Chapitre 74

J'ai oublié de le préciser mais pour ceux qui lisent aussi Aurore, le chapitre 4 sortira vendredi. ;)

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Je la regarde quelques secondes sans savoir quoi répondre. Ses sourcils froncés m'indiquent à quel point elle est énervée contre moi et je comprends complètement. Je savais ce que je faisais en mangeant de moins en moins, je savais que j'allais la décevoir elle en particulier, et c'est pour ça que depuis que j'ai commencé à ne plus aimer ma silhouette je m'en veux terriblement.

Le dos appuyé contre la porte, elle attend très visiblement que je m'explique, mais je n'en ai pas la force : ma tête me fait toujours souffrir et je suis contrainte de m'asseoir sur mon lit pour être sûre que mes jambes ne m'abandonnent pas avant. Je passe mes mains sur mon visage ; cette situation me gêne, elle est clairement en position de force et je sais que je vais craquer, que je vais tout lui avouer, et qu'elle sera furieuse et très peinée. Rien que d'imaginer que je vais l'attrister à ce point, je me sens horriblement mal et immédiatement une boule se forme dans ma gorge tandis que mes yeux ne réclament plus qu'une chose : verser toutes les larmes que j'ai pu retenir devant tout le monde ces derniers jours.

Voyant que je ne réponds pas, Aly souffle d'exaspération et reprend :

« Tu crois que je ne te connais pas assez pour ne pas remarquer que tu ne manges presque rien ? Tu crois que je ne te connais pas assez pour ne pas voir quand tu me mens ? Tu crois sérieusement qu'on n'a pas passé assez de temps ensemble toutes ces années pour que je ne voie même pas que t'as perdu du poids ?

- Alors pourquoi t'as rien dit ?

- Mais merde Charlie je croyais que j'étais celle à qui tu disais tout ! J'espérais que tu te confies à moi ! »

Son visage change et à la colère se mêle brusquement une profonde tristesse.

« Dès que je suis arrivée j'ai été alarmée de te voir aussi maigre, sérieux ! Je me suis dit que si tu ne me parlais pas le premier soir, c'était parce que tu ne voulais pas gâcher nos retrouvailles, mais de plus en plus je me demande si tu comptais m'en parler un jour ou l'autre !

- Aly tu comprends pas ! Je voulais que tu sois fière de moi, je voulais juste être parfaite pour les rares apparitions que je ferais aux côtés de ceux que tu aimes plus que tout ! Cette lueur de fierté dans tes yeux à chaque fois que je te racontais comment ça se passait, je voulais l'entretenir plus que tout, peu importe le prix ! Et puis avec tous le monde qui s'acharnait sur moi parce que j'avais soi-disant des hanches et des cuisses... Putain je ne peux pas lutter contre le monde entier !

- Mais dans ce cas tu m'en parles et moi je vais leur buter leur mère à ces connards qui osent te parler comme ça, même si c'est le monde entier j'en ai rien à battre ! »

J'esquisse un sourire en entendant ces mots, mais pour autant le ton reste très tendu entre nous. Ma sœur fait quelques pas et vient se poster devant moi.

« Regarde-toi, tu tiens à peine debout et ça ne fait même pas encore deux semaines que tu es là, comment tu comptes tenir un mois entier ?

- Ça va.

- Tu te fous de ma gueule ou quoi ? Tu crois vraiment être en position de dire ça alors que tu es dans cet état ? On dirait de plus en plus un squelette c'est ridicule !

- Arrête de crier s'il te plaît, tu me donnes mal à la tête... »

Sa voix est stridente et bourdonne à mes oreilles, c'est horriblement désagréable, mais le seul résultat que j'obtiens, c'est qu'elle s'énerve encore plus.

« Ah c'est moi qui te fais mal à la tête ? C'est un sketch c'est ça ? Ton mal de tête, tu le dois à ton régime ridicule et à ta surdose d'entraînements ! Si au moins tu mangeais normalement tu pourrais supporter tout ce sport, je te connais je sais que tu y arriverais, mais avec un verre d'eau dans le ventre, tu ne risques pas de tenir, crois-moi ! »

Je plaque ma main sur mon front en soufflant sans discrétion et je sens les premières larmes m'échapper. Á partir de là, je sais que je vais inévitablement finir en pleurs et pathétique, face à elle à qui je ne voulais pas montrer ma frustration. Je n'aurais tenu qu'un jour et demi, bravo la discrétion, en plus elle a tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas. C'est ma sœur après tout, j'aurais dû m'en douter, mais malgré ça j'aurais préféré qu'elle ne voie rien. Ce sont mes problèmes et en ce moment, j'ai l'impression que beaucoup trop de monde souhaite que je m'exprime à ce sujet...

Les premières larmes ne tardent plus et, perdu pour perdu, je laisse ma peine s'exprimer, me relevant brusquement en hurlant à mon tour.

« Et alors ? Je ne supporte pas d'être critiquée sur mon physique, surtout par des cons qui ne sont pas meilleurs que moi ! Je suis venue ici pour qu'on reconnaisse mes capacité de compositrice, pas pour être matée par des abrutis qui ne savent pas séparer le physique et le talent ! Ils aiment ma voix, ils aiment mes chansons, alors pourquoi je suis insultée, rabaissée et humiliée ! Comment ces gens méprisables ont pu me changer si rapidement ! J'ai l'impression de tourner en rond, de ruminer toujours la même rage contre eux et pourtant depuis plus d'une semaine je me plie bêtement au moindre de leurs désirs, ça me rend dingue ! Il n'y a que les garçons qui ne me jugent pas, mais c'est justement parce qu'ils ne me jugent pas que je veux être comme ça : je veux qu'ils soient fiers de moi parce que bordel, je veux leur montrer à quel point je leur suis reconnaissante de tout ce qu'ils font pour moi ! »

Je ne sais même pas si Aly comprend ce que je dis à cause de mes sanglots qui se mêlent à mes larmes, mais je n'en ai rien à faire, ça fait du bien de tout dire à ma sœur ; ce matin quand j'ai parlé à Suga, c'était différent, ce n'était que de la colère et ça m'avait permis de rester relativement calme, mais là c'est la douleur et la peine qui ont pris le dessus et je me sens vraiment bouleversée, comme si un ouragan d'émotions contradictoires soufflait en moi et venait tout détruire sur son passage. Je me sens minable.

Nous sommes interrompues par la porte de notre chambre qui s'ouvre pour laisser voir les sept garçons, l'air grave. Oh pitié ne me dites pas qu'ils comptent aussi s'en mêler...

« Faites lui comprendre vous, dit Aly d'une voix froide. Peut-être qu'elle vous écoutera. »

Pitié Aly, pourquoi tu me fais ça ? Je suis crevée, en larmes, et je n'ai pas la force d'écouter tout le monde.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Jimin est le premier à venir auprès de moi, sur le lit, et à me prendre dans ses bras. Je réponds sans hésiter à son étreinte et pleure doucement en essayant de ne pas tremper son cou de mes larmes. Il frotte mon dos avec délicatesse et Taehyung s'assoit à son tour à côté de moi, participant au câlin lui aussi. Je souris tristement en voyant leur air peiné ; je ne veux pas qu'ils soient affectés par mes problèmes.

« Il se trouve que ma sœur a reçu quelques remarques bien acerbes d'abrutis dont j'ignore encore l'identité mais à qui je me ferai un plaisir d'aller parler une fois que je saurai de qui il s'agit, crache Aly avec fureur. Le problème, c'est qu'étant quelqu'un de peu confiant, elle a été blessée et a finalement cédé à la pression exercée sur elle. Comment vous avez pu la laisser faire ça ! »

Putain j'en reviens pas : Aly m'aime et point d'engueuler ses idoles pour moi sans même chercher à savoir s'ils sont vraiment responsables ou non ? Elle doit vraiment être furibonde pour le coup et je me sens mal pour les garçons qui n'y sont vraiment pour rien.

« Eh on se calme la tigresse, où tu veux en venir ? demande Taehyung sans comprendre mais visiblement pas vexé par les propos d'Aly.

- Charlie enchaîne les malaises depuis qu'elle a décidé de réduire son apport nutritionnel de façon drastique dans l'espoir de maigrir, répond Namjoon en me regardant sévèrement avant de se tourner vers Aly. Or il n'y avait que Yoongi et moi au courant, elle ne le disait à personne et a refusé chaque fois qu'on lui proposait notre aide, ne nous blâme pas pour son comportement, on ne la connaît pas encore assez bien pour savoir comment agir face à ça. »

Jimin se détache immédiatement de moi, imité par Taehyung. Je me sens minuscule tout à coup, comme noyée sous des regards où se mêlent la réprobation, la pitié, la douleur et la compassion. Je vous en prie, il est une heure et demie du matin, je veux juste aller dormir...

« Tu as fait quoi ? balbutie Jimin.

- Depuis combien de temps tu vis ça ? enchaîne Tae.

- Environ une semaine, mais ça n'est devenu sérieux que ces derniers jours, » les informe Nam.

Merde, mais pourquoi il sait tout ça lui !

« Je suis désolé, j'aurais dû m'en rendre compte avant Charlie ! »

Jimin me reprend immédiatement dans ses bras, si bien que la surprise me coupe le souffle. Il me serre désespérément contre lui, comme s'il était convaincu que me lâcher reviendrait à me laisser symboliquement tomber. Taehyung passe sa main dans mon dos lui aussi, visiblement incapable de trouver quoi dire.

« Pourquoi ne nous avoir rien dit ? demande Jimin.

- J'avais honte, dis-je simplement.

- Je t'interdis d'avoir honte, c'est bien compris ? »

Il laisse ses lèvres embrasser mon front pendant qu'il continue ses tendres caresses sur mon dos, mais je n'arrive pas à atténuer mes sanglots pour autant ; il fallait que ça sorte tôt ou tard et la fatigue me rend clairement beaucoup plus émotive. Hoseok et Jin s'approchent timidement de moi et je vois à leurs gestes qu'ils ne savent absolument pas quoi faire face à ça.

« T'es magnifique comme tu es et moi c'est comme ça que je t'aime, reprend Jimin en nichant son visage au creux de mon cou. Je comprends complètement ce que tu ressens, je comprends que tu puisses te sentir dégoûtée par ton corps, je comprends que les regards puissent te faire atrocement mal... mais je t'en prie laisse-nous t'aider. On est quand même bien placés pour savoir ce que c'est, non ? »

Je renifle d'une façon absolument immonde en guise de réponse (sans rire, le truc qui casse complètement l'ambiance bouleversante quoi...). Je souris légèrement et bredouille un « oui » à peine audible.

« Alors dans ce cas écoute-nous, dit Yoongi. On sait de quoi on parle et on ne veut te forcer à rien, mais écoute-nous.

- C'est pas en t'affamant que tu deviendras meilleure, affirme Jin en posant une main amicale sur mon épaule, bien au contraire...

- Tu n'es pas là pour très longtemps, ajoute Hoseok avec un mince sourire, alors profite simplement de tous ces moments sans te soucier de ce que les autres peuvent penser de toi, éclate-toi tout simplement.

- Mais j'espérais...

- Tais-toi, me coupe rudement Suga, on sait tous pourquoi tu faisais ça, mais qui sont les personnes dont le regard t'importe le plus ? Ta sœur et nous ou bien de parfaits inconnus dont tu ignores jusqu'au prénom ? »

Il marque un point...

« Regarde-toi, sourit Jungkook, t'as réussi à te faire un nom dans ce monde avec une rapidité déconcertante, et même avant de te voir, de très nombreuses personnes t'appréciaient déjà pour ton travail, c'est pas ce que tu voulais ?

- Si mais...

- Et moi je ne veux pas que mon bébé Charlie perde ses petites joues toutes mignonnes ! »

Sur ces mots, Taehyung – qui me prend plus pour un poupon que pour autre chose – se met à pincer ma joue sous mes grognements, tandis que je me serre un peu plus contre Jimin dans l'espoir vain de m'éloigner un peu de cette énergumène.

« C'est pas aussi rebondi qu'avant, remarque V, il faut remédier à ça...

- S'il vous plaît, laissez-moi m'en sortir seule, leur demandé-je.

- On a bien vu comment tu t'en « sortais », rétorque le leader. J'ai bien cru que t'allais t'effondrer dans les escaliers...

- Ne perçois pas notre volonté de t'aider comme quelque chose de mal, dit Jin. Ne voie pas ça comme le fait qu'on veut que tu reprennes du poids, sinon ça va te bloquer. Dis-toi plutôt qu'on veut t'éviter un malaise en plein direct... ou quelque chose de plus grave. Tu aurais fait quoi si tu t'étais évanouie ? Pire : si ça t'était arrivé pendant que tu étais dans les escaliers et que tu n'avais pas réussi à te contrôler ? Tu aurais pu tomber et te blesser sérieusement Charlie.

- Et merde, ajoute Jimin, t'as rien de spécial, t'es même un peu garçon manqué, mais tu es magnifique. J'ai jamais eu autant envie de croquer quelqu'un. »

Il se recule légèrement pour venir poser ses mains sur mes joues et, de ses pouces, en chasser les larmes. Il m'attire lentement à lui avant de déposer doucement un nouveau petit baiser sur mon front, frôlant à peine ma peau de ses lèvres. Son geste est d'une délicatesse étonnante et ses lèvres chaudes contre moi sont comme la caresse d'une brise d'été ; je frissonne et laisse un hoquet de surprise franchir mes lèvres, posant mes mains sur ses épaules sans pour autant avoir le courage et la force de le repousser.

« C'est gênant, rétorqué-je une fois qu'il m'a repris dans ses bras.

- Rien à foutre, je le ferai autant de fois qu'il le faudra pour que tu comprennes que tu es loin d'être laide. Personne n'est laid, ce n'est que le regard des autres qui détermine ce que tu es et mon regard, il dit que tu es superbe. »

Ouah, je suis scotchée par les mots de Jimin, ça me touche au point que de nouveau, alors que je me calmais un peu, je me sens prise par les sanglots. Je ne pensais pas qu'il saurait dire des choses aussi belles, qu'il serait capable de me parler de sorte à m'apaiser. Sa sincérité est indubitable, à travers ses gestes il appuie avec force et tendresse ses mots, c'est vraiment touchant, ça me bouleverse complètement. Dans ses bras, je me sens bien, il ne me blâme pas, ne me critique pas ; il essaie de me redonner confiance en moi et de me montrer que je me trompe sans me faire la morale. Il n'essaie pas de me prouver que j'ai tort de faire un régime, il essaie de me prouver que le regard que je porte sur moi-même est biaisé, influencé de la pire des manières par des gens qui ne me connaissent même pas.

Namjoon vient s'accroupir devant moi, cherchant à capter mon attention. Je m'écarte de Jimin pour planter mon regard dans celui du leader qui pose ses mains sur mes genoux, l'air déterminé.

« À partir de maintenant, annonce-t-il, tu prendras tous tes repas avec nous et je surveillerai ce que tu mangeras. On pourra faire un peu plus de musculation si tu veux rester fine, mais il est hors de question que tu t'affames. On veut que tu passes un mois inoubliable ici, on s'est tous attaché à toi tu sais, et quand on te voit dans cet état, on ne peut pas s'empêcher de s'en vouloir et de se dire que c'est un peu notre faute. Alors ne nous fait pas culpabiliser et redeviens la fille joyeuse, souriante et gourmande qu'on a rencontrée il y a deux semaines, d'accord ?

- Mais...

- Charlie, ne m'oblige pas à te forcer à manger de nouveau, soupire Suga, adossé au mur un peu plus loin.

- Euh... Je...je... »

Et voilà que je perds mes mots. Taehyung vient prendre ma main dans la sienne et, affichant un petit sourire encourageant, il entrelace nos doigts, essayant de me prouver – tout comme Jimin un peu plus tôt – qu'il est là pour moi et qu'il ne risque pas de me lâcher maintenant qu'il sait tout ça. Je soupire et viens coller ma joue à l'épaule de Taehyung qui aussitôt ajoute son autre main pour serrer un peu plus la mienne. C'est rassurant, et leurs mots si touchants me donnent envie de faire un pas vers eux, un effort pour leur montrer que je tiens à eux autant qu'ils tiennent à moi et que je ne veux pas baisser dans leur estime pour une historie aussi stupide.

« On peut toujours essayer, » soufflé-je.

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