Chapitre 179
Une vieille dame apparaît à son tour dans l'encadrement de la porte de ce qui est probablement la chambre de l'enfant. Elle nous adresse à toutes un grand sourire.
« Je pensais que vous arriveriez un peu plus tard, dit-elle d'une voix douce, on était en train de jouer.
- Aly, je te présente mon fils, Minho.
- Samna je pensais que tu oublierais de me le présenter, je suis trop contente il est adorable !
- Chéri, tu te souviens de Charlie ?
- Charlie ? répète le garçonnet en tournant mon regard vers moi.
- Samna ce gosse est tellement plus mignon que toi, comment puis-je croire que c'est toi la mère ? plaisanté-je.
- Je me pose aussi la question figure-toi.
- C'est humble de le reconnaître.
- Faut dire ce qui est... Mais si tu me le fais remarquer encore une seule fois je t'abandonne au milieu de Séoul et tu te démerderas pour revenir à l'appartement.
- Chérie tu es trop vulgaire avec tes élèves, lui reproche la vieille dame. Et devant mon bébé en plus.
- Maman, Minho n'a plus un an, il est grand et sait ce qu'il ne doit pas répéter. Et puis cette fille n'est plus mon élève, c'est l'autre qui l'est. »
Aly adresse un rapide salut à la mère de Samna qui le lui rend sans que son sourire ne la quitte. Je remarque alors que Minho tend sa petite main boudinée vers moi, et quand je la lui prends, il se met à rigoler. À force d'entendre les voix graves des garçons, et particulièrement celles de RM et V, ça me fait tout bizarre un timbre si aigu, mais ça le rend encore plus adorable, j'ai l'impression d'entendre l'enfance personnifiée en train de rire, et c'est tout simplement à croquer. Ses petits yeux sont moins bridés que ceux des autres Coréens, tout simplement à cause des origines de sa mère, et sa peau est un peu plus sombre, probablement qu'il bronze plus vite. Quoi qu'il en soit, il est absolument à tomber, je suis convaincue que quand il sera plus grand, ce gamin fera tourner les têtes de toutes les filles !
« Charlie !
- Coucou toi, je lui réponds avec un grand sourire. T'as vu, la fille là, avec les très longs cheveux, c'est ma petite sœur, elle s'appelle Aly.
- Lily ? demande le garçon en montrant un petit sourire joueur.
- Non, Aly.
- Aly... Arigato ? plaisante-t-il encore.
- Oh mon dieu Aly je décède il est trop mignon... Et en plus il sait dire merci en japonais.
- Oui, rit Samna, c'est le seul mot qu'il sait dire dans une langue étrangère. Mais il en est fier.
- Je vois ça.
- Aly ! s'exclame-t-il finalement.
- Oui c'est ça ! s'enthousiasme ma petite sœur. J'adore ! Il est trop mignon ! »
Elle ébouriffe avec douceur les cheveux du gamin qui couine légèrement en rigolant, se serrant un peu plus contre sa mère.
« Je suis contente que tu sois si heureuse, reprend ma sœur, ton fils est une pure merveille.
- Merci c'est gentil. »
Aly garde son regard fixé sur le petit garçon qui n'arrive pas à concentrer son attention trop longtemps sur un même personne et qui, de fait, est à présent en train de loucher sur sa porte de sa chambre en suppliant silencieusement sa mère de le laisser s'y rendre. Celle-ci acquiesce avant de le reposer sur le sol et immédiatement, le garçonnet fuse retrouver ses jouets.
« Le système éducatif est assez brutal ici, sourit-elle tristement, alors on le laisse jouer tant qu'il le peut, même si ça fait déjà quelques années que ça commence à se corser...
- Ah je vois, acquiesce Aly. Mais je suis sûr qu'avec toi à ses côtés, il s'en sortira sans problème. T'es du genre protectrice, toujours à vouloir aider les autres et à les raisonner, je sais qu'il grandira heureux, même si parfois il doit affronter certaines épreuves plus compliquées.
- C'est tout ce que je lui souhaite, il mérite d'être heureux, vous le méritez tous. »
Aly hoche lentement la tête, visiblement d'accord avec les propos de notre professeure. Oui, je n'ai pas entendu parler qu'en bien de la façon dont les étudiants doivent s'acharner dans le simple but de faire partie de l'élite, mais je ne peux pas y faire grand-chose de toute manière...
La grand-mère le suit et nous restons toutes trois plantées dans l'entrée jusqu'à ce que Samna ne nous invite à venir nous installer au salon. Sur la table basse près du canapé se trouve une impressionnante pile de livres, tous à propos de grammaire, de conjugaison ou d'orthographe, et ce ne sont pas de vulgaires manuels de cours, oh non, mais plutôt des gros pavés rédigés par des gens qui s'y connaissent, parce que pour écrire un livre de deux cent pages sur « L'évolution de la marque de politesse dans la langue coréenne », mieux vaut être sacrément calé sur le sujet.
« Comme vous le savez, je suis loin d'être du pays, intervient Samna en revenant s'asseoir avec dans les mains trois petites bouteilles de jus de fruits, et pour être sûre de maîtriser la langue aussi bien voire mieux que les Coréens eux-mêmes, il m'a fallu travailler d'arrache-pied. Je ne me suis pas contentée d'apprendre à parler, j'ai aussi travaillé toute la théorie, j'ai lu les plus éminents grammairiens, étudié point par point chacun de leurs travaux, et aujourd'hui, je suis moi-même reconnue dans ce milieu. Je crois que c'est pour ça que la BigHit a tenu à faire appel à moi. J'ai beau ne pas être du pays, je sais manier la langue comme si j'y étais née.
- Quel est ton métier, réellement ? demandé-je en feuilletant le livre sans rien y comprendre (je n'y peux rien, le vocabulaire est beaucoup trop technique...).
- Je suis professeur à l'université de Séoul et je donne régulièrement des conférences. Je fais plutôt de la littérature comparée puisque je suis bilingue, mais j'organise parfois des séminaires de grammaire coréenne pour les étudiants intéressés.
- Mais... Je croyais que tu donnais juste des cours particuliers...
- L'été ça m'arrive, simplement pour aider les étudiants en difficulté.
- Alors... comment tu es arrivée là ?
- C'est très simple : quand je suis arrivée en Corée, je ne connaissais presque personne à part celui qui est aujourd'hui mon époux, et il se trouve que son frère fait partie des têtes pensantes de la BigHit. Alors quand ils ont eu besoin d'un professeur de coréen pour toi, de quelqu'un de confiance prêt à ne rien révéler au sujet de toute cette histoire, c'est bien sûr à moi qu'ils ont pensé.
- Ah c'est délire ! Mais pourquoi tu ne me l'avais jamais dit ?
- Bah... parce que tu ne me l'avais jamais demandé peut-être...
- Oui ça se tient... Alors à la rentrée tu retourneras enseigner à la fac ?
- Eh oui, pour toi comme pour moi ce moment n'est qu'un court intervalle entre deux années à l'université.
- T'es pas obligée de me le rappeler tu sais...
- Tout juste. »
Un court silence s'installe dans la pièce tandis que l'on commence à boire toutes ensemble à l'unisson notre jus de pomme (on fait dans la simplicité). Samna est la première à reposer sa bouteille et elle reprend rapidement la parole malgré une courte hésitation :
« En tous cas, tu es probablement l'élève que j'ai le plus apprécié et quand je t'apprenais le coréen, tu es sûrement celle qui m'a le plus marquée. Pourtant des étudiants étrangers, crois-moi, j'en ai connus, mais à eux je devais leur apprendre la grammaire et la littérature, pas la langue. Je n'ai jamais enseigné à quelqu'un à parler coréen, c'était une grande première pour moi, même si j'ai l'habitude d'enseigner en tout petit comité. J'ai dû rivaliser d'imagination pour ne pas que tu t'endormes littéralement devant moi, d'ailleurs tu es aussi probablement la première de mes élèves à t'être vraiment endormie pendant un cours particulier.
- J'y pouvais rien, protesté-je amusée, j'étais crevée et c'était notre tout premier cours, je rêvais d'autre chose !
- Mais quoi qu'il en soit, poursuit-elle, j'ai énormément apprécié tous les moments qu'on a passés ensemble. Être contrainte d'enseigner de façon rapide une langue à quelqu'un qui est simplement bien initié, c'est un sacré challenge mais pour être honnête, j'ai beaucoup aimé relever ce défi, et ça nous a permis de passer de sacrés instants ensemble, j'ai l'impression que puisqu'on devait nécessairement communiquer, on était plus proches. Aucun de mes élèves ne m'avait encore parlé sans utiliser la marque de politesse de rigueur, alors que quand on discute, c'est naturel de ne pas en faire usage, un peu comme si on était devenues proches très rapidement.
- C'est pas toi qui m'avais demandé de ne pas l'utiliser ?
- Si, et pourtant ce n'est pas dans mes habitudes.
- Arrête, je vais finir par me sentir spéciale ! ricané-je en reposant à mon tour la petite bouteille entre deux gorgées.
- Ah mais tu sais que tu l'es un peu, sourit mon ancienne prof. Je n'avais jamais eu une star pour élève !
- Une star ? C'est un peu fort non ?
- Oui, peut-être un peu, mais grâce à toi j'ai pu rencontrer les BTS.
- Je suis outrée Samna, depuis le début tu m'as utilisée ? »
Elle rit de ma remarque offusquée et vient embrouiller ma pauvre tignasse en la frottant énergiquement. J'ai un mouvement de recul, mais la petite taille du canapé ne me permet pas d'échapper à sa main ennemie.
« Lâche-moi, on dirait que tu agis comme avec Minho !
- Charlie ! »
Le cri du petit retentit dès l'instant où il m'entend prononcer son prénom et le gamin rentre en courant dans le salon avant de venir se poster devant moi. Il pose ses mains sur mes genoux et se hisse aisément dessus, aidé par moi qui suis touchée par son comportement adorable. Je l'assois, dos à moi, et le serre en le tenant par la taille afin de m'assurer qu'il ne tombe pas. Je commence à faire sautiller le gamin qui a l'air ravi de jouer de cette façon. Il rigole encore, plein de vie, et... et il me pique mon jus de fruit, au calme...
« Ce gosse sait déjà comment fonctionne la vie, rit Aly.
- Brillante réflexion, grommelé-je.
- Charlie, tu crois toujours les autres beaucoup plus innocents qu'ils ne le sont, regarde avec V, ça en devient ridicule à force.
- Mais qu'est-ce que tu racontes !
- Oh pitié, il te drague tellement que tu ne le voies même plus, hein Samna ?
- Oula, laisse-moi en dehors de ça petite, réplique-t-elle en se levant pour ramener le tout à la cuisine. Moi je ne veux rien savoir de vos histoires de jeunes.
- Il ne me drague pas, balbutié-je tandis que mes joues rosissent.
- Non mais n'importe quoi... Il passe son temps à essayer de se rapprocher de toi, physiquement et du point de vue de vos activités, alors tu ne vas pas me faire croire qu'il n'est pas dingue de toi.
- Non, et tu le sais bien, dis-je avec résolution pour lui faire comprendre qu'il ne peut rien n'y avoir donc qu'il n'y aura rien.
- Elle a raison Aly, acquiesce Samna qui revient déjà, laisse-la, Taehyung et Charlie ne ressentent rien l'un pour l'autre. »
J'entends dans le ton qu'elle utilise qu'elle est à la fois sévère et peinée, et ça me touche qu'elle se soucie quand même de moi en dépit du fait qu'elle doive d'abord penser au bien de la boîte qui l'emploie. Je baisse les yeux sur le garçon dans mes bras et laisse un long soupir m'échapper alors qu'il relève son regard curieux en me demandant pourquoi mes yeux ils sont tout tristes.
« Pour rien, dis-je. Pour rien. »
Imaginer que Taehyung ne ressente rien pour moi, ça m'attriste, mais imaginer qu'il puisse éventuellement partager mes sentiments, ça me tue carrément. Ah peu importe, comment penser à ça alors que le petit Minho affiche une bouille peinée, assis sur moi ? Il est tellement mignon que ça en deviendrait hors-la-loi ! J'ai envie de le croquer presque autant que Jimin et V !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top