Chapitre neuf

"Did I catch your attention ? You look like you lost your breath. When I circle the room, you an owl, you gon' twist your head. Don't you come at me green with an attitude. Where my lips and my soles are at..."

J'ouvre les yeux. Les paroles de la chanson Looking at me de Sabrina Carpenter parviennent à mes oreilles. Savana m'a fait découvrir hier cette chanteuse au timbre délicat et magnifique. Avec tante Martine, elles m'ont montré comment sélectionner une chanson pour me réveiller au bon moment.

Je me redresse. La lumière du jour filtre à travers les volets et éclaire une partie de ma chambre. Le diadème de ma mère, posé par terre près de mon bureau, scintille et crée des petites tâches lumineuses sur le mur.

Finalement, après mon cauchemar, j'ai réussi à replonger dans un sommeil profond et sans rêves. J'ai mis du temps, certes, mais j'ai réussi. Pourtant, je suis terrifiée à l'idée de redormir, car je sais qu'à n'importe quel moment, Jaffe peut entrer en connexion avec mon esprit.

Je jette un coup d'œil à l'horloge. Il est sept heures. Il me faut quelques secondes avant de réaliser que c'est l'heure de me préparer pour aller au lycée.

La panique s'empare de moi. Je vais aller au lycée ! Mon cœur a activé le mode turbo et cogne violemment dans ma poitrine. Mon ventre se noue à l'idée de me retrouver au milieu d'humains et à la pensée de tous les mensonges que je vais devoir dire. Je n'aime pas mentir. Je ne le fais qu'en cas d'urgence.

Un jour alors que ma mère et mon père se promenaient dans la forêt Sorcellienne, Daisy et moi étions en train de jouer dans notre cabane en bois. Je me souviens parfaitement de son emplacement : près de deux arbres recourbés qui se rejoignaient pour former un cœur, à la limite du jardin. Elle était assez grande. C'était notre endroit secret, notre havre de paix. Nous y passions beaucoup de temps. La plupart du temps, nous dessinions des cartes au trésor et nous jouions des rôles. Nous cachions des sois-disant trésors dans le jardin, principalement des objets perdus et l'autre devaient les retrouver. Un jour, nous avons voulu cacher une bague appartenant à maman pour rendre le jeu plus excitant. Nous nous sommes faufilés dans sa chambre quand aucune servante n'était dans les parages et nous avons emprunté la bague dans le but de revenir la mettre le soir même, sans que maman ne s'en rende compte. Daisy l'a caché dans un trou près des racines d'un arbre. Je l'ai cherché longtemps, sans la trouver.

"Tu chauffes !", "Non, là tu refroidis ! "

Quand ma sœur m'a désigné l'emplacement, je ne l'ai pas trouvé. La bague avait disparu. Le pire dans tout ça, c'est que personne n'est venu sur le terrain. Nous avons paniqué bien sûr, mais ma sœur m'a ordonné de ne rien dire.

— Faisons comme si rien ne s'était produit, tu m'entends, sœurette ?

J'avais acquiescé.

Notre mère avait tellement de bijoux dans ses coffrets qu'il lui a fallu deux semaines avant de s'apercevoir que l'un d'entre eux avait disparu.

— Où est-donc passé la bague en argent avec un zéphyr au centre et des diamants noirs autour ? avait crié maman en sortant de sa chambre, une après-midi où nous étions dans le salon à jouer aux échecs avec Grace.

— Je ne sais pas.

C'était les quatre mots que j'avais prononcé. Mon premier mensonge. J'avais sept ans. Daisy en avait neuf.

Ma sœur me manque terriblement.

Oh Daisy, où es-tu en ce moment même ?  Que fais-tu ? Tu me manques comme le battement manque au cœur inerte. Tu me manques comme le parchemin peut manquer à la plume. Tu me manques comme les étoiles manquent au ciel voilé. Tu me manques, mais je ne peux rien faire. J'ignore où tu te trouves...

Son sourire, sa joie de vivre, sa luminosité, son parfum, son corps qui bouge gracieusement... Sans elle, je me sens perdue. J'ai l'impression de l'avoir perdue pour de bon, même si quelque chose me dit qu'elle est encore vivante, quelque part.

Je sèche les larmes qui perlent au coin de mes yeux et sors de mon lit.

Mon cœur cogne toujours aussi fort dans ma poitrine.

Je suis très nerveuse, car je sais que chaque faux pas peut coûter très cher. Les gardes de Jaffe ont peut-être réussi à s'infiltrer sur Terre. Je ne dois en aucun cas me faire remarquer. Ici, je ne suis plus une princesse avec des capacités magiques, venant d'un autre monde. Je suis une adolescente tout à fait normale qui va faire sa rentrée dans un nouveau lycée.

Ma nervosité se mêle pourtant à de l'impatience. Il me tarde de découvrir les secrets de cette planète.

Ma tante a fait toutes les démarches administratives pour nous inscrire, mes amies et moi, dans le lycée de notre ville, qui se situe à deux cents mètres à pied de la maison. Aujourd'hui, ma tante tenait à nous accompagner.

Nous allons être en terminale. C'est une année remplie d'examens. Mais comme nous n'avons pas suivi le même cursus, nous allons devoir nous adapter. Je ne sais pas encore si je vais être dans la même classe que Savana et Stella, mais je l'espère sincèrement. J'ai besoin de mes deux amies pour traverser cette épreuve.

Comme prévu, j'ai dû changer mon prénom. Je ne suis plus Lili-May, mais Lila. Je tenais à garder la même racine. J'ai choisi de garder le " Lil " de Lili et d'ajouter le "A" de May. J'ai également dû prendre un nom de famille. Désormais, je suis Lila Stevens, ce dernier étant celui de ma tante. Sur Sorcellia, je n'ai pas vraiment de nom de famille. Je fais partie de la dynastie Aeros, car le fondateur de notre monde s'appelait ainsi.

Mes deux amies ont également dû choisir un nom de famille. Savana Richie et Stella Reynolds. Je trouve qu'ils leur vont à ravir. J'ai encore du mal à m'y faire.

Ce week-end a été un week-end de mise au point.

Ma tante nous a fait un résumé des choses importantes à savoir en tant que Terriennes. Elle nous a appris à nous servir d'internet, ce qui n'est pas évident du tout !

Elle nous a montré comment "naviguer sur le web". C'est une expression beaucoup employée sur Terre. C'est merveilleux la tonne de choses que l'on peut faire devant un écran ! Et oui, j'ai aussi appris que l'écran d'un appareil est la surface sur laquelle apparaissent les éléments.

Tante Martine nous a aussi appris quelques dates et évènements importants de l'histoire de ce monde. Les humains sont parfois très cruels. Au siècle dernier ont eu lieu deux grandes guerres mondiales, la deuxième étant plus désastreuse que la première par son but d'anéantissement.

Nous avons  appris que sur Terre se trouvent différents pays. Nous sommes en France, le pays de notre fondateur. Mais il en existe d'autres, comme les États-Unis, le Canada, la Chine mais aussi l'Égypte. Nous avons veillé à apprendre quelques notions importantes. Les drapeaux des plus importants pays, quelques capitales, et plein d'autres choses diverses.

Par ailleurs, elle nous a aidé à nous construire un passé. Comme nous ne pouvons pas dire d'où nous venons et qui nous sommes vraiment, nous avons décidé ensemble que nous étions originaires du Sud de la France est que nous sommes arrivées dans la région il y a quelques jours. J'ai perdu mes parents dans un accident tout comme Stella et Savana. Nous nous sommes rencontrées dans une famille d'accueil et j'ai découvert récemment l'existence de ma tante. Nous avons fait toutes les démarches nécessaires pour que nous puissions venir vivre chez elle.

Je fais mon lit correctement avant de me diriger vers la commode, à la recherche d'une tenue.

J'opte pour une chemise à carreaux rose et un jean blanc. Je tiens à garder ma couleur, elle me rattache à mon monde. Avec un pincement au cœur, je cache la couronne de ma mère dans ma commode, sous une pile d'affaires. Je ne peux pas l'emmener avec moi. Je tiens à ce qu'elle reste en sécurité à la maison. Pourtant, on n'est pas à l'abri d'un cambriolage, n'est-ce pas ?

Pendant la traversée du portail, j'ai réussi à garder la couronne de ma mère dans la main, ce qui m'étonne. C'est Stella qui l'a ensuite récupéré quand nous avons été projetées sur le sol terrestre.

J'ai veillé à garder mes bijoux de famille. Le bracelet en or incrusté de diamants roses de ma mère orne mon poignet droit et un collier nacré de petites perles blanches entoure mon cou.

Je balaie du regarde ma chambre rangée puis j'appuie sur les interrupteurs pour éteindre la lumière. Ça aussi, c'est un élément assez étrange pour moi. A Sorcellia, l'électricité n'existe même pas.

Je dépose mon sac de cours rempli de nouvelles affaires dans l'entrée avant de rejoindre tante Martine et mes deux amies, déjà attablées pour le petit-déjeuner.

— Lila ! s'exclame Savana en se levant pour me serrer dans ses bras.

Je serre les dents en entendant mon nouveau prénom. Je vais devoir m'y habituer.

Décidément, Savana est la plus câline de nous trois. Elle m'étreint tous les matins et me fais souvent des petits bisous. Je ne m'en plains pas, elle est adorable.

Stella se contente quant à elle de lever la tête et de me saluer :

— Salut Lili, bien dormi ?

— Plutôt bien merci, et toi ?

— Pas mal aussi.

— Prêtes pour cette rentrée ? nous interroge tante Martine, qui était jusqu'à présent occupée à préparer un jus d'orange.

— Il le faut, je me contente de répondre avant de me servir un bol de lait avec des céréales.

Nous mangeons notre petit déjeuner en silence puis chacune se prépare de son côté. Pour ma part, je me brosse les dents et coiffe mes cheveux avant de me débarbouiller le visage. J'applique des huiles essentielles que tante Martine nous a offert puis je vérifie et revérifie mon reflet dans le miroir.

— N'est-ce pas trop choquant mes yeux roses ici ? je demande à ma tante quand j'arrive dans le salon.

— Non, je ne pense pas que cela soit trop dérangeant. Ça peut arriver des fois que les yeux soient légèrement différents dû à des anomalies génétiques. Ne t'inquiète pas pour ça.

Je soupire de soulagement.

*

— C'est le bâtiment là-bas ? questionne Savana en sautillant sur place.

Mon amie n'a pas du tout l'air inquiète, au contraire de Stella qui serre les dents et tente de ne pas trahir comme moi son anxiété.

Comment fait-elle ? Nos familles sont brisées, notre monde est attaqué, nous avons une grosse responsabilité et Savana réussi à rester joyeuse.

— Oui ! lui répond ma tante avec enchantement.

— Il a l'air grand ! enchaîne notre amie.

En effet, le bâtiment que j'aperçois à une centaine de mètre est assez large. Je peux voir d'où je suis le préau derrière une immense grille en métal.

Nous continuons notre progression. Je marche juste à côté de Stella. Savana chantonne devant nous. Elle est vraiment aux anges. Je ne sais pas comment elle fait. Plus nous nous rapprochons du lycée et plus mon appréhension grandit. Sa bonne humeur est en accord parfait avec l'atmosphère : les rayons du soleil, les oiseaux qui gazouillent, les quelques passants joyeux qui promènent des animaux et nous saluent...

— Prêtes, les filles ? nous demande ma tante lorsque nous ne sommes plus qu'à deux mètres de l'entrée.

J'ai terriblement peur, mais j'imagine que je n'ai pas le choix ?


Merci de ta lecture ! N'oublie pas la petite étoile du vote si tu as aimé ainsi qu'un petit commentaire si tu le souhaites pour me faire part de tes impressions. 🌹🌹🌹










Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top