu'est ce qu'il était beau, il me fait un peu penser à toi, si secret, je le regardais toujours.

-Moi personne ne m'a vraiment regardé, je dois pas être comme tu dis, mentit Miles en pensant au regard perçant d'Eva qui le hantait toujours.

-Ca viendra, répondit Marie en souriant, ça vient toujours, et puis si tu veux que ça change tu n'as qu'à faire des efforts et aller leur parler.

-Mais j'ai jamais dit que je voulais que ça change. Je suis très bien seul dans mon coin.

-J'aime pas te savoir tout seul, dans ce lycée. Tout le monde à l'air d'avoir son groupe, tu sais les humains doivent se parler entre eux c'est vital, c'est dans notre nature, tu peux pas éternellement fuir le contact avec les autres sous prétexte que tu te sent bien seul, il faudra bien que tu sorte à un moment. Tu pourrais être surpris par les rencontres qu'on peut faire en engageant le dialogue avec quelqu'un. Toi qui regarde tellement de films, tu n'as pas envie de vivre la vie d'un adolescent américain qui sort dans d'incroyables fêtes. Il n'y a qu'en allant parler aux autres que ça peut t'arriver. Quand tu grandiras tu auras le sentiment d'avoir raté ta jeunesse." acheva Marie. Miles sentit un peu de mélancolie dans sa voix quand elle eut fini sa phrase.

Il passa le reste de la journée à trier ses nouveaux livres, à nettoyer son masque et à regarder une série comme tous les adolescents de son âge. Il s'ennuyait terriblement et hésitait de plus en plus à sauter par la fenêtre du huitième étage en costume. Mais il choisit d'attendre que sa mère parte au travail. Puis se perdant dans la galerie de photos de son téléphone il tomba sur des photos qu'il avait prises de lui même en costume sur le toit d'un immeuble en train de prendre la pose. Ces photos, il les avait prises peu de temps après être sorti pour la première fois en tant que Spider-Man dans les rues de New York. Miles se trouva bien idiot sur ces photos qui lui paraissait venir d'un passé lointain. Malgré tout, il ne les effaça pas même si garder de telles photos sur son téléphone était dangereux. Il se dit que cela lui ferait un souvenir au cas où il serait obligé dans un avenir proche de ranger son costume au placard. 

Puis il tomba sur des photos de lui en classe de seconde avec ses anciens amis. Du moins les camarades de classe avec qui il déjeunait. Parmi eux se trouvait Antoine Jensen. Un jeune garçon Californien dont la famille avait déménagé peu avant le début de leur année de seconde. Antoine et Miles s'étaient rapprochés car tous deux étaient arrivés à New York il y a peu. Ils s'entendaient bien mais après la fin de l'année, ils avaient perdu contact. Miles était bien trop absent, Antoine tentait bien d'organiser des choses avec lui mais Miles repoussait ou annulait à chaque proposition, prétextant un mal de crâne ou des problèmes familiaux.

Miles se connecta à son réseau social Instagram pour voir comment se portrait son ancien ami. Sur son profil, on pouvait voir plusieurs photos de lui entourés de ses nouveaux amis. Aucune photo de Miles n'y figurait. Antoine avait visiblement beaucoup changé. Il s'habillait désormais avec des vêtements longs et semblait s'adonner à la consommation de marijuana pendant son temps libre. Des morceaux de musique rap figurait dans la description de chacune de ses photos avec marqué un peu plus haut : Chill dans une étrange police d'écriture. Avec un peu de recul et en voyant ces photos, Miles se dit qu'il a peut être bien fait de s'éloigner de cet Antoine.

"Comme si t'avais eu le choix" dit-il à voix haute. Il se replongea alors dans ses pensées et entendit sa mère qui doucement commençait à préparer ses affaires. Soudain elle entra dans la chambre du garçon et lui dit, "J'y vais hein, bonne nuit". Puis elle sortit de l'appartement. Miles resta quelque minutes à fixer le mur en se demandant ce qu'il se serait passé s' il était resté en contact avec Antoine. Peut-être que je serais pas là en ce moment, peut être qu'on serait en train de se parler, pensait-il. Ou alors peut-être même qu'on serait en soirée à s'amuser."

Puis il se tourna et regarda par la fenêtre, il faisait complètement nuit dehors. La voisine d'en face avait allumé sa petite lampe de nuit, qu'elle allumait semble-t-il depuis toujours. Il se demanda si Spider-man devait sortir ce soir, s'il trouverait quelque chose à faire s'il sortait ou s'il passerait la nuit à se refroidir sur les toits du Quartier des Affaires comme il le faisait souvent. Et soudain il se dit :

Qu'est ce que je serais en train de faire si Tommy était encore là ?

Il ouvrit alors grand les yeux, prit une grande respiration et dit à voix haute : "Ouais, il faut que je sorte." Il se leva soudain en trombe et alla fermer la porte à clef, ne prit même pas le temps de se faire un sandwich et enfila vite son costume : son gilet, son pantalon, sa ceinture, ses lances toiles et son masque puis sortis par la fenêtre.

Il passa sa tête par l'ouverture pour vérifier que personne ne le verrait et colla ses deux mains sur le mur à côté de la fenêtre. Il referma celle-ci et accrocha ses pieds au mur. Puis il monta doucement le long de la paroi jusqu'à arriver au toit duquel il plongea sans attendre. Il ressenti comme un soulagement en sentant l'air filer sur son visage et comme une envie de sensation forte, il attendit de ne n'être plus qu'à quelques mètres du sol pour accrocher sa toile et se balancer. Il passe rapidement la rue perpendiculaire et atterrit sur un toit sur lequel il couru à toute vitesse. Il respirait anormalement vite et son masque essuya une petite larme.

"Eh, Spider-Man !" entendit-il à sa droite. Un homme était allongé sur un transat en pleine nuit sur le toit de son immeuble et sirotait un délicieux cocktails de fruits.

"La ville qui ne dort jamais hein ! dit Spider-Man d'une voix joyeuse.

-A la tienne !", répondit l'homme en soulevant son verre. Miles sauta au-dessus d'un réservoir d'eau et se dirigea vers Manhattan tout en surveillant les alentours. Les grandes tours étincelaient au loin, cette vision-là, Miles l'avait eu maintes et maintes fois en sortant tous les après- midis, mais cette fois-ci c'était différent. La nuit était complètement installée et la ville semblait un peu plus silencieuse. 

Il entama enfin sa course sur le pont de Queensboro où il avait plusieurs fois dû rattraper des vélos en pleine chute. Un échauffement somme toute assez stimulant à l'entrée de Manhattan. Avec son costume noir, il passait tout à fait inaperçu aux yeux des voitures qui se trouvaient en dessous. Sous le pont passait calmement l'East River où se reflètent les multiples lumières de la ville et où Spider-Man, à ses débuts, avait malencontreusement plongé, voulant tenter des cascades impossibles sous le pont. Plus il approchait de l'île de Manhattan plus l'excitation montait, il s'imaginait en train de sauter de toits et de se balancer inlassablement entre les tours. Mais il voulait également s'éloigner le plus possible du Queens pour enfin se transformer en Spider-Man. Puis enfin il sauta du pont et atterrit sur la terre ferme de l'île. Les cris d'exclamation s'élevèrent alors comme à chaque fois et Miles Sora devint alors pleinement Spider-Man. "Bonsoir New York !", dit-il fièrement en passant près du groupe de personnes qui l'avait remarqué. Et le rêve devint réalité, Miles courut sur les murs à toute vitesse grâce à ses lances toiles puis sauta de toits en toits, de tous en tours. Il se balança avec la force de ses bras et tout cela pendant plus d'une heure. Il pouvait voir, alors qu'il escaladait les immenses parois des tours de Manhattan, quelques personnes encore plongées dans leurs travaux. Il eut envie de parler à l'un d'entre eux. Il toqua alors à la fenêtre du quarante-cinquième étage, à quelques mètres de l'autre côté de la vitre se trouvait une femme semblant passer une interminable soirée. Elle avait à peine la trentaine et portait un tailleur de couleur bleue. Elle semblait parler toute seule, concentrée sur son ordinateur. "Eh, Bonsoir madame" dit-il. La femme se tourna en entendant cette voix étouffée semblant venir de l'extérieur. Elle avait des yeux d'un bleu étincelant et de longs cheveux noirs.

"Non, c'est impossible voyons." dit-elle en se retournant vers son bureau.

"Eh, OH !" insista Spider-Man en se frappant la tête contre la vitre.

Cette fois, la femme se leva et examina minutieusement les environs. Quand elle eut enfin repéré l'énergumène qui se trouvait accroché à sa fenêtre côté extérieur, elle sursauta en écarquillant les yeux de stupeur.

"Spider-Man ! Mais enfin qu'est ce que vous faites ici ?"

-Oh moi rien et vous ?" La femme ne savait pas quoi répondre. Elle s'approcha doucement de la fenêtre, toujours stupéfaite de la situation.

"Comment vous vous appelez ? demanda Spider-Man, plein de gentillesse.

-Lydia... répondit la jeune femme.

-J'ai l'impression qu'une petite pose s'impose, Lydia. Ça ne vous fera pas de mal.

-Si vous le dites". Elle s'asseya près de la fenêtre et soupira.

-Vous avez l'air vraiment très fatiguée, pourquoi vous travaillez autant ?

-Je suis bien obligée, répondit Lydia en relevant la tête. Il faut que j'obtienne un meilleur poste.

-Ah c'est pour ça...

-J'y travaille depuis plusieurs années maintenant...

-Vous y arrivez j'en suis sûr mais vous devez vous ménager c'est pas bon de travailler si tard et de boire autant de café, répondit Spider-Man en pointant une petite tâche sur le costume de Lydia.

-Oh, oui, dit-elle en souriant et en tapotant la tâche. D'habitude je fais attention... 

-Vous savez quoi, maintenant quand je passerais devant votre immeuble je penserais à votre réussite et j'imaginerais que le logo de votre entreprise passerait de "Jerry and Co" à "Lydia and Co".

-Oh, dit Lydia en riant, vous êtes gentil.

-Je dirais même "Lydia" tout court en fait, comme je ne vois que vous travailler dans toute la tour.

-Oui, je le changerais quand j'aurais pris la tête de la boîte, dit-elle."

Soudain des sirènes de police retentirent au loin et Spider-Man se pencha pour regarder la rue en dessous.

"Vous entendez ça ? C'est comme ma sonnerie de téléphone, ça veut dire qu'il faut que j'y aille. Content d'avoir vu votre sourire Lydia et j'espère voir ce logo changer très bientôt."

Spider-Man détacha alors tout doucement ses mains de la fenêtre et se laissa lentement tomber vers l'arrière. Ses pieds eux aussi se décolèrent et Lydia contempla avec un grand sourire le garçon costumé entamer sa chute.

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