Chapitre I2.

Avachi sur son lit, Eliot laisse échapper un grognement, son oreiller étouffant ses râles.

Après quelques minutes passées à méditer sur le non-sens de son existence, voilà qu'il se lève et se connecte sur son blog. Il a gagné des abonnés. Beaucoup d'abonnés. Sûrement à cause des rumeurs à l'école. C'est bête.

De Finn : «Mec, Amanda m'a raconté un truc, et du coup j'ai une question à te poser.» 18:53

L'adolescent peste quand il réalise qu'il n'a même pas remercié Finn pour son comportement de meilleur ami exemplaire.

En fait, il avait peur.

Il était terrifié à l'idée que l'image que Finn avait de lui ne change. Ou même Andy.

Ou les deux. Ou pire, qu'ils jouent la comédie, et critiquent son orientation sexuelle dans son dos.

M'enfin, ce n'était pas vraiment leur genre après tout...

Mais ce n'était pas le bon moment pour en parler.

A Finn : «Dis-moi ?» 18:55

De Finn : «Elle m'a dit qu'elle avait vu quelqu'un qui avait une capuche sortir avec le Russe là, Sergeï. Et comme apparemment t'as eu une petite altercation avec Travis, je voulais savoir si c'était toi ? Ce qu'il te voulait ? J'espère qu'il ne te cause pas de problèmes.» 18:57

Eliot prend sa tête entre ses mains... Comment Finn fait-il pour toujours avoir un coup d'avance ? C'est tellement frustrant.

Mentir ? Dire la vérité ?

Ou arranger un peu la vérité ?

A Finn : «Ah, oui. C'était moi. Il me parlait juste de sa soirée. Aucun problème avec Travis non plus, c'était une vieille histoire aha. A demain.» 19:00

Dans sa tête, il imaginait déjà l'expression douteuse de son ami. Mais au moins, Finn, qui le connaissait par-cœur, n'allait pas se risquer à lui parler de son coming-out tant qu'Eli' n'aborderait pas le sujet.

Sauvé.

De Finn : «Hum... Ok. A demain» 19:03

...

De Finn : «Eliot ?» 19:03

Etrangement, son pouls accélère.

A Finn : «Ouais ?» 19:04

Pas ce sujet, pitié, Finn, pas ça. Pensait l'adolescent.

De Finn : «Je sais pas ce qui t'as pris ce matin. Je sais pas si c'était une sorte de provocation ou la vérité, ou juste pour faire taire les rumeurs. Mais c'était courageux... Ou idiot. En fait, j'sais pas vraiment ce que j'en pense. Et je me sens con d'avoir rien vu, j'aurai peut-être pu t'aider à surmonter «ça». Ca dure depuis quand ? Qui est au courant ? » 19:08

Eliot est frappé de plein fouet par un violent sentiment de solitude qui lui laisse un goût âpre en bouche.

«ça»... Qu'est-ce que ça signifiait «surmonter ça» ?

Ray n'est pas atteint d'une maladie.

Les propos tenus par Finn n'ont jamais été aussi gênants et décevants. L'homosexualité d'Eliot n'avait pas l'air de le faire sauter au plafond...

L'adolescent espérait, en son fort intérieur, que son ami soit juste soucieux pour lui et se pose juste quelques questions. Pas qu'il le néglige.

A Finn : «Je dois y aller, je suis pressé. Il faudra peut-être qu'on parle de «ça» et des rumeurs, si ça te cause t'en de soucis.» 19:10

Aussitôt, il mit son téléphone sur le mode Avion, et l'éloigna de lui le plus possible.

Finn n'avait rien dit de méchant, pourtant, Eliot se sentait déjà mit à l'écart, jugé...

Un éclair illumina la pièce.

Eliot poursuivit la visite de son propre blog et posta ce qu'il avait sur le cœur :

«Ce soir j'ai besoin de parler. Je ne vais pas bien... Je voudrais me livrer mais c'est impossible.
Dehors, le tonnerre gronde. C'est très agréable. J'aime la sensation de puissance et de solitude que cela me procure. C'est grisant et terrifiant à la fois. J'adore ça... J'adore ce sentiment de rêve que l'orage dépose derrière lui... Il masque le son de mon cœur qui hurle. Qui hurle... Et ne cesse de hurler... Dans l'espoir d'être entendu.

En vain.»

Son nombre d'abonnés maintenant important, les réponses ne se firent pas attendre. Il y avait pas mal de trolls, de filles aux airs de psychologues improvisés et juste quelques personnes ici pour lire sa détresse.

Il ne prit pas la peine de répondre à qui que ce soit, pourtant, au bout d'une vingtaine de minutes (23 précisément), l'une d'elles retint son attention.

Mister_Blue : «Jusqu'à ce soir... Je ne pensais pas qu'il était possible de lire autant de tristesse, juste à travers un battement de cils.»

- Sergeï Ivanov, toujours présent pour se foutre de ma gueule. Merci, ça me touche, crétin. Commenta Eliot à voix haute.

Il en faisait toujours trop, celui-là. Enfin, lui ou, sa deuxième personnalité... Eliot avait vu tellement de facettes de lui en si peu de temps qu'il était un peu perturbé face à chacun de ses actes. Son comportement et ses paroles restent indéchiffrables...

Son doigt effleura plusieurs fois la case pour lui répondre... Mais répondre quoi ? Et puis, si quelqu'un d'autre voyait ça ? La cata'.

Autant lui envoyer un message privé.

L'Ecrivain à la Jupe : «Tu réagis de manière excessive pour quelqu'un qui a honte d'assumer qui il est.»

[un peu d'attente...]

Mister_Blue : «Quoi ?»

Ray leva les yeux au ciel.

L'Ecrivain à la Jupe : «Je suis peut-être gay, oui, je l'avoue, mais au moins, moi, je le cache pas sous une énorme couche de méchanceté et d'intolérance.»

Touché !

Mister_Blue : «Haha ! Tu n'y es pas du tout, Eliot. C'est pas ce que tu crois. J'suis pas comme toi.»

Coulé.

Le visage d'Eliot se ferme.

- Tente un truc, Eli, tente un truc ! Se pressa-t-il tout seul.

L'Ecrivain à la Jupe : «C'est ce qu'on dit toujours.»

Il aurait pu trouver mieux, mais avec le stress, c'est tout ce qu'il a pu sortir de pas trop décrédibilisant.

«Message VU par @Mister_Blue»

...

Un nouvel éclair flasha la chambre.

Toujours pas de réponse. A-t-il marqué un point ?

Peu importe. Il y a plus important à traiter.

L'Ecrivain à la Jupe : «Pourquoi tu m'humilies ?»

Faire ressortir sa faiblesse... Eliot ne s'en félicitait pas. Mais il voulait savoir. Sinon il n'en dormirait plus...

Mister_Blue : «Le contexte s'y prêtait. C'est ma façon de réagir. C'est de l'humour, tout le monde rigole. Rien de méchant, relax ! Tu vas survivre. C'est pas parce-que t'es gay que tu vas finir dehors ;) On est en 2018.»

Pour la première fois, Eliot a honte.

Honte d'être lui-même. Honte de la réaction de ses amis et des gens tout autour... Si jamais sa famille l'apprenait... Oh oui, Sergeï, il finirait dehors...

Enervé, vexé...

Eliot ne veut pas être rangé dans la case du «Gay gentil qu'on peut taquiner sans avoir de réaction». Il n'est pas fragile, ce n'est pas un agneau, ce n'est pas un jouet, un passe-temps, une mode ou un bouc-émissaire.

Merde, c'est un Homme lui-aussi !

L'Ecrivain à la Jupe : «Je ne veux plus te parler. J'en ai assez de toi. Tu n'es bon que pour faire du mal. Comme tes amis. Salut.»

Mister_Blue : (est entrain d'écrire... ... ...)

Eliot coche rapidement une case.

BLOQUE.

Au revoir Sergeï.

Aussitôt, il se déconnecte de ce foutu blog qu'il a eu la mauvaise idée d'inventer et se roule en boule dans sa couette, bien au chaud, bien à l'abri des attaques.

Son téléphone vibre : il n'a plus de batterie. Il enlève le mode avion.

Pas reçu de réponse de Finn. Ouf !

Il vibre à nouveau...

- Quoi, encore ? Se plaint-il.

Il l'attrape et lit la notification...

De Sergeï : «Désolé, j'te trouve courageux c'est tout. Mais ça ne fait pas de nous des amis, et encore moins des gens qui s'apprécient. Je voulais que tu le saches. Oh, et je ne suis pas Russe. Je suis Norvégien. Mon grand père était russe.»

Comment ce gars peut se permettre de lui raconter sa misérable vie ? On s'en moque !

Bien que la Norvège n'est rien à envier à la Russie...

M'enfin, il s'égare. Plus qu'une chose à faire :

BLOQUE.

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Comme toujours, N'hésitez pas à laisser un avis si ce chapitre vous a plu ou si vous voulez m'aider à l'améliorer ;)

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