Je vois leur visage marqué d'intérêt et poursuis mon histoire :

« Certaines nuits, je la sentais bouger, simplement parce qu'elle n'arrivait pas à s'endormir ou parce qu'elle voulait aller prendre un verre d'eau, mais chaque fois j'avais peur qu'elle aille recommencer à faire n'importe quoi et comme j'avais le sommeil léger, ça me réveillait en sursaut. »

Et encore aujourd'hui, il m'arrive de me réveiller avec la peur au ventre, des larmes ruisselant sur le visage, simplement parce que je me revois dans cette situation.

« On s'endormait ensemble, je passais ma main dans ses cheveux pour la rassurer, et même si ça ne marchait pas forcément très bien, ça avait au moins le don de l'apaiser. Et puis j'ai réussi à la convaincre d'aller à la K-con. Elle était ravie, elle voulait tellement voir son bias, Jungkook, que je n'ai pas eu à essayer de lui faire entendre raison très longtemps à propos de son poids, lui répétant que vous vous moquiez bien du physique de vos fans. Alors elle y est allée, mais comme je n'avais pas de billet, je n'ai pas pu assister au concert que vous avez donné, je l'ai laissée seule à l'entrée et quand elle est sortie, je vous assure qu'elle avait un sourire immense, un sourire comme elle n'en avait pas eu depuis bien longtemps.

« L'entendre chanter vos chansons, ça m'agaçait, et j'avais beau ne rien avoir contre vous, j'en avais tout simplement marre. Mais quand elle est sortie et m'a expliqué son sourire, je n'ai plus jamais réussi à vous en vouloir pour quoi que ce soit : pendant le concert, Jungkook passait l'essentiel de son temps du côté gauche de la scène, alors qu'Aly était à droite, mais celui qui était alors à droite, Jimin, c'était toi. Tu ne t'en souviens probablement pas, mais ce jour-là, il y a eu une jeune fille qui t'a fait signe, elle te regardait avec des yeux suppliants, et toi, tu as posé ton regard sur elle, tu l'as fixée avec un grand sourire, sans la moindre trace de dégoût, et tu as formé un cœur à l'aide de ton pouce et de ton index. Depuis, elle a commencé à écouter tes chansons solo en boucle, elle a vu les points communs que vous aviez, et c'est comme ça que tu es devenu son bias, tout simplement parce que tu lui avais redonné envie d'être heureuse, tu lui avais redonné confiance en elle, elle se sentait enfin bien dans sa peau, comme si le fait que tu lui souries lui avait fait comprendre qu'elle n'était pas laide, qu'elle méritait ton regard, ton finger heart.

« Depuis ce jour-là, elle a recommencé à être la fille joyeuse que j'avais connue. Tu sais quoi ? Je ne me lassais même plus de l'entendre répéter en boucle tous les détails de son concert, simplement parce que chaque fois qu'elle en parlait, elle avait des étoiles qui illuminaient son regard, et l'excitation dans sa voix était si douce à entendre... Alors j'ai commencé à vous apprécier sans même vous connaître, et même si je continuais d'engueuler Aly chaque fois qu'elle chantait un peu trop fort, secrètement j'étais tellement contente de l'entendre de nouveau chanter avec enthousiasme, que je ne pouvais que me dire que c'était grâce à vous qu'elle allait mieux. C'est pour ça que j'ai une aussi haute opinions de vous je crois... Vous êtes ceux qui lui ont permis de s'en sortir. Et c'est aussi pour ça que même sans avoir vraiment entendu votre musique, j'avais déjà du respect pour vous. Vous avez fait énormément pour elle, je ne vous remercierai jamais assez. »

Je pense que c'est pour ça qu'Aly a accepté que je leur parle de son problème, simplement parce que ce sont eux qui lui ont permis de le résoudre. Oui, c'est grâce au magnifique sourire de Jimin que celui de ma petite sœur est revenu, c'est parce qu'il lui a accordé son attention et un petit cœur qu'elle a réalisé qu'elle n'était pas laide – personne ne l'est, c'est une notion beaucoup trop subjective pour être prise au sérieux – et c'est en comprenant cela qu'elle a réussi à s'en sortir. Aujourd'hui Aly a cessé tout ça, d'ailleurs il ne lui a fallu pas même un mois pour remonter la pente, c'était dingue, et ça fait aujourd'hui deux ans que sa joie de vivre ne la quitte plus. Alors ça fait deux ans que moi aussi j'ai retrouvé le sourire. Tout ce qui compte, c'est elle, parce qu'à l'époque, nous sentions qu'il n'y avait que nous deux : j'étais la seule à qui Aly parlait, j'avais l'impression de devoir l'aider sans y parvenir, je suis sa grande sœur et parce que nos parents ont presque toujours été absents, j'ai le sentiment que c'est à moi de la protéger, c'était pour ça que me sentir si impuissante pendant cette période difficile m'avait anéantie. C'était un peu comme si j'avais failli à mon devoir, comme si je n'étais pas capable de prendre soin de ma petite sœur.

« Charlie... Si on avait su...

- Elle ne voulait pas que vous sachiez, Jungkook, le rassuré-je, et c'est pour ça qu'elle a réagi si brutalement quand tu as découvert sa cicatrice. Je pense que tôt ou tard, elle vous en aurait peut-être parlé, mais savoir que tu l'avais découvert par toi-même, que potentiellement cette marque pouvait te dégoûter, ça lui a fait mal, simplement parce que ça a fait ressurgir tous ces moments douloureux.

- Et toi ça va ? s'inquiète Jin.

- Oui je t'assure, dis-je avec un sourire. Raconter la fin de l'histoire, ça fait toujours du bien par rapport au début, ça me rappelle que tout ça est depuis bien longtemps derrière nous. »

Il me sourit avec tendresse et acquiesce, puis le maknae se lève brutalement et file hors de la chambre. RM s'apprête à l'en empêcher, mais je hoche négativement la tête, lui faisant comprendre qu'il vaut mieux le laisser, surtout s'il s'agit d'aller parler à Aly. Jimin hésite mais finit par y aller aussi. Jin me serre toujours contre lui, inconsciemment je crois puisqu'il est simplement assis à côté de moi, les yeux rivés sur le vide, son bras entourant mes épaules. Tout le monde est calme et silencieux, puis le lit sur lequel nous avons tous pris place s'affaisse tandis que V en descend. Il vient se planter devant moi et me regarde d'un air interrogateur.

« T'es sûre que ça va ?

- Oui, je te jure. »

Il s'accroupit face à moi et pose ses mains sur mes genoux avant de pencher très légèrement la tête de côté, de sorte à pouvoir me voir correctement, et ça lui donne en même temps un air doux et innocent. Il m'interroge silencieusement puis se relève et pose avec une douceur infinie ses lèvres sur mon front. Je souris et ne songe pas même un instant à m'écarter, simplement parce que je sais que c'est juste pour me réconforter qu'il fait ça, et qu'au fond de moi j'ai besoin de cette marque d'affection. Ainsi, alors qu'il ne s'y attend pas, je me relève à mon tour et le prend dans mes bras, susurrant un simple « merci » à son oreille. Si j'avais le courage de faire un long discours, je le ferais, mais ce seul mot résume tout ce que je voudrais lui dire. Oui, merci d'être toujours là.

Au départ surpris, il se reprend rapidement et m'enlace à son tour, passant tendrement sa main dans mes cheveux.

« Toujours pas décidée à faire une mèche bleue ?

- Tu me fatigues, dis-je en souriant.

- C'est pas pour ça que tu m'aimes ?

- Si, probablement...

- Je le savais. »

Je cale un peu plus agréablement ma tête dans son cou et finis par me détacher de lui, toujours sur mon petit nuage. Ça me fait un peu mal de le prendre dans mes bras sans pouvoir lui dire ce que je ressens vraiment, mais peu importe parce qu'il m'est toujours d'un tel soutien que tout le reste s'efface.

« Je vais aller les voir, dis-je en bâillant, parce qu'en attendant, j'ai sommeil quand même. »

Je souhaite rapidement bonne nuit aux garçons, leur demandant d'éviter d'évoquer le sujet devant Aly, à moins qu'elle ne l'évoque la première. J'ai l'impression qu'ils ne savent pas du tout comment réagir, ils se contentent de hocher la tête sans rien ajouter et quand je m'en vais, ils n'esquissent pas le moindre mouvement ni ne disent le moindre mot. Ça les a complètement soufflés j'ai l'impression. Faut dire ça faisait longtemps que je n'avais pas songé à cette période, chaque fois que ça commence à me revenir en mémoire, je préfère penser à autre chose plutôt que de m'imposer la souffrance de revoir ces moments. Alors oui, il m'arrive encore de me réveiller en sursaut après avoir cauchemardé de ces nuits affreuses pendant lesquelles il arrivait à Aly de pleurer dans mes bras des heures durant. Mais tout est fini, c'est ce qui importe le plus.

Quand j'arrive dans ma chambre, je trouve un tableau particulièrement touchant : Aly, assise en tailleur au milieu de son lit, est encadrée par Jungkook et Jimin qui sont simplement silencieux, lui apportant sans un mot tout leur soutien. Les larmes de ma sœur ont laissé sur ses joues quelques traces et ses yeux sont toujours rouges, mais un fin sourire orne ses lèvres lorsqu'elle lève vers moi son petit visage rond.

« T'avais raison, je crois que j'ai bien fait de leur dire, acquiescé-je simplement.

- Oui... Savoir qu'ils sont au courant, ça me donne l'impression d'être un peu plus proche d'eux.

- Parce qu'on n'est pas assez proches là ? demande Jimin en souriant tandis qu'il la prend dans ses bras pour la serrer contre lui.

- Si, trop ! Éloigne-toi tu m'étouffes !

- Pff, on dirait Charlie.

- On a grandi ensemble, ça explique probablement tout...

- Rabat-joie... »

Elle plisse les yeux tandis qu'elle retrousse son nez, prenant dès lors une expression bien trop mignonne pour être réelle. Jungkook lui pince la joue, lui faisant alors lâcher un petit gémissement enfantin tout aussi adorable que sa bouille d'ange.

« Kook, ça fait mal, je ne suis pas en porcelaine mais faire preuve d'un peu de douceur, ça ne te tuera pas.

- Parce que t'es du genre à faire preuve de douceur toi peut-être ?

- Non, mais si t'étais un homme bien, tu saurais qu'il faut faire attention aux jeunes demoiselles.

- Bah je suis au courant, mais t'es une sale gamine, pas une jeune demoiselle.

- Répète un peu ! »

Aly bascule brutalement, s'agenouillant sur les jambes de Jungkook qui a à peine le temps de se rendre compte de ce qu'il se passe que déjà l'adolescente plaque ses mains sur son torse de sorte à le pousser avec véhémence, si bien qu'il tombe à la renverse, allongé sur le lit, ma sœur au-dessus de lui.

Alerte, Kookie rougit, trop mignon pour mon petit cœur ces deux là...

« Aly c'est gênant, bouge ! »

Jimin et moi on les regarde avec un sourire moqueur, mais Aly ne s'en rend pas vraiment compte et elle se penche légèrement vers Jungkook avant de lui donner un petit coup sur la joue, pour le provoquer plus encore.

« Moi je suis une sale gamine, et toi t'es un abruti fini, on fait la paire non ? »

Jungkook ouvre des yeux étonnés tandis qu'elle s'écarte, à son tour les joues écarlates, l'air légèrement gêné alors qu'elle vient de se rendre compte de la façon dont elle était positionnée. Je ship, je ship à fond même !

« Merci d'avoir été là, même si t'es bête, dit-elle plus doucement. Ça m'a fait du bien. Et merci à toi aussi Jimin.

- C'est normal, sourit ce dernier.

- Pourquoi « même si t'es bête » ? relève Jungkook l'air las.

- Laisse tomber, je suis fatiguée, se justifie Aly. Au dodo tout le monde, il est tard et j'en connais une qui veut dormir. »

Est-ce de moi dont elle parle ? Est-ce que parce que je suis allongée le visage plongé dans mon oreiller je dois me sentir concernée ?

« Ah oui je vois, se marre Jungkook. Bon, si t'as besoin de parler ou quoi que ce soit d'autre, n'hésite pas à venir nous réveiller, on comprend que même après tout ce temps, ça puisse être un peu difficile.

- Ce qui m'a mise dans cet état, admet Aly, c'étais surtout... d'imaginer que ça puisse te dégoûter d'avoir senti cette marque sur mon ventre. Les souvenirs, je les revois souvent, ils ne me font plus rien maintenant, mais les regards des autres... et le tien particulièrement... C'est encore difficile.

- Je ne te critiquerai jamais pour quelque chose de ce genre, d'abord puisque ce qui est fait est fait, et ensuite parce que ce problème n'est clairement plus d'actualité, mais je veux que tu te sentes bien dans ta peau, c'est tout. T'es presque aussi à croquer que les gâteaux que tu passes tes journées à avaler.

- Pas touche à mes gâteaux, compris ? »

Il baisse la tête, mimant un air dépité, mais il ne peut empêcher son sourire de poindre aux coins de ses lèvres. Oui, Aly est quelqu'un de profondément optimiste, elle n'aime pas parler de ce qui est susceptible de ne pas faire sourire les autres, alors cette histoire, elle veut simplement l'oublier.

Et moi je veux simplement dormir, je suis fatiguée par tout ça...

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Et là on comprend pourquoi le sourire a une place aussi importante dans Songwriter. <3