Chapitre 21 - Guerre (partie 3/4)
Avançant doucement pour ne pas se faire repérer, Helja et Luba restaient à l'abri des troncs d'arbres. Devant elles, des corps rouges et visqueux marchaient vers la guerre, la peau apparaissant lentement sur leur chairs.
— Lilith ne doit pas être loin, murmura la sorcière. Donne-moi la main.
Quand elle furent toutes deux en contact, elle se fit saigner puis, d'un simple sortilège, elles devinrent invisibles. Elles suivirent les traces de pas sanglantes sur quelques mètres jusqu'à ce qu'elles aperçoivent un groupe perdu au milieu de la forêt. La lumière de la lune se reflétait sur les flaques écarlates qui donnaient vie aux démons. La mère tendait les bras, les yeux fermés, concentrée pour maintenir la dure cadence. Autour, Dolos, la personne à capuche ainsi qu'un homme à la barbe en tresse montaient la garde.
Elles observèrent la scène sans bruit. Comment devaient-elles procéder ? Elles n'auraient qu'une seule chance de tuer Lilith, elles ne devaient pas la rater.
— Tu vas attendre là, commença Helja sans trop élever la voix. Tu restes cachée dernière l'arbre pendant que je vais aller attaquer. Invisible, elle ne me verra pas arriver.
— Laisse-moi venir avec toi.
— Non, c'est à moi de le faire. Et si je ne reviens pas, occupe-toi bien de Charlie s'il te plaît.
— Helj...
Mais la sorcière l'embrassa.
— Je t'aime.
Elle lui lâcha la main puis repris la route. Elle n'était plus qu'à quelques mètres de sa victime. Son cœur battait à en rompre sa cage thoracique. Elle agrippa fermement le manche du couteau.
Helja avait tué tant de monde dans sa vie. Tant d'existences auxquelles elle avait mit fin sans éprouver le moindre remord, le moindre regret. Elle le faisait parce que c'était sa nature. Elle était une tueuse née, elle le savait depuis qu'elle avait mis le feu à sa maison et assassiné sa famille. Rien ne pouvait changer qui elle était.
Pourtant, ce meurtre-là serait différent. Il changerait la face du monde, sauverait des milliers de personnes. Un meurtre qu'elle ne devait pas rater.
Elle vérifia soigneusement où elle posait les pieds, avançant pas à pas. Les gardes qui protégeaient Lilith tournèrent la tête plusieurs fois, mais aucun ne semblait l'apercevoir. Quand elle fut assez proche, elle regarda la personne à capuche et eut un temps de réflexion.
Elle avait là aussi une autre occasion. La chance de savoir qui en avait après elle depuis tout ce temps. La chance d'éliminer celui qui devrait la tuer. La chance de changer son avenir. Elle y songea, fortement, mais elle ne pouvait se résoudre à faire ce choix égoïste. Un choix qui aurait été si simple avant. Choisir sa vengeance alors qu'au loin, tous mouraient dans une guerre à laquelle elle pouvait enfin mettre un terme. Il y a encore quelques jours peut-être qu'elle aurait foncé tête baissée, sans se soucier des autres, mais aujourd'hui, elle se devait de respecter sa promesse.
Helja se trouvait face à Lilith. Les nouveaux démons la contournaient sans la voir. Elle leva la main, arrivée au moment tant attendu.
— Là-bas ! cria l'homme, pointant l'endroit où se situait encore Luba.
La personne à capuche tandit la paume et en l'espace d'un instant, le corps de la métamoprhe avait volé jusqu'à elle, ses doigts se refermant autour de sa gorge.
La sorcière devait passer à l'action. Maintenant !
Lilith ouvrit les yeux.
Elle attaqua.
La lame allait se planter dans son cœur, mais elle se recula à temps. Le couteau lui entailla tout de même le bras et le sang qui en coula monta dans le ciel. Sans prêter attention à sa blessure, Lilith agrippa son assaillante par les cheveux, lui tordant le cou.
— Merci de me ramener cette arme, cracha-t-elle.
Luba s'égosillait alors que l'inconnu observait Helja, son visage toujours camouflé dans l'ombre. Dolos et l'homme approchèrent.
La main de la mère des démons se dirigea vers le couteau noir, mais la sorcière parvint à se redresser et à lui entailler la joue. Elle attaqua une deuxième, puis une troisième fois. Lilith lui saisit alors les poignets et hurla :
— Toi et moi, ça va se finir aujourd'hui.
La propulsion avait été si soudaine qu'elle ne s'en était pas rendu compte. Helja n'avait même pas pu regarder une dernière fois la métamorphe que la mère des démons l'avait amenée au cœur de la bataille en un bon impressionnant, traversant la forêt et la guerre, éjectant des innocents aux passage. Elle la laissa tomber au milieu de la foule, la regardant de haut, puis ordonna :
— Relève-toi et bats-toi sorcière !
***
L'enfant observait avec effroi tous ses corps tombaient du mur. Ces envahisseurs se relevaient, remettaient leur os à leur place, puis couraient vers les maisons alentours.
S'éloignant de la fenêtre, il alla rejoindre sa sœur cachée dans le placard, là où, quelques temps plus tôt, leur mère leur avait ordonné de rester.
Alors que depuis le début de la guerre les bruits semblaient fort lointains, désormais les cris étaient tout proches. De cinq cycles sa cadette, sa sœur tremblait de peur, lui tenant les mains aussi fermement que possible.
— Je veux maman ! commença-t-elle à pleurer.
— Elle va revenir, tenta de rassurer le jeune garçon. Tout va bien se passer.
Pourtant, rien ne semblait pouvoir apaiser les craintes de la fillette.
Et alors que l'intérieur de l'habitation était resté silencieuse depuis le début, un vacarme explosa en son centre quand un corps passa au travers de la vitre.
Essayant de ne pas regarder, la curiosité attisa l'enfant qui poussa légèrement la porte du placard pour regarder. Un homme se relevait, frottant les débris sur son corps, quand l'entrée de la bâtisse sauta de ses gonds. Un autre inconnu déboulait et se jetait sur le premier pour commencer à livrer bataille.
Le second tomba rapidement, le visage tourné vers le jeune garçon, le regard injecté de sang. Les hurlements de la petite fille voyant pour la première fois un mort alertèrent l'homme qui ouvrit le placard.
— Les enfants ? Que faites-vous là. Vous devez vite rejoindre le château avec les autres.
Sans ménagement, il attrapa les deux jeunes puis les sortis de la maison pour les mettre en sécurité. La petite dans les bras, tenant l'autre d'une main, il se mit à courir.
Dehors, le garçon découvrit que l'horreur venait de frapper sa ville. Alors qu'Isla était une capitale chatoyante, belle et prospère, aujourd'hui, la laideur avait coulé sur ses pavés. Il essayait de ne pas regarder, de ne pas imprimer ses images dans son esprit, mais partout où son regard se posait, la mort s'afficher.
Il courait aussi vite que possible, cet inconnu lui imposant une dure cadence. Une boutique explosa, envoyant voler des débris partout autour d'elle.
Toussant et suffoquant, l'enfant ouvrit les yeux sur de nouveaux cadavres. Ceux qui étaient debout avec lui étaient maintenant allongés et ne pourraient plus jamais se relever.
Autour de lui, les habitants couraient vers le château, mais les portes restaient closes. Ils hurlaient. Hurlaient à couvrir le bruit de la guerre. Ils frappaient sur le bois pour qu'on vienne leur ouvrir.
Des bruits de pas altérèrent le garçon toujours affalé. Il tourna la tête et dans le brouillard de poussière, il aperçut un visage aux yeux rouge illuminant la nuit.
***
Les vitraux de la salle du trône, qui avait dû être réparés après que le corps d'une sorcière l'ait traversé, explosèrent en morceaux. Charlie se pencha et vit avec effrois les démons escalader la plus haute tour du château, plantant leurs mains dans la pierre.
— Ils sont là, dépêchez-vous ! hurla-t-elle.
Des gardes arrivèrent, les bras chargés de potions. Elle en attrapa une et lança les hostilités.
Quand le flacon éclata à la figure de la femme la plus proche, son visage se mit à fondre telle de la cire. Malgré la douleur qui devait être épouvantable, elle continuait de monter. La fillette visa sa main. En quelques secondes, il ne restait plus que les os si bien qu'elle chuta, entraînant quelques uns de ses frères et sœurs avec elle.
Tout comme elle, les gardes et les deux rois jetaient les fioles pour repousser les ennemies quand des hurlements retentirent dans le couloir.
— Ils ont envahi la ville, cria une servante qui déboulait dans la salle, totalement paniquée.
— Nous le savons déjà, répondit froidement Gaston. Maintenant rendez-vous utile !
Elle alla rejoindre ses consœurs, occupées à réconforter les plus petits.
— Je n'ai plus de munition ! avertit Alarex III
— Moi non plus !
Charlie comprit qu'il leur serait impossible de les chasser indéfiniment. Ils allaient entrer et tous les tuer, et elle n'y pouvait rien. Elle tenta de frapper les démons les plus proches, mais la brûlure de son bâton ne les arrêta pas. Les gardes plantaient leur épée, se servaient des statues comme boulet pour les faire lâcher prise, mais leurs efforts furent vains.
Une femme parvint à sauter à l'intérieur de la salle, provoquant la panique générale. Gabriel l'élimina d'un coup de poignard, mais déjà, d'autres arrivaient.
Un des gardes fut emporté à travers la fenêtre et d'autres périrent sous les coups. Ils commencèrent à s'en prendre aux enfants et aux civils sous le regard désespéré de la fillette. À elle seule, armée de son simple bâton, elle ne pourrait tous les sauver. Elle avait besoin de plus. Elle avait besoin de magie.
Lixy repoussait ses adversaires en montrant ses crocs, mais elle reçut un coup de masse qui la mit à terre. Sliverth se battait au mieux pour protéger les plus jeunes, se servant de ses deux têtes pour voir tout autour d'elle. Gaston était aux prises avec deux assaillants. Gabriel reconnut alors le moment où tout allait se terminer, mais il ne pouvait aller le secourir, lui-même essayant de ne pas succomber aux nombreux assauts.
La magie. Charlie se concentra et tenta de faire appel à elle. Jamais elle n'aurait pensé pouvoir l'utiliser et quand Helja lui avait proposé des leçons, elle les avait refusées. Par fierté ou par peur, elle ne le savait pas trop. Mais maintenant, elle en avait cruellement besoin. Se souvenant des incantations déjà dictées par la sorcière, elle s'ingénia à faire sortir la force cachée en elle.
— Otstek ! dit-elle
Mais il n'y eut aucun effet. Elle reçut un coup dans le dos et tomba à plat ventre.
Les cris et les pleurs étaient un son des plus horrible aux oreilles de Charlie. Elle roula pour éviter de se faire planter puis tenta à nouveau :
— Otstek !
Cette fois, le démon recula et en percuta un autre.
Se remettant sur pied, elle sentit la puissance qui l'animait. Elle avait réussi à se servir de la magie et sentit qu'elle pouvait accomplir plus. Bien plus. Quand elle baissa la tête, elle aperçut ses bras s'illuminer d'une magnifique couleur dorée. Comment était-ce possible ? Elle n'en avait aucune idée. Mais désormais, elle pouvait les sauver. Tous les sauver.
Sans utiliser le moindre sort, elle lança des rayons de lumières sur les démons. Ils périssaient un à un, l'impact de la magie aussi violent qu'un coup de canon. Se tournant vers Gaston, elle vit une lame se planter dans son estomac. Elle tua d'un simple mouvement du doigt ses agresseurs.
Derrière elle, des cris l'alertèrent et elle secourut Margarette qui tentait de protéger des blessés malgré sa hanche qui saignait abondamment. Elle leva ensuite les mains et au même moment, tous les démons présents et encore en vie s'élevèrent avant de basculer par la fenêtre.
— Shcalk !
Le bouclier de lumière qui se matérialisa bloqua l'accès et tous les démons qui essayèrent de passer furent violemment repoussés.
Tombant à genoux, la fillette sentit la puissante magie la quitter. Gabriel se précipita vers Gaston, laissant ses armes sur le sol.
La dernière chose que vit Charlie fut tous les visages tournés vers elle. Après, ses paupières devinrent beaucoup trop lourdes pour rester ouvertes.
***
Je relâchais la jeune femme qui tomba sur le sol boueux, se massant la gorge. Dolos et numéro deux s'étaient joints à Lilith pour se battre. Je devrais sûrement les suivre au risque de voir mes plans chamboulés. Malgré les entorses que j'avais faites sur le plan initial, qui plus est, sans en informer le conseil, la mère des démons devait rester en vie. Ce serait fort dommageable si elle venait à mourir. Non, ce serait même terrible. Catastrophique. Cette sorcière était aussi coriace que je le pensais, mais je ne pouvais pas la laisser gagner tant que je n'aurai récupéré ce que j'étais venue chercher dans ce monde.
Je m'avançais dans les bois quand je sentis une vibration derrière moi. J'évitai de justesse la lame qui siffla près de mes oreilles. En me retournant, j'aperçus la métamorphe debout, son épée entre les mains. Elle tenta à nouveau de s'attaquer à moi, mais je la fis s'écrouler à plat ventre.
— Vous n'y arriverez jamais ! beugla-t-elle.
Je m'abaissai pour la regarder de plus près. Que pouvait lui trouver Helja pour être si attachée à cette être faible ? Elle n'avait pas de grands pouvoirs et le seul don qui lui avait été confié à la naissance, elle ne l'utilisait quasiment jamais. Je ne voyais vraiment pas ce qui plaisait à celle qui était mon égale.
Lui agrippant les cheveux avec force, j'observais en détails ses traits. Elle se débattait, mais ne parvint pas à me toucher. Faible. Certes belle, mais bien trop faible pour mériter toute mon attention.
Me relevant, je repris la route à travers les bois quand je sentis que Luba attaquait à nouveau. Elle était faible, mais tenace, je devais le reconnaître.
En évitant de me faire transpercer la tête, ma capuche bascula et quand je me tournai, la jeune femme vit mon visage. Elle s'arrêta aussitôt de bouger, totalement bouleversée.
Je n'eu d'autre choix que de la plonger dans ce coma magique que j'avais un jour découvert grâce à Helja. Un sortilège qui n'existait pas chez moi, mais qui s'avérait bien pratique. Je laissais alors son corps inerte dans la forêt et viendrai m'en occuper plus tard.
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