Chapitre 8 (partie 2/2) - Trouver
Il faisait tellement noir que personne ne voyait où il mettait les pieds. Helja marcha à deux reprises sur la queue de Bastet et Charlie trébucha sur un morceau de racine qui dépassait du sol. Mais après plusieurs longues minutes, ils furent soulagés de découvrir une lumière vacillait au loin.
L'endroit immense devait être le cœur de la caverne. Un espace aménagé éclairé par plusieurs torches accrochées aux parois rocheuses. Tout au bout, une porte en bois anormalement grande était incrustée dans un des murs de pierre.
— C'est ici ? demanda Charlie qui examinait chaque centimètre carré de la pièce.
— Oui, l'entrée de la ville souterraine se trouve derrière cette porte, expliqua Helja. Allons-y.
Ils avancèrent avec précaution, leurs pas résonnant en échos dans toute la salle. Lorsqu'ils furent beaucoup plus proches de l'huis, Charlie aperçut une phrase gravée en arc de cercle juste au-dessus. Une mise en garde dans un dialecte ancien qu'elle ne comprenait pas.
— Zda gipi goehir metey zapsak chelosel olbez sihrla vi demon. Zda kuvilo usop primygul vat. Sanla koroli metey, lut Helja sa voix étrangement déformée par la prononciation particulière des mots. Ce qui veut dire dans notre langue : « Ici marque l'entrée de la ville souterraine interdite aux humains et aux démons. Ici, les règles et lois d'en haut ne s'appliquent pas. Gloire à la reine souterraine. » Je vous ai fait la traduction littéraire, ajouta-t-elle en se tournant vers ses compagnons.
— Pourquoi les démons ne sont pas les bienvenus ? demanda la jeune fille.
— Il y a bien longtemps, avant que les humains n'envahissent le pays, les démons ont déclenché une guerre contre notre espèce. Elle a été dévastatrice et a durée des cycles. Leur mère, Lilith, a été arrêtée par sa sœur Sirhla, la mère des êtres magiques et depuis, les derniers démons se cachent, attendant sûrement le retour de leur déesse. Ils ne sont pas vraiment redoutables sans elle. En fait, c'est pendant cette guerre que la ville souterraine a été construite, en tant que quartier général. Mais aujourd'hui, c'est le dernier vestige de magie qui subsiste depuis longtemps dans ce pays. Bien, vous êtes prêts à entrer ?
Charlie et Bastet hochèrent la tête pour approuver avant qu'Helja ne frappe trois grands coups dans la porte de bois.
Elle grinça en s'ouvrant lentement, laissant entrevoir l'obscurité profonde derrière elle. Hésitant un instant, Helja, toujours dissimulée sous l'apparence d'une vieille dame, s'avança dans l'inconnu, la jeune humaine et le chat noir sur ses talons.
Helja ouvrit les yeux dans une nouvelle salle qui ressemblait beaucoup à la première. On retrouvait toujours ces nombreuses torches aux murs qui cette fois, éclairaient une foule importante d'hommes, de femmes et d'enfants, attendant tous l'un derrière l'autre face à une porte en fer. Par intermittence, elle coulissait et dévoilait une sorte de cage métallique où un petit groupe d'individus pouvait s'y engouffrer. Quand elle se refermait, des bruits mécaniques, comme des rouages, résonnèrent contre les parois en pierre de la pièce.
— Au suivant ! cria une voix bourrue et sans échos.
Charlie se tourna et posa les yeux sur le contrôleur. La vision terriblement effrayante la fit frissonner.
Il avait la silhouette d'un homme ordinaire, mais beaucoup plus grande et beaucoup plus massive. Il portait une armure d'un noir reluisant, ainsi qu'une grosse capuche. Quant à son visage, il était dissimulé derrière un masque inexpressif tout aussi sombre et ne reflétant aucune lumière. Une longue épée à la lame obscure pendait à sa ceinture.
— Ce sont les miliciens de la reine, expliqua Helja. Ce sont eux qui inspectent les individus qui entrent et sortent de la ville. Comme tu le sais, aucun humain et aucune personne interdite d'accès ne peuvent franchir la dernière porte. Par chance, nous n'avons personne qui correspond à ces critères, ajouta-t-elle en souriant derrière son imposante moustache grisonnante.
Une dizaine d'inconnus avancèrent et se soumirent à l'examen. La plupart de ceux qui attendaient pour accéder à la cité avaient une apparence tout à fait anodine, ce qui leur permettait de se fondre plus facilement dans la société de la surface. Pourtant, quelques détails attirèrent l'attention de Charlie qui les contemplait comme une enfant qui découvrait une nouvelle facette du monde.
Une immense femme aux longs cheveux bleus déploya ses larges ailes blanches tandis qu'un des miliciens les fixait avec beaucoup d'attention. À côté, deux petits hommes d'à peine quatre-vingts centimètres se disputaient pour savoir lequel des deux paraissait le plus grand, tout cela sous le regard exaspéré d'un gaillard au corps entièrement constitué de pierres.
Tous les trois se placèrent à l'arrière de la file quand la porte coulissa afin de laisser passer les personnes contrôlées. Lorsqu'elle se referma, le même enchaînement de bruit mécanique résonna avant que le milicien n'appelle un nouveau groupe.
Charlie examinait avec intérêt une fillette, qui devait avoir approximativement le même nombre de cycle qu'elle, faire apparaître une volée de libellules dans le creux de sa main. Sa mère la félicita avant qu'elles n'aillent toutes les deux vers le milicien le plus proche.
— Regardez-ça, ronronna Bastet.
Elles se tournèrent et découvrirent sur un des murs une centaine de noms gravés dans la terre, dont celui d'Helja. Juste au-dessus, une pancarte indiquait que chacun de ces individus risquait la peine capitale s'il remettait les pieds dans la ville souterraine.
— Ça va aller, répondit Helja d'une voix tendue et avançant d'un pas déterminé. Tout va très bien se passer.
— Tu es sûre ? lui demanda Charlie qui lui montra d'un signe de tête les affiches collées près d'une cabine où discutaient deux miliciens.
Elle fixa avec un regard noir son portrait toujours aussi grossièrement dessiné et le montant de la rançon pour sa capture morte ou vive. Le roi avait réussi à faire circuler l'information jusqu'au sein de la ville souterraine.
— Pas jusqu'ici ? s'injuria la sorcière entre ses dents, sentant son cœur s'emballer.
Les portes coulissantes se refermèrent encore une fois et les hommes appelèrent une nouvelle volée de personnes. Tous les trois allaient être les prochains et, malgré la certitude que tout allait bien se passer, Helja ne comprenait pas pourquoi le doute continuait de l'envahir. Son sort ne semblait certes pas parfait, mais suffisant pour berner de parfaits idiots comme eux. Non, c'était impossible. Je suis la plus puissante sorcière de ce pays, j'arriverai à entrer sans être repérée, songea-t-elle.
Puis elle eut la vision de cet inconnu sortir de sa maison, un livre entre les mains. Elle pouvait à nouveau sentir l'odeur du feu et des cendres. Entendre la voix du roi le remercier. Qui se cachait sous cette maudite capuche ?
Un cri la tira de sa rêverie.
Devant elle, deux miliciens agenouillèrent une femme aux cheveux blonds ébouriffés et recouverts de poussières. Lorsque cette dernière se tourna vers la file d'attente, Helja reconnut tout de suite ses yeux rouges et son sourire de pure folie. Un démon. Mais à peine avait-elle eu le temps de le comprendre, que la tête de l'inconnue fut arrachée de son corps et balancée dans la grotte, projetant ainsi un flot de sang sur plusieurs personnes. On traîna sans tarder son cadavre qu'on jeta sans retenue dans une sorte de benne en bois qui dégageait une puanteur immonde quand on en ouvrit les portes.
De nouveau, un groupe avança pour être examiné. Quand elle s'aperçut qu'on voulait les séparer, Helja agit aussi rapidement qu'elle le put.
— Kesyr, souffla-t-elle dans un murmure.
L'air lui coupa alors le pouce et quelques gouttes de sang coulèrent le long de la fine entaille. Elle glissa ensuite son doigt sur la nuque de Charlie promptement, sans être repérée puis, elle partit vers le milicien qui l'intimait de se dépêcher.
— Pourquoi cette visite dans la ville souterraine ? demanda l'homme.
— Nous sommes là pour faire quelques emplettes, répondit Helja qui essayait d'entrevoir les yeux derrière le masque.
— Bien, écartez les bras et les jambes.
La sorcière s'exécuta. Le milicien prit un genre de grande branche en bois au bout de laquelle une sphère éclairée de bleu brillait faiblement. Lorsqu'il passa son étrange instrument le long du corps d'Helja, celui-ci irradia aussitôt avec une telle vigueur que le globe semblait sur le point d'imploser. L'homme le reposa immédiatement.
Tournant la tête vers les deux autres pour savoir comment se déroulait leur examen, Helja compris que quelque chose n'allait pas avec Charlie. Bastet, lui, avait eu l'autorisation d'entrer dans la ville sans aucun souci, mais le deuxième milicien persistait et glissait l'outil sous l'aisselle de la jeune fille, sans qu'elle ne s'illumine beaucoup plus. Helja était obligée d'intervenir.
— C'est ma petite nièce, déclara-t-elle en prenant une voix aussi douce et aimante que possible. Elle n'a pas encore bien développé ses pouvoirs de sorcière, mais je vous assure qu'elle en a. L'autre jour, elle a changé mon eau en vin pour me faire plaisir, et Helja se mit à rire comme une tante qui évoque un bon vieux souvenir.
L'homme, peu enclin à l'humour, continua tout de même son examen et, lorsqu'il passa au-dessus de la nuque de Charlie, la sphère rayonna plus fort.
— Allez-y, indiqua-t-il.
Helja attrapa la main de Charlie et la tira rapidement dans la cage derrière la porte. Lorsqu'elle fut fermée, tous les trois soufflèrent. Ils avaient réussi à franchir la sécurité.
— Je vous l'avais bien dit, non ? Ce n'était pas si compliqué, souriait Helja.
— Si tu veux mon avis, c'était trop facile, lui répondit Bastet.
— Tu ne veux pas admettre que j'avais raison et que mon plan a fonctionné pour une fois ?
— Je l'admettrai quand on aura posé pattes et pieds dans la ville, pas avant.
La sorcière leva les yeux au ciel quand le plancher sous ses talons se mit à trembler. Le bruit de rouages mécaniques résonna plus fort que les autres fois. Au début, Charlie pensait que le sol de la grotte montait devant elle, mais elle comprit rapidement que c'était la cage en fer qui descendait profondément vers le centre de la Terre. Vers la ville souterraine.
Mais tout s'arrêta brusquement. Une fumée opaque d'une couleur laiteuse envahit la pièce minuscule, les obligeant à se protéger le nez et la bouche dans leur coude. Tous les trois toussèrent, mais cela ne dura que quelques secondes. Le brouillard se dissipa.
— Sûrement un deuxième contrôle, suggéra Helja.
Aussitôt la sorcière tomba à genoux, suffocante et crachant du sang. Elle sentit alors un corps étranger bouger dans son ventre, lui déchirant les entrailles. Quelque chose la tirait par les mains et par les pieds. Son crâne la faisait terriblement souffrir, et tout son être n'était plus que douleur. Son dos craqua pour se remettre droit et ses oreilles chauffèrent, comme si on les brûlait au fer rouge. Puis, tout s'arrêta aussi soudainement que cela avait débuté.
Charlie et Bastet la regardèrent avec horreur lorsqu'ils découvrirent qu'elle avait repris son apparence ordinaire. Le sol s'ébranla à nouveau avant que la cage ne continue sa descente, cette fois, à une vitesse folle, les plaquant sur le plancher en bois. Un son strident résonna, épouvantable et pénible. Une lumière rubis se mit même à clignoter hâtivement.
— QU'EST CE QU'ON VA FAIRE ? criait Charlie, le visage collé à terre.
— Je ne sais pas, lui répondit Helja, toujours à quatre pattes, le corps en sueur et ses cheveux volant dans les airs.
— Je te l'avais dit, c'était beaucoup...
— Ne commence pas Bastet ! interrompit la sorcière qui hurlait pour couvrir l'affreux bruit que provoquait leur geôle.
La cage tombait.
Le vent sifflait.
L'alarme résonnait.
— Mais on arrive bientôt dans la ville et tu... ajouta Charlie prise de panique et essayant de se relever en vain.
La cage tombait.
— Laissez-moi réfléchir, vociféra Helja.
Le vent sifflait.
— Trouve nous une solution ! supplia Bastet
L'alarme résonnait.
— J'ai dit laissez-moi réfléchir !
La cage s'arrêta brutalement, les faisant tous les trois tomber à plat ventre, le souffle coupé.
La porte coulissa aussitôt, dévoilant la ville souterraine et la vingtaine de miliciens en armure noire qui les attendaient, armés jusqu'aux dents.
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