Chapitre 8 - La montagne
En longue file, la population quitte sa demeure pour aller vers l'Est, vers les montagnes brumeuses. Le chef a envoyé un messager pour prévenir le peuple voisin de notre arrivée imminente et de l'approche du danger.
Des pics et des pièges sont disposés partout aux abords de la falaise afin de permettre aux soldats de prendre une avance supplémentaire en cas de fuite.
J'apprends au fil de notre avancée que ce peuple se nourrit principalement de la pêche et qu'ils sont les seuls à vivre sur le bord de la mer. Ils habitent à cet endroit depuis plusieurs générations et n'ont jamais connu la famine ni la guerre.
Des bergers emmènent leurs troupeaux avec eux afin d'éloigner leurs bêtes de la menace qui pèse sur nous.
Le cœur lourd, nous avançons, ou plutôt je galope. En effet, cette fois, vu mon état après la traversée du désert, le chef m'a accordé une monture brune tachetée de noir. Je suis en compagnie d'autres personnes inaptes à marcher.
Nous suivons le bord de mer sous une bruine presque constante, comme si le ciel pleurait.
Pendant plusieurs jours nous progressons en surveillant le Nord et l'Ouest. Nous ne connaissons pas les plans de notre ennemi et nous ne sommes pas équipés pour nous défendre. Hormis quelques gardes qui nous protègent, aucun d'entre nous n'est armé.
Ralph n'ose pas vraiment me parler, il reste à l'écart avec ses amis. Pour eux je suis l'étrangère, la raison de leur départ. Pourtant, celui-ci m'adresse quelques sourires et quelques signes de tête.
Je continue à m'entrainer lors de pauses à faire pousser des coquelicots. Ils me semblent de plus en plus gros, de plus en plus beaux, mais je ne sais pas si c'est mon imagination qui me joue des tours. Je ne sais pas comment diable je pourrais vaincre un ennemi avec ce tour, mais je ne m'en lasse pas.
Nous arrivons enfin au pied de la montagne. Gigantesques, majestueux, ses pics sont couverts de neige éternelle. Pourtant, en son sein habite une communauté qui a su creuser des tunnels pour y vivre loin des yeux de tous. Une entrée permet de laisser s'engager une seule personne à la fois. Une deuxième issue se trouve de l'autre côté de la montagne.
L'endroit est pratiquement impénétrable, les tunnels sont profonds, l'accès difficile et les lieux sont bien gardés. Lorsque nous pénétrons dans la montagne, des gens petits et trapus aux cheveux noirs comme de l'encre nous dirigent dans des logis temporaires pour que nous puissions nous reposer, manger et boire.
Une femme nous avise que nous serons relocalisés dès le lendemain plus loin pour nous protéger et pour laisser les pièces libres pour les guerriers. L'endroit en terre battue est sommaire et fade. Rien ne me donne envie de demeurer ici.
Un messager ne tarde pas à venir nous trouver Ralph et moi. Maïna inquiète nous accompagne, pour être présentée au roi. Plus nous avançons dans les couloirs et plus nous découvrons un monde particulier. Les murs sont sculptés à la main. Des personnages des temps anciens sont gravés pour rappeler l'histoire de notre civilisation. Des pierres précieuses sont disposées sur des fresques gigantesques sur le sol et le plafond.
Au fil de notre parcours, les pièces deviennent plus grandes, plus resplendissantes, je suis bouche bée et mes amis aussi.
Nous pénétrons enfin dans la salle réservée au roi. Des portes impressionnantes s'ouvrent pour laisser place à une pièce recouverte de marbre blanc. Des colonnes sculptées se situent de chaque côté du lieu et tout au fond se trouvent un trône.
— Bienvenue aux Monts Brumeux. Nous vous attendions. Le messager nous a prévenus de l'arrivée de deux enfants de la lune...
L'homme à la barbe blanche frisé et les cheveux noirs raides. Il est bien assis sur son trône et caresse son ventre bedonnant. D'un air sévère, il glisse un regard inquisiteur sur Ralph et moi.
— Nous connaissons toutes les légendes, toutes les fresques de nos souterrains racontent les histoires de jadis. Nous attendions votre venue depuis très longtemps.
N'y tenant plus je prends la parole.
— Votre barbe est-elle en laine?
Devant le ridicule de ma question, tout le monde pouffe de rire sauf le roi.
— Petite impertinente. Tu t'adresses au roi, tu me dois le respect, dit-il rouge de colère.
— Bien, elle est bizarre votre barbe, répond Ralph.
— Puis, pourquoi vous les attendiez ? demande Maïna qui tente de reprendre son sérieux.
— Vous n'êtes donc au courant de rien ? Nous avons un enfant de la lune ici même, ils devront partir de l'autre côté de la montagne pour parfaire leur éducation. Ce qui ne fera de toute évidence pas de tort. Ils y rencontreront le dernier élément.
— Un élément ? C'est quoi ça ? questionné-je.
— L'Air ma petite. Tu es la Terre si je ne me trompe pas. Ce jeune homme est l'Eau et nous avons avec nous le Feu.
— C'est qui le Feu ? On peut le voir ? demande Ralph.
Légèrement exaspéré par la conversation, le roi fait un signe à un garde qui se tient à droite de nous. Pris au dépourvu, celui-ci hésite quelques instants avant d'aller ouvrir une porte dissimulée dans une alcôve.
— Mais lâchez-moi ! crie un garçon.
— Avance sale peste, dit une femme en le poussant sans ménagement.
— Je vous présent Fur, déclare le roi fièrement.
Celui-ci est petit et trapu comme les autres habitants. Il a aussi les cheveux noirs raides et longs attachés au dos à l'aide d'une ficelle. Ses vêtements sont uniformément gris. Le contraste de grandeur est impressionnant entre lui et Ralph qui est plus élancé. On pourrait dire que je suis de taille moyenne comparée à eux.
Fur, en colère, se dirige vers nous. J'ai le sentiment de sentir notre environnement s'imprégner de chaleur dense. Ne contrôlant pas mes émotions partagées, des fleurs émergent à mes pieds alors que Ralph fait apparaître des gouttelettes d'eau. Les trois éléments mis ensemble font en sorte que des coquelicots de ma grandeur poussent autour de nous.
Maïna me prend dans ses bras pour me calmer et fredonne une chanson ce qui a pour effet d'arrêter la progression des plantes. La bruine de Ralph se change en vapeur et disparaît.
Le roi applaudit devant ce spectacle puis regarde le sol.
— Vous avez ruiné mon plancher ! Sortez d'ici sales gamins. Vous partirez demain retrouver l'Air.
— Demain ? Mais... commence Maïna avant de se faire interrompre par un garde qui nous montre la porte.
Alors que nous franchissons le seuil, je saute au cou de mes deux nouveaux acolytes. Fur me repousse aussitôt.
— Mais, t'es folle ?
— T'as vu ce qu'on a fait ? C'était génial !
Ralph reste stoïque. Puis, après avoir réfléchi à une réponse nous, regarde posément.
— C'est normal, on est les enfants de la lune non ?
— Tu as raison, j'ai hâte de pouvoir recommencer. Je suis triste pour le roi et son plancher par contre, dis-je un sourire au coin des lèvres.
Fur nous laisse en nous adressant un signe de la main puis nous nous dirigeons vers un dortoir qui nous a été assigné. Ralph s'installe sur une couche près de Maïna et moi.
— Tu ne dors pas avec tes amis ? questionné-je.
— Non, ils sont jaloux de moi tu comprends... répond-il la mine basse.
— Ne t'inquiète pas, on est une équipe maintenant.
Je lui fais un petit sourire encourageant en posant ma tête sur l'oreiller. Les yeux lourds, je sombre dans un sommeil agité.
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