Chapitre 174

Samedi 7 juillet 2018 – 25ème jour.

La nuit est bonne, mais le réveil toujours aussi dur, d'autant plus que j'ai peu dormi à cause de tout ce bazar hier soir. Pourtant, je me sens plus légère d'avoir pu tout avouer aux garçons, un peu comme si nous n'avions plus rien à nous cacher, un peu comme si cette nuit, je leur avais implicitement dit que ça y est, nous leur faisions totalement et aveuglément confiance. Je sais que je peux compter sur eux, de toute façon ils ne peuvent pas en parler à quiconque puisque notre présence à Aly et moi doit rester secrète, mais dans tous les cas je sais qu'ils ne feront rien qui pourrait nuire à ma sœur, surtout pas venir lui parler de ce moment qu'elle veut oublier. Ça fait deux ans, l'une comme l'autre nous avons tourné la page pour aller de l'avant et cela nous a permis de retrouver notre joie de vivre.

Au petit-déjeuner, tout le monde a l'air assez fatigué, et malgré les sourires échangés, on sent bien que la journée ne va pas être des plus faciles. On s'est couché vers deux heures et demi du matin, ça n'est clairement pas suffisant comme temps de repos quand on sait de quoi sont faites nos journées, d'autant plus que l'après-midi, les garçons enchaînent les interviews, les pubs, les émissions de radio et de télé, etc. D'après ce que dit RM, cet après-midi, ils vont donner un bref concert d'une petite heure et s'en suivra un fansign. Il va leur en falloir du courage, puisque le leader ajoute après cela que demain, on va tourner le troisième clip. Honnêtement, je ne sais pas comment je fais pour encore garder le secret : Aly y apparaîtra, je sais que RM tiendra sa promesse, je lui fais confiance. Même si elle a été faite dans un contexte absolument débile, je sais qu'il fera tout pour que ma sœur ait une apparition, même brève, dans leur clip, simplement parce qu'il m'a juré qu'il ferait tout son possible pour. Je sais que plus que moi encore, RM est quelqu'un de parole sur qui je peux compter, en qui je peux avoir confiance. J'ai vraiment hâte d'être à demain !

« Bon, direction la salle de danse, sourit J-Hope avec entrain.

- Let's go ! »

Depuis quand Jimin est-il aussi enthousiaste ? Bon, je ne vais pas m'en plaindre, ça fait clairement plaisir à voir, d'autant plus qu'il ajoute à son ton enjoué un grand sourire particulièrement contagieux qui réjouit tout le groupe que nous formons autour de la table, et même Suga a l'air impatient d'aller s'entraîner – chose rare, avouons-le, il est plutôt du genre à être pressé que la nuit tombe (pour aller dormir ou composer, ça je ne sais pas). Ainsi donc, si la journée pouvait sembler avoir commencé de façon plutôt banale, tout change grâce aux deux soleils du jour, Hoseok (bon, ça on en a l'habitude) et Jimin, qui a l'air tout excité à l'idée de danser. Ça me fait vraiment plaisir de le voir comme ça, j'en serais presque impatiente d'aller bouger moi aussi... presque (faut quand même pas abuser, c'est chaud deux heures de sport alors que je n'ai pas tout à fait émergé de mon sommeil supposé réparateur).

Ainsi donc, me voilà en train de me préparer, les yeux mi-clos sous l'effet de la fatigue encore très présente (en général les étirements me réveillent). Je me rends dans le couloir un peu avant les garçons et enfile tranquillement mes baskets, prenant mon temps, assise par terre, toujours épuisée par ma nuit (le comble...). Bien évidemment, le premier qui arrive, tout content, c'est Jimin. Il est une vraie pile électrique, c'est dingue, je ne sais pas d'où il tire toute cette énergie, mais s'il pouvait m'en donner un peu, ça ne serait pas de refus. Je suis fatiguée pour un rien ces temps-ci, tout ça parce que je ne dors pas assez et que mon cerveau, comme il en a conscience, fait exprès de me donner cette foutue sensation de fatigue quoi que je fasse, donc oui je suis systématiquement crevée, même quand je me réveille, même quand je mange mon petit-déjeuner, même quand je fais mes lacets.

Et même voir Jimin tout plein d'entrain, ça m'épuise (pas dans le mauvais sens du terme... c'est juste que j'ai l'impression que c'est avec mon énergie qu'il bouge quand je le regarde, alors que de l'énergie, je n'en ai déjà pas assez pour moi seule).

Nous nous retrouvons rapidement en salle de danse, et après quelques échauffements, le chorégraphe nous prend tous pour faire une « répétition générale », autrement dit pendant une demi-heure, on va revoir toutes les chorégraphies auxquelles je participe à la suite et avec des pauses juste entre les séries de trois chansons qu'on fera entièrement même si à un moment on se plante. Je suis assez heureuse à l'idée de pouvoir montrer ce que je sais faire, et lorsque l'on commence, entendre ma première chanson et surtout en faire la chorée sans me planter entre ma hanche et ma taille, ça me fait quelque chose, ça me rappelle un nombre de souvenirs impressionnants, puis on passe à la deuxième chorégraphie, et là toute la difficulté que j'ai eue à l'apprendre me revient brutalement, et tandis que je danse avec Jimin, je me dis que tout ça, c'est derrière moi, car maintenant tous ces pas sont des réflexes que j'ai adoptés, même si ça a été difficile, et même s'il m'a fallu rager contre moi-même pendant un temps fou. Je suis heureuse d'avoir réussi à surmonter toutes ces difficultés, c'est clairement une victoire à mes yeux. Danser ce passage qui a été si éprouvant pour moi avec Jimin, ça a une signification particulière à mes yeux : je l'ai aidé à aller mieux peu après mon arrivée ici, et c'est avec lui que je danse à présent, c'est à lui que je dois faire confiance si je ne veux pas m'appuyer sur ma jambe pour me relever. Et ma confiance, il l'a entièrement. Je n'ai aucun doute à son sujet, je sais qu'il ne me laisserait jamais tomber, quel que soit son niveau de fatigue.

Puis on passe à la troisième chorégraphie, celle que j'ai apprise si facilement en dépit de mes appréhensions. Celle qui clôt tout, celle que mon départ suivra le soir où je la présenterai au public de Séoul. Faire toutes ces danses d'une seule traite, comme ça, même si elles sont entrecoupées de nombreux passages où je dois repartir au fond de la salle, ça me fait quelque chose. Ça me donne un goût à la fois doux et amer d'achèvement, un peu comme si je faisais le point sur tout ce que j'ai appris jusque là, un peu comme si je faisais à mon reflet le résumé de ce mois presque entier que j'ai vécu jusque là. Oui... Mon départ approche, mais il me reste encore, j'en suis sûre, nombre de bons moments à vivre ici, et cette fois-ci, pas de pression, pas d'inquiétude : je connais toutes mes chorées, et même les garçons ainsi que le chorégraphe lui-même s'en impressionnent. Faut dire, moi aussi je m'impressionne pour le coup. Je n'ai pas eu de problèmes pour exécuter chacun de mes pas, non, pas la moindre, même au moment que je partage avec Jimin. Tout a été parfait du début à la fin (oui, je me suis littéralement choquée moi-même). Alors voilà : je connais tout, je n'ai plus rien à apprendre, si ce n'est continuer de revoir toutes mes chorées et ma troisième en particulier, afin d'être sûre d'en maîtriser parfaitement à la fois les mouvements et le tempo.

Malgré tout je suis vraiment confiante. J'ai beau ne pas connaître cette dernière dance depuis très longtemps, je sais qu'elle ne me posera plus aucun problème. Tous les mouvements sont assez naturels, peut-être qu'il faut que je la répète encore bien pour faire vraiment preuve de souplesse, mais quoi qu'il en soit, je sais que ce n'est plus qu'une affaire de répétition, et je sais d'emblée que je ne vais pas vivre ces moments affreux où je sais quel pas faire mais où mon corps refuse tout simplement d'agir. Oui, je suis vraiment heureuse, les difficultés sont derrière moi et je vais juste pouvoir profiter du temps qu'il me reste, le cœur léger.

Enfin.

J'ai la sensation d'avoir réussi ce qui motivait ma venue ici, j'en suis vraiment soulagée, et je vois bien que ma petite sœur a vraiment l'air heureuse de me voir sourire à ce point. Oui j'ai réussi, voilà, et ça me ravit.

Oula, voilà, je suis réveillée et presque aussi dynamique que Chimchim ! La journée commence bien, la journée commence très bien même ! En plus personne n'a encore essayé d'évoquer le problème d'Aly qui, quant à elle, donne l'impression qu'il ne s'est rien passé cette nuit. J'ai le sentiment que c'est bon, on en a parlé, et maintenant qu'il n'y a plus rien à dire, plus besoin d'en discuter, on est passés à autre chose, et c'est exactement le comportement que j'espérais d'eux. Pas besoin de remuer le couteau dans une plaie déjà presque totalement refermée, il faut simplement la laisser cicatriser en paix, le plus douloureux est derrière nous.

Les chansons s'enchaînent et à part quelques petites erreurs que je suis rapidement capable de corriger, il n'y a pas grand-chose à redire. Bien sûr, je ne suis pas au niveau de technique des garçons, qui dansent comme s'ils étaient nés avec ces chorées ancrées en eux, mais du moins j'ai pu acquérir un niveau relativement satisfaisant. Ainsi donc, même si dans le miroir il me manque un petit je ne sais quoi pour être vraiment aussi douée qu'eux, on voit néanmoins que les mouvements sont les mêmes, et surtout on voit que j'y mets toute ma bonne volonté : sourire, dynamisme, je fais tout pour compenser mon manque de talent par ma seule présence (et ça c'est pas facile...).

En vérité, maintenant que je ne passe plus la quasi-totalité de mon temps à vouloir m'étriper moi-même, la séance d'entraînement passe bien plus vite que d'habitude, et après la demi-heure de nos répétitions en groupe, je vais bosser dans mon coin pour être sûre de ne plus refaire les erreurs commises. Aly quant à elle a regagné son habituelle place au fond de la salle, concentrée sur son dessin, et je constate qu'elle en est toujours aux contours, armée de son fidèle crayon noir. Je préfère ne pas aller regarder et me réserver la surprise, car à partir de maintenant, le dessin va vraiment commencer à être superbe et je veux le découvrir une fois terminé, pas avant (du moins je vais essayer de résister à la tentation d'aller jeter un coup d'œil).

Ainsi donc, le temps passe vite et je n'ai même pas l'impression d'être là depuis une heure que déjà le chorégraphe nous souhaite une bonne journée et nous informe qu'il ne pourra pas être là ce soir ; pour une fois qu'il prévient qu'on s'entraînera seuls...

De retour à l'appartement, direction la douche pour se débarrasser de la sueur. C'est de pire en pire, dès que je commence à transpirer, ma peau me démange et dans mon dos, c'est comme si mes derniers boutons d'acné étaient en train de cramer. On n'en parle pas assez de la torture liée au fait de transpirer... Et bien sûr l'effet transpiration ajouté aux frottements de la brassière, ça continue de me bousiller la peau du dos (boutons, rougeurs, on ne va pas s'étendre sur le sujet). Ah, la joie du sport intensif quand on est une fille !

L'eau sur mon corps me prodigue une sensation de bien-être et je prends mon temps sous de l'eau presque bouillante, savourant de me sentir propre (c'est dingue comme on ne se rend pas compte que ce genre de petites choses peut faire du bien). Je m'habille rapidement et quand je sors, imaginant à tort voir comme d'habitude Aly dans notre chambre, c'est V qui se trouve là, sagement assis sur le lit de Jungkook (le mien quoi), en tailleur, les yeux rivés sur son portable.

« Qu'est-ce que tu fous là ? demandé-je simplement.

- Je t'attendais.

- T'as pas imaginé que j'aurais pu sortir juste avec une serviette ou un truc du genre ?

- Hum... Si j'y ai songé, admet-il en levant des yeux rieurs vers moi.

- ... Taehyung, tu es quelqu'un de très perturbant...

- Non, à peine. »

Son sourire angélique vient prendre place sur son visage, je fonds littéralement, mais je n'oublie pas de noter dans un coin de ma tête de ne jamais sortir de la salle de bain sans être au moins vêtue de mon pyjama. C'est que c'est quand même un petit pervers ce gamin, faut pas imaginer qu'il n'y a que de l'innocence sous cet adorable visage.

« Bon, et sinon tu avais besoin de quelque chose ?

- Pas spécialement, je voulais juste être un peu avec toi. »

Ça y est mon cœur a complètement fondu... pourtant je trouvais que ces derniers temps j'arrivais mieux à contenir mes sentiments...

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