Chapitre 216

Au moment où la porte du garage privé se baisse derrière nous, toutes les clameurs sont étouffées et tout de suite, c'est beaucoup plus calme. Aucun fan n'a ne serait-ce qu'essayé de suivre le van, tout va pour le mieux - du moins pour l'instant.

Quand le conducteur vient nous ouvrir les portes en effet, je sens bien qu'une vague de stress déferle brusquement sur moi : cette fois, je n'ai pas le droit à l'erreur, d'autant plus que cette fois-ci, je serai en direct et à la radio, ça sera très différent de ce dont j'ai l'habitude.

« Dis Suga, commencé-je timidement alors que nous attendons que tous les autres sortent à leur tour du van, est-ce que quand je parle, j'ai l'air bête avec mon accent ? »

Ma question semble l'étonner et il réfléchit quelques instants avant de me donner sa réponse :

« En toute honnêteté, il s'entend beaucoup moins qu'au début, ça se sent que tu le parles tous les jours. Ce n'est pas ridicule, ça ne l'a jamais été puisque tu parles plutôt bien la langue, au contraire ça te rend attachante je trouve, ça montre que tu essaies vraiment de parler avec nous, que tu fais vraiment des efforts pour t'intégrer. Cet accent, il montre que même si tu n'es pas d'ici, tes fans Coréens peuvent vraiment t'adorer parce que tu fais énormément pour eux, aussi bien pour écrire dans leur langue que pour chanter voir rapper dans leur langue. C'est franchement respectable.

- Donc je n'ai pas l'air con, en conclus-je avec un sourire.

- Mais bien sûr que non, sourit RM qui rentre dans la conversation tandis que nous nous éloignons du van pour entrer dans le bâtiment, Yoongi a raison, c'est ce qui fait ton charme, et puis je suis sûr que tes fan adoreront t'entendre parler à la radio.

- Je pense que c'est surtout vous qu'ils veulent entendre.

- Si on nous a demandé à ce que tu viennes, c'est pas pour faire joli : nous on est déjà passés à la radio, toi ça sera la première fois. Je pense vraiment que les questions qu'ils vont poser soit te seront adressées soit nous seront adressées mais seront à ton sujet. C'est l'une des plus grosses radios de musique du pays, ce n'est pas pour rien que le manager a accepté que tu viennes, alors crois bien que pour ta première apparition dans les médias coréens, c'est sur toi que toute l'attention va être tournée.

- Ouf, ironisé-je, et moi qui stressais, quelle idée...

- Ne t'inquiète pas, on sera là, ajoute J-Hope, si tu stresses regarde-nous et ça passera.

- Et s'il y a une question à laquelle tu ne veux pas répondre pour une raison ou pour une autre, me dit Jin d'un air amusé, n'hésite pas à le dire, on sera là pour faire diversion.

- On ne les laissera pas te poser des questions susceptibles de te déranger, m'assure Jimin d'un ton sérieux, c'est une interview, pas un interrogatoire, je te promets qu'ils n'iront pas trop loin. »

C'est vrai, j'ai mes sept héros pour me protéger, il ne peut rien arriver de mal s'ils sont là, j'en suis convaincue... du moins je vais essayer de m'en convaincre. Alors que nous entrons dans l'immeuble et prenons l'ascenseur qui nous mènera au deuxième étage, je commence à flipper sérieusement. Par chance, comme tous les ascenseurs sont toujours trop petits pour nous, je me retrouve serrée contre Jimin qui m'étreint, posant sa tête sur mon épaule. Pas un mot ni même un regard n'est échangé, de toute façon ça ne servirait à rien : à travers ce geste, il me dit déjà tout ce que j'ai besoin d'entendre. Il me dit qu'il est là, derrière moi, qu'il me soutient, qu'il me protège, et que tout va bien se passer. Du moins c'est ce que son geste me fait comprendre, et je n'en demande pas plus.

Les portes s'ouvrent, Jimin se détache de moi et nous sortons tous pour découvrir un large couloir qui a des allures de fourmilière : au contraire de l'étage des salles de danse de l'immeuble de la BigHit, ici il y a du monde qui circule, c'est impressionnant. Tout semble parfaitement minuté, et les nombreuses personnes que je croise ici semblent toutes pressées et stressées, un peu comme le staff à l'approche d'un concert des garçons...

Je lâche sans m'en rendre un compte un soupir, et V se tourne rapidement vers moi en m'adressant un sourire réconfortant. Comment ne pas positiver après l'avoir vu sourire, sérieusement ?

Une assistante qui nous a récupérés à la sortie de l'ascenseur nous dirige vers une salle où se trouvent quelques maquilleurs et coiffeurs, historie qu'on n'ait pas l'air de sortir d'un film d'horreur.

« L'interview va durer combien de temps ? demandé-je en plaçant correctement ma lentille.

- Environ une demi-heure, m'indique Jungkook, ça m'étonnerait que ça soit plus long, à moins qu'ils ne passent quelques unes de nos chansons pour faire une coupure, auquel cas il y aura une demi-heure d'interview plus sûrement environ un quart d'heure de musique. Ça te laisserait le temps de souffler un peu.

- Ouais, donc on part sur trente minutes quoi...

- C'est à peu près ça. »

On nous prépare rapidement, du moins plus que quand on doit vraiment avoir l'air parfaits, comme sur scène ou pour un clip, et après une vingtaine de minutes, on doit redescendre d'un étage pour aller dans la salle de cette fameuse émission.

Je crois que jamais je n'avais descendu un escalier si lentement, même crevée, et je dois faire un effort surhumain pour ne pas trop ralentir les autres. Bon, de toute façon on a encore quelques minutes devant nous. Il faut que je me détende c'est pas possible... Mais je ne peux pas me détendre ! En plus du coup maintenant j'ai envie d'avoir de nouveau Jimin contre moi alors que c'est clairement interdit ici...

Il n'y a qu'une dizaine de mètres qui nous séparent du studio, et pourtant j'ai l'impression qu'il me faut autant de minutes que de mètres avant d'y parvenir. Mon cœur qui bat si vite semble brouiller toute notion de temps chez moi, je me sens un peu perdue, je ne sais finalement même pas ce que je fais ici. Le manager ne m'avait même pas demandé mon avis au sujet de cette émission de radio, ça aurait pourtant été la moindre des politesses...

On nous ouvre la porte d'un studio de taille moyenne, c'est là que se trouvent toutes les consoles des ingénieurs du son et autres techniciens. La porte qui mène à la salle dans laquelle se déroule l'enregistrement est juste là, au fond de cette pièce. En attendant, on voit en direct la retransmission des caméras. J'aurais bien pris une photo pour la poster sur Twitter, mais honnêtement, là je n'ai pas trop le cœur à ça.

Je ne peux même pas me concentrer sur ce que font les techniciens puisque je ne comprends rien aux boutons sur lesquels ils appuient ou bien ce qu'ils se disent dans leur oreillette (ah, le problème du vocabulaire trop spécialisé pour mon humble niveau en coréen...). C'est encore pire que quand j'essayais de regarder sur son écran ce que faisait Suga quand il bossait sur notre cover et je voyais des suites incompréhensible de lignes avec pour nom « piano » ou ce genre de trucs. Je voyais bien que c'était ce qui composait sa mélodie, mais alors quant à savoir comment il a réussi à créer ça, là je sèche.

C'est ma vie entière que je vais finir par remettre en question à ce rythme.

Ah ça y est, j'arrive à penser à autre chose qu'à l'interview ! ... Et merde maintenant je repense à ça, je suis vraiment la plus empotée des pas doués de ce monde !

Je meurs intérieurement, je peux sentir sans le moindre doute tous mes organes pourrir sous l'effet de mon stress. J'ai vraiment envie de m'en aller... en plus il n'y a personne vers la porte de sortie. Ah si seulement je pouvais cavaler loin d'ici...

« C'est à vous juste après, indique un régisseur tandis que les premières notes de ma chanson résonnent. Vous êtes prêts ? »

Les garçons acquiescent, et moi les seuls gestes que je fais, ce sont ceux qui expriment mon stress, autrement dit je m'agite toute seule sur place comme une débile et je commence à me ronger les ongles en gardant mes yeux rivés sur l'écran qui montre le temps de chanson qu'il reste, quand une main que je reconnaîtrais entre mille vient faire pression sur mon poignet pour m'empêcher de continuer. Je tourne mon regard vers V qui, lui, fixe un point droit devant lui, muet. Quand j'écarte ma main de mes lèvres, la sienne se retire de mon poignet et un très léger rictus vient prendre place sur ses lèvres, à mi-chemin entre la satisfaction et l'amusement.

Sauf que si je ne peux pas me ronger les ongles, j'angoisse encore plus, et là je n'arrive vraiment plus à me tenir. C'est con, mais je suis vraiment trop mal à l'aise ici avec cette lentille que je perçois comme le masque de chanteuse que je revêts chaque fois avant de monter sur scène. Je dois rester calme, me montrer impassible face au stress, mais j'ai tellement peur de faire quelque chose qui me mettrait dans l'embarras, ou pire, qui mettrait le groupe entier dans la merde (soyons honnêtes). Enfin... au moins je constate qu'il était inutile de m'inquiéter de la proximité des garçons, car Jimin et V se montrent très professionnels, comme sur scène : en public, rien de tout ce qu'il se passe en privé ne doit être montré, et ils savent parfaitement comment ne rien laisser paraître.

Dans une minute le compte à rebours s'achèvera : un assistant ouvre la porte de la salle d'enregistrement et nous fait signe respectueusement. Les garçons passent en s'inclinant rapidement ; je suis contrainte d'en faire de même, d'entrer en studio. C'est un endroit très simple : une large table ovale à droite de laquelle se trouvent trois animateurs et à gauche de laquelle sont installés six chaises face à six micros, quant aux deux autres, ils sont aux extrémités de la table. On nous demande de nous installer comme on le souhaite, et les garçons m'installent au milieu, entre J-Hope et RM. En fait, ils se sont assis dans l'ordre de naissance, tout simplement (ah là tout de suite ça va plus vite que de décider des placer lors des trajets en voiture...). Avant de s'asseoir, on s'incline de nouveau, devant les présentateurs cette fois-ci, et ces derniers nous rendent notre salut.

Encore vingt secondes avant que l'émission ne reprenne, et d'après les quatre écrans qui diffusent le programme de l'heure qui suit, Jungkook avait raison : on va parler trois fois dix minutes et entre chaque petit moment d'interview il y aura une de mes chansons : la première vient de s'achever, dans dix minutes ils passeront la deuxième et dix minutes après encore ça sera au tour de la dernière.

Le petit panneau qui indique qu'on est en direct s'allume, les caméras sont braquées sur nous et sur un écran on peut voir le nombre de vues enregistrées par le site ainsi que les commentaires postés en direct par les internautes. Oh, il y en a qui me disent bonjour (en français, je vous jure ! C'est tellement mignon !).

« Et nous nous retrouvons après cette petite pause musique, nous sommes en direct avec les BTS et leur auteure-compositrice du mois, Charlie. Bonjour à tous. »

Les BTS saluent le public d'une même voix, et quand le regard de l'animateur, un homme d'une quarantaine d'année, se pose sur moi, je rougis brutalement et salue timidement à mon tour. Les deux femmes qui encadrent cet homme aux airs Laurent Delahousse de la radio coréenne (si, si, juré) sont deux Coréennes dont l'une semble avoir à peu près son âge et l'autre paraît plus jeune.

Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois que je me suis autant recroquevillée sur moi-même tout en essayant de rester droite sur ma chaise et de parler d'une voix claire ; je crois que ça date des oraux du bac, j'étais tétanisée...

Et là c'est pareil, ça ne fait que commencer ; j'en ai pour une demi-heure, sans compter les coupures musicales...

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