Chapitre 136
Ces deux judas me laissent donc seule avec Taehyung dans une position plus qu'embarrassante quand il s'agit de deux personnes du sexe opposé... ou de deux personnes susceptibles de développer des sentiments l'une pour l'autre, peu importe le sexe. Pourquoi il faut toujours que je me retrouve dans ses bras aussi ! Et pourquoi c'est différent avec lui ! Je peux prendre Jimin, Yoongi ou n'importe lequel des garçons contre moi sans problème alors que lui... Non en fait, je veux pas trouver de réponse à cette question.
« Dis-moi ce qui te rend comme ça, murmure V à mon oreille.
- Non je peux pas...
- Allez, je ne te jugerai pas, tu me connais.
- Justement, et puis je ne veux pas quand même. C'est juste Aly qui s'amuse à se moquer de moi, et là c'était la fois de trop.
- À ce point ?
- Oui.
- Elle t'a dit quoi ?
- Je peux pas te le dire, c'est humiliant...
- Tu ne me fais pas confiance ?
- Non.
- Et sérieusement, tu ne me fais pas confiance ?
- Bien sûr que si idiot. »
Il ne dit rien mais je peux deviner son sourire sur son visage. Ne le fixe pas Charlie, ne lève pas les yeux, sa voix est déjà assez envoûtante sans y ajouter son regard...
« C'est juste que parfois, reprend-t-il, t'es un peu... différente. Je sais bien que tu n'es pas très tactile de nature et que ça peut te déranger que je te prenne dans mes bras sans prévenir... mais moi ça me fait du bien, quand t'es avec moi j'ai l'impression que tous mes soucis s'évaporent. »
J'entends distinctement l'émotion dans sa voix et, touchée, je me redresse un peu afin de pouvoir convenablement accentuer ma prise sur lui, le liant un peu plus encore à moi tout en me pinçant la lèvre. Je ne supporte pas quand des gens autour de moi se sentent mal, et encore moins quand ils se sentent obligés de le cacher. Dans ces moments-là, plus rien ne m'empêche de prendre la personne dans mes bras, il n'y a plus ces barrières que la gêne plante devant moi.
« Ça n'est pas de ta faute, soupiré-je, je suis désolée si mon comportement peut te vexer, mais... je ne sais pas comment l'expliquer. C'est juste que... partager un appartement avec huit personnes, ça change. »
Excuse de merde...
« Du coup tu n'es pas gênée avec moi ? sourit-il dans un regain de bonne humeur.
- Non, non, t'inquiète. »
Ouh la menteuse...
« Et tu me fais confiance ? En vrai ?
- Je t'ai déjà dit que oui.
- Dans ce cas ferme les yeux.
- Hein ?
- Si tu me fais confiance, ferme les yeux, tout de suite. »
Je n'ose pas répliquer et, lorsqu'il pose ses mains sur mes épaules pour m'obliger à m'asseoir face à lui, j'obéis et ferme les yeux sans savoir ce qui m'attend. Les secondes s'égrainent lentement, je n'entends que nos souffles qui se mêlent puisqu'il n'est pas si loin de moi, chose qui me perturbe un peu je dois dire, un tout petit peu...
Bon d'accord je suis en panique totale mais je n'ose pas ouvrir les paupières de peur de le vexer.
« C'est bon tu peux les rouvrir. »
J'obéis et le regarde avec un petit sourire, soulagée en comprenant qu'il ne comptait rien faire, qu'il voulait juste voir si j'avais une confiance aveugle en lui.
« Oh ça me fait plaisir que même en dépit de mon caractère tu sois aussi gentille avec moi, je t'aime Charlie ! »
Non V, juste pas ces mots, ça fait ressurgir des images que je veux oublier. Il vient planter un baiser sur ma joue et je fonds littéralement à ce contact. Bordel de merde, il faut que je fasse ralentir mon cœur, je frôle la crise cardiaque moi...
« Allez viens ! lance-t-il en se levant. On ne va plus tarder à devoir aller répéter.
- J'arrive. »
Je le regarde avec tendresse tandis qu'il s'en va et je me décide finalement à le rejoindre après avoir passé ma tenue de sport. Je retrouve le groupe dans l'entrée et Aly me jette un petit sourire taquin avec un regard sur son téléphone... Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression qu'elle tient à tout prix à me rappeler cette fanfiction dont elle m'a lu un passage, hypothèse confirmée quand ses yeux basculent sur V de façon explicite.
En salle de danse, les répétitions sont un peu moins énergiques qu'à l'accoutumée, le concert nous a tous épuisés, ça se voit. Pour ma part, toute la pression que j'ai l'habitude de me mettre me fatigue énormément une fois l'adrénaline retombée, comme un contrecoup dont je dois supporter le poids ensuite. Mes mouvements sont plus lents, moins assurés, et à plusieurs reprises je me surprends même à ne pas être dans le rythme alors que ce n'est habituellement pas ça du tout le problème.
Je me sens vidée de mon énergie, il est bientôt minuit, je n'ai qu'une envie, c'est de dormir autant que la nuit dernière, et inconsciemment, je pose mon regard sur les garçons qui s'entraînent à côté de moi. Ils sont encore débordants d'énergie, ils doivent littéralement se shooter au coca et à la caféine, ce n'est pas possible autrement. 'A force de les regarder avec une tendresse presque fraternelle, de nombreux sentiments se mêlent en moi, beaucoup de choses sur lesquelles j'ai du mal à mettre des mots, un sentiment de joie et de peine, quelque chose d'un peu étrange et...
« Je dois y aller ! m'exclamé-je en réunissant les quelques affaires que j'avais amenées avec moi.
- Mais qu'est-ce que tu fais ? s'étonne Namjoon puisque le chorégraphe n'est pas là.
- Je sens que cette fois-ci, c'est la bonne, lancé-je en filant vers la porte, j'ai des idées, plein d'idées, trop d'idées !
- Pour ta chanson ?
- Exactement !
- Attends ! »
L'appel de Suga m'arrête dans ma course et je trépigne en lui demandant ce qu'il me veut : pour une fois que des vers cascadent littéralement dans mon esprit, je veux en profiter avant que tout s'en aille comme une bulle qu'il suffirait d'éclater.
« Viens. »
Yoongi plante littéralement le groupe et, passant devant moi, il attrape mon poignet pour me tirer à sa suite dans les couloirs. Un peu étonnée, je ne bronche pas cependant et je me laisse faire docilement. Il sait ce que c'est que d'écrire, il sait ce que c'est que de sentir ce flot d'émotions qu'on ne sait exprimer autrement qu'à travers la musique, je lui fais totalement confiance.
On s'arrête devant une porte proche de celle du studio personnel de RM et Suga s'arrête avec un petit rictus qui témoigne de sa fierté avant d'ouvrir la porte en déclarant d'un ton presque solennel :
« Voici mon repaire, je l'appelle le genius lab.
- Quel humilité, plaisanté-je.
- Au lieu de te moquer entre, idiote. »
J'obéis et il referme derrière nous avant de s'asseoir sur la chaise de bureau en cuir noir qui se trouve face à un gros écran relié à un ordinateur portable et encadré par deux enceintes. Tout ici se rapporte à une technologie que je ne maîtrise pas et quand je lui lance un regard interrogateur, il se lève et m'invite à m'asseoir, ce que je fais pour ne pas le contrarier.
« Ici tu auras tout le calme nécessaire pour écrire tes textes, c'est insonorisé et personne ne viendra te déranger, je peux te le garantir, sinon ils savent à qui ils auront affaire. »
Il me montre un paquet de feuilles vierges ainsi qu'un pot à crayon, et je l'en remercie mille fois avant qu'il ne s'en aille, me lançant un regard encourageant qui me pousse à être encore plus remontée à bloc. Puisque j'ai eu la drôle d'idée d'amener mon calepin avec moi, j'ai sous les yeux mes quelques vers déjà écrits que je m'empresse de déchirer et de jeter à la poubelle : j'ai de bien meilleures idées que je commence à écrire sur une des feuilles que Yoongi a laissées à ma disposition. Les mots viennent seuls, pas besoin de forcer quoi que ce soit. Je me tais, me concentre sur les battements de mon cœur et leur origine, puis tout me vient aussi naturellement que le fait de respirer. L'encre coule sur le papier à une vitesse hallucinante, les caractères se tracent sans mal, je n'ai aucun doute, aucune hésitation, et les rares fois où je cherche mes mots, je m'arrête, ferme les yeux, écoute mon âme, et repars aussitôt.
Une séparation douloureuse mais qui laisse de doux souvenirs ; le jour de mon départ loin des BTS. Pas besoin d'aller chercher plus loin, je retranscris tous les sentiments qui m'inondent chaque fois que je m'imagine à des milliers de kilomètres d'eux et je suis immédiatement on ne peut plus inspirée. Car oui, me connaissant je vais pleurer, les quitter va être un coup affreusement douloureux, mais qui me laissera de si beaux souvenirs qu'à jamais je sourirai en me rappelant ces moments. C'est ainsi que les protagonistes de la chanson perçoivent leur séparation : un moment difficile à passer mais qui laisse une douce nostalgie s'emparer d'eux par la suite. Un rap un peu plus appuyé pour marquer la douleur, un chant doux qui me permet d'exploiter cette fois-ci les aigus de V et Jimin, non ceux de Jin ou Jungkook, et même une partie instrumentale d'une dizaine de secondes avant le refrain de la fin qui marque une forme de césure entre le moment triste de la rupture et le moment heureux du souvenir, ultime refrain où V et Jimin vont devoir jouer avec leur voix comme jamais – mais je leur fais confiance, ce sont des professionnels on ne peut plus entraînés, ils y arriveront.
Les minutes passent à une vitesse affolante, je n'arrête plus d'écrire, il me faudra faire des coupes sinon quoi la chanson durera sept ou huit minutes, mais tant mieux, je préfère avoir trop de vers et retirer ceux qui me paraissent moins beau plutôt que de ne pas en avoir assez et faire face à un mur comme ces derniers jours. Des images d'Aly me viennent, je me mets à sa place, imaginant quelles émotions traverseront son cœur lorsqu'elle dira adieu à Jungkook et ses idoles, et mon cœur se serre pour elle, m'envoyant par la même occasion de nombreuses rimes à exploiter, et il en va de même quand je me vois prendre Jimin et V pour la dernière fois dans mes bras. Une douleur aigüe torture mon pauvre petit cœur, les paroles s'enchaînent et ce n'est que lorsque l'une de mes larmes s'échoue tristement sur le papier que je me rends compte de mon état. Je renifle bruyamment et essuie mes yeux d'un revers de la manche sans arrêter d'écrire pour autant. Plus les mots viennent, plus mon état empire et je ne peux plus arrêter les larmes qui coulent, me contentant de les ignorer. Pour une fois je m'autorise à penser à mon départ d'une façon plus profonde qu'un simple « ça va faire mal ». Je me vois déjà les serrer un à un dans mes bras, éclater en sanglots bêtement devant eux. Je me vois rentrer en France et tenter de garder en mémoire chacun de leurs traits, chaque sourire qu'ils m'ont fait, chaque sonorité de leur rire, chaque moment de tendresse que l'on a eu. Ça me déchire, mais les mots n'en sont que plus beaux car pour moi, seuls les sentiments violents, les passions en somme, sont capables de produire cette inspiration que j'attendais depuis des jours.
Une fois le texte terminé, je raye certains passages qui allongent trop la chanson sans avoir un intérêt particulier et j'arrive rapidement à une longueur correcte. Je lance un regard à mon téléphone pour voir l'heure et je reste un instant sonnée quand je vois les chiffres indiqués : ça ne fait pas même une heure que je suis ici alors que j'ai écrit les paroles et la musique.
Ça valait bien le coup de se faire chier pendant des journées entières...
Un petit sourire naît sur mon visage et je relis rapidement ma composition avant de la recopier dans mon carnet et de remonter à l'appartement. Les garçons devraient rentrer d'ici quelques minutes à peine puisque les entraînements finissent vers une heure du matin ; je vais manger un petit quelque chose puis prendre ma douche en les attendant pour leur annoncer la bonne nouvelle et c'est dès l'instant où j'en sors que je les entends rentrer. Je m'élance vers eux et saute dans les bras de Jimin sans hésiter, criant victoire.
« Ça y est ! Je l'ai terminée ! Ma chanson est finie ! »
Et prononcer ces mots me donnent un coup violent au cœur : ma dernière chanson est achevée, tout va s'accélérer désormais jusqu'au moment où je partirai. Je me tais et serre Jimin d'une façon presque désespérée, et je crois qu'il comprend puisqu'en dépit de la chaussure qu'il lui reste à enlever, il m'enlace à son tour d'une façon à la fois tendre et brutale.
« J'ai fini... »
Mon murmure, seul Jimin l'entend et sa main passe de façon affectueuse dans mon dos comme pour m'assurer que tout ira bien.
« Tu nous montreras ça au réveil, dit-il en se détachant de moi, on a hâte de savoir ce que ça donne.
- T'as été super rapide, s'étonne Suga.
- C'est venu tout seul, expliqué-je simplement.
- Ça a quelque chose à voir avec le fait qu'on dirait que tu viens de pleurer ? demande V.
- Hein ? »
Je passe ma main sur mes yeux, ils ne sont plus humides, mais je n'avais pas pensé aux éventuelles traces que ça pouvait laisser.
« C'est rien, j'étais bien trop plongée dedans, ça m'a émue.
- Ah je comprends, dit Tae en laissant son sourire prendre le pas sur sa mine inquiète. C'est cool de te voir si impliquée. »
J'acquiesce et retourne dans ma chambre, suivie par Aly qui souhaite joyeusement une bonne nuit à la petite bande. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de différent en moi, comme si libérer tous mes sentiments à propos de mon prochain départ avait changé quelque chose. Ce n'est pas quelque chose qui m'attriste, ça me donne simplement la sensation de fierté, comme si j'avais accompli quelque chose de grand, très grand, un peu comme si je me retrouvais sur la première marche d'un podium en fait, et c'est avec cette sensation de plénitude que je m'endors.
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