Chapitre 240

On était vraiment émues de revenir ici, à Séoul. Heureusement, comme nous parlions toujours régulièrement coréen entre nous (là c'était plus par habitude que pour s'exercer) et que pour ma part, j'écrivais des chansons (et des tweets) en coréen, nous savions donc que nous n'aurions aucun mal à nous exprimer, d'autant plus qu'on s'était quand même améliorées entre temps.

Mais en fait, en descendant de l'avion, on s'est limite faites agresser par des gens à l'aéroport : d'un côté, il y avait des fans de Kpop (j'avoue, j'ai été stupide d'annoncer mon voyage sur Twitter, j'avais simplement pas réfléchi sous le coup de l'enthousiasme) et de l'autres, quelques représentants de sociétés intéressées pour des partenariat, que ça soit des producteurs pour de la musique, ou bien même des sociétés qui voudraient me faire faire des shootings pour pouvoir ensuite avoir le monopole sur des photocards.

Oui je leur ai demandé ce qu'ils me voulaient, c'est pour ça que je j'ai su ça, mais faut me comprendre, je me sentais agressée et j'avais l'impression que c'était le seul moyen pour qu'ensuite je puisse leur servir un beau « non » et les faire partir.

Le problème, c'est que si les commerciaux ont vite lâchés l'affaire, voyant qu'en un an mon avis n'avait pas changé, les fans, eux, se montraient plus pressants, il y en a même une qui a posé sa main sur mon épaule, ça m'a fait flipper quand je me suis retournée et que j'ai constaté que non, ce n'était pas ma petite sœur. D'ailleurs, elle aussi se faisait presque harceler, et je pense qu'à ce moment-là, on avait la très désagréable impression d'être prise pour rien de plus qu'un vêtement dans un magasin le jour des soldes. On se sentait oppressées, d'autant plus qu'il n'y avait pas de sécurité, du moins l'aéroport ne comptait pas assez d'agents pour nous venir réellement en aide, ils n'avaient pas prévu qu'Aly et moi intéresserions autant de monde.

C'est pour ça que quand j'ai entendu cette voix familière qui m'appelait, j'ai immédiatement tourné la tête en sa direction dans l'espoir qu'elle me sorte de ce bordel.

Dès qu'Aly l'a vue, un immense sourire s'est formé sur ses lèvres, sûrement aussi immense que le mien. Nous avons foncé dans sa direction en essayant de calmer les fans sans pour autant les vexer, et immédiatement nous sommes montées dans la voiture qui nous attendait.

« Samna qu'est-ce que tu fous là ! ai-je demandé lorsqu'elle est montée à son tour dans le véhicule dont elle nous tenait la portière.

- Je vous sauve, c'est pas évident peut-être ? » avait-elle ri.

Et nous avons discuté, lui demandant en premier lieu pourquoi elle était là, attendant cette fois-ci une réponse sérieuse de sa part, mais elle a refusé de nous dire quoi que ce fût, nous demandant où on pourrait parler tranquillement, alors nous lui avons indiqué l'adresse de l'immeuble dans lequel nous avions notre appartement. Elle nous a donné des nouvelles de Minho pendant le trajet : le petit garçon est devenu un de nos fans, et même s'il ne se souvient plus vraiment de nous avoir vues, il continue de nous écouter, se vantant auprès de ses amis de nous avoir rencontrées.

Et c'est de cette façon que, quelques minutes plus tard, nous sommes arrivées à l'immeuble au concierge duquel nous avons demandé les clés, présentant les documents que nous avions avec nous. L'homme, d'âge moyen, l'ai plutôt jovial, nous a alors indiqué l'étage avant de nous donner les clés et de nous informer que tous les loyers lui avaient été remis en avance pour jusqu'au mois de juin prochain.

Ma tante avait vraiment tout prévu.

Quand nous sommes arrivés dans notre nouvel appartement, Aly et moi avons cru halluciner : c'était petit, certes, mais si bien conçu qu'il semblait y avoir bien plus de place que ce que nous imaginions en entendant les mots « vingt mètres carrés ». Nous nous sommes donc contentées de poser nos valises près des lits superposés (eh oui, comme quand nous étions petites) et nous avons proposé à notre ancienne professeure de fêter avec nous notre emménagement dans ce studio meublé, proposition qu'elle a accepté sans hésitation, nous félicitant pour notre retour ici.

Les verres servis et les gâteaux sortis (bah oui, pas d'emménagement sans gâteaux, on avait tout prévu nous), on a commencé à manger quand Samna s'est rappelé qu'elle n'était pas là pour bouffer du gâteau.

« En fait, a-t-elle expliqué, c'est la BigHit qui m'envoie, le PDG a eu vent de ton retour en Corée et il n'a pas lâché l'affaire, il veut que tu fasses partie de ses artistes. Il savait que vous m'écouteriez, alors il m'a demandé de vous convaincre de rejoindre l'agence.

- Je suis désolée alors, soupiré-je le cœur lourd, je l'ai déjà dit : je ne stopperai pas mes cours pour une carrière aussi éphémère qu'un papillon.

- C'est presque exactement ce que je lui ai dit, mais moi j'ai utilisé les mots « aussi éphémère que la vie d'un escargot sur une autoroute ». Je ne voulais pas te proposer quelque chose que de toute façon tu refuserais, je te connais assez bien Charlie.

- Alors... ?

- Alors ils m'ont demandé ce qu'il faudrait changer pour que, selon moi, tu acceptes.

- Et tu as changé quoi ?

- La paie sera bien moindre, mais je sais que tu ne fais pas ça pour l'argent, et puis si tu vends pas mal de disques, tu pourras quand même te faire un paquet. Ce qui importe le plus pour toi, je pense, c'est que la BigHit a enfin pris en compte que tu étais occidentale, ils ont compris comment tu vivais et comment tu voulais vivre, alors on a trouvé un accord : quinze heures de danse par semaine, pas de pression pour la date de sortie de l'album, et pour ce qui est des tournées, elles te laisseraient toujours le temps de travailler tes cours à côté. Bien sûr, en tant que coéquipière, Aly bénéficie elle aussi d'une proposition de contrat pour t'accompagner et continuer de t'aider à composer.

« L'idée, c'est que vous seriez payées selon le nombre d'albums vendus et de tournées faites : pas de paie au mois, comme ça pas d'obligation, vous allez à votre rythme. En fait, vous restez très libres, Charlie il te faudra simplement travailler tes chorées avec le plus de sérieux possible pour les apprendre vite, mais bien sûr, si tu as du temps de libre, tu es invitée à aller répéter dans les salles qui te sont toujours ouvertes à la BigHit. Vous obtiendriez tout le matériel nécessaire pour créer vos chansons, les chorées seraient plus simples mais tout aussi sympas, et de toute façon, je pense que c'est cette légèreté qui plaît le plus chez toi. Ta voix est très particulière, elle fait à elle seule de toi une artiste, et Aly sait ce qui plaît aux gens de son âge, vous formez un bon duo. C'est pour ça que la BigHit ne demande pas à ce que vous fassiez partie intégrante de l'agence, mais plutôt à ce que vous acceptiez son aide de temps en temps : une salle de danse, un studio son, et surtout, l'avantage d'avoir une agence pour la communication.

« L'agence a pour but l'argent avant tout et en ce moment, l'argent, c'est vous. Vous êtes à vous deux la poule aux œufs d'or, beaucoup vous veulent, mais la BigHit sait ce que vous, vous voulez et ce que vous êtes susceptibles d'accepter. C'est un vrai effort que le PDG a fait, à vous de voir si ça vous convient. »

Avec Aly, nous avons hésité et nous avons demandé à voir le contrat que Samna avait avec elle. Je suis vraiment heureuse qu'elle ait fait ça pour nous, mais je n'étais pas tout à fait convaincue, j'étais méfiante, je savais bien qu'ils pouvaient me faire des coups bien pourris. Et je n'ai pas été étonnée quand Samna a précisé qu'il nous serait impossible de voir les BTS.

La soirée s'est terminée quand Samna est partie, nous demandant de la contacter sur son portable quand on aurait décidé quoi faire.

C'est ainsi que trois jours plus tard, après avoir relu maintes fois le contrat, j'avais accepté, et Aly aussi. On était vraiment heureuses de pouvoir se lancer dans la chanson sans contraintes, d'autant plus qu'il était précisé que ma chorégraphe serait Jiana, autant dire que je savais que ça allait être très particulier. De plus, au contraire des BTS, dont le chorégraphe n'est là que quand il faut créer une nouvelle danse en vitesse à cause d'un album qui arrive bien trop vite, Jiana serait là à tous mes entraînements et chaque fois que j'en aurais besoin.

Nous avons aussi profité avec Aly du fait que les vacances n'étaient pas encore finies pour aller nous balader dans Séoul, et nous avons redécouvert la ville... de même que la ville nous a redécouvertes : dès qu'on est entrées dans un magasin d'albums et articles de Kpop, un bon quart des clients se sont mis à me dévisager, et rapidement on est venu me demander si j'étais bien Charlie. J'avais beau avoir toujours le même style, les mêmes cheveux platine, on me demandait quand même.

Alors ça a viré à la séance d'autographes, et le magasin m'a demandé si je pouvais repasser la semaine suivante pour une vraie séance de dédicaces en échange de quelques albums gratuits. Oh bah j'ai dit oui. Ma sœur et moi l'avons annoncé sur notre Twitter, le magasin en a fait de même, et comme Aly est venue avec moi la semaine suivante, elle a finalement elle aussi été invitée à se plier à l'exercice.

On est reparties avec toutes les versions de bon nombre d'albums des BTS pour moi, les derniers de EXO pour Aly, et on a aussi pris deux de StrayKids, MonstaX et Blackpink ; tout ça pour un après-midi à signer des autographes et me faire complimenter par des fans. J'étais aux anges.

Dès le contrat reçu par la BigHit, on m'a demandé de faire un remix de Dreaming et Songwriter à mettre sur mon premier album, et on m'a bien fait comprendre que s'il pouvait sortir avant novembre, ça serait bien. Par chance, il me restait plus d'une semaine de vacances, j'avais Aly à mes côtés, et bien qu'on nous ait proposé l'aide de paroliers et compositeurs de l'agence, nous avons assuré que nous nous débrouillerions seules, de toute façon, en nous fournissant simplement un studio et en engageant un manager, l'agence n'engageait presque pas d'argent pour l'instant.

C'est fin septembre que j'avais terminé d'écrire mes chansons, j'étais en vérité assez inspirée et de son côté, Aly avait suivi pendant deux semaines une formation rapide pour maîtriser toutes les interfaces d'un logiciel plus performant que le sien. Ainsi, lorsque nous avons eu finalisé les douze chansons (en plus des deux remix faits par Aly qui s'est littéralement déchaînée), notre manager – un type d'une trentaine d'années, assez stricte et qui passait son temps à surveiller qu'on ne massacre pas nos compositions – a fait passer la version d'essai au PDG qui voulait s'assurer qu'à lui, ça lui plaisait.

Visiblement, il a eu les mêmes goûts que notre manager (qui nous a fait chié pendant au moins deux semaines pour l'une de nos chansons avant de la trouver bien, mais ça c'est un détail).

Alors immédiatement, Jiana et moi nous nous sommes attelées aux chorégraphies, et en plus des quinze heures par semaine, soit deux heures par jour (et trois le dimanche), je passais répéter avec elle dès que j'avais un temps libre. Elle faisait un boulot exceptionnel : les chorégraphies étaient faciles à apprendre mais magnifiques quand même. En plus on se marrait bien, du moins quand mon manager n'était pas dans les parages pour me demander de bosser plutôt que de flemmarder.

C'est d'ailleurs Jiana qui a commencé à faire passer mes lettres aux BTS, de cette façon nous n'embêtions plus Lisa (avec qui j'ai cependant continué de parler régulièrement). Chaque fois que j'arrivais à la BigHit, on faisait attention à ce que les BTS, pourtant à Séoul eux aussi, ne me croisent pas dans l'immeuble, au détour d'un couloir. Nos managers étaient en contact constant pour s'assurer qu'on ne se voie pas, c'est dire s'ils ont poussé loin la chose, mais le contrat précisait bien que sans autorisation de l'agence nous n'avons pas le droit de nous voir. De toute façon ça ne me dérangeait plus, après tout ça faisait déjà plus d'un an que je ne les avais pas vu, je n'étais plus vraiment à ça près.

Nous avons réalisé un clip pour le remix de Songwriter et dès la sortie de l'album et du clip sur YouTube, j'ai enchaîné les interviews et les promotions. L'album, je ne savais pas vraiment comment l'appeler, c'est Aly qui a brillamment trouvé le titre : A. C'est mon tout premier album, alors autant faire dans le simple, et puis elle trouvait que ça montrait bien que j'avais tourné la page et tiré un trait sur l'année précédente, alors que je n'étais que chœur parmi les BTS. Je n'aurais pas pu trouver mieux, et puis il y a clairement un message que seules Aly et moi pouvons comprendre derrière ça, et je me demande si les garçons l'ont compris, eux. Après tout, ça leur rend hommage d'une certaine manière...

Mon premier album s'est bien vendu, bien mieux que je l'espérais, mais un peu moins que ce qu'imaginait l'agence. Par chance, ils dépensaient si peu pour nous – car Aly et moi, comme nous l'avions prévu en quittant la France, vivions dans notre appartement, avec nos propres moyens pour nous nourrir – que finalement, ça a été plus rentable que prévu, et une demi-douzaine de concerts ont été programmés à partir de la mi-novembre jusqu'à début décembre, pour que je puisse toujours suivre les cours.

Par chance, à l'université, on me laissait tranquille, les gens qui m'entouraient étaient assez matures pour ne pas venir m'ennuyer (même si les premiers jours, j'ai eu droit à quelques remarques). De toute façon, j'étais en quatrième année, équivalent du master, alors les cours étaient de moins en moins nombreux, c'était un travail personnel qu'on attendait de nous. Les personnes autour de moi travaillaient en tant que professeur lors de leur temps libre, mais moi, c'était mieux, j'étais une idole.

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