Chapitre 2 - Étoile
Je me réveille en sursaut, dans le champ près de mes amis. J'ai l'impression d'avoir fait un rêve. Je secoue doucement Kor et Sophia jusqu'à ce qu'ils ouvrent les yeux en grommelant.
— Le soleil se couche déjà ! dis-je soudain éberluée qu'autant de temps se soit écoulé.
En effet, au loin le soleil commence à décliner pour rejoindre l'horizon. Pourtant, nous nous étions assoupies alors que le soleil était très haut dans le ciel. La fête ! Une vague d'excitation s'empare de nous en prévision de la fête qui se déroulera le soir même. Nous attendons cet événement depuis plusieurs jours déjà.
— Les enfants !
C'est la voix de Tali qui m'appelle pour le repas du soir. Je fais un petit signe de la main à mes amis puis je regagne ma maison en courant ou mon repas m'attend sur la table.
Tali me regarde dévorer le contenu de mon assiette en bois avec appétit.
— Est-ce que tout va bien, Lili ? me demande Tali.
— J'ai fait un rêve étrange, dis-je dans un souffle presque inaudible.
— Nos rêves nous montrent parfois nos craintes et d'autres fois la voie à suivre. Écoutes ton cœur, il te dira quoi faire ma chérie.
Tali m'adresse un regard protecteur de ses yeux bruns semblable aux miens. Elle porte une robe de coton blanc qu'elle a confectionné elle-même lors d'une froide journée d'hiver.
Polo, les yeux noirs perdus dans le vague assis dans son coin, est peu loquace. Il écoute néanmoins la conversation sans broncher ne voulant pas se mêler des affaires de sa femme et de sa fille tout en engloutissant son assiette de ragoût. La construction de la maison pour les voisins l'a éreinté.
La tête dans mes pensées, je ne porte plus attention à ce qui se passe autour de moi.
Ma mère ramasse les assiettes sur la table et nettoie le tout pendant que mon père pique un somme dans une chaise à bascule près du foyer qu'il a fabriqué l'hiver dernier.
Notre maison est petite, mais chaleureuse. Toute en bois rond, elle contient une cuisine avec un foyer fait de pierres de champs, une table à manger et des chaises en chêne. Trois chambres se trouvent au fond dont l'une sert de rangement. Une trappe donne sur un sous-sol de terre battue qui sert à conserver la nourriture lors de la saison froide. Nous devons par contre aller à la rivière pour faire notre toilette.
Les maisons du village se ressemblent toutes. Certaines ont été agrandies pour les familles plus nombreuses. Des champs de légumes et des arbres à fruits nous fournissent une grande part de notre nourriture. Certains villageois sont des chasseurs et des pêcheurs aguerris, ainsi nous faisons fumer la viande pour la conservation.
Une salle communautaire a été aménagée pour les événements importants. Ce bâtiment contient un foyer, des tables et des chaises.
Après notre repas du soir, c'est dans cette salle que nous nous rendons sous une petite brise. Ce soir-là, des bouquets de fleurs sauvages sont accrochés un peu partout dans la pièce. Le chef du village, un vieil homme à la barbe blanche, au corps déformé par l'arthrite prend la parole :
— Comme chaque année, nous célébrons la lune qui veille sur nous. Cet astre lumineux guide nos pas dans la noirceur et éloigne les ténèbres de nos cœurs. Arthur, tu peux commencer.
Arthur, jeune homme énergique et toujours partant pour une soirée mouvementée, est déjà prêt. Violon sous le menton, il entame l'air d'une danse et presque tous les villageois s'élancent sur la piste de danse au rythme de la musique. Pendant plusieurs heures, nous avons dansé, chanté, parlé et mangé. La fête bat son plein lorsque le chef du village lève sa main droite vers le ciel. Le silence se fait aussitôt dans la salle.
— Il est maintenant temps de se rendre à la colline, déclare le chef.
En effet, depuis des générations, la fête se déroule de la même façon. À dix heures, tous les gens présents dans la salle quittent le village pour aller sur la colline aux souhaits. Sous le ciel étoilé, nous pourrons admirer la lune et une pluie d'étoiles filantes en demandant les bonnes grâces aux dieux qui veillent sur nous.
Les enfants qui participent à la fête sentent la fatigue les gagner, mais tous sans exception veulent voir la lune et quelques étoiles avant d'aller au lit.
Comme les autres, je grimpe sur la colline au nord du village ou j'évite les racines sur mon chemin. Je m'installe près de mes amis sur une grosse roche et j'admire le firmament. L'astre lumineux, magnifiquement rond semble plus près de la terre ce soir. Des millions d'étoiles nous rappellent à quel point nous sommes petits.
Je suis émerveillée par le spectacle qui se déroule devant moi, mais mes paupières s'alourdissent. Je me rapproche de mes parents et je pose la tête sur les genoux de mon père qui est assis à même le sol. Mon père caresse lentement mes cheveux plus pâles que les siens et je m'endors sur lui.
Un murmure parcourt la foule sur la colline.
Une étoile semble tomber vers nous.
— Retournez dans vos maisons ! crie notre chef.
Mon père me prend doucement dans ses bras, ce qui me réveille et celui-ci en compagnie de Tali dévale la colline aussi rapidement qu'il le peut pour regagner notre demeure. Les autres personnes font de même et certains poussent des cris d'effrois.
Comme notre résidence se situe le plus au sud, nous sommes les derniers à l'extérieur alors que l'étoile se rapproche toujours dangereusement du village.
Tali apeurée ouvre la porte à Polo qui me dépose dans mon lit avant de retourner à la fenêtre voir ce qui se passe. Je m'endors pour me faire réveiller quelques secondes plus tard, par le chef du village et d'autres hommes qui entrent en trombe dans la maison.
— Est-ce que tout le monde va bien ? demande Polo inquiet.
— Oui, ils sont tous en sécurité. Vous devez sortir d'ici.
— Mais ?
— Pas de discussions.
Polo me prend de nouveau dans ses bras, et Tali sur ses pas, nous quittons les lieux. Des gens s'affairent autour de chez nous et le chef nous suit afin d'expliquer la situation.
— Nous avons vu l'étoile sur le toit, puis elle semble avoir disparu. Nous avons accouru en croyant que la maison serait la proie des flammes.
D'autres personnes arrivent en courant pour s'enquérir de notre famille. Rapidement, quelques-uns montent sur notre demeure pour s'assurer qu'il n'y a pas de trou ou de début d'incendie. À l'intérieur, d'autres vérifient le plafond et les murs.
Après de longues minutes de recherche, le chef autorise mes parents à entrer et ceux-ci regagnent leurs domiciles soulagés. Polo me dépose de nouveau dans mon lit, alors que je dors toujours à poings fermés collé contre son épaule. Il souffle les bougies que les hommes ont allumées et ferme la porte derrière lui.
Si Polo s'était retourné, il aurait vu que de mon front émanait une lueur dorée. En effet, pendant mon sommeil, durant le bref instant où mes parents s'étaient installés à la fenêtre, une pierre de lune a traversé le plafond pour entrer dans mon corps. Rien au monde n'aurait pu l'arrêter.
C'était le destin de cette pierre de tomber du ciel pour me donner son pouvoir. Celle-ci vit dorénavant en moi et nous ne faisons qu'une.
Je dors d'un profond sommeil, mais des rêves étranges, pleins de lumières, perturbent mes songes.
***
Les hommes et le chef du village regagnent leurs demeures songeurs. Ils ont tous bien vu l'étoile sur le toit avant qu'elle disparaisse et pourtant il n'y a aucune trace de son passage.
Inquiet, le chef décide de consulter les anciennes écritures. Celui-ci est le gardien de ces vieux parchemins, puisqu'il est le seul à savoir les lire même s'il n'en comprend pas vraiment le contenu. Il conserve son trésor avec soin dans un coffret métallique. Il se rend dans sa chambre et sort le coffret de sa cachette, une trappe sous son lit.
Pendant plusieurs heures, il feuillète de ses doigts tordus les précieux documents jusqu'à ce qu'il tombe sur le passage suivant.
« Les étoiles tombent du ciel une fois l'an. Elles sont porteuses de savoirs. »
Le vieil homme ne comprend pas trop le sens de ce qu'il vient de lire, mais il sait bien que les anciens avaient beaucoup de connaissances aujourd'hui perdu. Pensif, il replace la boîte à sa place. Dans le village, peu de gens savent lire, c'était donc pour lui un trésor incommensurable d'avoir accès à ces textes même s'il ne connaît pas leurs significations.
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