Chapitre 199
Oula, mon cerveau a encore décidé d'interrompre toute activité. Qu'est-ce qu'il a dit ?
« P... pardon ?
- Tu as bien entendu, on voudrait te proposer un contrat : entraînements, enregistrements, promotion, et à la clé, ton propre album solo. Tu prendrais ton temps pour ne pas être surmenée, donc ton contrat serait effectif du douze juillet au douze novembre : deux mois et demi de préparation puis un mois et demi pour une petite tournée en Corée du Sud, en Chine et au Japon.
- Je pourrais aller en Chine et au Japon ? m'émerveillé-je en rêvassant déjà.
- Oui, et si ça marche bien, on renouvellera le contrat, en revanche si ça ne marche pas ou si tu préfères arrêter, on stoppera tout à ce moment-là.
- Je peux voir le contrat ? »
Il acquiesce et me tend les documents qu'il a apportés avec lui. Jusque là, Aly est restée silencieuse pour la forme, mais je la sens qui n'est pas loin d'exploser de bonheur et je crois que d'un côté, moi aussi. Intrigués par ce que l'on fait, les garçons sont venus voir ce qu'il se passe : Jin et Jimin nous surveillent depuis le couloir et échangent un regard absolument choqué, juste après quoi c'est la joie que je peux lire sur leur visage. Et moi je dois faire quoi ? Hurler de joie ? Signer tout de suite ? J'ai tellement envie de sourire ! Je pourrais rester à Séoul, rester en contact avec les garçons ! Toute cette merveilleuse aventure se prolongerait encore !
« Charlie, tu voudrais faire une carrière solo ? se réjouit Jimin.
- J'en ai l'occasion en tous cas.
- Mais est-ce que tu le veux ?
- Je... »
Sa question efface mon sourire... Oui, est-ce que j'en ai réellement envie ? Certes c'est mon rêve mais... Théoriquement, les garçons sont en ce moment en vacances, pourtant ils ont décidé de sortir un album, et allez savoir à quel point leur manager les y ont « encouragés ». Je me tourne vers lui, l'air un peu perdu, plongée dans un profond débat intérieur : il a totalement raison, en plus je ne peux pas rater deux mois et demi de cours pour un contrat de ce type. Je bosse déjà comme une folle pour réussir à avoir une bonne moyenne, si je décide de prendre une année pour me consacrer à la musique sans garantie que ça marche (car ils peuvent décider que je ne fais pas assez de ventes et me dégager sans pitié dès la mi-novembre), c'est certain que je vais perdre beaucoup, jamais je n'aurai le courage de travailler mes cours avec un tel rythme de travail et je repartirai de zéro. Tous ces efforts pour rien, ça me dégoûterait, en plus je vais passer en troisième année, autrement dit à la fin, c'est ma licence qui est en jeu, et croyez-moi qu'on ne va pas me l'offrir pour mon beau sourire cette licence.
Jimin semble avoir compris que sa question me perturbait, il vient près de moi, passe un bras autour de mes épaules et se penche à son tour pour découvrir le contrat. Il lit attentivement les termes et demande au manager et au chorégraphe de nous laisser sans que je ne comprenne vraiment pourquoi.
« Elle vous rendra ces papiers, signés ou non, demain soir à l'entraînement, les informe-t-il.
- Bien, n'hésite pas à nous contacter si tu as le moindre problème avec les termes indiqués, sourit le manager.
- Et n'oublie pas que tu as du potentiel, ajoute le chorégraphe, ce serait dommage de ne pas en profiter.
- Merci beaucoup pour tous vos encouragement, » dis-je en m'inclinant en signe de politesse, touchée par leurs mots.
Ils acquiescent avant de s'en aller et une fois chose faite, je lance un regard curieux à Jimin tandis que Jin en fait autant et que RM et Suga sortent à leur tour de leur chambre pour demander ce qu'il se passe.
« Charlie pourrait rester ! s'enthousiasme alors Aly en laissant enfin son bonheur pour moi exploser.
- C'est vrai ? s'étonne RM.
- Oui en tant que chanteuse solo d'après ce que j'ai compris, confirme Jin.
- C'est génial, sourit à son tour Suga, je suis certain que tu serais une artiste formidable.
- Oui mais... et mes cours ? »
Un bref silence se fait tandis que Jimin garde son regard ancré sur le contrat et que le mien est perdu dans la pièce sans fixer un point précis.
« Tu sais, avec un peu de volonté et un emploi du temps allégé, ça peut se faire, sourit Jin. T'es encore jeune, tu vas y arriver.
- T'es vieux peut-être ? rigolé-je.
- Assez pour céder au moindre caprice de mes camarades parce qu'ils sont plus jeunes que moi... et parce que je me sens comme l'adulte responsable du groupe. Mais plus le temps passe et plus je remets mon autorité en question si tu veux savoir.
- Un grand frère n'est pas supposé avoir d'autorité sur ses cadets, grommelle Suga.
- Oh... je suis comme ton grand frère ? »
Jin a l'air touché de la réponse de Suga qui acquiesce sans avoir le courage de le regarder, gardant sur le visage un air détaché mais qui, j'en suis certaine, cache une grande tendresse pour son seul aîné.
« T'as parlé un peu vite Jin, les coupe Jimin, « allégé » est un bien joli terme, parce que travailler treize heures par jour, weekend compris, ça a beau lui permettre d'avoir huit heures de sommeil, ça ne lui laissera jamais assez d'énergie pour des études. D'autant plus que je n'avais jamais vu un contrat qui appuyait autant sur les conditions du terme « artiste solo », c'est dingue, le nôtre est beaucoup plus laxiste sur ce genre de règles.
- Comment ça ? demandé-je étonnée.
- Tu auras ton appartement en périphérie de la ville avec une salle de danse privée et il est précisé que tu n'auras aucun contact avec les autres artistes de l'agence à moins d'une collaboration exceptionnelle. Aucun contact téléphonique, pas de collaboration autorisée avant le deuxième album solo, et surtout interdiction de donner rendez-vous à qui que ce soit pour se voir en dehors du cadre professionnel, à moins qu'il ne s'agisse de ta famille. Tu ne viendrais à l'agence que pour enregistrer tes chansons, et ce serait en présence d'un coach vocal qui, j'imagine, serait surtout là pour surveiller tes faits et gestes plutôt que pour t'être d'une quelconque utilité vocalement parlant. »
D'accord je vois. Ils auraient pu écrire « interdiction de fréquenter les BTS », ça aurait été plus rapide et plus explicite. Alors c'est ça : l'agence veut me garder, c'est bien joli, mais la proximité que j'ai avec les garçons leur fait peur. Ce n'est pas étonnant en fait, je ne cache pas l'amitié que j'ai pour eux et je pense que les sentiments que j'ai pour V sont plus flagrants que ce que je voudrais imaginer. Tous les garçons sont probablement au courant, ça ne fait pas vraiment de doute.
« Ah... c'est pas franchement étonnant en fait, dit Nam visiblement gêné.
- Oui c'est vrai, acquiescé-je. Je dois y réfléchir.
- Charlie... »
Je m'apprête à partir mais ma sœur m'en empêche, me retenant par le bras. Je m'interromps et lui lance un regard interrogateur.
« Quel que soit ton choix, tu sais que je serai derrière toi, hein ?
- Oui je le sais.
- Demande-toi pourquoi tu es là, pourquoi tu aimes être là. La réponse te sera évidente ensuite. »
Je la prends dans mes bras et lance un dernier regard aux autres garçons avant de retourner dans ma chambre. Je suis fatiguée, je n'y vois pas clair, demain ça ira mieux j'en suis convaincue, et je pourrai donner une réponse réfléchie et pesée au manager.
Ce que j'avais oublié en revanche, c'est V. Quand j'ouvre la porte, ce petit bout de chou est déjà endormi. L'espace d'un instant je me demande si ce n'est pas lui qui a demandé à ce que je puisse décocher un contrat, mais honnêtement ça me paraît un peu gros pour que le PDG lui accorde ça. Je me dirige vers le lit d'Aly et m'apprête à m'y glisser sans bruit quand la voix envoûtante de V s'élève faiblement :
« T'es bête, viens dormir avec moi. »
Son petit air plaintif me pousse à obéir sans m'interroger plus longtemps et après avoir déposé le contrat sur la table de chevet, je m'enfonce sous les draps préalablement réchauffés par son corps. J'essaie de trouver le juste milieu pour n'être ni trop proche ni trop éloignée de lui, mais il se moque complètement de mes efforts et me tire à lui sans ménagement, les yeux clos, un petit sourire aux lèvres.
« Ils veulent faire de moi une artiste solo, soufflé-je en humant discrètement son odeur enchanteresse de noix de coco. J'ai le contrat.
- Mais c'est génial, dit-il joyeusement malgré son ton fatigué, pourquoi ça n'a pas l'air de te faire plaisir ?
- Aly a eu une réflexion très juste : « demande-toi pourquoi tu aimes être là ».
- Et pourquoi tu aimes être là ?
- Là avec vous ou là contre toi ? demandé-je pour le taquiner.
- Là les deux, répond-t-il dans le même but.
- J'aime être avec vous... parce que je sais que quoi qu'il m'arrive, j'aurai sept anges gardiens pour s'assurer que tout va bien et que je ne fais pas de bêtise. J'aime être avec vous parce que je sais que quoi qu'il se passe, on ne se disputera jamais. J'aime être avec vous parce que vous m'avez acceptée sans tenir compte de mes différences. »
Mes yeux commencent à larmoyer, mais dans l'absolue pénombre dans laquelle est plongée la chambre puisque j'ai fermé la porte, Tae ne peut rien voir, seulement l'entendre dans ma voix qui exprime de plus en plus à mesure que je parle toute ma tendresse pour eux.
« J'aime être avec vous parce que vous m'avez appris énormément de choses, sur moi et sur le monde. J'aime être avec vous parce que je peux réaliser mon rêve tout en étant sûre de ne jamais tomber car vous êtes ce filet qui me protège de la chute. J'aime être là, avec vous, parce que justement vous êtes là... avec moi. »
Et merde ça y est je pleure, mais quelle idiote ! Je dois vraiment être crevée pour être aussi émotive... quoique non en fait je le suis toujours, mais on va mettre ça sur le compte de la fatigue pour cette fois. L'étreinte de V se resserre dès qu'il entend mon premier sanglot, et sa main se pose dans mes cheveux, les caressant avec douceur alors qu'il m'oblige à blottir ma tête contre son cou. Je sens une de mes larmes glisser le long de ma joue et je devine que sa course se termine sur sa peau à lui.
« Et... pourquoi tu aimes être là, avec moi ? » demande-t-il dans un murmure.
J'ai juste envie de lui balancer un « parce que je t'aime » avant de l'embrasser, mais j'ai déjà failli frôler la catastrophe ce soir. Je ne regrette pas, non, parce que ça a été un moment absolument incroyable, mais je suis en pleine possession de ma conscience qui me dit que c'est mal car RM me soutient et que je ne peux pas trahir sa confiance.
« Parce que tu sais me consoler comme personne n'a jamais su le faire. »
Sa main dans mes cheveux s'immobilise un si bref instant que je me demande si je ne l'ai pas imaginé et finalement il promène ses lèvres sur mon front, tout doucement.
« Et toi si tu savais à quel point tu égayes mes journées depuis ton arrivée. Je ne regrette absolument pas d'avoir permis au manager de plagier ta chanson, même si c'est mal.
- Et moi je ne regrette absolument pas que ma chanson ait été plagiée, vous êtes si talentueux que j'en suis honorée, et avec la première aussi bien qu'avec les deux suivantes, vous avez réalisé un travail exceptionnel.
- Peut-être parce qu'on a été inspirés par une artiste exceptionnelle. »
Je sens ses lèvres se tendre en un petit rictus lorsqu'il prononce ces mots, et je soupire de confort contre lui. Ses bras protecteurs qui semblent me promettre que tout ira bien, son parfum délicat, ses caresses affectueuses et sa gentillesse... C'est pour ça que je l'aime, c'est pour ça que j'aime être avec lui. Je me laisse bercer par cette douceur incomparable et mes songes se font plus clairs de cette manière.
Aly a raison, je dois me demander pourquoi j'aime ce que je vis ici, de cette façon je saurai si je veux rester. Et ce que j'ai dit à Taehyung était la pure vérité : je suis bien ici car je suis bien avec les garçons. Plus les jours passent et plus j'ai la sensation que la musique et les fans sont secondaires tant eux sept ont pris une importance considérable pour moi. M'imaginer poursuivre seule m'inquiète un peu : seule dans un appartement que je ne connais pas, seule dans un quartier que je ne connais pas, seule car entourée de gens que je ne connais pas. Ça risque d'être beaucoup trop oppressant, et me savoir dans la même ville que les garçons, car après leur tournée mondiale c'est ici qu'ils reviendront, sans pouvoir leur parler, je... non ce n'est juste pas possible.
« Si je signe, je n'aurai pas le droit de communiquer avec toi et les autres...
- Sérieux ? Ah merde.
- Ouais, c'est tout à fait ça. »
Il embrasse de nouveau mon front en me demandant ce que je compte faire. Aly avait raison, la réponse me semble évidente :
« Je vais refuser. »
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