Il se tient longtemps debout, désemparé, déconcerté par la situation. Il touche ses yeux, cherche le relief des murs. Tout est là, mais noir. Pourra-t-il repeindre un jour ou est-ce définitif ? Ses craintes lui fendent le cœur et il est en colère. Il n'est pas fait pour vivre une vie d'aveugle. Il ne veut pas prendre sa retraite. Sa vie n'aurait plus aucun sens ainsi.

Et soudain, le parfum musqué et pénétrant d'Olivia s'insinue dans la pièce. La flagrance est de plus en plus pressante. Un frisson court le long de son échine. Elle l'a frôlé. Est-elle vraiment là ? Il voudrait la voir pour s'en assurer. Il l'appelle. Elle ne répond pas mais il sent son corps contre le sien, une étreinte qui le plaque contre un mur. Il sent une toile bouger à hauteur de son épaule mais il s'en moque. La chaleur et les courbes d'Olivia valent mieux que n'importe quelle peinture.

Ce moment enivrant lui rappelle des moments délicieux en sa compagnie. Leur dernier hiver, ils étaient perdus dans un chalet à la montagne. Ils n'en sortaient jamais et parlaient peu. Elle passait ses journées à lire, il passait ses journées à peindre sa muse mélangée au paysage qu'il avait sous les yeux. Une belle série vendue une petite fortune. De toute façon, à partir de leur rencontre, elle était devenue l'unique objet de sa peinture. Et même après sa disparition, ses oeuvres ne représentaient que des souvenirs de son aura. C'en est même surprenant qu'il continue à remporter le même succès après toutes ces années.

Il se concentre sur ses sensations. Il n'y a plus rien, plus de parfum, plus de frôlement. La toile qui le gênait n'est plus là. Peut-être tombée. Il s'en moque. Il l'appelle silencieusement. Il faut qu'elle revienne. Olivia ? Olivia ? Es-tu là ? Alors, il est transpercé par un cri perçant. C'est elle, il reconnaît sa voix, déformée par la douleur. Un tas de chair. Un éclair rouge explose devant ses yeux aveugles. Un flot de réminiscence se libère. Il panique.