Manque d'adresse
Je me suis endormi en même temps que la nuit, qui a cédé sa place à un ciel ensoleillé.
Durant mon sommeil, je n'ai pas lâché mon calepin, désormais totalement recouvert de notes brouillonnes au sujet de Louis. Ce matin, les feuilles sont froissées et raidies à cause de mes mains et de mes larmes. Je jette un œil au radioréveil posé à côté de mon lit : 8h18.
Ouf, je ne suis pas en retard.
Je remarque soudain que je n'ai même pas pris la peine de retirer mes vêtements. Mes yeux sont encore collés de fatigue et ma bouche pâteuse réclame un café, mais j'ai la tête ailleurs. Avant de prendre soin de moi, j'ai besoin de me préparer pour tout à l'heure. En effet, Louis et moi nous sommes mis d'accord pour qu'il passe chez moi vers neuf heures et demi.
Malgré mes tentatives pour le faire rester, il a insisté pour partir, hier soir. Même s'il était tard, et même s'il n'avait nulle part où passer la nuit. Il m'a néanmoins assuré qu'il connaissait un endroit où il pourrait dormir, dans le quartier. Qu'il ne fallait pas que je m'en fasse, qu'il avait l'habitude. Je ne l'ai pas vraiment cru, mais je ne suis pas idiot : il avait envie d'être seul. Alors, je l'ai laissé partir. Après tout, il a déjà survécu sans moi. Et puis, je crois qu'il n'a pas envie d'être dépendant de qui que ce soit. Les personnes les plus malheureuses sont souvent les plus dignes.
Prends-en de la graine...
Notre discussion m'a laissé dans un profond état de questionnements insatisfaits et d'inquiétude. J'ai encore une multitude de points à aborder avec lui. Si je veux pouvoir l'aider, je dois être sûr de connaître chaque détail de son aventure. Je me saisis de mon bloc-notes et mes mains s'agitent soudainement. Je griffonne chaque question qui me vient à l'esprit, chaque zone d'ombre. Je ne veux rien laisser de côté, rien oublier. Une fois que je pense avoir tout noté, je me décide enfin, pour la première fois depuis des heures, à lâcher ce foutu calepin.
Je m'étire, baille sans cérémonie, et me lève péniblement. Il faut que je prenne une douche.
Je devrais proposer à Louis d'en prendre une ici. Ça lui ferait peut-être plaisir. Ou peut-être pas. Peut-être qu'il sera super vexé.
Je me traîne, telle une épave, vers la vaste salle de bain qui jouxte ma chambre. J'évite volontairement un contact visuel avec le miroir, ayant trop peu de courage pour affronter mon visage fatigué et défiguré. Je laisse négligemment tomber mes vêtements au sol, et me glisse dans la cabine de douche. L'eau brûlante me frappe comme des milliers d'aiguilles, réveillant les pores de ma peau endolorie. Mes cheveux bruns se plaquent sur mon visage, m'obligeant à les écarter régulièrement.
Il faudra que je pense à les faire couper...
Posté béatement devant ma penderie, je dois me résoudre à l'évidence : je suis une gonzesse. Des dizaines de sortes de pantalons, jeans, tee-shirts, chemises, pulls, vestes et gilets s'étendent devant moi, et voilà dix minutes que je me demande ce que je vais porter ! Je lève les yeux vers ma pendule et les écarquille : 9h20.
Là, je suis en retard !
Je tends précipitamment le bras vers une des étagères. Je prends au hasard le sweatshirt plié en haut de la pile, sans même prendre connaissance de son apparence. J'attrape un jean et une paire de chaussettes et m'habille à toute vitesse. Lorsque je me tourne vers le miroir en pied, mon corps se glace. Je suis profondément tiraillé entre l'envie de rire aux éclats et celle de me coller une énorme baffe. Sur mon sweatshirt noir est étalé en grosses lettres rouges : HOMELESS. Très délicat Harry, vraiment... Tu fais très fort.
Je vais pour corriger ce gros manque de tact, lorsque la sonnette de mon interphone m'arrache un sursaut.
Aïe, c'est lui !
Je baisse les yeux vers mon sweat. Puis vers l'interphone. Sweat. Interphone. Sweat. Interphone. Finalement, je me rue vers l'entrée de l'appartement et appuie nerveusement sur le bouton d'appel du petit appareil.
- Allô ? Enfin, euh... Bonjour ?
- Eh bien ! T'es pas dans ton assiette, tête de chou ? s'exclame une voix familière dans le combiné.
J'esquisse un petit rire nerveux.
- Viens donc en témoigner par toi-même.
J'enclenche l'ouverture des portes de la résidence et regarde autour de moi. Tout a l'air en ordre. Je ramasse quelques papiers qui traînent sur la table basse et mets la cafetière en marche dans la cuisine. Je soupire d'agacement : je déteste être pris au dépourvu. Il faut que j'aie le contrôle sur les évènements, sinon je perds tous mes moyens. Et je sens que c'est tout à fait ce qui va se passer... J'ai à peine le temps de sortir des tasses, que Louis sonne à ma porte. Je me fige.
Mon sweatshirt !
Bon.
A la guerre, comme à la guerre.
Je le fais rapidement passer au-dessus de mes épaules et le jette avec négligence sur un fauteuil, avant de courir jusqu'à la porte. Je prends une grande inspiration, et ouvre timidement la porte.
- Salut ! Alors, qu'est-ce que tu... ?
Les mots meurent aux coins de sa bouche. Il me regarde. Je le regarde. Il regarde mon torse nu. Je regarde mon torse nu. Il me regarde. Je le regarde. Il fronce les sourcils. Je hausse les épaules.
- Tu... ça va ?
Je me gratte la tête et lève les yeux vers le plafond.
- Oui, oui... J'avais juste... un peu chaud.
Nouveau haussement de sourcils.
- En février ?
Nouveau haussement d'épaules.
- C'est vrai que maintenant que tu le dis, il ne fait pas si chaud que ça... me justifié-je pour mettre fin à cette situation grotesque. Je vais aller couvrir ce torse musclé, dis-je en tapotant celui-ci d'un ait fier.
Il arque un sourcil moqueur.
-Ton regard me brise le coeur, fais-je mine de m'offusquer en portant une main à mon coeur. Va t'installer, tu connais le chemin.
Je m'éloigne vers ma chambre. Avant de passer la porte, je me retourne vers lui. Il est toujours planté dans l'entrée, et me regarde d'un air malicieux, en secouant la tête.
- Quoi ?
- T'es trop bizarre, tête de chou.
Je lui tire la langue et lui lance un sourire complice, avant de disparaître à l'intérieur de la pièce. Je choisis un polo, sans aucun motif ni aucune inscription indélicate cette fois-ci, puis rejoins Louis dans le salon. J'arrive sur le seuil de la porte, et écarquille alors les yeux devant le spectacle qui se déroule sous mes yeux.
- Il me va bien ? me lance Louis, vêtu de mon sweatshirt, que j'avais laissé traîner par mégarde sur le fauteuil.
Son grand sourire et l'innocence qu'il dégage me déride. Je le détaille avec amusement ; finalement, j'éclate de rire, et suis bientôt imité par Louis. Nous voilà debout au milieu du salon, tordus de rire, les yeux baignés de larmes. Mais ce sont de bonnes larmes. Ce que ça fait du bien ! Je n'avais pas ri comme ça depuis une éternité... au moins.
Mais, une fois notre fou rire vaincu, les souvenirs douloureux du récit de Louis envahissent à nouveau l'espace. La gravité de la situation reprend alors l'ascendant sur notre bonne humeur, et le motif de sa visite se grave à nouveau dans le blanc de nos yeux. Son visage soucieux se tourne vers moi.
- On devrait peut-être... ?
Je me racle la gorge et lui réponds sans attendre la fin de sa phrase.
- Bien sûr. Assieds-toi.
Je me dirige vers la cuisine attenante au salon.
- Tu veux un café ?
Par-dessus l'ilot qui sépare les deux pièces, je le vois se redresser avec avidité sur le canapé. Ses prunelles bleutées brillent et semblent me porter une admiration sans limites. Il m'adresse un sourire éclatant.
- Alors ça... C'est vraiment pas de refus !
Je souris, à la fois peiné et touché par cet enthousiasme débordant pour une simple tasse de café. Je me dis à nouveau que la société fait vraiment mal les choses, que les préoccupations des hommes sont vraiment inégales... Et que ce n'est pas normal. Tandis que je verse le liquide noir et brûlant dans une tasse, je me mets à songer aux parents de Louis. Que font-ils en ce moment ? Que diraient-ils en voyant leur fils ainsi ? J'ai encore une multitude de questions à poser à Louis, et je sais très bien qu'à la fin de mon interrogatoire, je serai toujours frustré. Parce que même lui ne connaît pas toutes les réponses ; et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'il compte sur moi.
- Et un café chaud pour le monsieur ! m'exclamé-je en posant le mug fumant sur la table basse.
- C'est trop beau pour être vrai ! Merci.
Je me laisse tomber sur le canapé, à ses côtés, ma tasse dans les mains. Je remue le breuvage avec ma petite cuillère, y plonge un carré de sucre, souffle pour chasser la fumée. Puis :
- Alors, par où est-ce qu'on commence ?
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Bonjour tout le monde ! 😸
Alors, la boulette d'Harry, cute ou révoltante ? 😜
Avez-vous apprécié passer un petit moment dans son univers ?
À votre avis, de quoi Louis et Harry vont-ils discuter ?
💜
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