Chapitre six
— Vous croyez qu'elle va bientôt se réveiller ? demande une voix féminine.
— Je ne sais pas du tout, répond une autre voix plus douce.
— Mais ça doit faire au moins deux jours qu'elle est inconsciente ! Elle respire normalement, elle n'a pas de blessures graves, juste quelques hématomes, mais elle est toujours endormie !
— Je le sais bien ! Mais vois-tu, le choc a du être sacrément violent. Et puis, elle devait encore être prise des douleurs de sa période de transition quand vous avez traversé le portail magique.
— C'est pas faux...
Les voix se font de plus en plus faibles. Une porte se ferme. Les personnes s'éloignent. Le silence s'installe.
J'ouvre un œil, puis l'autre. J'essaie de me redresser, mais tout mon corps n'est que douleur. J'ai l'impression qu'on m'a frottée et étirée dans tous les sens. J'ai également la sensation qu'on m'a planté des épines partout.
Je me rallonge, prise de panique. Où suis-je donc ? Quelle heure est-il ? Pourquoi ai-je mal partout ? Que s'est-il passé ?
Les questions sans réponses s'enchaînent et viennent inonder mon esprit.
Pourtant, celle à ma deuxième interrogation se trouve en face de moi. En effet, une charmante pendule bleue et blanche est accrochée au mur et m'indique qu'il est plus de trois heures et demie. Je peux entendre le léger bruit des aiguilles qui bougent et qui est en parfaite harmonie avec les battements de mon cœur.
Il me faut quelques secondes avant de me rappeler les événements qui ont précédé le trou noir.
La Fête des Lumières. Le sorcier maléfique. Ma mère changée en statue. Les chuchotements. La course dans la forêt. Savana et moi cherchant la maison du sage. Le discours du sage. La menace de cet abominable homme diabolique. Ma question au sujet des chuchotements. La traversée du portail.
Tout est allé si vite. J'ai l'impression que mon cerveau est encore confus. C'est très douloureux.
Puis je réalise. Je suis sur Terre. Je suis sur Terre. Je suis sur Terre. JE SUIS SUR TERRE !
Je ne peux pas y croire. Moi qui ai toujours vécu à Sorcellia, en à peine deux jours je suis dans une autre dimension. Incroyable !
Mon esprit est en train de se diviser. Sorcellia et la peur de sa destruction dans une partie de mon cerveau. La Terre et l'émerveillement d'être dans un autre univers dans une autre section de mon cerveau.
J'essaie de me redresser une deuxième fois et y parviens douloureusement. Je constate que je suis dans une chambre assez grande même si elle ne fait même pas un quart de celle de mon château.
À ma droite, se dresse un bureau encombré de quelques affaires. À ses côtés, se trouve un petit meuble chargé de livres... Beaucoup de livres. Il y en a même par terre. La porte de la chambre est à gauche, juste à côté d'une grande commode composée de quatre tiroirs. Une petite sculpture et un violon trônent sur celle-ci. Un tapis rose est posé sur le sol recouvert de parquet. La couverture de mon lit est elle aussi rose. Cette chambre n'a rien à voir avec la mienne de Sorcellia qui était remplie uniquement de robes de princesse et de bouquins sur la pratique de la magie. Sans compter que mon lit était à baldaquin. Celui là n'a pas du tout la même forme et il est moins large. Les épais rideaux de la fenêtre de ma chambre de Sorcellia sont ici remplacés par de simples rectangles de coton rose pâle, suspendus à des tringles en métal, qui me laissent entrevoir l'extérieur. En effet, j'ai une vue imprenable sur le voisinage et sur un immense champ.
J'entends la porte s'ouvrir, ce qui stoppe mon examen de la pièce et ne me laisse pas le temps de réagir.
— Lily-May, ma chérie, tu es réveillée !
Non, non vous voyez ses yeux grands ouverts mais elle dort...
Ces sinistres pensées m'agacent. Elles vont me rendre folle. J'inspire un bon coup pour tenter de les chasser de mon esprit et je m'intéresse à la personne qui vient d'entrer dans la chambre.
Je n'y crois pas. C'est ma tante. Ma tante que je n'ai pas vu depuis mes dix ans. La sœur de mon père. La ressemblance est frappante. Les mêmes cheveux bruns. Les mêmes traits. Le même nez.
J'ouvre les bras et elle vient m'étreindre. Je suis si contente de la voir ! Je ne pensais pas cela possible avant longtemps ! J'aurais pourtant aimé que ce soit dans d'autres circonstances.
— Je suis tellement heureuse que tu sois en sécurité ! Vous avez bien failli y passer toutes les trois...
— Que s'est-t-il passé exactement ? je demande lorsqu'elle se retire.
Elle s'assoit sur le lit à mes pieds et prend une grande inspiration pour me conter ce que j'ai oublié à cause du choc.
— Le portail magique s'est presque refermé sur vous et tu t'es pris un sacré choc car tu étais la dernière à passer. Il a fallu le fermer vite pour empêcher Jaffe de vous suivre. On soupçonne quand même certains de ses gardes d'avoir réussi à se faufiler après, car il y aurait eu une grosse fumée blanche et le portail s'est ouvert de nouveau avant d'être fermé complètement et définitivement. Nous allons devoir être sacrément prudentes à l'avenir.
Jaffe. Le sorcier. Je tressaille à l'évocation de son prénom. Cet être maléfique qui menace mon monde et qui a changé ma mère et mes gardes en statue. Cette entité dont nous ignorons tout et surtout la raison qui le pousse à tout détruire.
— Et puis tu es encore dans ta phase de transition...
Ma phase de transition. Je me souviens. Des étincelles plus conséquentes de celles qui sortent d'habitude qui ont jailli de mes mains. Les brûlures qui ont suivi. Le bouclier qui m'a protégée du sort de Jaffe.
J'observe ma tante. De plus près, je peux apercevoir la couleur de ses yeux. Ils sont verts foncés.
— Que va-t-il se passer ? je lui demande, au même moment où Stella et Savana entrent dans ma chambre. Enfin, qu'allons-nous faire exactement ?
Une vague de sentiments m'envahit. Ma poitrine se serre. Mon cœur se fissure.
Non. Mon cœur a déjà éclaté en voyant mon monde partir en fumée.
— Lili ! crient mes deux amies à l'unisson.
Puis elles se jettent presque sur moi. Mon visage s'illumine même si ce n'est que l'instant de l'étreinte.
— Faites attention, les prévient ma tante. Elle est encore faible.
Je suis plus que ravie de serrer mes deux meilleures amies dans les bras. Je suis même soulagée que ces deux filles que je considère comme des sœurs soient ici avec moi et non aux mains d'un être abominable. Mais très vite, mon sourire disparaît.
— Comment tu te sens ? me questionne Stella.
Je remarque qu'elle a troqué sa robe contre un t-shirt et un pantalon. C'est la première fois que je la vois dans une autre tenue qu'une robe et je ne peux qu'être étonnée.
Savana aussi a changé de vêtements. Elle porte une chemise et une jupe. Elles sont toutes les deux magnifiques.
Je remarque également que l'on m'a changée. Je ne porte plus ma robe de princesse, mais une sorte de chemise toute fine, qui me recouvre jusqu'aux genoux.
— J'ai encore un peu mal, mais ça va.
— Tant mieux, car il va bientôt falloir étudier ! enchaîne Savana.
Elle sautille et je vois qu'elle essaie d'apporter du dynamisme dans cette atmosphère sombre.
J'ai l'impression que je vais aller à un enterrement. Celui de mon cœur probablement ?
— Comment ça étudier ?
Je fronce les sourcils en signe d'incompréhension. Qu'entend-t-elle par étudier ?
— Vous allez devoir aller au lycée, m'annonce ma tante.
— Pourquoi ? Je demande aussitôt.
— Parce que c'est comme ça. J'ai décidé qu'il en était ainsi, réplique ma tante avec une froideur qui ne la ressemble pas.
Quoi ?
Une décision sans raison ? Dites-moi que je rêve.
— Je pense que cela vous fera du bien d'aller étudier. Vos pouvoirs ont un lien avec votre esprit. Travailler est bon pour le cerveau et je pense que vous vous améliorerez davantage en magie en suivant des cours au lycée en parallèle.
Ma tante marque une pause et j'ai la sensation qu'elle n'est elle-même pas convaincue de ce qu'elle dit.
— J'ai aussi entendu parler d'une adolescente de votre âge possédant la magie verte, qui se serait enfuie sur Terre, pour une raison que j'ignore encore. La trouver pourrait beaucoup nous avancer... Il y a de fortes chances que quand elle a fuit Sorcellia, elle soit passée par ce portail.
— Et puis, si on va à l'école, cela nous camoufle, entre guillemets. Si nous ne sommes pas scolarisées, cela serait perçu comme louche. Tous les enfants d'ici vont à l'école. C'est un bon moyen d'éviter les gardes de Jaffe car s'ils ont réussi à venir jusqu'ici, ils voudront récolter des informations sur nous, enchaîne Stella avec toujours assurance dans la voix.
Ma tante hoche la tête.
— Donc on ira étudier la journée. Puis lors du dîner, nous ferons un compte rendu oral de la journée. Et après manger, nous nous entraînerons dans le sous-sol de la maison. Tous les détails peuvent compter, finit-elle d'expliquer en insistant sur la dernière phrase.
— D'accord... je me contente de répondre.
Le silence s'installe. Je réfléchis avant de le briser :
— Pourquoi sommes nous ici ?
Mes amies et ma tante me regardent sans comprendre ce que j'essaie de formuler.
— Si des gardes sont passés par le portail, ils ne sont pas bien loin ! j'enchaîne en parlant vite.
— Et alors ? Ils penseront que nous nous sommes enfuies très loin ! Jamais ils ne se douteront que nous sommes près du portail et ils iront donc chercher plus loin ! défend Stella en croisant les bras pour lui donner un air convaincant.
Je laisse échapper un soupire. Elle n'a pas tort mais je ne suis pas persuadée que cette explication tient la route.
Rien ne tient la route. Pas même le déchaînement de violence de ce sorcier.
— Cela va nous prendre combien de temps avant de pouvoir retourner à Sorcellia ? je demande.
— On ne peut pas vraiment savoir. Peut-être quelques mois... Quand vous aurez le signe que vous pouvez y aller.
— Quelques mois ? je manque de m'étrangler. Mais dans quelques mois, qui vous dit que Jaffe n'aura pas réussi à ouvrir le portail et à venir semer le chaos ici ? Et puis dans quelques mois, que deviendra notre monde ?
Finalement, je m'en fiche d'être sur Terre. Je veux rentrer chez moi. Je veux revoir ma famille.
Une larme roule sur ma joue et bientôt, je ne vois plus rien d'autre qu'un brouillard intense.
— Ça va aller Lili, on va s'en sortir. Nous sommes des héroïnes, je te promets qu'on y arrivera, me chuchote Stella en me serrant à nouveau contre elle.
Mon cœur fait un énième soubresaut dans ma poitrine. Je réalise que je n'ai jamais vu Stella pleurer et que là, actuellement, elle se retient.
Si Stella, la plus courageuse de nous trois se met à pleurer, alors tout est possible.
Je sens qu'il va falloir attendre encore longtemps, avant que tout redevienne comme avant. Une longue quête m'attend pour développer mes pouvoirs.
Mais ce qui me chagrine le plus, c'est que si nous parvenons à détruire Jaffe, il faudra reconstruire notre monde.
Mais bon, le phœnix renaît toujours de ses cendres, n'est-ce pas ?
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