Chapitre onze
— Plus haut ! Tu vas détruire le petit meuble sinon !
— Savana a raison, Lili, vise plutôt le mur ou le plafond !
— Je fais ce que je peux !
— Et concentre-toi sur tes émotions !
Une heure.
Cela fait une heure que Savana, Stella et moi sommes réunies dans le sous-sol de la maison pour notre première séance d'entraînement.
Soixante minutes.
Cela fait une heure que nous tentons de puiser au plus profond de nous-même afin de faire jaillir le plus de magie possible.
Trois-mille-six-cents secondes.
Cela fait une heure que rien ne sort de mes mains, au contraire des filles, qui produisent de la magie toutes les dix secondes.
Je n'y arrive pas.
Je ne comprends pas.
Ça ne veut pas.
Je deviens folle.
Je me noie dans ma folie.
Mon cerveau est follement embrouillé.
— Ne te décourage pas, Lili-May ! Ça va finir par arriver, j'en suis certaine ! me rassure Savana en replaçant des mèches sauvages derrière ses oreilles.
Je soupire. Plus facile à dire qu'à faire.
J'aimerais tellement vaincre ce sorcier, découvrir des mystères, faire subir des crasses à Kaitlyn et Gwendolyn, retrouver ma famille et reconstruire mon monde, peut-être salement endommagé !
— Tu deviens badass là. En plus, tu ne sais même pas si Kaitlyn et Gwendolyn sont encore en vie.
Pour l'instant, me voici en train de me torturer l'esprit et le corps. Et cette petite voix dans ma tête ne veut pas me lâcher. Mais j'avoue que je ne n'ai toujours pas de nouvelles des autres personnes de Sorcellia. Même si je les déteste, j'ai peur pour les deux pestes.
Inspirer.
Expirer.
Lentement.
Profondément.
Calmement.
— Lili, c'est pourtant simple ! hurle Stella dans mon dos.
Simple ? Elle est pas sérieuse ?
Je lui jette un regard noir.
— Tu te concentres et boum ! Normalement même le plus abruti des Sorcelliens sait le faire !
Je rêve ? Même le plus abruti des Sorcelliens sait le faire ? Elle vient de me traiter d'abrutie ?
Elle vient de me traiter d'abrutie.
— Alors, princesse, t'as perdu ta langue et tes pouvoirs ? Ou peut-être n'en as-tu jamais eu ?
J'écarquille les yeux.
Elle ne vient quand même pas de dire ce que je viens d'entendre ?
Si, elle l'a dit.
Stella, ma meilleure amie depuis toujours, vient d'imiter Kaitlyn. Elle a modifié sa voix et pris la posture de Kaitlyn, mains sur les hanches, l'air hautain, la queue de cheval se balançant violemment.
— J'en ai marre de toi ! MARRE ! T'es pas fichue au bout d'une heure de faire jaillir trois pauvres étincelles de magie ! Arrête de serrer les fesses ! Ça sortira pas de ton trou du cul mais de tes mains ! Même d'habitude avec tes trois pauvres filets de magie tu fais mieux que là !
Si j'avais eu des ressorts sous mes chaussons, j'aurais probablement fait un bond au plafond.
— Tu viens de dire quoi là ?
Je suis consciente que ma réplique est minime et que je n'ai pas une bonne répartie.
— Lili-May, tu n'es qu'une mauviette, une lâche, une incapable !!! enchaîne-t-elle.
Elle me tourne le dos avant de crier :
— J'abandonne !
Elle commence à s'avancer en direction de la porte.
Cette situation est trop bizarre. Pourquoi d'un coup, Stella devient-elle méchante ?
— Stella calme-toi ! intervient Savana avec un air d'impuissance.
J'échange un regard avec cette dernière. Sait-elle ce qu'il se passe ?
Ma propre amie, Stella, est en train de se liguer contre moi. Je deviens folle.
Venez me chercher, je suis prête pour l'asile.
— Tu te prends pour qui ? je crie en tapant du pied.
J'ai conscience que je ne sais pas répliquer. Mes phrases de défenses sont faibles.
Je dois maintenant avoir la marque de mes ongles dans les paumes de mes mains tellement mes poings sont serrés.
Fatiguée.
Je suis fatiguée. Cette première journée au lycée a épuisé toutes mes ressources. Je ne sais pas comment mes jambes font pour toujours me porter. Je sens que je pourrais dormir une journée entière.
Je manque de lâcher un juron quand le miracle se produit. Je sursaute et fait un léger bond en arrière.
De la magie sort de mes mains et va impacter le mur en face de moi avant de disparaître. Et pas de simples filaments, une boule ! Une sphère rose !
Enfin !
— Et voilà ! s'exclame Stella.
Enfin !
— Et voilà quoi ? je la questionne sèchement.
Enfin !
— J'avais juste à te provoquer pour que ça marche !
Elle avait juste à me provoquer ?
Je me repasse la scène dans la tête. Puis je fronce les sourcils avant de comprendre.
Elle m'a eue.
Elle m'a eue !
Elle m'a provoqué pour que ma colère entraîne l'apparition de mes pouvoirs.
Je le redis une fois, j'ai des amies en or.
L'amitié est un soleil qui réchauffe les cœurs. C'est aussi une colère qui provoque des pouvoirs.
— T'inquiète pas Lili, je ne suis pas comme ces deux pestes. C'était juste pour t'aider.
Je me jette dans ses bras, soulagée.
— T'es incroyablement maline, ma Stella, je lui réponds en l'enserrant fort.
— Et moi ! Je veux faire partie du câlin même si j'ai pas trop aidé ! s'écrie Savana en se jetant à son tour sur nous.
Nous tombons à terre. Heureusement, personne ne se blesse même si nos têtes sont à trois centimètres de la table basse.
— Bon les filles, ça avance ? nous interroge ma tante en entrant subitement dans la pièce. Elle nous voit aussitôt à terre l'une sur l'autre.
— Oui ! nous répondons en chœur avant de partir dans un fou rire.
C'est passé d'un entraînement de magie à un entraînement de lutte mais tout va bien.
— Qu'est-ce que j'ai loupé ? demande-t-elle en balayant la pièce du regard.
Stella m'a bien eue.
J'ai deux amies en or.
— Bon, dis Stella, reprenons ! Et cette fois Lili, je ne tiens pas à te provoquer ! Il faut dire que je n'aime pas jouer le rôle de Kaitlyn !
Je rie avant de me concentrer à nouveau.
Le silence est d'or, et certaines amitiés sont d'argent.
Dix minutes s'écoulent sans que rien ne se passe.
—Aller les filles, vous pouvez arrêter pour aujourd'hui, vous avez assez travaillé et il est déjà vingt-et-une heures.
J'essuie la sueur qui coule sur mon front.
Après un bilan fait de la journée, nous quittons le sous-sol. Mes jambes manquent de me faire trébucher tandis que je monte les escaliers qui nous ramènent au salon.
Mes paupières sont lourdes. Mon cerveau est confus. Tout mon corps n'est que fatigue, déception, tristesse.
Demain sera meilleur. Demain est un nouveau jour. Demain, je serai moins stupide qu'aujourd'hui.
Je passe par la salle de bain pour essuyer les parties de mon corps couvertes de sueur. Je me rince le visage et l'essuie avant de regagner ma chambre à petites enjambées et en traînant des pieds.
Je m'allonge dans mon lit. Savana entre dans la pièce pour me dire au revoir.
— Dors bien ma Lila et à demain !
Elle m'embrasse sur la joue avant de quitter ma chambre en laissant la porte ouverte.
Stella vient me dire au revoir à son tour. Elle me salue d'un petit bisou comme Savana.
— Tu m'en veux pas trop pour toute à l'heure ?
Je hoche la tête.
Pourquoi lui en voudrais-je ?
— Repose-toi bien et ne t'inquiète pas, ça va finir par venir.
— J'espère.
L'espoir fait vivre.
— Tante Martine te dit bonne nuit.
Je doute pourtant de passer une bonne nuit. Mais ça, je le garde pour moi. Je me contente de répondre un :
— D'accord.
Stella s'en va. Elle ferme la porte et me laisse seule dans l'obscurité avec mon esprit agité.
J'entends encore quelques pas dans la maison, avant que ne s'installe le silence. Avant que mes pensées ne se bousculent.
Et avant que les chuchotements ne reprennent.
— Lili-May... Lili-May... Lili-May... Lili-May... Lili-May...
Je ne sens plus rien. Mes paupières se ferment d'elles-même. Même si mon cerveau pense à des milliers de choses en même temps, l'épuisement gagne.
Je n'ai pas le temps de réfléchir davantage que je sombre dans un profond sommeil et rejoins Jaffe dans un rêve, à Sorcellia.
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