Chapitre 15 (partie 2/2) - Os
La foule hurla de joie. Cracha au sol. Jeta de nouvelles gerbes lumineuses dans les airs. Frappa le vide de leurs poings...
— D'abord, laissez-moi vous présenter nos chefs suprêmes, les quatre cavaliers !
La magie amplifiait sa voix qui résonnait dans la nuit.
Une partie du public s'écarta, dévoilant un morceau du campement. Quelques tentes perdues au milieu des montagnes. Puis, sorties de l'ombre, quatre silhouettes arrivèrent et s'installèrent sur les chaises.
Helja avait lu beaucoup de choses à leur sujet, mais ne les avait jamais rencontrés.
La première, Meurtre, était une humaine à l'apparence inoffensive. Elle ressemblait vaguement à une petite fille, vêtue uniquement d'une robe de chambre claire et sale. Ses cheveux étaient attachés en deux couettes blondes, agrémentées de perles et autres artifices. Mais ce qui prouvait qu'elle n'avait rien d'une enfant innocente c'était le sang frais qui recouvrait entièrement ses mains et ses pieds nus. D'horribles cicatrices marquaient également chaque partie de sa peau.
Mensonge, juste à côté, était un homme de haute taille. Il semblait encore plus pâle que la sorcière et ne portait quasiment pas d'habit, laissant entrevoir des dizaines de phrases tatouées partout sur son corps. Mais les mots se brouillaient et changeaient constamment, révélant les vérités déguisées. Son visage inexpressif se tourna vers Helja qui sentit en elle une vague de chaleur. Elle eut envie de dire des choses à Luba, mais se força de garder la bouche fermée.
Détournant le regard, elle découvrit Vol. Un petit homme avec de larges vêtements, sa tête à demi-cachée dans l'obscurité de sa capuche, tel l'inconnu qui accompagnait le roi. Son manteau comportait plusieurs poches desquelles dépassaient des objets plus ou moins étranges et ses bottes d'un rouge brillant paraissaient trop grandes pour lui. Pourtant, elle ne l'empêchaient pas de marcher correctement.
Enfin, le dernier des cavaliers, Torture, semblaient s'être échappé des pires cauchemars. L'homme avait la figure enroulée dans du barbelé, faisant couler abondamment du sang sur son cou. Accoutré de vieux haillons tachés, un trou au niveau de son buste laissait entrevoir un visage bouger derrière sa peau, comme si quelqu'un essayait de sortir de son torse, criant sans bruit.
Face à ces quatre cavaliers, Helja se sentit impuissante. Elle était désarmée et la sorcière du clan ne la lâchait pas du regard, prête à agir à la première tentative d'évasion. Elle se tourna vers Luba qui tremblait d'effroi.
— Avant que vous ne soyez mises à mort sous nos yeux, reprit la sorcière, nos chefs ont des questions pour vous.
— Pourquoi t'es-tu introduit sur notre territoire Helja ? demanda Mensonge qui ricanait désormais. Et oui jeune sorcière, tu as retrouvé ton apparence naturelle. Mais sache que ta réputation te précède, même chez nous, et je te pensais pourtant assez intelligente pour ne pas venir jusqu'ici.
— Si je suis là, c'est pour tuer le roi, expliqua-t-elle, espérant s'en sortir en usant de la même stratégie qu'avec la reine souterraine. Vous avez peut-être entendu dire que j'avais essayé de l'assassiner. Et bien, c'est la vérité. Nous sommes ici pour cela et je suis persuadée que c'est ce que vous voulez aussi.
— Nous n'avons que faire que Gargoth vive ou non, pesta Meurtre d'une voix de petite fille agaçante. Nous sommes au-dessus de ses lois, de ses gardes.
— C'est vrai, ajouta Torture. La mort de Gargoth ne nous apporterait rien de plus.
— Mais que faisiez-vous dans les montagnes avec cette femme plongée dans un coma magique ? interrogea à nouveau Mensonge. Aux dernières nouvelles, le roi n'a pas été aperçu dans les environs depuis un bon moment.
— C'est parce que nous rendions visite aux sœurs de la sagesse, justifia Luba.
— Ces vieilles sorcières, ricana Meurtre.
— Et pourquoi donc ? demanda Vol d'une voix fluette et se penchant en avant comme pour mieux écouter la réponse.
— Parce que l'une des personnes qui voyage avec nous s'est retrouvée marquée d'un symbole qui m'est inconnu, intervint Helja avant que la métamorphe ne leur dévoile l'existante du cercle d'or. Mais elles nous réclament deux-mille pièces d'or pour cette explication alors j'ai essayé d'arnaquer les habitants de Pontes pour qu'ils puissent nous donner la somme dont nous avions besoin.
— Hum hum, grogna Mensonge, je vois que tu ne me dis pas toute la vérité.
Il regarda son avant-bras. Les lettres d'une ancienne phrase avaient bougé pour former à présent « Ne rien leur dire sur le cercle d'or », révélant ainsi au grand jour ce qu'elle avait tenté de leur cacher.
— Qu'est-ce que c'est que ce cercle d'or ? demanda Vol.
— Apporte-moi ses affaires, beugla Meurtre.
La sorcière s'exécuta et alla chercher le sac d'Helja. Cette derrière essaya de trouver une réponse qui n'apparaîtrait pas comme un mensonge, mais qui n'était pas non plus totalement la vérité. Comment pouvait-elle rendre cette chose beaucoup moins intéressante et mystérieuse qu'elle ne l'était en réalité ?
— Ce n'est rien, juste un objet que nous avons récupéré et c'est vrai, nous ne savons pas à quoi il sert.
Meurtre jeta la besace et regarda à la lumière des flammes le cercle en or. Au sol, tous les effets personnels d'Helja s'étaient déversés, ses herbes étalées à terre, son grimoire ouvert, la carte déroulée, son poignard caché sous un tas de babioles et de bougies.
N'écoutant plus les quatre cavaliers parler, Helja regrettait de ne pas avoir acheté l'arme qui réapparaissait systématiquement dans son étui. Elle aurait pu alors l'utiliser pour couper les cordes et peut-être, aurait elle réussi à s'enfuir en vie.
Se passant le mystérieux cercle, ils ne faisaient plus attention aux deux femmes. Helja hésita à user de sa magie, mais c'était sans compter sur la sorcière qui était restée debout, les pieds sur son équipement, à l'affût de la moindre tentative pour leur échapper. À côté, Luba essayait de défaire ses liens, en vain. Des larmes coulaient le long de ses joues.
Helja attendit le bon moment pour chuchoter :
— Tu ne peux pas te changer pour devenir plus petite ?
— Je pourrais, mais ce n'est pas sûr que j'arrive à m'enfuir d'ici en vie. Et toi ? Je ne vais pas te laisser.
C'est alors que le même phénomène qui s'était produit devant le temple recommença. Une voix, que seul Helja pouvait entendre, résonna dans sa tête, remplaçant ses propres pensées. Une voix déchirante et lasserante qui semblait lui parcourir l'échine.
— Appelle-moi !
— Quoi ?
— Quoi quoi ? répondit Luba interloquée.
— Taisez-vous toutes les deux, ordonna la sorcière qui fit briller plus fortement son bâton d'un mouvement sec.
— Appelle-moi, répéta la voix.
Helja examina les environs puis s'attarda sur le sol, au niveau de ses affaires. Son poignard. Était-ce ce lui qui était en train de lui parler ? Ce pouvait-il qu'elle parvienne à le ramener à elle sans sa magie ?
Sans réel espoir d'y arriver, Helja le fixa puis, comme la voix lui avait demandé, elle l'appela. Sans bruit, sans artifice et sans attirer l'attention, l'arme disparut tout simplement pour réapparaître aussitôt dans ses mains. Elle regarda autour d'elle. Personne ne l'avait remarqué.
Elle essaya immédiatement de couper les liens qui l'entravaient, calmement, sans faire de mouvements trop brusques. Les cavaliers reprirent leur interrogatoire :
— Où l'avez-vous eu ? questionna Torture qui rendait le cercle à Mensonge.
— Dans un temple, répondit Luba sans non plus en dire trop.
— Et à quoi sert-il ? beugla Meurtre sur un ton irritant.
— Nous ne le savons pas, c'est pour ça que nous allons voir les sœurs de la sagesse, expliqua Helja.
— Que vous alliez, ricana-t-elle, que vous alliez voir les sœurs ! Votre temps sur cette terre est terminé Helja. La grande sorcière morte des mains du clan des cavaliers de l'apocalypse. Comme j'aime cette conclusion.
— Calme-toi Meurtre, intervint Mensonge. Elle pourrait s'avérer utile. C'est une puissante sorcière et si elle accepte de nous rejoindre, alors cela pourrait être un atout pour le clan.
La femme assise à ses côtés montra son mécontentement, tout comme la sorcière au bâton.
— Mais pour ça, reprit Mensonge, elle doit nous prouver sa bonne foi.
Il marqua une courte pause avant d'ajouter :
— En tuant son amie par exemple. Apportez-la-moi !
L'homme noir aux veines rouges s'avança et attrapa violemment Luba. Elle essaya de se débattre, mais il la traîna par les cheveux. Elle hurlait, se changeait en différentes personnes, sans parvenir à se libérer.
Si Helja voulait s'enfuir, c'était le moment. Ils étaient tous occupés avec Luba et ne la regardaient même plus. Ses liens étaient sur le point de céder. Il lui suffirait de courir, peut-être de jeter quelques sorts, mais elle arriverait à s'en sortir, c'était certain. Pourtant, ce plan impliquait de laisser Luba ici, seule. Le pouvait-elle ?
La sorcière alla alors à l'encontre de tout ce qu'elle s'était promis quelques jours plutôt. Elle fit passer quelqu'un d'autre avant elle, au risque de mourir. Mais Helja ne jouait que lorsqu'elle était sûre de gagner et cette fois, elle sentait que c'était bien parti.
La corde tranchée, Helja se releva sans que personne ne la remarque, tous tournés vers Luba qui ressemblait à présent à un petit garçon. Elle pointa la main vers la sorcière et cria :
— Polma komik !
La magie s'abattit sur la femme comme la foudre sur un arbre. D'abord, ses tibias implosèrent. Avant qu'elle ne touche le sol, sa cage thoracique n'était plus que poussière. Et alors que sa tête percutait l'herbe défraichie, son crâne se fendit en mille morceaux. Tous ses os étaient brisés.
Tout le monde se retourna alors vers elle, mais personne ne bougea. Helja brandissait son arme face aux quatre cavaliers, indifférente aux hurlements épouvantables de la sorcière encore en vie. Le sortilège lancé lui avait coûté beaucoup de ressources, mais elle n'en montra rien. Le poignard lui donnait une nouvelle énergie. Pour l'heure, peut importe d'où il venait et ce qu'il était, seul comptait cette force qui lui procurait. Elle était lui et il était elle, son corps désormais aussi affûté qu'une lame.
— Je ne ferai jamais partie de votre clan, dit-elle calmement. Vous allez tout simplement nous laisser partir avec ce cercle. Nous allons aussi récupérer la femme qui dort dans sa cellule. Sinon...
— Sinon quoi ? demanda Meurtre dans une imitation atroce d'Helja.
— Sinon, je vais devoir tuer tous ceux qui se trouvent ici, ainsi que vous quatre. Et je ne pense pas que vous ayez à cœur de voir votre clan disparaître précipitamment.
— Alors, attaque-nous ! lui répondit Vol. Dévoile-nous l'étendue de tes talents !
Toute la foule réunie autour d'elle se mit à courir, brandissant massues, poings, arbalètes, cornes, griffes, lames, dents... tous déterminés à devenir celui qui mettrait fin à la vie d'Helja la sorcière la plus puissante du pays. Mais ce n'était pas seulement un titre, et ils allaient tous rapidement s'en rendre compte.
Son poignard tournoyait habilement entre ses doigts. Sa lame tranchait et perforait sans effort la chair. Chacun de ses gestes, chacun de ses mouvements, éclataient comme une chorégraphie mortelle, une danse du carnage.
Elle n'avait pas besoin de réfléchir, ses actions pilotées par son instinct. Elle vrillait, tourbillonnait, bondissait, et parfois même décapitait. L'arme se prolongeait de son essence, une entité propre qui la guidait dans une frénésie meurtrière.
Ses mains et ses mots créaient des orbes de feu, extrayaient de grands piquets du sol, modifiaient la météo. La magie et le sang pulsaient dans ses veines avec une intensité dévorante comme jamais encore. La colère qui montait en elle était une potion enivrante, décuplant sa force, sa vigueur et son énergie.
Elle esquivait les attaques avec la grâce d'un ange et exécutait à tour de bras comme un démon, le visage recouvert de taches sombres, un goût métallique dans la bouche. Jamais elle n'avait mieux porté son surnom qu'en cet instant.
Une voix ordonna à tout le monde d'arrêter et le chaos qui régnait cessa immédiatement.
Helja releva la tête et vit Meurtre tenir Luba par le cou, une lame pointée sur son cœur. La sorcière passa au-dessus des corps qui jonchaient le sol et bondit comme un animal sur la femme qui lâcha la métamorphe pour se battre, mais au dernier moment, Mensonge intervint.
— Inutile de continuer, tu as gagné Helja, proclama-t-il.
— Quoi ? s'offusqua Meurtre. Non, je peux la tuer, je veux...
— Nous ne prendrons pas le risque, insista-t-il. Attrapez vos affaires et partez.
— Et vous êtes d'accord avec lui ? demanda-t-elle folle de rage.
Torture et Vol acquiescèrent.
— Je suis certain que nos chemins se recroiseront, conclut Mensonge. Maintenant, rentrez chez vous avant que je ne change d'avis.
Helja saisit la main de Luba et ramassa son sac ainsi que le cercle d'or.
Après avoir récupéré la femme du professeur, elles reprirent la route sous le soleil qui se levait doucement, annonçant une bonne journée.
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