Chapitre 19 - Libérer
85e jour de la période du croissant de lune — 1338
Salviz [salviz] = Libérer
La pièce suivante avait quelque chose de différent par rapport aux onze premières. Helja ne savait comment, mais elle était sûre que c'était la dernière. Aucune porte indiquant qu'ils pouvaient continuer et un curieux sentiment de fin qui l'avait envahie dès lors qu'elle avait mis un pied sur les dalles. Elle découvrit alors Gargoth et Dolos, face à un piédestal en pierre. Dessus, on avait déposé une branche en bois à l'allure ridicule.
Le souverain l'attrapa et se retourna pour faire face aux nouvelles venues. Un sourire de fou animait son visage et il bombait le torse, fier.
— Voilà enfin l'arme que nous avons tant cherchée ! proclama-t-il en brandissant l'objet récupéré.
Helja s'avança quand elle eut un moment de déjà-vu. Quelque chose n'allait pas ici.
— N'approche pas sorcière ! Maintenant, c'est à toi d'avoir peur. C'est à toi de mourir, répéta Gargoth.
Et pour appuyer ses propos, il agita le bâton face à ses derniers gardes. Leur corps explosèrent en poussière, ne laissant plus que de petits tas de cendre.
— C'est exactement comme vous me l'aviez décrit Dolos.
— Je savais que cette incroyable puissance ferait plaisir à mon roi, répondirent le conseiller et Helja en même temps.
— Qu'est-ce que vous avez dit ? questionna Gargoth, étonné. Peu importe, un dernier mot peut-être ? Je suis ravi de vous tuer, encore ! Et pour de bon cette fois.
Il remua la branche, mais Helja fut tellement déboussolée qu'elle ne bougea pas. Quelque chose se brisa en elle et la sorcière sentit tout son corps se déchirer, partir en lambeau. Luba et Charlie implosèrent à ses côtés, puis elle ferma les yeux pour la dernière fois.
La dernière salle avait quelque chose de différent, quelque chose qu'Helja n'arrivait pas à expliquer. Est-ce que c'était sa forme circulaire ou bien ses murs en pierre gris, décorés de sculptures oranges ? Peut-être aussi le fait qu'il n'y ait pas de treizième porte.
Tout cela paraissait bien étrange. Comme un immense sentiment de déjà-vu qui la fit chavirer.
Charlie et Luba l'aidèrent à se relever tandis que face à elles, le souverain montrait fièrement une branche en bois. Il l'agita, provoquant la mort de ses gardes dans un nuage de poussière puis il se tourna vers ses prochaines victimes.
— Un dernier mot Helja ? demanda-t-il. Je suis ravi de vous tuer, encore ! Et pour de bon cette fois.
— Non pas cette fois ! hurla la sorcière avant de se jeter sur lui comme un animal féroce.
La puissance tomba sur le sol et roula vers Dolos qui la récupéra. Charlie et Luba attaquèrent d'un même tenant, la plus jeune brûlant le petit homme au visage et la métamorphe, le transperçant de son épée.
Puis, le pire arriva. Dolos trébucha en remuant le bout de bois, effaçant de la réalité les deux femmes. Helja cria et relâcha la pression qu'elle exerçait sur le roi, laissant une chance à ce dernier de s'échapper, de s'emparer de l'arme et de l'utiliser à nouveau.
La sorcière ouvrit les yeux face à Gargoth et Dolos, ses amies à ses côtés. Le souverain attrapa la branche puis se retourna, fier et puissant.
Cette horrible impression de déjà-vu la submergea et la plaqua au sol. Devant elle, les gardes disparurent. Tout recommençait et à chaque fois, cela se terminait de la même manière. Elles mourraient toutes les trois. Comment était-ce possible ? Se pouvait-il que la salle les aide à récupérer l'arme avant Gargoth ?
Quelque chose se brisa en elle avec une telle violence qu'elle poussa un cri déchirant. Son corps se décomposa, se fissura et implosa à nouveau.
La pièce suivante avait quelque chose de différent par rapport aux onze premières. Helja ne savait comment, mais elle était sûre que c'était la dernière. Aucune porte indiquant qu'ils pouvaient continuer et un curieux sentiment de fin qui l'avait envahie dès lors qu'elle avait mis un pied sur les dalles. Elle découvrit alors Gargoth et Dolos, face à un piédestal en pierre. Dessus, on avait déposé une branche en bois à l'allure ridicule.
Helja se retrouva coincée dans cette boucle infernale sans aucune notion du temps. Combien d'heures, de jours, s'étaient écoulées depuis le début ? Combien de fois était-elle morte ? À chaque renouveau, elle se rappelait plus rapidement, mais en contrepartie, son exécution n'était que plus douloureuse. À ses côtés, Charlie et Luba ne semblaient pas se remémorer les évènements et revivaient leur assassinat comme si c'était le premier. Était-ce sa capacité de sorcière à se souvenir de tout qui l'aidait ?
Mais elle eut beau tenter tout ce qu'elle pouvait, changer ses plans autant de fois qu'elle le pût, attaquant dès le début ou attendant la dernière minute, le roi finissait toujours par gagner. Impossible de l'arrêter, même avec toute la magie dont elle disposait.
— N'approche pas sorcière ! Maintenant, c'est à toi d'avoir peur. C'est à toi de mourir.
Et pour appuyer ses propos, il agita le bâton face à ses ultimes gardes. Leur corps explosèrent en poussière, ne laissant plus que de petits tas de cendre.
— C'est exactement comme vous me l'aviez décrit Dolos.
— Je savais que cette incroyable puissance ferait plaisir à mon roi.
— Un dernier mot Helja ? demanda alors le souverain. Je suis ravi de vous tuer, encore ! Et pour de bon cette fois.
Destinée à mourir pour l'éternité, la sorcière se rappela l'énigme de la sixième salle. En rentrant dans ce lieu ils avaient tous été condamnés à perdre leur âme. Tous les gardes étaient décédés, Bastet avait également succombé et elles, elles continueraient de se faire exécuter perpétuellement.
Après avoir explosé un nombre impressionnant de fois, Helja ouvrit les yeux, résolue à essayer une nouvelle approche pour contrer Gargoth. Mais quelque chose différa des autres réalités.
Le souverain n'effaça pas ses hommes, mais leur ordonna d'attaquer la sorcière, qui fut si surprise de ce changement qu'elle ne vit pas venir le coup qui lui ôta la vie.
Émergeant de nouveau dans la douzième pièce, cette fois Helja se prépara à ce retournement de situation, mais il ne se produisit pas. Le roi supprima ses gardes puis il en termina avec elles, d'un simple geste de la branche.
Helja fit s'écrouler le plafond de la salle sur ses victimes, mais Dolos parvint à s'échapper et récupéra l'arme, les tuant toutes les trois. Elle leur envoya une bourrasque, les plaquant tous les deux contre le mur en pierre, mais Gargoth réussissait à agiter la branche, les tuant toutes les trois. Elle se multiplia et, grâce à tous ces clones, elle arriva à se faufiler jusqu'à lui et à subtiliser l'arme, mais Dolos lui planta un couteau dans le dos au dernier moment, la tuant toutes les trois. La sorcière créa un bouclier autour d'elles, mais la puissance était telle qu'elle le fit exploser avant de les tuer toutes les trois.
Peu importe ce qu'Helja tentait, tout se terminait de la même manière. Elle qui avait tant donné la mort durant tous ces cycles, se retrouvait désormais à mourir dans d'atroces souffrances avant de se réveiller et de recommencer indéfiniment. Était-ce là ce qui devait lui arriver ? Une punition pour tous ses crimes ? Le juste châtiment qui devait être appliqué, sans aucune chance de rédemption ?
Pourtant, la vision qu'elle avait eue avec les sœurs de la sagesse montrait que c'était la personne à la capuche qui devrait lui ôter la vie. Mais l'avenir n'était pas fiable, il n'était pas écrit. Se pouvait-il que ce soit réellement sa pénitence ?
Ses pensées étaient tournées vers Charlie qu'elle avait emmenée ici et par la même occasion, piégée dans cette affreuse boucle temporelle. Elle qui était si pure et innocente. Elle qui n'aurait jamais du croiser sa route.
Puis à nouveau, Gargoth n'exécuta pas ses gardes. Cette fois, Helja s'était préparée. Lorsque l'homme abattit son épée sur elle, elle riposta :
— Otstek !
Il recula brutalement et ricocha sur ses camarades, les faisant tomber comme des quilles.
Charlie et Luba s'étaient précipitées dans le combat et se défendaient du mieux qu'elles le pouvaient. Helja en tua un avant de lancer son poignard contre le souverain. La lame se planta dans son poignet l'obligeant à lâcher la branche. Tant pis pour Charlie, Helja ne pouvait pas laisser passer une nouvelle fois cette chance.
Dolos sauta pour ramasser l'arme, mais maintenant, la sorcière était prête :
— Sik !
Sa paume s'embrasa comme le soleil, aveuglant tout le monde dans la salle. Chacun se protégeait les yeux. Helja aperçut le petit homme foncer droit sur le roi, qui criait de douleur, essayant de retirer le couteau enfoncé dans sa chair. Les hurlements de Charlie se mélangeaient aux siens et c'était un vrai supplice à entendre pour la sorcière.
Toujours le membre illuminé, Helja glissa jusqu'à la puissance et l'attrapa avant de se relever. La luminosité diminua, leur permettant de voir correctement.
Aussitôt, Helja agita l'arme, faisant disparaître les gardes et Dolos en minuscule tas de cendre. Elle se tourna ensuite vers le souverain qui leva les mains.
— Si vous me tuez, prévint-il, vous la tuez aussi.
— Je suis au courant, c'est pour ça que je ne vais rien faire, du moins, tant que nous n'aurons pas trouvé un moyen d'annuler ce maléfice. Galvat !
Des bandelettes noires sortirent de son corps et s'enroulèrent autour de celui du roi, comme des serpents. Il ne put bientôt plus bouger, ni même parler.
— Tu as réussi ! cria Charlie, la paume sur le poignet ensanglanté, la joie surpassant la douleur.
— Comment as-tu fait ? J'avais l'impression que tu savais à chaque fois ce qui allait se passer, la gratifia Luba.
— Disons que j'ai eu de la chance...
Et elle avait raison. Elle ignorait pourquoi, mais à deux reprises, Gargoth n'avait pas tué ses gardes et avait préféré les envoyer accomplir le sale boulot. Et c'était ce choix, pourtant anodin, qui leur avait sauvé la vie. Elles s'enlacèrent toutes les trois pendant de longues minutes, sous le regard de dégoût du souverain ligoté. Puis Charlie demanda :
— Qu'est ce qu'on fait maintenant ? Avec l'arme et pour le roi ?
— D'abord, je vais le soigner, pour toi. Puis nous allons découvrir un moyen de vous séparer tous les deux. Et ensuite, on fera ce qui doit être fait. Et pour ça, Helja montra la branche, on ne peut pas la laisser quitter ces lieux.
Elle appuya ses propos en brisant la puissance qui, au final, ne ressemblait désormais plus qu'à de simples morceaux de bois.
Une intense lumière, qui engloba toute la salle, emporta avec elles les quatre individus. Lorsqu'ils ouvrirent les yeux, tous se trouvaient dehors à côté du puits. Le soleil était encore levé et l'air rafraîchissant.
Helja s'occupa de la blessure au poignet du roi quand Charlie demanda :
— Où allons-nous ?
— Peu importe, tant que nous sommes toutes les trois, répondit Luba.
— Allons d'abord nous reposer, préconisa Helja.
Elles marchèrent vers la sortie, tirant avec elles le souverain qui trébucha plusieurs fois. Elles retrouvèrent les chevaux, toujours attelés, comme si elles venaient juste de les quitter. Lorsque la sorcière serra les liens de Gargoth contre la selle pour qu'il la suive à pieds, elle entendit Charlie pleurer. La jeune fille montait sur le deuxième canasson, accompagnée de Luba.
— Qu'est ce qu'il y a ? interrogea Helja.
— Je repense à Bastet, nous n'avons même pas récupéré son corps.
— Nous ferons quelque chose pour lui dès que nous atteindrons le prochain village, lui promit Luba.
Elles avancèrent dans la forêt tandis que le ciel commençait à s'assombrir. Derrière, le roi courrait aussi vite qu'il le pouvait pour ne pas tomber, mais quand il se fit traîner par les chevaux et que sa douleur se répercuta sur Charlie, Helja consentit à le laisser s'asseoir avec elle.
En arrivant dans la cité, Helja et Gargoth se dissimulèrent sous de grands manteaux, le temps que les deux filles réservent une chambre dans une auberge. Une fois installées, le souverain solidement attaché, elles se posèrent sur le lit pour dévorer tout ce qu'elles avaient pu acheter. Viandes, pâtisseries, fruits juteux... elles avaient l'impression de ne rien avoir avalé depuis des jours.
Après avoir discuté des différentes options, elles décidèrent qu'elles iraient à la ville souterraine dès le lendemain. S'il y avait un endroit où elles pouvaient dénicher des informations sur le moyen de briser le lien entre le roi et Charlie, c'était bien là-bas.
La nuit était tombée et l'on entendait dehors les habitants célébrer joyeusement la fête des morts. On pouvait voir par la fenêtre les enfants s'amuser à se faire peur ou grignoter des friandises. De nombreuses citrouilles et lanternes de couleurs illuminaient les rues. Pour autant, l'envie n'était pas aux festivités et les filles s'allongèrent chacune dans leur couchette.
Helja ouvrit les yeux et, pendant une seconde, elle eut l'impression de se retrouver dans la dernière salle. Mais lorsqu'elle aperçut ses amies dormir et le roi étendu sur le sol, elle fut soulagée. Elle sortit de son lit, se dirigea vers la pièce adjacente et alluma une chandelle.
La sorcière se passa de l'eau sur le visage, essayant de chasser les mauvaises images dans son esprit. Elle revoyait les poignards voler. Le corps sans vie de Bastet qui baignait dans une mare de sang. À nouveau, elle pouvait entendre les hurlements de Charlie comme si la jeune fille se trouvait juste à ses côtés. L'odeur de la mort flotta dans l'air et le sentiment de perte lui déchira l'estomac. Helja se concentra et se retint de pleurer.
Lorsqu'elle releva la tête, elle découvrit dans le reflet du miroir quelque chose qui la terrifia. Un énorme treize rouge était peint sur la porte dans son dos.
Elle se retourna, espérant que tout ça ne soit qu'un cauchemar, mais il était encore là. La peur paralysait Helja, comme jamais elle ne l'avait été auparavant. Elle qui était toujours si solide, si forte, elle se retrouvait tétanisée à la vue d'un simple nombre.
Elle avança la main vers la poignée, mais des voix jaillirent dans la pièce, celles de Luba et Charlie qui se mêlaient de manière troublante, créant une fusion sonore déroutante.
— N'ouvre pas la porte Helja. Reste avec nous !
— Oui, ici nous avons vaincu le roi, nous avons vaincu la puissance et nous viendrons à bout du lien !
— Derrière, tout n'est que douleur et mort.
— Ne passe pas cette porte !
— Reste avec nous Helja !
— C'est ici qu'est ta place désormais !
Que devait-elle faire ? Où était-elle encore enfermée ?
Helja devait savoir. Elle poussa la porte et pénétra dans la treizième salle.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top