Lorsque les trois jeunes soigneurs eurent fini de siroter leur smoothie, Océana prit l'initiative d'aller chercher le courrier.

Encore une facture ? soupira-t-elle intérieurement. Et une lettre de... mon père ?! Voilà qui est inattendu...

Elle poussa la grande porte d'entrée pour informer ses amis :

- Clément, je te laisse une facture d'électricité sur ton bureau, pour que tu l'ajoutes à la comptabilité. J'ai reçu une lettre de mon père.

- De ton père ? répéta Violette d'une voix lointaine.

Océana marcha une soixantaine de mètres plus loin pour les rejoindre sur la terrasse, l'air ailleurs. Elle n'en revenait toujours pas : lui, son père, lui avait écrit !

- Tu ne nous avais pas dit qu'il ne t'écrivait jamais ? s'étonna la jeune femme.

- Si... Ce doit être quelque chose de grave.

Le seigneur du royaume des eaux était extrêmement occupé et n'avait pas le temps d'écrire à Océana. Quoique la jeune soigneuse avait émis l'hypothèse qu'il ne s'intéressait tout simplement pas à elle pour lui accorder de l'attention, ou du moins, pas suffisamment.

Océana retira de l'enveloppe le sceau frappé de l'emblème de la famille royale : un poulpe géant, portant une large couronne, qui agitait ses tentacules. Elle déplia le parchemin - ce qui lui parut durer une éternité, étant donné la longueur phénoménale de la lettre.

Elle se plongea alors dans une lecture attentive, levant les yeux au ciel toute les 30 secondes. Après plus d'un quart d'heure, elle releva enfin la tête pour annoncer à ses amis, qui ne l'avaient pas quitté des yeux un seul instant :

- Le dragon de mon père est gravement malade et il veut qu'on aille le soigner.

- C'est tout ? demanda Violette en haussant un sourcil. Ça parait beaucoup plus long que ça...

- Oh... Oui, c'est bien le genre de mon père, à raconter les moindres détails de ce qu'il se passe au palais, souffla Océana, exaspérée; il ne comprend pas que je me fiche complètement de savoir si l'eau de la nouvelle fontaine n'est pas assez cristalline à son gout !

Clément s'esclaffa.

- Personnellement, je n'ai rien contre passer quelques jours dans le château de la royauté aquatique !

- De toute façon, je ne pense pas qu'on ait vraiment le choix... Sa demande ressemblait plus à un ordre qu'à une invitation.

- Génial ! s'exclama Violette. On va pouvoir rencontrer ta famille !

- Crois-moi, ça n'a rien de génial, répliqua Océana : mes frères jumeaux sont aussi insupportables l'un que l'autre, à toujours se disputer pour savoir lequel sera le prince héritier, et mon père est l'un des homme les plus prétentieux d'Etisia !

- Il n'empêche qu'il s'agit de la famille royale ! murmura Clément, les yeux brillants.

- Oui, et puis, franchement, ta mère a terrorisé Clément pendant près d'une semaine ! On devrait pouvoir supporter une famille "un peu trop riche".

- Je vous aurais prévenu... répondit simplement Océana en adoptant un air innocent.

Au même moment, le carillon qui indiquait qu'un nouveau client était entré retentit, ce qui mit fin à la conversation. Violette se leva pour aller l'accueillir.

- Bonjour ! lança-t-elle en accourant dans le hall d'entrée. Que puis-je faire pour vous ?

- Je cherche une gamelle pour un dragonnet d'une semaine, répondit la cliente.

Ses yeux verts contrastaient avec sa peau brune et ses cheveux bouclés retombaient sur ses épaules, ce qui lui allait à la perfection.

- Je vois... commença la Violette. Quelle race de dragon est-ce, exactement ?

- Un croisement entre un frourine et un abanon à tête rouge.

- Il faudrait donc... marmonna Violette, songeuse. Une taille 16 - 21, à mon avis. Je vais vous chercher ça tout de suite. Avez-vous une couleur de préférence ?

- Moi non, répondit la jeune femme avec un sourire, mais je pense que mon petit dragon aimerait bien du bleu, si cela est possible.

Violette se dépêcha de trouver la gamelle en question, au milieu de tous les autres produits entassés dans le local.

Elle revint vers la jeune femme une minute plus tard, en lui tendant un petit carton.

- Ça fera 5 draillonos, l'informa Violette.

La cliente fouilla dans son sac à main pour en ressortir un billet rose fluo.

- Merci beaucoup ! dit-elle avec un nouveau sourire.

- Au revoir !

Et elle s'en alla retrouver ses amis, toujours sur la terrasse.

- Si on doit de nouveau partir en expédition, intervint-elle, il faudra demander à Lucas de garder SOS dragons.

- AH NON ! rugit Clément en se levant d'un bond. TOUT LE MONDE MAIS PAS MONSIEUR PARFAIT !

- Pourquoi pas ? s'enquit Violette. Il s'était très bien occupé du centre, la dernière fois.

Clément serra les dents. Océana tenta de le détendre :

- Tu sais bien que nous n'avons pas d'autre solution. Connais-tu une autre personne que Lucas qui soit susceptible de consacrer tout son temps à nous aider, sans attendre le moindre salaire en retour ? Et puis, tu devrais t'habituer aux "Monsieurs Parfaits" parce que Pacifique en est un aussi !

- Ton frère ? s'enquit Violette.

Océana hocha la tête.

Clément se résigna et se mit à bouder.

- On part quand ? demanda-t-il d'une voix sarcastique.

Océana effectua un bref calcul dans sa tête.

- Selon mon père, son dragon est sur le point de mourir, mais il en fait toujours trop... Sauf qu'il est terriblement impatient... Donc, je pense que le mieux serait... Disons demain matin.