9. Dîner royal

Violette, Clément et Océana se retrouvèrent au moment d'aller manger. Ils descendirent les escaliers en colimaçon, ce qui faisait tournoyer la robe de bal turquoise qu'avait choisie Océana. De petits diamants, qui brillaient selon leur inclinaison, étaient incrustés sur toute la partie haute. Cette tenue reflétait son âme de princesse.

Violette non plus n'avait pas choisi la tenue la plus simple - à supposer qu'il y en ait dans ce château. Sa robe vert forêt s'accordait parfaitement avec ses yeux et son collier d'émeraudes, qui devait se trouver dans un des tiroirs de sa salle de bains.

Ils descendaient les dernières marches de l'escalier, tandis que Clément répétait pour la troisième fois :

- C'est vraiment génial ici !

Océana lui sourit. Elle devait avouer que l'endroit n'était pas banal.

- Comment a fait ton père pour obtenir autant d'argent ? demanda Violette, stupéfaite.

La jeune soigneuse haussa les épaules.

- Tous les rois d'Etisia possèdent une fortune quasiment illimitée. Pour satisfaire les besoins de leur peuple, en toute circonstance, expliqua-t-elle, même si ce n'est pas toujours utilisé à cet usage...

- J'aimerais vivre là toute ma vie, songea Clément, qui n'avait plus d'yeux que pour la beauté des lieux.

Trop occupé à contempler le plafond, il ne remarqua pas le pilier devant lui et manqua de s'y cogner. Les deux jeunes femmes retinrent un petit rire.

Une longue salle dont les murs étaient faits de pierre s'ouvrit à eux. Ils la traversèrent, prirent un virage, longèrent une pièce qui ressemblait à un salon, s'arrêtèrent un instant devant un tableau représentant les ancêtres de la famille royale, tournèrent à gauche, puis à droite, et arrivèrent enfin devant la salle des banquets. Si Océana ne les avaient pas guidés, Violette et Clément se seraient perdus, à n'en pas douter. Malgré le temps qui s'était écoulé, ses souvenirs demeureraient infaillibles.

Le roi les attendait, accompagné de Pacifique et Séraphin. Les invités exécutèrent une révérence, avant de prendre place à la longue table, à la demande du roi. Clément carra les épaules pour se donner une allure plus affirmée devant le monarque et attendit, en restant le plus droit possible. Il ne parvenait toujours pas à s'habituer à cette immensité et à cette opulence. Toute sa vie, il avait vécu dans une maison modeste, à la frontière du monde commerçant. Ses parents n'avaient jamais cessé d'avoir des problèmes d'argent, et son enfance n'avait pas été des plus faciles. Il n'avait pas eu la chance de continuer ses études après ses 16 ans, faute de moyens financiers. Sans les livres, il ne serait jamais devenu aussi doué en botanique et en science.

- Votre château est magnifique, dit Violette au roi, tirant le jeune rêveur de ses pensées.

Celui-ci lui adressa un sourire, avant de répondre :

- C'est le fruit de plusieurs siècles de travail.

- Tant que ça ? C'est impressionnant, siffla Clément.

- Construire ce château était l'idée de mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père. À sa mort, le palais était très différent de celui dans lequel vous vous trouvez. La salle des banquets n'a jamais complètement changé d'apparence, mais il n'y avait pas grand-chose d'autre. Ce fut plusieurs décennies plus tard que mon arrière-arrière-arrière-grand-père décida d'entamer la construction du donjon... Il n'a, hélas, pas eu la chance d'admirer le résultat final...

Océana commençait à s'endormir. Les discours sur la famille royale que son père lui répétait depuis qu'elle était toute petite ne l'avait jamais intéressée. Elle se retint de soupirer.

- La descendance de mon arrière-arrière-arrière-grand-père n'a fait qu'enrichir le château d'objets précieux... poursuivait le roi. Ce fut de nombreuses années plus tard, que mon arrière-grand-père fit des améliorations extraordinaires au niveau du jardin. Mon père s'est occupé de trouver les plus grands peintres et sculpteurs du royaume pour qu'il vienne travailler ici. Mais, de toute la lignée royale, je pense être celui qui a fait le plus de choses pour ce palais. Cela a été très coûteux, mais je ne suis pas peu fier du résultat ! Peut-être que lorsque Pacifique, ou Séraphin, prendra le pouvoir, ce château s'agrandira encore...

- Ce sera moi l'héritier, intervint Pacifique.

Séraphin le foudroya du regard, mais n'osa pas intervenir devant son père.

Un silence s'installa. Océana jeta un regard à ses amis. De toute évidence, ils se sentaient mis à l'écart.

- Ah, les entrées arrivent, les informa Séraphin en souriant.

Plusieurs serveurs vinrent apporter de grandes assiettes, avant de leur souhaiter une bonne dégustation et de retourner en cuisine.

Comment sommes-nous censés manger tout ça ? se demanda intérieurement Clément. Nous n'allons plus avoir faim pour les plats...

Les entrées lui donnaient l'eau à la bouche, et il ne savait que choisir. Le bouillon aux algues, à la délicieuse odeur de l'océan ? Les crudités si variées qu'il ne savait plus où regarder ? Un millefeuille de la mer ? Les brochettes de crustacés ? Les aumônières aux légumes ?

Finalement, il se servit d'un peu de tout.

Son estomac était déjà rempli de moitié lorsqu'on apporta les plats. Il but une gorgée d'eau, qui avait étonnamment un goût exquis.

Les plats étaient encore plus nombreux que les entrées et semblaient d'autant plus savoureux. Dès la première bouchée de poulpe, il compris que les cuisiniers du château étaient de véritables maitres culinaire. Pourtant, il était gêné de profiter du moment, dans ce palais ; tout était si... parfait. Il se sentait rabaissé.

- Mangez, je vous en prie, intervint le roi, cela va refroidir, autrement.

Il s'adressait à Violette. Celle-ci se redressa et le regarda.

- Pardon, bredouilla-t-elle, je repensais à... ça n'a pas d'importance.

Océana la dévisagea.

- L'homme que nous avons vu tout à l'heure, marmonna la jeune femme en tentant d'ignorer le silence troublant.

La princesse lâcha sa fourchette.

- Je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser moi non plus. Père, un rebelle rôdait près du château. Il nous a...

Le seigneur la coupa d'un geste de main.

- C'est malheureusement de plus en plus courant en ce moment. Depuis que j'ai instauré la nouvelle loi, beaucoup de gens en veulent à la famille royale. Mais il n'y a pas de quoi se tracasser, ils maîtrisent très mal la magie.

- Vous n'avez pas été blessés, au moins ? demanda Séraphin en croquant dans un morceau de pâté d'œuf et d'oignon.

- Non, le rassura Océana, mais c'était le même genre de personne que le groupe que nous avions affronté il n'y a pas longtemps... Les Cronix. Des experts en magie noire.

Pacifique hocha longuement la tête. Il n'y eut plus aucun bruit pendant plusieurs minutes. Le roi avalait de grandes gorgées d'eau, ce qui vidait son verre. Il se resservait et recommençait. Océana ne savait que trop bien qu'il faisait ça lorsqu'il ne trouvait rien à dire pour rassurer les gens.

- Le repas est toujours aussi délicieux, lança la jeune soigneuse au bout d'un moment, pour rompre le silence.

Clément confirma d'un signe de tête, accompagné d'un sourire, puis il retourna à son plat. Il n'avait pratiquement plus faim, et pourtant, il lui restait une multitude de raviolis à manger.

Les desserts arrivèrent, et leur taille démesurée les rendait tellement appétissants qu'il dû se résoudre à ne pas terminer son plat.

- Alors, avez-vous une idée de ce qui arrive à votre dragon ? demanda Océana tandis qu'un domestique en tablier blanc coupait une part d'un gâteau aux teintes rosées.

- Personne n'identifie complètement la maladie, déclara-t-il, pas même les soigneurs du château. J'ai bien peur que vous ne soyez le dernier espoir de Fumée.

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