Chapitre 4 - Maïna

Je me dégage difficilement de la boue en m'accrochant à des quenouilles près de moi. La lumière était plus proche que tout à l'heure, mais une bonne distance me sépare toujours de l'endroit. Je regarde derrière moi. J'ai la moitié du chemin de parcourue, j'ai été terriblement chanceuse de ne pas me retrouver dans un trou plus tôt !

Les pieds boueux et de plus en plus transi de froid je sens de nouveau les larmes qui me montent aux yeux.

— Non. Courage, je vais y arriver.

Je recours à mes bras pour trouver mon équilibre et me tenir à la végétation environnante. Je découvre une branche d'arbre près de moi pour me permettre de vérifier la stabilité du sol devant moi afin d'éviter de m'enfoncer encore dans la vase. Je me remets en route, plus lentement cette fois. Je garde espoir de dormir dans un lit bien chaud cette nuit.

Je dois faire plusieurs détours afin de rester sur la terre ferme. Après un certain temps, je vois une cabane en bois recouverte de mousse avec un toit en paille. Un petit quai fait de troncs d'arbres s'étend sur une dizaine de mètres dans la boue. Lentement mais sûrement, j'approche de mon but jusqu'à ce que je m'appuie sur les planches et que j'y grimpe.

Des morceaux de bois sont pourris et menacent de céder sous mon poids. De la lumière sort par les fenêtres. J'hésite quelques instants. Puis, grelottante, j'avance avec précaution vers la porte. Je prends une respiration comme pour me donner du courage et je frappe quelques petits coups timides.

Une femme dans la soixantaine vient m'ouvrir. Celle-ci est belle et d'une grande simplicité. Elle porte des vêtements en fourrure et en cuir. Des cheveux noisette parsemés de fils argentés encadrent son visage doux et chaleureux.

Lorsque celle-ci me voit trempée devant elle, elle me saisit la main pour me faire entrer et m'installe près du foyer. Comme que je claque des dents, je frotte mes bras pour me réchauffer. La femme va chercher une robe de nuit dans ses affaires et me la donne.

— Tu peux te changer dans la chambre là-bas.

Je m'exécute sans dire un mot, pressée de me mettre au sec.

— Elle est jolie, on pourrait la garder ?

— Chut ! Un peu de respect pour notre invitée, rétorque-t-elle.

La robe de nuit blanche est trop grande pour moi et traîne sur le sol. Toujours frissonnante, je suspends mes vêtements humides sur une chaise pour les faire sécher et je retourne m'asseoir près du feu, mais je ne vois personne avec la femme qui m'a accueilli.

— Avec qui parliez-vous ?

— Ce ne sont que des gargouilles qui ne se mêlent pas de leurs affaires, répond-elle en adressant une grimace à l'adresse de l'une d'elles.

— Hé ! On a entendu ça !

Je regarde en l'air et je vois de petits yeux rouges qui me fixe. Les créatures grises ailées et au visage difforme étaient juchées sur une poutre du plafond.

— Je me nomme Maïna, dit la femme alors qu'elle place une bouilloire sur un crochet près du feu. Eux, ce sont Grisgald et Fenrir, mes compagnons. Je les ai recueillis alors qu'ils étaient très jeunes. Grisgald s'enfonçait dans la boue, je l'ai sauvé et nous sommes demeurés ensemble depuis.

— Je suis Lili.

Maïna me tend du ragoût et un peu de pain. Je ne me fais pas prier pour manger mon assiette. Maïna décroche la bouilloire et me fait une tisane. Je bois rapidement le contenu de la tasse et mes yeux se ferment tout seuls sans que je puisse les retenir.

***

Maina sourit et rince la tasse qui contenait un somnifère.

— On va la garder alors ? demande Grisgald.

— Je ne suis pas décidée encore, elle est si jeune, mais je n'aime pas les inconnus, vous le savez. On verra demain lorsqu'elle sera reposée ce qu'elle est venue faire ici. Pour le moment, j'ai des choses à terminer.

Elle me soulève dans ses bras et me dépose sur le lit de sa chambre avant de retourner à son travail. Elle prépare soigneusement des herbes afin de concocter une potion qui lui permettrait d'avoir un aperçu de l'avenir. Comme je l'ai dérangé, elle a peur d'avoir fait des erreurs et de devoir recommencer. Retrouver les plantes utilisées pour cette mixture lui prendrait des jours, car elles sont rares et précieuses. Le front plissé par l'inquiétude, elle se concentre sur sa tâche.

Elle place un chaudron d'eau sur le feu crépitant. Précautionneusement, elle ajoute les herbes une à une. Elle devait prendre soin de mettre la bonne quantité de chacun des ingrédients et surtout de respecter l'ordre d'exécution de la recette.

Une fois terminé, Maïna patiente vingt minutes afin de laisser reposer la mixture. Pendant ce délai, elle ramasse son mortier et autres outil puis, elle suspend les plantes qui lui reste afin de les faire sécher.

Comme elle vit seule avec les gargouilles depuis plusieurs années, elle a eu le temps de perfectionner ses connaissances dans plusieurs domaines. 

Son ancien maître lui a enseigné les rudiments afin de devenir une grande prêtresse. À la mort de celui-ci, elle n'avait pas pu se résoudre à se rendre dans un temple pour terminer sa formation. Les règles encadrant ce métier étaient très strictes. Elles ne devaient jamais quitter leur congrégation pour servir les dieux, et ce, jusqu'à leurs décès.

Maïna a donc décidé de se construire une petite maison dans ce coin reculé, loin des temples et de la société. Personne ne l'avait trouvé ici et plus personne ne la cherchait d'ailleurs depuis longtemps. 

Elle est bien heureuse de sa vie paisible et ne désire pas de changement. Elle peut se promener à sa guise dans les villages environnants ou elle exerce le troc afin de se procurer les produits nécessaires à la fabrication de ses potions.

Maïna a lu dans les étoiles il y a quelques mois déjà que des bouleversements s'enclancheraient. Elle souhaite découvrir ce qui allait se passer.

Le délai pour la préparation de la potion écoulé, elle s'approche du chaudron et espère voir un liquide d'une douce couleur vermeille. Une odeur de fiente se dégage du mélange maintenant brunâtre. Cette odeur la répugne au plus haut point.

Déconfite, elle vide le tout à l'extérieur. Un crapaud reçoit la mixture sur la tête et se transforme en magnifique colombe. Elle avait au moins réussi quelque chose malgré son échec. Elle devrait trouver les herbes qui lui manquaient et réessayer. Elle espère avoir le temps avant que les événements s'enclenchent, mieux vaut être préparée.

Après avoir déposé son chaudron, elle s'installe près du feu dans la chaise à bascule ou elle s'endort. Grisgald et Fenrir se sont assoupies depuis belle lurette blottis l'un contre l'autre sur une peau de mouton au pied de Maïna.

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