Chapitre dix-huit
Froid.
Chaleur.
Bien.
Mal.
Blanc.
Noir.
Compagnie disparue. Solitude présente. Isolement intense.
Je tourne en rond.
Je me noie.
Je vole.
Je suis coincée.
Tout n'est que brouillard autour de moi. Je ne sais pas. Je ne devine pas. Je ne sens presque plus. Je me sens légère comme un fantôme.
Ça recommence. Encore et encore. Et ce n'est pourtant que le début. Je le sens.
Je suis encore dans un de ces rêves où je rencontre une entité diabolique dans mon monde. Ne vais-je donc plus jamais être tranquille dans mon sommeil ? Et pourquoi ces rêves deviennent-ils plus incompréhensibles chaque nuit ?
Au moins, je suis à Sorcellia. Mon monde. Ma terre natale.
Je le sais désormais. Jaffe va débarquer d'une minute à l'autre pour tenter de négocier avec moi. Pour me faire du chantage. Pour tenter de m'amadouer. Comme d'habitude.
Je ne dois pas céder. Je dois attendre que le rêve prenne fin. J'ignore combien de temps cela dure à chaque fois, mais je dois lutter. Résister. Je perds tout repère, toute notion dans ces cauchemars qui surviennent à des rythmes irréguliers.
Je ne vois rien autour de moi, alors je reste immobile, à l'affût du moindre bruit. Pour l'instant, je n'entends rien d'autre que des légers craquements.
C'est trop calme. Jaffe va arriver d'une minute à l'autre et me faire terriblement peur.
Je remarque que ma robe d'habitude toute rose a pris des nuances plus foncées pour tirer vers le noir. Les bretelles sont entièrement noires avec des points roses. La fleur qui s'épanouit d'habitude sur mon épaule droite est refermée. On dirait qu'elle commence à faner.
Même mes habits tendent vers le mal maintenant.
C'est comme si je n'étais plus du côté du bien. Mais que je n'étais pas tout à fait du côté du mal.
Je ne suis donc ni le bien, ni le mal. Je suis entre les deux.
Que va-t-il se passer ? Je vais mourir avant même de pouvoir sauver mon monde.
En réalité, je doute qu'il me tue. Il est conscient que j'ai peut-être des pouvoirs de grande ampleur. Même si je doute d'être aussi puissante que lui un jour, peut-être qu'il va vraiment se servir de moi.
Terrifiée.
Je suis terrifiée.
Terrorisée.
Ma frayeur n'a plus de valeur tellement elle est élevée. Elle est à son paroxysme et n'est pas prête de redescendre de sitôt.
Lili-May...
Les chuchotements reprennent et font se hérisser les poils de mes bras.
Lili-May...
J'essaie de me calmer en me chantant une comptine et en berçant mon propre corps mais rien n'y fait, je suis totalement agitée. Impossible de calmer les tremblements.
Surtout que maintenant, je sais que ces chuchotements proviennent de la couronne de ma mère.
Je veux m'asseoir, mais je ne pourrais pas me défendre dans une telle position si Jaffe me jette un sort. Je dois rester debout et sur mes gardes. Même s'il ne m'a pas atteint physiquement la dernière fois, qui sait ce qu'il pourrait cette fois me faire.
J'effectue un tour complet sur moi-même dans l'espoir de voir une étincelle de lumière quelque part qui pourrait m'éclairer. Ou de voir une présence. Mais c'est comme ça dans tous les rêves, je suis seule du début à la fin.
— Lili-May ! Tu es au rendez-vous !
Évidemment que je suis au rendez-vous. J'ai besoin de dormir et je suis obligée d'être ici.
La voix rauque de Jaffe me fait sursauter alors que je m'étais pourtant préparée à sa soudaine apparition.
— Lili ! Quel bonheur de te revoir !
Je pense tout le contraire.
— On dirait que tu n'y arrives toujours pas avec ces fichus pouvoirs !
Je ne réponds pas. Je dois encore tenir quelques instants et tout disparaîtra pour ne rester que dans mon esprit.
Je dois aussi bloquer mes pensées. Ne rien laisser entrevoir de mes émotions.
Pour l'instant, Jaffe est invisible. Je n'entends que sa voix et je suis incapable de devenir où il se trouve. Cela rend la situation encore plus terrible.
— J'ai une surprise pour toi, Lili !
Parfois, j'ai l'impression qu'il est derrière moi et qu'il murmure à mon oreille. D'autres fois, il est plus loin. Mais toujours, j'entends ce qu'il me dit.
Il apparaît soudain dans mon champ de vision. Les faibles bougies qui viennent de s'allumer éclairent son visage et mettent en avant tout ce qu'il y a d'inhumain en lui : Ses yeux, ses cheveux noirs comme du charbon, son chapeau difforme, ses mains ridées, son long sceptre, son serpent aussi diabolique que lui...
Ce dernier vient s'enrouler autour de moi. Ma gorge est serrée au point que je ne peux plus hurler.
J'ai un animal venimeux autour de moi. Autour de mon bras. Je panique.
La tête du serpent vient faire face à la mienne. Ses yeux fixent mes propres iris, que je ne tarde pas à fermer.
—Je ne suggère pas de tomber amoureuse de cet humain, Lili. L'amour rend aveugle et faible. Et la faiblesse est un vilain défaut.
Pourquoi fait-il allusion à l'amour ? Je ne comprends pas.
Et puis, qui-est-il pour me donner des ordres ou des conseils ? Je ne sais toujours pas d'où il vient et quelle est la raison de ce déchaînement de violence.
— Lili, voyons, je parle de ce garçon ! Décidément, tu es nulle pour fermer ton esprit, j'arrive à tout lire ! Tu ne penses déjà plus qu'à lui alors que tu viens à peine de le rencontrer !
Je fronce les sourcils et essaie de m'éloigner. Il lit dans mon esprit. C'est dangereux.
Je commence à courir. Plus vite à chaque seconde. Mais très vite, le serpent me fait tomber et je m'écorche un genou.
— Lili, voyons ! Je ne te ferais pas de mal !
— Oui bien sûr ! Vous avez déjà tué pas mal de gens et emprisonné ma famille !
— Mais ta famille va bien, Lili ! Il faut juste que tu me rejoigne et tout ira bien !
Je ne le rejoindrais pas. Je ne me rangerai jamais du côté du mal.
— Mais tu devrais ! Tu es Lili-May, destinée à un grand destin ! Tu pourrais régner sur le monde entier avec moi !
On tourne en rond.
— Non ! Jamais de ma vie je ne ferai quelque chose avec vous ! Vous êtes ignoble, cruel, horrible, il n'y a pas de mots pour vous décrire ! Vous avez assassiné des gens qui ne demandaient qu'à exister !
Il reste de marbre pendant que je déchaîne toute ma violence sur lui. Je veux le frapper, mais il retient mon attaque et m'attrape le poignet pour ne plus le lâcher. Je me débats mais il est plus fort.
— Tu ne pourras jamais me battre, Lili. Je suis mille fois plus puissant que toi et tes petites copines. Renonce et rejoins moi, et je te promets que tout ira bien. Je te promets même de libérer ta sœur.
— NON ! je hurle avant de tomber.
— Tu le regretteras Lili. Je détiens ta famille et ta sœur, même près de toi, reste prisonnière de moi.
Sa voix se répercute en échos autour de moi pendant que je chute dans un vide profond et sans fin et que tout fait sens dans ma tête.
La dernière chose que je vois avant que les ténèbres m'engloutissent, c'est la couleur de ma robe. Elle est de plus en plus foncée. Bientôt, elle deviendra noire.
Et je passerai du côté du mal.
Je hurle
J'ai l'impression de voler. Haut dans le ciel. Ou peut-être suis-je en train de nager dans les ténèbres d'une mer profonde et agitée.
Pourtant, il y a une étincelle au loin.
Je vole, guidée par l'apesanteur.
Je nage. Le courant m'entraîne.
Je ne peux que sentir.
Je vole.
Je m'écrase.
Je nage.
Je me noie.
Je vole.
Terre. Terre. Terre. Terre. Terre. Terre. Terre.
- Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-May Lili-Mayyyyy...
L
I
L
I
May....
Je suis de retour sur Terre.
J'émerge du sommeil.
Et j'hurle encore, à en faire vibrer toutes les fenêtres et les surfaces vitrées de cette maison.
Si ma robe devient toute noire, Jaffe aura gagné.
Je ne peux pas fermer mon esprit à ce type.
Et...
... Daisy est enfermée dans la couronne de ma mère.
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