Chapitre 236
Les paupières closes, mon visage contre son cou, je n'ose pas relever la tête pour voir sa réaction, mais quand son étreinte se resserre, je comprends que si ce n'est pas partagé, au moins il accepte mes sentiments sans me rejeter.
« Merde moi aussi, soupire-t-il au creux de mon oreille. On aurait peut-être dû en parler avant non ? »
Son ton tristement enjoué me fait de nouveau sourire, et brusquement mon cœur bondit dans ma poitrine quand je comprends ce qu'il vient de me dire. Oh non, c'est réciproque ? Alors ce garçon complètement stupide et adorable avait lui aussi des sentiments qu'il dissimulait (enfin non, c'était tellement évident qu'on s'aimait...) ? Est-ce que je suis heureuse ou bien encore plus triste ? Les deux probablement, mais quoi qu'il en soit, je me resserre un peu plus contre lui, serrant son t-shirt trop ample entre mes poings. Je suis complètement perdue.
J'entends quelqu'un se racler la gorge derrière nous et quand je me retourne, je vois les six autres garçons nous dévisager.
« Tu vois Tae, dit Jimin avec un sourire peiné, je t'avais dit que ça avait vraiment l'air d'être réciproque.
- Je suis désolé Charlie, s'excuse Taehyung, je voulais t'en parler mais... j'avais peur, et tu allais repartir tôt ou tard alors...
- Tais-toi... »
Je souffle ça contre son cou et immédiatement des frissons y fleurissent. Je ne veux pas qu'on parle de ça, ça me fait déjà assez mal comme ça sans qu'on enfonce le couteau dans la plaie. Quand de nouveau mes yeux viennent se perdre dans les siens, il esquisse un mouvement vers l'avant et je tourne légèrement la tête, si bien qu'il dépose de justesse un baiser sur le coin de mes lèvres.
« On ne peux pas, murmuré-je. J'ai promis que je ne ferais rien...
- Mais concrètement ton contrat est achevé, » dit Namjoon.
Et si je me souviens bien, je lui avais promis qu'il ne se passerait jamais rien avec l'un d'eux tant qu'on travaillerait ensemble. Ce qui veut dire que...
« Charlie je t'aime, » déclare V d'une voix profonde en entourant mon menton de son indexe et de son pouce avec infiniment de douceur, plantant son regard tendre dans le mien.
Ouah... c'est tellement beau, je n'avais jamais imaginé que ces quelques mots dits avec sa voix magnifique me feraient un tel effet. Ce ne sont plus de simples bonds que mon cœur fait dans ma poitrine, il essaie de s'en échapper à ce point-là : il cogne comme jamais et je me sens complètement désemparée, pourtant c'est une sensation délicieuse.
Taehyung approche son visage du mien ; je devine immédiatement son intention alors que nos visages s'attirent déjà l'un vers l'autre, ses yeux se fermant aussi doucement que les miens tandis que mon cœur s'emballe totalement et que toute trace de raison déserte mon corps, mes sentiments prenant le dessus dans l'attente de ce moment... Il se passe mille choses dans ma tête mais je ne peux pas en expliquer une seule. Tout mon être attend cet instant depuis des jours, tout mon corps réclame sa présence, le temps est figé et pourtant tout se passe bien trop vite.
Tu ne le reverras jamais Charlie, jamais...
Brusquement, c'est cette triste réalité qui me revient à l'esprit et je baisse la tête juste à temps pour que son baiser échoue sur mon front. Il semble étonné et me regarde sans comprendre.
Je ne peux pas... je ne peux pas donner mon premier baiser à un garçon en sachant qu'il faudra que j'oublie ensuite les sentiments que j'ai pour lui. Aly est assez forte, moi non. Si je devais le lui donner, je sais que la séparation ensuite serait impossible à supporter et étant donné que je n'ai pas encore été prise d'intenses sanglots, mieux vaut ne pas ajouter ça à tout le reste.
« Je suis désolée, ça sera mille fois plus douloureux pour moi... si on se sépare de cette façon. »
Il acquiesce, et parce que je lui ai refusé mes lèvres et que je l'étreins toujours, il me laisse une traînée de baisers qui part de mon front, longe ma joue, descend à ma mâchoire et termine sur mon cou et mon épaule droite. Qu'est-ce que j'ai envie de rester dans ses bras, contre lui, et de l'embrasser... Mais je m'y refuse, et il me faut toute la volonté du monde pour m'écarter doucement de lui en lui adressant un simple signe de la main en guise d'adieux, après quoi, dans l'obscurité de la nuit, je leur tourne le dos pour rejoindre le taxi qui m'attend un peu plus loin sous les pleurs de la pluie qui viennent se mêler aux miens. Ça ne peut pas se terminer comme ça putain ! Fais comme les héroïnes de romans, Charlie, retourne-toi et fonce l'embrasser avec toute la passion que tu ressens pour lui ! Arrête-toi, réagis, ne t'en va pas ! Arrête de pleurer et bouge, merde !
Mais à la place j'ouvre la portière et me glisse dans la voiture, adressant un ultime signe de la main à ceux qui ont rythmé mon quotidien pendant un mois. En la refermant, cette fois-ci, j'éclate en sanglots et tire de ma poche un mouchoir pour m'en débarrasser le plus vite possible, je ne veux pas me vider de toutes mes larmes, j'essaie de leur sourire, mais j'ai l'impression que ce n'est pas gagné, loin de là, mon sourire crispé ne laisse aucun doute quant à mes émotions. Il est tard, je suis morte de fatigue, je n'arrive plus à être forte.
Le taxi démarre tandis que je sèche mes larmes et adresse un sourire qui se veut le plus joyeux possible aux sept garçons, à travers la vitre. Je veux qu'ils retiennent de moi ce visage heureux et épanoui, ce visage qu'ils m'ont permis d'avoir, ce bonheur qu'ils m'ont offert. Et pourtant, mon cœur n'a jamais été aussi lourd qu'à présent, comme s'il se froissait et que peu à peu, il se déchirait, encore et encore, à l'infini, sans plus pouvoir s'arrêter.
Alors que nous nous éloignons, Aly et moi continuons d'adresser des signes aux garçons à travers la vitre arrière de la voiture jusqu'à ce qu'on tourne à l'angle de la rue. Ils disparaissent de ma vie aussi vite qu'ils y sont entrés, ça me tue.
« Mon dessin, murmure Aly avec un sourire déjà nostalgique, je leur ai laissé mon dessin de nous tous, ils ont l'original : hier après-midi, pendant vous étiez à la radio, je l'ai photocopié pour en garder une copie, puis je l'ai fait encadrer. Tu ne l'as peut-être pas vu en sortant de ta douche tout à l'heure, mais je l'ai posé au pied du lit de Jungkook.
- Non, je ne l'ai pas vu.
- J'ai la photocopie dans ma valise, je te la montrerai à la maison. »
J'acquiesce faiblement, je suis crevée, il est tard, je n'arrive pas à cacher ou stopper ma peine, je voudrais me montrer aussi forte qu'elle qui ne pleure presque plus et qui sourit.
J'ai l'impression d'avoir fait aux garçons des adieux pourris, de ne pas leur avoir dit tout ce que je voulais, et déjà qu'avec Samna ça m'avait fait mal, mais alors avec eux, c'est vraiment bien trop douloureux.
Ma poitrine se met alors brutalement à me faire atrocement mal et à se soulever d'une façon hachée. Je sens mon visage se déformer sous la peine que j'essaie de cacher derrière un sourire qui ne tromperait personne. L'énorme poids qui s'est formé dans ma gorge tout au long de la journée m'échappe soudainement quand je me mets à pleurer sans pouvoir me retenir. J'ai l'impression qu'on me demande, en cinq minutes, là, d'oublier tout un mois de ma vie, mais pas n'importe lequel : le mois le plus incroyable. Je sens les premières larmes ruisseler jusqu'à mon menton avant de venir s'échouer lamentablement sur mes jambes. Je me fais pitié, je suis vraiment trop sensible, c'est absolument ridicule, je ne devrais pas réagir de cette façon, c'est bien trop exagéré... enfin, non pas vraiment, j'abandonne quand même tous mes rêves, mes amis, mes sentiments.
C'est brutal, ça doit être ça que je supporte si mal : tout part d'un coup, et même si je le savais depuis le début, j'avais beau m'y être préparée, je ne m'étais pas préparée à aimer autant ce groupe, et encore moins à tomber amoureuse de V.
L'état d'Aly n'est pas mieux : elle ne peut pas cacher, elle non plus, sa peine, et si je peux entendre ses sanglots, je sens cependant que cette fois-ci, c'est elle qui revêt mon rôle. Elle reste forte alors que moi, je n'arrive pas à l'être. Je tourne mon visage vers la vitre et mon regard se perd dans le ciel nocturne. Mes larmes coulent au rythme de la pluie qui s'abat sur le toit du taxi, mon corps tremble sans plus pouvoir s'arrêter sous l'effet de la tristesse et cette atmosphère digne d'un mauvais film à l'eau de rose est mise en valeur par le chatoiement rouge pétant du feu devant lequel nous sommes arrêtés.
L'adrénaline du concert a progressivement quitté mes veines, la fatigue l'a remplacée, je me sens plus faible que jamais physiquement et j'ai juste envie d'aller dormir et chialer comme une merde dans mon lit. Je n'ai plus la force de retenir tout ce que je retenais depuis des jours.
Tout repasse à une vitesse folle dans ma tête : ma rencontre avec le groupe, le moment où ils m'ont remarqué et ont décidé de faire de moi une chanteuse, rappeuse et danseuse, toutes nos heures de joie, toutes nos heures plus dures. Les rires, les larmes, les rêves, les désillusions, les étoiles dans mes yeux, la fierté dans mon cœur, et la chaleur d'un bonheur complet dans tout mon corps. Comment est-ce que je peux laisser ça derrière moi ? Comment est-ce que je peux abandonner quelque chose de si merveilleux, de si fou ! Tourner le dos à un tel pan de ma vie !
Ma douleur s'accentue encore et brutalement, je détache ma ceinture, ouvre la portière et m'élance dans la rue. On ne roulait que depuis une ou deux minutes – en pleine ville donc à vitesse réduite – et ça faisait déjà plusieurs secondes que nous étions arrêtés au feu, je sais qu'il ne me faudra pas plus de deux minutes pour arriver devant l'immeuble. Je m'élance en courant à une vitesse que je ne me soupçonnais pas de pouvoir atteindre, mes larmes perlant sur mon visage et la pluie sur mon corps. J'entends ma sœur en faire de même et se précipiter à ma suite en hurlant mon nom à s'en déchirer les cordes vocales alors que je suis déjà loin, dans l'espoir sûrement de m'arrêter. J'ignore les éclairs qui illuminent le ciel, j'ignore mes vêtements de plus en plus trempés, j'ignore les voitures qui passent en soulevant des trombes d'eau sans y prendre garde, j'ignore la douleur lancinante dans ma poitrine qui me supplie de ralentir le rythme. Tout ce qui compte, c'est que je les voie une dernière fois, que je leur dise « merci », vraiment, pas par le biais d'un regard.
C'est débile, c'est cliché, mais j'ai besoin de les voir juste une fois de plus, de leur dire un vrai « adieu », de clore toute cette histoire dignement, de leur sourire vraiment et de façon sincère.
Mon souffle, déjà coupé par mes sanglots, est rendu complètement anarchique par ma course effrénée et tandis que je traverse ces quelques rues que j'ai fini par apprendre à connaître, ce sont des montagnes de souvenirs qui refont surface : les promenades avec Samna, la glace offerte par Tae, la fontaine. J'essuie d'un revers de la manche les larmes qui obstruent ma vue en toussotant à cause de la brûlure à mes poumons provoquée par ma course et tourne enfin pour voir se dresser au bout de la rue l'immeuble dans lequel j'ai passé le plus incroyable mois de ma vie. À chaque pas que je fais, mes converses se gorgent un peu plus d'eau et mon jean est un peu plus imbibé des gouttelettes de la pluie battante, mais peu importe.
Quand je peux enfin voir distinctement l'immeuble, je m'arrête et fixe l'entrée encore éclairée à cette heure. Ma poitrine me brûle toujours plus et l'arrêt brusque de ce sprint me permet de prendre de grandes bouffées d'air. La lumière souligne les deux garçons qui se tiennent devant la porte sous la pluie et dos à moi, l'un ayant son bras autour des épaules de l'autre comme pour le consoler tandis qu'ils sont sur le point de rentrer. Je fais un pas quand j'entends Aly m'appeler à plein poumon. Je n'esquisse pas le moindre mouvement, trop concentrée sur ces deux ombres dont je devine aisément l'identité malgré le contre-jour.
Lorsqu'ils entendent la voix de ma sœur, Taehyung et Jungkook se retournent brutalement. La main d'Aly vient saisir avec douceur la mienne et m'attire comme pour me ramener au taxi, mais quand elle constate que je ne bouge pas, elle n'insiste pas, consciente que je suis en train de graver ces derniers instants à jamais dans ma mémoire. Cet immeuble, ces lumières, ces garçons. Je passe ma main sur mes yeux pour en retirer les dernières larmes et avance de quelques mètres, simplement pour les voir une dernière fois. Tae et Kookie ont le visage dans le même état que les nôtres et étrangement, ça me tire un sourire mélancolique.
Ma sœur vient se planter à mes côtés et je la vois échanger un regard plein de sens avec Jungkook. Quand je viens plonger mes yeux dans ceux de Tae, il m'offre ce sourire qui me fait toujours craquer, malgré ses larmes. Je le lui rends et murmure « merci » en exagérant le mouvement de mes lèvres pour qu'il puisse lire dessus. Son sourire s'élargit encore et il s'incline avant de former un petit cœur avec ses mains, rapidement imité par Jungkook. J'écrase une nouvelle larme qui menaçait de s'échapper du coin de mon œil et finalement, je serre la main d'Aly, lui faisant comprendre que c'est l'heure.
Elle me prend dans ses bras, incapable de cacher sa propre douleur, sans prononcer le moindre mot, et nous nous retournons avant de nous éloigner en direction du taxi, revenu devant l'agence comme s'il savait ce que nous allions faire. Je me retourne une dernière fois pour constater que Tae, en train de marcher dans la direction opposée pour rentrer, en fait de même, et nous échangeons un ultime regard dans lequel se mélangent la joie inimaginable qui a provoqué une douleur qui l'est tout autant : j'ai fait les plus belles rencontres de ma vie ici, et même si c'est affreusement douloureux, je ne pourrai jamais oublier – je ne voudrai jamais oublier – tout ce que j'ai vécu à leurs côtés.
« Adieu, murmuré-je d'une voix cassée par la peine. Adieu. »
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Chapitre bien guimauve si vous voulez mon avis, mais après 236 chapitres, c'est normal que Charlie se soit à ce point attachée à eux, non ? Et puis je suis plutôt du genre fleur bleue, alors les adieux déchirants, c'était obligé, mais je suis contente que le personnage d'Aly apporte un peu de sourire et de légèreté, que ce soit elle qui, pour la première fois dans ce livre, se montre plus forte, essaie de contenir ses émotions. Ça faisait déjà plusieurs jours que notre protagoniste gardait pour elle à la fois ses sentiments pour V et son angoisse du départ, alors forcément, ça en plus de la fatigue et de l'adrénaline qui retombe, ça a explosé.
Plusieurs lectrices m'ont confiée qu'au départ, elles n'aimaient pas beaucoup Aly, que c'était un personnage agaçant – et c'était d'ailleurs un peu l'idée : la caricature d'une jeune fan un peu extrême. Mais ça m'ennuyait parce que je voulais la rendre attachante. Par chance, j'ai l'impression qu'au fil des chapitres, elle a su se faire apprécier par chacun, alors je suis heureuse. Elle est ce personnage qui sourit toujours, je l'aime énormément, et j'espérais que ça serait tôt ou tard partagé. ^^
Quant à Charlie... les derniers chapitres n'ont pas été simples pour elle, je voulais faire en sorte qu'elle ne fonde pas totalement en larmes avant le moment dans le taxi, mais ne vous en faites pas, elle est forte notre Charlie (déjà pour ne pas se laisser aller à embrasser V fallait une force de fou furieux...). XD
Donc j'espère que vous n'avez pas trouvé ça trop niais, j'ai essayé de ne pas totalement tomber dans le cliché (depuis le début, ce moment où Charlie fuit le taxi est prévu, de même elle n'embrasse V à aucun moment et se contente de le saluer une dernière fois), histoire de mettre vraiment l'accent sur cette relation amicale/amoureuse de V et Charlie, je ne voulais pas basculer dans la romance pour eux, donc pas de bisou pour l'instant, désolée. Moi je les trouvais trop mignons comme ça, je ne voulais pas qu'ils s'embrassent après l'aveu de leurs sentiments. X)
J'ai aussi essayé de couper les moments un peu "émotion" avec des trucs plus légers, alors j'espère que ça ne donnait pas à l'histoire un rythme trop saccadé. De même, je croise les doigts pour ne pas m'être trop répété dans ces chapitres. X)
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