Day 2 : Divine Comedy

Parfois, Chuuya se sentait comme Dante Alighieri, l'auteur de la Divina Commedia. C'était un auteur italien qui avait vécu au XIVe siècle ; ils n'avaient rien en commun. Pourtant, la vie de Chuuya se retrouvait dans son œuvre un peu trop à son goût.

Son enfer était évidemment Arahabaki, renommé Corruption quand il entra dans la mafia sur idée de Dazai. Il n'était même pas conscient de lui-même jusqu'à ce qu'il soit apparut à Yokohama : la seule chose dont il se souvenait était l'obscurité omniprésente autour de lui. Il ne ressentait rien, ni la faim, ni le froid, ni la solitude, ni la tristesse. Il existait. Il possédait une existence sans conscience. Il était passif de sa propre vie, emprisonné pour l'éternité, ou une micro-seconde, dans un espace vide.

La première inspiration qu'il prit quand il sortit de l'enfer grâce à Rimbaud, son Vergil qui le tira des ténèbres, créa une explosion qui rasa un quartier entier de Yokohama. Pour une raison inconnue, il avait prit une forme humaine : avait-il décidé de posséder un humain lambda pour mieux se fondre dans la masse ? Pour devenir un loup au milieu des moutons ?

Ce qui était sûr, c'était qu'il était sorti de cette prison infernale et que maintenant, il ressentait. Il devait alors apprendre à contrôler et comprendre les émotions humaines pour mieux se fondre dans la masse. La joie, la tristesse, la peur, la colère, le dégoût, il devait tout réapprendre. Mais il travailla et rapidement, il devint un humain parmi d'autres, habitant dans les bidonvilles alors qu'il n'avait que sept ans et ne se souvenait de rien.

Peu à peu, des enfants des bidonvilles se rassemblèrent autour de lui, admirant et craignant son pouvoir. Ce fut le début de son voyage dans le purgatoire, la création des Brebis. Son objectif était de survivre et de savoir qui il était : son seul souvenir d'avant la destruction de Cone Street était une main le tirant de cet espace et de ce nom : Arahabaki. Il savait qu'il était Arahabaki, mais il ne savait pas ce que c'était : un démon, un ange, une arme, un dieu ?

Il avait apprit à vivre avec cette incertitude, mais il continuait de chercher. Le groupe des Brebis s'agrandit et, peu à peu, leurs territoires dans les bidonvilles s'agrandirent. On craignait le roi des Brebis, aux pouvoirs démoniaques et mortels, capable de voler et d'augmenter son poids à volonté. Un être que l'on disait cruel et sans peur quand on s'attaquait à son troupeau : toutes personnes, quelles qu'elles soient, s'attaquant aux Brebis, subiraient le courroux vengeur du roi. Il n'était qu'un jeune adolescent, mais il faisait fuir les adultes les plus puissants. Tout le monde s'inclinait devant la destruction causée par le roi des Brebis.

Ce fut en protégeant son troupeau que Chuuya avait l'impression de purger ses peines et de se rapprocher de son but. Il avait l'impression de pouvoir faire confiance en ces personnes qui l'entouraient et qui avaient grandi à ses côtés. Ils l'avaient vu dans ses pires moments, quand il ne contrôlait pas son pouvoir, quand il pouvait à peine se battre correctement, quand il apprenait les émotions et les réactions typiquement humaines. Il avait l'impression d'être utile, de ne plus être seul. Il avait trouvé ce qu'il pouvait appeler une famille.

Pourtant le purgatoire était rempli d'épreuves et ces personnes, qu'il considérait comme les plus chères à ses yeux, étaient en réalité des démons cherchant à le faire retomber dans ce même enfer. Peut-être était-il la véritable brebis dans cette histoire, et les membres du groupe, ses anciens sujets, des loups déguisés. Chuuya était perdu, ne savait pas quoi en penser. Ils l'avaient trahi, battu, empoisonné mais pourtant, ils restaient sous sa responsabilité : il ne pouvait pas les abandonner dans la gueule d'un loup plus puissant qu'eux.

Ce fut pourquoi il s'était tourné vers Dazai, un ange machiavélique venu d'un paradis noir et infernal. Le véritable paradis ne pouvait lui être ouvert, il était donc condamné à rester entouré d'anges déchus. La Mafia Portuaire n'était pas composée d'enfants de cœur, pourtant, il avait l'impression de se sentir chez lui. Peut-être parce que le serviteur du dieu de la calamité et de la destruction qu'il abritait pouvait se déployer sans crainte que son porteur ne meure sous la pression de la gravité. Parce que la Déchéance d'un Homme était capable d'arrêter Contamination, la véritable forme de Tristesse Souillée, en lui faisant prendre conscience que sa part humaine se perdait dans la folie meurtrière d'Arahabaki.

Peut-être parce que Ozaki Kouyou, alias Ane-san, l'avait prit sous son aile et lui avait apprit tout ce qu'elle savait, de l'art subtil de la préparation du thé à la meilleure façon de tuer quelqu'un de manière silencieuse. Peut-être parce que le boss, Mori Ougai, lui avait donné la réponse qu'il cherchait tant, de leader des Brebis à leader de la Mafia Portuaire. Peut-être parce que les hommes sous ses ordres, bien que plus vieux et plus expérimentés que lui dans ce monde corrompu et impitoyable, l'avaient accepté et lui avaient montré comment être un leader qui ne se jetait jamais dans les premières lignes. Ou peut-être parce que Dazai Osamu l'avait sorti de ces liens et de ces relations toxiques qu'il avait entretenu avec les autres membres des Brebis.

À son contact, Chuuya avait l'impression de prendre brusquement vie, comme si on mettait des piles à un vieux robot cassé. Il pouvait se permettre de laisser ses émotions exploser contre lui, et il encaissait toujours tout, le sourire aux lèvres, comme s'il savait que Chuuya Nakahara n'avait pas complètement fini son insertion dans le monde humain en tant qu'être faible face aux dieux. Parce que les Brebis l'avaient toujours caressé dans le sens du poil, il avait embouteillé alors toutes ses émotions pour continuer à répondre à leurs attentes et à être choyé. Avec Dazai, qui lui lançait des piques sans répit, l'insultant et le rabaissant, il pouvait se permettre de réagir et d'ainsi évoluer en tant qu'humain.

Leur relation était spontanée, pour ne pas dire tendue quand elle n'était pas explosive. Le boss et Ane-san les observaient toujours avec amusement quand ils se battaient, aussi bien de manière physique que orale. Et puis, un jour, le roux se rendit compte de son évolution quand il avait envie de sauter sur le brun pour l'embrasser plutôt que de le frapper. En fait, il avait envie de faire les deux, bien qu'il avait une préférence pour goûter les fines lèvres de Dazai. Si le brun lui retournait ses sentiments, Chuuya était persuadé que leurs interactions ne changeraient en rien : était-ce cela que l'on appelait l'amour vache ?

Bien qu'il soit curieux, il préféra ne rien tenter et de garder leurs relation telle quelle. Jusqu'à ce jour dans l'ascenseur. Dazai continuait de parler sans s'arrêter, cherchant à faire sortir de ses gonds le rouquin pour qu'une nouvelle discussion s'initie. Chuuya, fatigué de ses élucubrations, avait tiré sans prévenir la cravate noire du brun qui ne résista pas sous l'effet de la surprise, et l'embrassa à pleine bouche. Rapidement, et à son étonnement, le brun répondit au baiser. Il ne le relâcha que quand il entendit les portes de l'ascenseur s'ouvrir, annonçant leur arrêt. Un sourire vainqueur plaqué sur le visage, il se lécha les lèvres et sortit de la cabine sans un mot. Il entendit Osamu le suivre rapidement après, se plaçant à ses côtés et lui offrant un sourire sincère.

Oui, il se sentait vraiment comme Dante Alighieri, accompagné de son ange borgne aux ailes aussi noires que la nuit.

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