CHAPITRE 3

Julien attend. Lorsqu'il aperçoit enfin la silhouette d'Aurore, il se redresse. Il jette un coup d'œil à son reflet dans la vitre, lisse sa veste. Il prend une grande inspiration. Et se lance.

- Excusez-moi ? dit-il.

Elle se retourne.

- Oui ?

- Vous avez oublié ça hier au cinéma, et je voulais vous le rendre.

Il fouille dans ses poches avant de lui tendre l'objet. Elle sourit et le prend.

- Merci beaucoup, j'allais justement voir s'ils ne l'avaient pas trouvé.

-Quoi ?

- Hum, mon portefeuille.

- Ah oui, votre portefeuille, bafouille le jeune homme.

C'est ça, son portefeuille. Aurore tourne l'objet entre ses mains. Elle l'ouvre, le referme. Fait jouer les reflets du soleil dessus.

- Il est très joli.

- Quoi ?

- Hum, votre portefeuille.

- Ah oui, mon portefeuille.

Julien voudrait disparaître. Un jeune homme de vingt ans qui ne sait pas tenir une conversation ?

Ridicule. Vraiment ridicule. Il le sait.

- Je pense que je vais y aller, du coup.

Il ne bouge pas.

- Restez un peu, je vous paie un café, propose-t-elle.

Julien acquiesce. Elle tire une chaise et s'assied, et il l'imite. Il la regarde commander deux cafés à son collègue en souriant. Elle caresse et tord la carte. Julien voudrait partir, il n'est pas à sa place ici.

Il fait mine d'examiner la mer. Du coin de son regard, il scrute le visage brun d'Aurore. Elle semble à son aise, à sa place. Ses iris noisette sondent ce territoire conquis. Son royaume : cette terrasse de café baigné par la lumière du soleil. Ses sujets : ces serveurs et clients, attablés dans un brouhaha constant agrémenté d'une musique de fond. Le silence se prolonge.

Les deux jeunes adultes fuient le regard de l'autre, chacun se perdant dans son univers sans oser se confronter à cette rupture brutale avec celui de l'inconnu assis en face.

C'est Aurore qui, la première, arrache Julien à sa contemplation silencieuse.

- Donc, c'est quoi ton prénom ? Je peux te tutoyer, hein ?

- Je suis Julien.

- D'accord. C'est... Joli.

- Merci.

Un ange passe.

- Et toi, tu es Aurore.

- C'est ça. Bizarre, hein ?

- Non, ce n'est pas si original que ça, commente Julien.

Aurore lève un sourcil d'un air moqueur. Son interlocuteur rougit.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, même si c'est un peu banal...

- Tu t'enfonces, se moque la jeune femme.

-Mais ça fait penser à un lever de soleil. Un lever de soleil ça arrive tous les matins, et pourtant c'est à chaque fois aussi joli !

Elle glousse.

- Bien rattrapé, bravo. J'apprécie la comparaison. D'habitude, on me sort plutôt un truc du style « Ah, comme la sauce à base de mayonnaise », cela suivi de blagues très douteuses que je te laisse imaginer, hein.

- Ah, je vois.

Julien ne voit pas, en réalité. Il baisse les yeux. Il regrette amèrement d'être venu lui parler. Il aurait pu donner le portefeuille à un de ses collègues, et elle l'aurait récupéré. À croire que la brise marine lui fait tourner la tête.

Il n'est pas à l'aise pour parler aux femmes, ni aux humains en général. Son ancienne petite amie ne l'aurait jamais laissé avoir une conversation aussi longue avec quelqu'un sans intervenir. Sans arriver avec son sourire solaire, éclairer la pièce de sa seule présence. Elle lui manque, un peu.

Il l'a laissée à Paris, mais les souvenirs l'ont suivi sur la côte. Julien voudrait les noyer dans cette mer, ne plus jamais les revoir. Il veut passer à autre chose.

- Tu vas bien ? demande Aurore d'un air distrait. Si je t'embête dis-le. Ce n'est pas un problème, hein.

- Je crois que je vais y aller, en fait. J'ai une montagne de choses à faire, dit Julien en se levant.

Sa chaise tombe à la renverse. Il la redresse.

Aurore la regarde. Se perplexité grandissante transparait dans ses yeux. Julien ne peut le supporter. Que pense-t-elle ? Que voit-elle en lui ?

Un adolescent maladroit et pathétique qui ne crée que du désordre autour de lui ?

Ridicule.

- Au revoir, lance le jeune homme en s'élançant hors du café.

Aurore l'observe disparaître. Il marche sur la jetée, se laissant bousculer par les vagues de touristes. Il se laisse juste porter. La jeune femme sourit. Ses cheveux frisés se balancent. Son collègue apparaît à côté d'elle, deux cafés à la main. Son incompréhension est pente sur son visage en un immense point d'interrogation.

Aurore prend une tasse et sirote la boisson, avec un rictus malicieux au coin des yeux.

- Je suis tombée sur un original, dit-elle en guise d'explication.

Bonjour,

Le chapitre d'aujourd'hui est plutôt court mais j'espère tout de même qu'il vous aura plu !

Alors, des premières impressions sur Aurore et Julien ?

Sur Arnaud, le cousin de Julien ?

A très bientôt pour un nouveau chapitre...

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