Chapitre 237
Vendredi 29 novembre 2019.
Depuis le jour des adieux entre les BTS et moi, il s'est passé plus d'un an et quatre mois, plus d'une année pendant laquelle je ne les ai pas revus une seule fois. Toute une année qui a été particulièrement chargée pour ma petite sœur et moi – oui, aussi bien pour elle que pour moi.
J'ai du mal à me rendre compte de tout ce que j'ai vécu depuis mon retour en France, simplement parce que j'imaginais reprendre ma vie d'étudiante tranquille, et puis c'est tout, sans plus.
J'ai mal imaginé.
En fait, dès mon arrivée à l'aéroport, je m'en suis rendue compte. Par chance, j'avais eu le temps de sécher mes larmes, aidée par Aly qui m'a apporté un immense soutien dans le taxi, m'offrant les plus adorables des étreintes pour me montrer sans me le dire qu'elle, elle serait toujours là et que je n'avais pas à être triste. Or, une fois à l'aéroport, je me suis retrouvée scrutée par bon nombre de personnes, et heureusement que le chauffeur avait prévenu Aly qu'il valait mieux pas qu'elle ne reste auprès de moi, parce que sinon beaucoup trop de personnes se seraient posé des questions.
Nous avons donc dû prendre l'avion séparément, de toute façon nos sièges étaient placés presque à l'opposé l'un de l'autre, alors nous avons bien dû faire avec (je suis sûre que le manager a fait exprès de nous prendre des places super éloignées l'une de l'autre...). De toute façon j'étais crevée, j'ai dormi tout le long du trajet... oui, les onze heures de trajet.
Nous sommes arrivées en France dans la matinée et là encore, grosse surprise : il y avait un nombre étonnant de journalistes qui m'attendaient pour me demander quelques mots, une interview, n'importe quoi, il y en a même un qui m'a demandé si j'allais bien. Le manager des BTS m'avait refusé toute interview, et maintenant que j'étais libre, les journalistes venaient m'assaillir directement sans passer par l'agence. Je crois que l'histoire de l'inconnue propulsée sur le devant de la scène auprès des plus grands intéressait beaucoup les médias.
De loin, je pouvais voir Aly me regarder avec un sourire amusé, mais en vrai je crois qu'elle se foutait de ma gueule. Je n'étais pas très bien, je voulais juste dormir un peu plus longtemps et j'étais encore triste au sujet de ma séparation avec le groupe, le mois qui venait de s'écouler avait été d'une intensité inouïe pour moi et j'avais toujours beaucoup de mal à admettre que j'avais définitivement tiré un trait là-dessus.
Ainsi, je me suis contentée de répondre à quelques questions, notamment le « ça va ? ». J'avais trop l'impression qu'on me prenait pour une star, j'avais un peu de mal à comprendre car moi-même je ne me considérais pas de cette façon. Je leur ai ensuite rapidement expliqué que j'étais fatiguée et que je n'arrivais pas à me concentrer sur ce qu'ils me demandaient, et j'ai été étonnée de constater à quel point ils se sont montrés compatissants. La plupart ont simplement acquiescé, d'autres avaient l'air plus réticents mais m'ont lâché la grappe après quelques photos de plus.
Pas maquillée, au réveil et à l'aéroport... bah putain ces clichés me mettaient bien moins en valeur que ceux du photoshoot.
Nos parents sont venus nous chercher à l'aéroport avec notre tante et Aly a dû monter dans la voiture un peu plus loin pour que les journalistes restants ne se doutent de rien.
Par la suite, après le gros apéro et la fête pour célébrer notre retour, une fois qu'Aly et moi nous sommes retrouvées seules dans ma chambre, toutes les deux assises sur mon lit, on s'est regardées et on restées silencieuses jusqu'à temps qu'Aly sorte son portable et me le tende. C'était toutes nos photos.
Elle est demeurée muette, mais moi j'ai pleuré. En plus, au bout de quelques photos, celle qui s'est affichée, c'était celle que Suga avait envoyé à tout le monde le matin où il nous avait pris, V et moi, à dormir ensemble dans la salle de danse.
« Tu veux me faire souffrir, c'est ça ? ai-je demandé en riant en même temps qu'une larme m'échappait.
- Je veux surtout que tu fasses ce que tu me conseilles : regarde cette photo, souviens-toi de ce moment et... »
Sa voix a vrillé, elle s'est reprise le plus rapidement possible pour ne pas laisser transparaître ses émotions.
« Et je veux que tu souris en voyant cette photo, parce que tu penseras au moment génial que c'était, pas au fait qu'il n'est plus là. »
J'ai alors dû promettre que je retrouverais le sourire en moins d'une semaine, elle m'y a obligée et je voulais aussi rester optimiste, alors j'ai acquiescé en souriant.
Trois jours plus tard, à six heures du matin, je suis entrée en trombe dans sa chambre alors qu'elle dormait encore. La porte qui grinçait (et surtout mon entrée précipitée) l'a réveillée et quand elle m'a demandé ce que j'avais, c'était avec un grand sourire que j'ai pu lui dire :
« Aly, je suis trop contente de tout ce qu'on a vécu ! »
Je me souviens que ce matin-là, elle s'est levée brutalement et est venue se jeter dans mes bras avec son plus beau sourire, et le bonheur que nous venions de retrouver nous a tiré quelques larmes. C'était une véritable renaissance pour moi qui avais passé les jours précédents à visionner nos photos et à vivre dans le passé. Je savais que tôt ou tard, à force de me retrouver confrontée à ces images, je finirais par les voir d'une autre manière, et à présent c'était le cas. Le seize juillet, trois jours après mon arrivée en France, j'étais heureuse de nouveau, et c'était tout ce qui importait pour moi. J'avais toujours mal en repensant aux bons moments passés avec les garçons, mais je me réjouissais d'avoir pu vivre tout ça, alors je souriais quand même. Dès le jour de notre départ, nous savions que notre priorité, c'était d'être bien dans notre peau, et ça a été réussi.
De plus, ma tante m'a officiellement offert sa guitare (elle avait mis un petit ruban dessus) le jour de notre retour pendant la petite fête organisée pour nous, et jouer m'a aidé à me sentir mieux plus rapidement.
C'était à la fin de la première semaine qu'Aly a eu ce qu'elle a appelé une « idée de génie » : je passais le plus clair de mon temps à jouer de la guitare et à chanter dans ma chambre, parfois avec elle à mes côtés, ça m'aidait à ne pas être triste et à conserver mon sourire, et ma petite sœur a trouvé que ça serait une bonne idée que je me lance dans les covers. Je venais de chanter ma troisième chanson, alors ça lui avait donné cette idée.
Je sais pas pourquoi j'ai dit oui.
Et les jours qui ont suivi, j'en ai profité pour m'acheter un micro de qualité qui m'a coûté une blinde, heureusement que j'avais reçu mon salaire pour le mois passé avec les garçons... Au moins, j'avais un son de super qualité quand je m'enregistrais, bien meilleur qu'avec ma caméra. Puis un à un, j'ai posté sur YouTube les covers de mes trois chansons, donnant le lien sur mon compte Twitter. Je pensais que quitter les BTS me ferait perdre des abonnés, mais non, je venais même de dépasser un million cent mille, c'était fou. Les gens aimaient ce que je faisais, alors pendant un mois, Aly m'a conseillé des chansons à reprendre, toujours des chansons de Kpop mais de bien d'autres groupes que les BTS dont j'ai néanmoins fait la reprise de Blood Sweat and Tears, ainsi que Butterfly. C'est d'ailleurs ce dernier cover qui a le mieux marché, probablement parce qu'Aly, qui gérait le montage (car les logiciels de dessin qu'elle a toujours eu sur son ordi l'avaient poussée à s'intéresser à toutes sortes de montages y compris vidéo), a vraiment fait un boulot exceptionnel pour cette chanson. C'était vraiment génial.
Puis peu à peu j'ai commencé à trouver moi-même des chansons qui me plaisaient et que je voudrais reprendre, j'ai commencé à écouter un peu de tous les groupes, mais il n'y en avait qu'un que je voulais écouter, encore et encore.
Les BTS sont partis de Séoul environ trois heures après nous, en jet privé, pour leur tournée mondiale. Je ne recevais jamais aucun message des membres, au bout de deux semaines, quand je me suis rendu compte qu'ils n'avaient même pas envoyé un seul petit mot, ça m'a fait mal, et même si ma sœur le cachait, je savais que ça lui faisait mal aussi. Néanmoins, quelle que soit l'émission dans laquelle ils allaient, ils avaient toujours sur eux le bracelet que je leur avais offert, alors je savais qu'ils pensaient à moi. En concert, ils ne le portaient pas, simplement, je pense, parce qu'il y avait des risques de les perdre (après tout il s'agissait de bracelets en C, donc sans attache).
Aly et moi avons précommandé l'album dans lequel se trouvait mes trois chansons, et environ trois semaines après mon retour chez moi, ma sœur et moi avions cet album entre les mains, avec en cadeau un poster : la photo des garçons et moi, allongés sur le sol en formant un cercles qui avait pour centre nos têtes (bah oui, on a pris la version dans laquelle j'apparaissais).
Et c'est après trois semaines que j'ai reçu un mail, le jour même où je recevais l'album des BTS et moi, or ce n'était pas un message de Taehyung, ni même d'un des membres du groupe, c'était un message de Lisa, avec qui je n'avais pas cessé de correspondre via Twitter (même si nos échanges restaient très espacés) et à qui j'avais finalement donné mon adresse mail quelques jours auparavant :
« Coucou Charlie ! J'espère que tu vas bien et que tu n'es pas trop fatiguée ! Pour ma part, j'ai reçu un SMS de Jungkook, il me demandait de te dire que le groupe aimerait bien communiquer avec toi mais que le manager s'y oppose fermement. V a essayé de t'envoyer une lettre il y a deux semaines, mais il suspecte que le manager, à qui il l'avait confiée, l'ait jetée plutôt que de la poster. Je trouve ça mignon de leur part de penser si souvent à vous. »
Alors je lui ai répondu pour la remercier de faire passer le message, et je lui ai demandé des nouvelles des garçons et d'elle-même et de son groupe.
Ce n'est qu'une semaine après que la pauvre, très certainement aussi surmenée que d'habitude, m'avait répondue :
« Salut Charlie. Nous ça va, on s'en sort. Jennie prépare une chanson solo, on travaille aussi à une collaboration, alors on espère que ça va bien se passer. Il y a deux jours, j'ai reçu un mail de V : il n'arrive pas à trouver une minute pour aller poster la nouvelle lettre qu'il vient de t'écrire, je crois que ça le fait vraiment déprimer, en plus il m'a dit que tous les garçons avaient mis un petit mot avec. Je ne sais pas si j'ai bien fait, mais je lui ai demandé de me passer la lettre puisqu'il l'avait scannée avec l'espoir vain pouvoir te l'envoyer par mail (mais je crois que c'est encore leur manager qui s'y oppose, il n'a pas ton adresse du coup), et après l'avoir imprimée, je l'ai faite partir au courrier (je trouve que ça fait plus authentique). Je ne sais pas quand elle t'arrivera. Euh... par contre je voudrais pas être trop curieuse mais... il y a quelque chose entre V et toi ? Il a l'air super attaché à toi (tu peux tout me dire, je sais tenir ma langue ;P). »
J'ai bien dû la remercier d'au moins sept ou huit façons différentes en lisant son message, et je lui faisais confiance, alors je lui ai dit que de mon côté, j'étais tombée amoureuse de V car nous étions de très bons amis, mais que si elle voulait les sentiments de V, c'était à elle de lui demander, car il ne s'est rien passé entre nous.
La lettre de V est arrivée exactement douze jours plus tard, et je dois dire que j'appréhendais ce que j'y trouverais, d'autant plus que l'enveloppe était loin d'être légère : quand est-ce que Tae et les garçons avaient trouvé le temps de nous écrire autant ?
J'ai donc appelé Aly qui se trouvait dans sa chambre en train d'imprimer unes à unes toutes les photos de notre séjour (oui je lui ai délégué la tâche comme elle est plus douée que moi en scrap booking) et dès que je lui ai montré l'enveloppe, elle a ouvert de grands yeux.
On n'avait jamais ouvert une enveloppe aussi vite, et je crois que même devant l'interface du site pour les notes du bac je flippais moins qu'en sortant les quelques feuilles noircies de caractères coréens tout à fait lisibles en dépit du fait qu'ils ont été scannés.
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