Chapitre 5.

Une heure du matin.

La maison entière était plongée dans un parfait silence. Seul le bois craquait de temps à autre. Dehors, on entendait le vent qui se frottait aux branches et les feuilles qui se plaignaient.

Soudain, les volets claquèrent, réveillant Eliot en sursaut ! Il se redressa sur son lit, la bouche entre-ouverte, et défit son chignon trop serré tandis que ses paupières papillonnaient. Il respirait vite et fort, il avait chaud.

Eliot s'était laissé aller à un terrible cauchemar, dans lequel il était lui-même au volant lors de l'accident de Dallas... C'était lui qui mourrait, et, l'amour de sa vie n'était même pas là... Une bonne chose, d'un certain côté.

L'adolescent remarqua que son torse collait, il avait certainement transpiré. Il eut un haut-le-cœur en se rappelant qu'il ne s'était pas douché depuis quelques jours déjà. De plus, son ventre gargouilla une nouvelle fois. Il ne pouvait plus le faire taire, et, le châtain devait aussi avouer qu'il avait un peu faim.

Curieux, il ouvrit l'ordinateur à ses pieds et se connecta sur son blog. «Le Repère de l'Ecrivain à la Jupe» avait un nouveau commentaire.

Girly-007 : «Wouah, t'as dû souffrir toi !»

Eliot soupira... Oh oui, il avait souffert, et ce n'était pas terminé. Il ferma son ordinateur, et ne prit pas la peine de répondre. Sinon, la demoiselle aurait peut-être pensé qu'il s'apitoyait sur son sort et ce n'était pas le message qu'Eliot voulait transmettre, ni l'image qu'il voulait renvoyer.

Lorsqu'il voulu se relever, par un mouvement involontaire, Eliot frotta sa main contre les tissus de ses draps et une croute due à la mutilation s'arracha. Il retint une grimace de douleur et essuya le sang avec son pouce. Il fallait qu'il se lave... Vraiment.

En plus, une bonne douche lui changerait les idées. Eliot attrapa des affaires propres, tourna discrètement le verrou qui lui permettait d'être son propre prisonnier et, en silence, il s'aventura dans le couloir sombre.

Sur la pointe des pieds, il atteignit la salle de bain, entra, et referma la porte en hâte. Ses doigts glissèrent sur l'interrupteur et il put enfin souffler. L'adolescent se déshabilla rapidement, et observa son reflet sur le miroir. Cette image triste était-elle vraiment la sienne ?

Avec son teint pâle, ses yeux rouges, ses cernes et sa maigreur, il avait l'air d'un cadavre. Cette image lui fit froid dans le dos. Est-ce que Dallas aussi ressemblait à...

Non, il ne devait pas y penser.

Il se frotta les yeux et entra dans la douche en baillant. Il hésita un instant et, ignorant le bruit qui attirerait l'attention, délivra l'eau. La douche était chaude, presque brûlante, et la sensation de l'eau qui perlait sur sa peau était tout simplement grisante.

Cependant, Eliot était toujours occupé par ses pensées sombres, mais, il se laissa aller, abandonnant son esprit, les yeux fermés, dans la fumée dégagée par son corps ardent et noyé.

Il se surprit même à ouvrir la bouche, ses mains tirant ses cheveux vers l'arrière et laissa l'eau parcourir sensuellement ses lèvres pulpeuses et gercées.

- Eliot ? Demanda une voix familière qui toqua à la porte.

Fébrile, Eliot fût soudainement ramené à la réalité, comme assommé. Mécontent, il fronça même les sourcils. Deux options s'offraient à lui : faire mine de ne pas avoir entendu ou se risquer à répondre. Evidemment, il opta pour la première.

- Eliot, c'est Maman... Je suis contente que tu sois sorti, mon chéri.

Sa voix sembla se briser sur la fin, peut-être à cause de larmes. Eliot se sentit coupable puis se redonna du courage tout seul.

- J'aimerais qu'on parle, s'il te plait... Je m'inquiète pour toi. Chéri ?

Pas de réponse. On l'entend soupirer.

- Tu ne veux pas me répondre ? Si tu as faim... Il reste du gratin dans le réfrigérateur. Lança-t-elle, le timbre brisé mais voulant montrer qu'elle était pleine d'assurance.

Emilie toqua une nouvelle fois. Agacé, son fils coupa l'eau. Au moins, c'était un signe qu'il entendait mais qu'il ne voulait pas lui parler. D'ailleurs, elle sembla le comprendre puisqu'elle recula de quelques pas, faisant craquer le plancher.

Elle reprit, sa voix soudain froide, autoritaire.

- Je veux que tu ailles au lycée demain. Ca te fera du bien de voir Andy et Finn. Tu leur parleras sûrement plus à eux qu'à ta pauvre mère. Se plaignit-elle.

L'adolescent leva les yeux au ciel : il avait horreur que sa pauvre mère prenne un rôle de victime, ainsi.

- Tu veux que je t'attende ?

Silence.

- Bien, s'épuisa-t-elle. Je m'en vais alors. Eli'... Je t'aime.

Et, effectivement, on l'entendit s'éloigner, sans doute jusqu'à sa chambre.

Je t'aime... Son corps se figea. Ces mots résonnaient en Eliot comme du poison. Il ne le disait jamais, à personne, peut-être par peur de la responsabilité que cela signifiait, ou de la souffrance à laquelle il l'associait. En fait, ça le faisait carrément flipper.

Aimer c'était souffrir, non ?

En tout cas, c'est ce que la vie lui avait bourré dans le crâne. Eliot ne savait pas comment aimer, comme le dire, le montrer. Il était peut-être trop maladroit. Aucune idée, en tout cas, moins il le disait, plus il se protégeait.

Encore une fois, l'adolescent tripota nerveusement son bracelet et sortit de la douche. Il laissa ses cheveux goutter sur son dos un moment. Il ne réfléchissait à rien, se contentant de se mordre l'intérieur des joues. Enfin, il s'habilla, sécha ses cheveux avec une serviette et passa la porte de la salle de bain dans le plus grand des silences.

En arrivant devant sa chambre, il trouva un paquet de biscuits qu'il attrapa à la volée et eut une pensée pour sa mère. Il poussa la porte, s'étonnant d'avoir laissé la lumière allumée, et, son regard tomba sur...

Jacob.

Son détestable frère, assit sur son lit, deux bouts de feuille déchirée dans les mains. Il avait les yeux gonflés et son odeur était un mélange entre le tabac et le shit froid. Amusé, Jacob sourit à son frère en tendant les papiers.

- C'est quoi, ça ? Rit-il.

Intrigué, Eliot pencha la tête sur le côté pour mieux voir de quoi il s'agissait. Son cœur loupa un battement lorsqu'il reconnu la fameuse feuille. Une goutte de sueur se forma sur son front.

C'était ce papier qui avait glissé sous son bureau... Celui sur lequel il avait écrit :

«Dallas, Homosexualité, Souffrance, Obscurité, Two Evils, Peine, Détresse, Gay, Mort, Honte.»

Certains mots avaient été déchirés, mais si on assemblait les deux extrémités comme le faisait son frère, ils devenaient parfaitement lisibles. Voir, subtile différence, risibles.

Eliot rougit. Intérieurement, c'était la panique totale, l'incendie, la noyade... Où ce connard avait trouvé ce papier, et pourquoi était-il là ?

Jacob se prit un fou-rire, il avait presque les larmes aux yeux, et fit claquer sa main sur son genou. Il essuya ses larmes et balança :

- T'es PD ?

Et son rire repartit de plus belles. Mal-à-l'aise et désarmé, Eliot sortit la seule excuse qui lui paraissait passable :

- C'était un travail pour l'école...Sur les problèmes de la société.

Il n'avait pas réellement l'air convaincant mais ça suffit à son frère pour qu'il arrête de rire et hausse les épaules.

- Ca veut pas dire que t'es pas PD... Pensa-t-il à voix haute avec une expression d'abruti.

Exaspéré, Eliot l'attrapa par l'épaule et le força à se lever :

- Aller, tires-toi ! Jeta-t-il en récupérant les feuilles dans son autre main.

Avec force et colère, il poussa son frère vers la porte. Jacob lui accorda un dernier sourire niais avant de partir dans le couloir, le buste tressautant, et une odeur de tabac le suivant à la trace. Cet idiot percuta un mur avant de disparaitre dans sa chambre.

Eliot pria pour que Jacob ne se souvienne de rien le lendemain. Puis, affamé, il se jeta sur le paquet de biscuits au chocolat qu'il dévora d'une traite, avec un appétit monstrueux.

Rassasié, et presque remit de ses émotions de la soirée, Eliot se laissa tomber sur son lit en tirant ses cheveux bouclés. Pour se changer les idées, il ouvrit une nouvelle fois son blog.

Un nouveau commentaire lui disait «De rien ! Courage» alors il l'ignora. Ca n'avait aucune importance... Enfin, si, mais ça n'arrangerait rien à ses problèmes.

Puis au même moment, un commentaire du fameux inconnu s'afficha. Eliot sentit son cœur accélérer le rythme et il ouvrit en grand les yeux, rehaussant légèrement les sourcils, et faisant une moue adorable.

Mister-Blue : «Si tu veux, on peut en parler en message privé ;)»

Eliot laissa échapper un sourire, qui trôna sur son visage pendant quelques secondes. C'était un sourire vrai, authentique et légèrement gêné...

Le genre de sourire, qu'il avait eu, pour la dernière fois...

Lorsqu'il avait percuté Dallas dans le couloir.

Dallas...

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