Chapitre 13 - Douleur (partie 2/2)


Elles allèrent rejoindre la foule de rescapés. L'odeur de chair brûlée émanant des démons morts qu'on incinérait avait déjà envahie la petite place. Numéro treize était en grande discussion avec la reine qui dès qu'elle les vit approcher, leur demanda de la suivre.

Elles passèrent entre les blessés attendant leurs traitements, certains, aux vues de leur état, ayant visiblement rencontré l'un des treize premiers. Les lésions magiques apparaissaient troublantes et vraiment dérangeantes. Certains avaient des membres qui avaient considérablement amplifié quand d'autres arboraient des marques rouges et sanguinolentes en forme de notes de musique. Heureusement pour eux, ils avaient survécu et Ardha, à peine remise, s'attardait à créer les meilleurs remèdes, accompagnée des sorcières et enchanteresses.

Missélia les mena le long d'une ruelle recouverte de gravats et autres débris jusqu'à ce qu'une maison en forme de croissant de lune ne surgisse dans leur champs de vision, perchée sur deux grands pieds plats. Elle se posa devant la reine et ouvrit sa porte, les invitant à entrer. Avec elle, la souveraine avait convié le démon ainsi que Sliverth et Ergonde, les deux derniers membres du conseil de guerre encore en vie.

Ils s'installèrent dans les différents fauteuils éventrés, sur les chaises bancales du salon ou bien restèrent debout, tous les yeux rivés sur Missélia qui affichait une mine sombre. Contrairement à d'habitude, sa peau ne scintillait pas comme les étoiles.

— Nous n'avons toujours pas terminé le bilan des disparus, mais pour l'heure, il semble que plus de deux tiers de la population de la ville ait trouvé la mort cette nuit.

L'annonce paraissait suspendue dans l'air et personne ne répondit.

— Mais nous devons garder espoir, reprit-elle après un certain temps. Nous devons tout mettre en œuvre pour faire perdurer l'espèce des êtres magiques.

— Et c'est pour ça que nous avons un démon avec nous ? beugla Ergonde qui regardait l'homme face à lui avec tellement de férocité qu'on aurait cru voir danser des flammes dans ses yeux.

— Numéro treize nous a permis de remporter cette bataille, rappela la reine, et avec ses informations, nous pourrons gagner la guerre.

— Oui, poursuivit le principal concerné, en effet. Comme vous le...

— Jamais je n'écouterais un mot sorti de la bouche d'un foutu démon. Il n'en sort que des conneries.

— Ergonde, s'ił te plait, je te demande d'écouter ce qu'il a à dire, insista la souveraine.

— Bien, reprit l'homme. Il existe une arme, créée à partir du vide duquel sont sorties les trois déesse, qui peut les tuer. Lilith l'a longtemps gardée avec elle pour pouvoir assassiner ses sœurs, mais elle n'en a pas eu l'occasion. Si nous réussissons à la récupérer, alors, nous viendrons à bout de ce combat.

— Et tu comptes enfin nous dire comment Lilith va mourir ? demanda Helja, agacée rien qu'à entendre l'homme parler.

— Toujours pas non !

— Alors on ne peut pas te faire confiance, pesta la sorcière, déjà debout, le poignard à la main.

— Helja ! l'interpella la majesté.

— Non, je suis désolé Missélia, mais elle à raison, intervint Ergonde. C'est un démon, comment lui faire confiance ? Je suis sûr qu'il nous tend un piège.

— Si jamais je n'étais pas de votre côté alors pourquoi aurais-je tué mes frères et mes sœurs pour vous ? Pourquoi aurais-je fait fuir ma mère de cette ville ? Que vous faut-il de plus ?

— Commence par nous dire tout ce que tu sais sur la mort de Lilith, cracha Helja.

— Je préfère garder mes informations pour moi, souria l'homme, ce qui énerva davantage la sorcière.

— Et où est cette arme qui peut arrêter Lilith ? questionna Charlie, ramenant la conversation au sujet initial.

— Avant que je ne sois enfermé dans cette poupée, elle la maintenait à l'abri, protégée par une puissante magie.

— Y aurait-il un moyen de la retrouver ? Un sortilège de détection où quelque chose comme ça ? proposa Sliverth.

— Je ne pense pas que ma mère soit assez stupide pour la laisser dans un endroit facilement repérable par ses ennemis.

— Alors, à quoi bon nous vanter une arme qui pourrait nous sortir de cette guerre si on ne peut pas la localiser ? s'impatienta Helja.

— Une minute ! intervint la reine.

— J'ai dit qu'elle n'était pas stupide, mais je n'ai pas dit qu'elle était intelligente. Au moment où elle a créé les démons, elle nous a tous connectés à elle. Je peux ainsi entendre sa voix dans ma tête quand elle me parle et je peux également communiquer avec mes frères et sœurs. Mais ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est qu'avec mes dons, et un peu d'entraînement, je parviendrai à voir au-delà d'elle, directement dans les tréfonds de sa mémoire. Je sais donc où elle a laissé l'arme avant de partir en guerre contre Sirhla et les autres êtres magiques. Elle avait peur que cette dernière soit plus forte et réussisse à la retourner contre elle, même si elle ne l'avouera jamais.

— Cela me paraît beaucoup trop simple, siffla la sorcière.

— Moi aussi ! Je suis sûr qu'il veut nous piéger.

Ergonde se redressa et sortit son épée qu'il pointa sur la poitrine de l'homme. Le dessin de l'œil qu'il touchait ferma la paupière, comme pour se protéger. Pour autant, numéro treize ne semblait pas impressionné, reculant la lame avec le dos de sa main.

— Écoute, j'ai vu comment j'allais mourir et ce n'est pas encore mon jour donc repose ton jouet, tu pourrais te blesser.

L'homme au teint rouge hurla et proféra des injures. Il leva le bras et abattit son arme directement dans le cou de son ennemie.

— Shcalk !

La lame se brisa au contact du bouclier. Ergonde regarda son épée brisée puis se tourna vers la reine.

— C'est une honte ! beugla-t-il. Traiter avec des démons, nous sommes tombés bien bas.

— Ergonde ! siffla la reine qui se relevait, la tête bien droite. Cette fois ne je te demande pas de l'écouter, je te l'ordonne. Je suis la souveraine des êtres magiques et de ce fait, tu me dois obéissance. Que tu sois d'accord ou non, je décide de ce qu'il convient de faire pour notre peuple et pour l'heure, notre meilleur moyen d'arrêter Lilith et de lui faire confiance. Nous n'avons rien d'autre. C'est bien compris ?

Tous deux se jugeaient, mais ni chez l'un, ni chez l'autre, le regard faiblit.

— Ergonde, continua la régente. Je t'en pris.

— Missélia, répondit-il. Je pensais qu'après tous ces cycles passés ensemble tu estimerais un peu plus mon avis. Mais finalement, je me rends compte qu'il est inutile de poursuivre les discussions avec toi, il n'y a que ton opinion qui a de l'importance de toute façon.

La peau du guerrier paraissait devenir bien plus cramoisie.

— Je...

Mais il avait claqué la porte, n'écoutant pas ce que la reine allait lui dire.

— Si quelqu'un d'autre a le désir de s'en aller, je ne vous retiens pas ! ordonna Missélia, essayant de camoufler au mieux sa peine et s'essuyant les yeux.

Personne ne bougea, tous interpelés par cette dispute inhabituelle entre une souveraine et un de ses conseillers. Ils regardaient le sol, et même numéro treize semblait mal à l'aise d'avoir créé cette accrochage, fort en émotion.

— Je suis désolé, dit-il, je ne voulais pas...

— Ce n'est pas vous, coupa Missélia. Bien, continuons.

Même si Helja était totalement d'accord avec Ergonde, elle ne voulait pas partir pour autant. Si le démon leur mentait, et elle en était persuadée, elle voulait être aux premières loges pour lui couper la tête. Elle pensait déjà à la réplique cinglante qu'elle lui dirait une fois le moment venu, quelque chose comme : « tu l'avais pas vu venir cela », quand il reprit :

— Je sais que pour vous, c'est difficile de me faire confiance. Je suis un démon certes, mais je ne suis pas comme eux. J'ai toujours été différent de mes frères et sœurs. Je n'ai jamais vraiment adhéré à cette envie de domination du monde et c'est pour ça que ma mère ne m'a jamais aimé, si l'amour lui est possible. Elle a peur, parce que je suis le seul à réfléchir par moi même et à ne pas lui obéir aveuglément. J'ai conscience que je peux paraître un peu brut au premier abord, que je vous cache des choses, mais croyez-moi, je veux voir Lilith morte autant que vous. Et croyez-moi aussi sur ce point, parfois il n'est pas bon de tout connaître.

— Bien, conclut la reine, puisque nous savons maintenant ce que nous devons faire, une expédition va être menée pour accompagner numéro treize récupérer l'arme. Mais avant, nous allons tous rejoindre Isla. Rester ici est beaucoup trop dur pour tout le monde et nous devons rassembler nos deux armées au plus vite. Helja, Luba, Charlie, je peux compter sur vous ?

Elles acquiescèrent. Alors, la souveraine sortit de la salle. Quand la sorcière doubla l'homme aux yeux rouges, il lui dit d'un air joyeux :

— Nous allons finalement passer un peu plus de temps ensemble. J'espère avoir l'occasion de constater ta renommée.

Elle se tourna et le regarda bien en face.

— N'espère pas trop parce que si ça arrive, ça pourrait te faire mal. 

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